Déclaration de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, sur la pêche et la protection de l'environnement, à Paris le 18 juin 2018.

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Circonstance : Congrès annuel de la Fédération nationale de la pêche en France, à Paris le 18 juin 2018

Texte intégral


Monsieur le Président Roustan, Mesdames et Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les membres du Bureau de la Fédération, Monsieur le Directeur général de l'ONCFS, Monsieur le Directeur général adjoint de l'Agence française pour la biodiversité, je suis particulièrement heureux d'être là ce matin avec vous pour vos travaux, déjà parce que je suis un ancien pêcheur. Toute mon enfance revient tout d'un coup à la surface. J'ai présidé un département dans lequel il ne manque pas de pêcheurs. J’entends le mot au sens activité du terme, mais pas au sens biblique du terme, à savoir le département de l'Eure dans lequel l'activité est particulièrement dense et chaleureuse.
Merci pour la vidéo et toute l'action menée en lien avec le Tour de France. Il n'y a pas plus belle compétition qui fait parler du pays et de ses paysages dans le monde entier, qui est la deuxième compétition sportive retransmise après les Jeux olympiques et pour lequel il faut le bien-dire pour chacun de nos concitoyens, le spectacle est gratuit puisqu'il suffit de descendre en bas de chez soi pour pouvoir bénéficier de cette expérience assez inoubliable qu'est le Tour. Je reconnais bien la volonté des 1 500 000 pêcheurs de participer profondément à notre identité française en se greffant à cette belle compétition. Vous passerez dans ma commune le 14 juillet, à Vernon puisqu'avec Christian Prudhomme qui est un de mes amis, nous avons aussi choisi d'accompagner le Tour de France cette année.
Je ne vais pas vous lire de discours. J'ai pris quelques notes au fur et à mesure de votre intervention, Monsieur le Président, pour vous répondre, tracer et dresser quelques perspectives et quelques pistes de travail entre le ministère de la transition écologique et les pêcheurs de France, non seulement pour l'année qui vient, faisant peut-être un petit bilan de l'année écoulée et nous tournons complètement pour l'ensemble du quinquennat qu'à cela ne tienne, sur des sujets qui sont les nôtres et pour lesquels vous le savez et vous le sentez bien, la pêche française est soutenue par le Président de la République et par le nouveau gouvernement depuis maintenant un an. D'ailleurs puisque vous avez commencé par-là, Monsieur le Président, vous avez noté que dans l'organigramme de la DEB (Direction de l'Eau et de la Biodiversité) qui appartient à la Direction Générale de l'Aménagement du Logement et de la nature, nous avons fait extrêmement attention à ce que la pêche, votre pêche, figure de manière apparente et soit dans la clarté, sanctuarisée dans cet organigramme. Ce qui permet aussi – je le dis ici publiquement – de poursuivre les nombreux partenariats qui sont noués entre la Fédération et l'État. Je souhaite aussi que tous ces partenariats qui sont en cours puissent être renouvelés.
Plusieurs chantiers, Monsieur le Président, sont en cours, nous attendent ou sont devant nous. Le premier est sans nul doute, le plan biodiversité qui est actuellement en cours d'élaboration et de concertation. Il est piloté par le ministre d'État Nicolas Hulot en personne. Il va comprendre un certain nombre de mesures sur tous les espaces, faune comme flore, en métropole comme en outremer sur des actions tant liées à la connaissance qu'à des actions opérationnelles, clarifiant les rôles de chacun en matière de maîtrise d'ouvrage. Pour ce qui vous concerne très directement, je prends le point sur la continuité écologique sur lequel nous considérons que nous devons pouvoir mieux faire dans les années qui viennent. Ne serait-ce que parce que sur le terrain germent ici ou là – je crois que dans votre programme de ce matin, il en était question – des initiatives qui sont complètement exemplaires et qui nous permettent de bâtir des continuités écologiques qui ne créent pas inutilement de conflits d'usage. J'ai pu l'encourager dans mon propre département. J'ai fait venir d'ailleurs Stéphane Bern à l'occasion autour du plan patrimoine mené par le chef de l'État. En général là où il y a un château pas loin, il peut y avoir de la petite hydraulique qui peut être menée. Des continuités écologiques ont été imaginées sans que la production d'énergie soit un obstacle à la continuité écologique et sans que la continuité écologique, soit un obstacle à la production de l'énergie. Cela, on y arrive.
La Sélune : merci pour vos remerciements publics puisque j'ai dû porter la décision y compris en tant qu'élu normand, auprès d'un certain nombre de collègues de la Manche. La question de la Sélune était devenue un serpent de mer, sans mauvais jeu de mots, qui durait depuis maintenant plus de dix ans et sur lequel il fallait décider et trancher. C'est ce que nous avons fait avec un peu de courage parce qu'il a fallu porter auprès des élus locaux, d'acteurs qui se sont engagés sur ces questions-là depuis longtemps, une décision claire. Au final, nous avons été remerciés par tout le monde, puisque le statu quo et la non-décision étaient devenus source de mépris pour le territoire et pour celles et ceux qui étaient engagés dans ce dossier, quelles qu'en soient les positions.
Plan biodiversité : la concertation et la consultation sont ouvertes. Mesdames et Messieurs les Présidents, je vous invite à vous emparer des outils de concertation pour que la pêche française soit bel et bien présente dans la conclusion des débats tels qu'ils seront rendus début juillet. Mobilisez-vous et mobilisez l'ensemble de votre réseau d'adhérents pour que la pêche se fasse entendre à cette occasion.
Deuxième chantier important, je le mène à la demande du Président Emmanuel Macron. Ce sont les Assises de l'eau. L'eau est un gigantesque sujet. Nous avons décidé d'avoir des assises en deux temps : première partie plutôt petit cycle, deuxième partie pilotée par Nicolas Hulot à l'automne, plutôt grand cycle. Vous pêcheurs, vous êtes très directement intéressés par les deux cycles. Je vous fais la proposition publique de vous associer très directement à la deuxième partie sur le grand cycle, mais sachez que vous n'êtes pas oublié dans la phase petit cycle puisque nous traitons la question des outils de production de l'eau, des outils de retraitement des eaux grises et des eaux noires, la question de l'acheminement de l'eau potable et donc de manière transversale, la question des pollutions qui vous intéressent très directement et sur lesquels nous travaillons avec l'ensemble des élus locaux, du monde de l'eau qu'ils soient publics ou privés. Là aussi, cessons d'opposer l'entreprise privée aux gestionnaires publics de l'eau. C'est un débat d'un autre temps et sur lequel nous avons besoin de nous rassembler.
Vous m'invitez à parler des agences de l'eau, Monsieur le Président. Je vous y réponds donc avec beaucoup de franchise. Il est évident que l'on a besoin des agences de l'eau. C'est un ancien maire et ancien président de département qui vous le dit. Je l'ai dit au président de comité de bassin. Pardon, mais on a besoin d'Agences de l'eau qui investissent. Lorsque l'année dernière nous sommes arrivés aux affaires et que nous avons découvert 700 millions d'euros de trésorerie, je le dis comme je le pense : « L'argent de l'eau, l'argent du contribuable, l'argent du consommateur d'eau n'est pas fait pour être thésaurisé. Une bonne gestion de l'argent public. Ce n'est pas de stocker l'argent, c'est d'investir. » J'assume complètement ce que nous avons fait l'année dernière, à savoir une ponction de 200 millions d'euros sur la trésorerie des agences de l'eau. Je note que cela a eu un effet positif immédiat. Les investissements commencent déjà à repartir avant même la fin des Assises de l'eau qui ont pour objectif de relancer l'investissement.
Votre interpellation était précise. Quelle est la part de ces crédits sur les actions liées à la Biodiversité et aux questions qui vous concernent très directement ? Le plan biodiversité imaginé par le ministre d'État répondra très clairement à cette question. L'idée est de sanctuariser, en tout cas de promouvoir le troisième domaine dans les dépenses de l'Agence de l'eau. Une fois de plus, nous ne sommes pas là pour opposer une politique publique plutôt qu'à une autre, mais une fois de plus, ce ne sont pas les sommes que l'on affiche qui comptent. Ce sont les sommes effectivement dépensées en projets concrets. Une fois de plus pour avoir été président d'un département, on peut vous annoncer des milliards d'euros et des choses tout à fait sympathiques. Ce qui compte, ce sont les projets que l'on peut constater sur le terrain. D'ailleurs, je souhaite que nous ayons beaucoup de transparence d'un point de vue territorial parce que l'on voit bien qu'il y a des dynamiques qui sont différentes en fonction des différents coins du pays. Il faut là aussi se dire un peu les choses. J'appelle d'ailleurs les pêcheurs de France à nous faire remonter ici ou là, s'il y a des freins, s'il y a des lenteurs inhabituelles ou qui ne sont pas souhaitables. Depuis Paris, on parle en grande masse et après, on s'aperçoit quand on regarde à l'échelle d'un comité de bassin, vous avez des départements qui sont extraordinairement moteurs et qui avancent trois fois plus vite que les autres et des départements qui sont à la traîne pour ne pas dire à la rue. Là aussi, il nous faut arriver à avancer. Il n'y a pas de vérité révélée. Il nous faut pouvoir travailler ensemble.
Troisième grand chantier : les questions de police sur lesquelles vous avez fait référence au rapport qui a été rendu au Conseil général de mon ministère, mais également à l'inspection générale des finances, qui s'inscrit dans une réforme plus globale, qui certes a peut-être été appréhendée d'un point de vue médiatique par la chasse, mais je tiens à vous le dire ici devant vous. Elle n'est pas appréhendée que par la chasse. Elle est autant appréhendée par la chasse, que par la pêche, que par tous les usages de la nature et par toutes les dimensions de la ruralité. On a besoin d'une réaffirmation, d'une police importante en milieu rural. Je ne l'ai pas dit pour les agences de l'eau, mais le fil conducteur de ce que nous faisons sur les Assises de l'eau, Monsieur le Président, c'est la réaffirmation de la solidarité de l'urbain vers le rural, sur l'agence de l'eau. J'aurais peut-être dû d'ailleurs commencer par là. Sur la police, je suis extraordinairement militant. Je considère que comme vous, il ne s'agit pas de légiférer. Il ne s'agit pas de signer des décrets et des arrêtés, qu'ils soient ministériels ou préfectoraux si personne n'est là pour les faire appliquer. À quoi cela tient bon. Pourquoi demander à vos adhérents de s'acquitter de droits, de payer un certain nombre de cotisations si d'autres peuvent s'en affranchir sans qu'ils ne soient jamais contrôlés ? Où est la justice dans tout cela ? Il nous faut réaffirmer une véritable police. L'État vous le doit. C'est un service public. Cela fait partie du régalien. C'est ce qui fait que globalement, que l'on soit sous la royauté, sous la République ou sous l'empire, dans notre pays s'il y a bel et bien un fil conducteur, c'est globalement que les Français aiment l'État, à quelques exceptions près qui sont minoritaires. Au contraire, ils souffrent souvent d'un déficit ou d'un manque de l'État plutôt que d'un trop-plein d'État. Là, moi je milite pour non pas un retour, car les équipes de l'ONCFS comme de l'AFB sont complètement mobilisées et j'ai eu l'occasion de le dire plusieurs fois publiquement, accomplissent un travail absolument remarquable.
Force est de constater sans aller trop loin puisque les concertations sont toujours en cours, que nous ne sommes pas complètement au bout du chemin et que le mouvement historique que vous avez rappelé, Président, sur lequel je buvais vos paroles, montre bien qu'il faut encore terminer votre discours et votre phrase. Vous l'avez vous-même fait en pointant du doigt un scénario qui visiblement vous agrée. Je ne suis pas là pour vous faire d'annonce à la place du Premier ministre ou du Président de la République. Sachez que tout ce qui va dans le sens d'une simplification qui permette de massifier les moyens et qui permettrait de rassembler un tout petit peu ce qui est épars est quelque chose qui peut retenir mon attention. C'est une manière de vous répondre plutôt de manière chaleureuse et en encourageant ce mouvement-là. J'inscris ce retour de la police au coeur des réflexions globales que nous menons actuellement avec le Président de la Fédération nationale de la chasse, avec l'ensemble des associations de protection de la nature, mais également les associations qui représentent les élus locaux. Je le vois bien à l'occasion des Assises de l'eau. Vous pouvez multiplier là aussi des arrêtés par exemple sur l'arrosage en plein été, sur tout ce qui est lié au lavage de voitures, etc. Vous avez des maires qui prennent beaucoup d'actes réglementaires, mais comme il n'y a plus de garde champêtre, comme dans le milieu rural, il n'y a plus toujours les personnes pour faire appliquer cette police-là, on a besoin de réfléchir de manière très globale à une belle et grande police de la nature, avec toujours ce lien à un établissement public pas loin du ministère, qui permet de décliner des politiques nationales sans trop de disparités territoriales en fonction de l'humeur de tel ou tel corps préfectoral. Là aussi, j'ai bien entendu le message, Monsieur le Président.
Chantier spécifique à la pratique de la pêche, il y en a effectivement plusieurs. Le silure, j'entends là aussi le message. Je vous propose, Monsieur le Président, que l'on en sorte et que l'on institue sous trois mois un groupe de travail qui permet de régler potentiellement les conflits d'usage potentiels qui pourraient être agités ou amenés par tel ou tel autre usager avec l'ensemble des services de mon ministère et des établissements publics qui y sont liés. Cela fait trop longtemps que vous attendez. Là aussi, je pense que l'on vous doit une réponse franche. Nous sommes le 18 juin. J'aimerais si vous en êtes d'accord et si vous travaillez un peu cet été, que pour fin septembre, nous ayons des conclusions claires qui permettent d'avancer et de sortir de cette question.
Un mot sur le saumon, vous n'en avez pas parlé, mais vous savez qu'en 2019, c'est l'année internationale du saumon portée par une organisation internationale pour la conservation du saumon en Atlantique Nord, qui est un beau sujet de biodiversité. Il intéresse à la fois autant les protecteurs de la nature que les usagers de la mer et des cours d'eau, sur lequel je vous invite, Monsieur le Président, à ce que l'on puisse peut-être mener des opérations ensemble autour du saumon qui est à mon avis, le poisson le plus connu et le plus populaire chez tous nos concitoyens, en tout cas beaucoup plus que le silure. Là aussi, un certain nombre d'actions peuvent être menées tous ensemble. Là, vous avez des actions de pédagogie. Je l'ai noté dans votre rapport d'activité. Vous menez des actions avec l'Éducation Nationale, avec les écoles, en sensibilisant nos petits concitoyens à toutes ces questions. Le saumon est probablement la chose qui leur est la plus évidente, après le poisson pané. Il nous faut arriver à avoir quelques opérations de pédagogie, si vous en êtes d'accord. Je serais prêt à être ambassadeur auprès de mon collègue Jean-Michel Blanquer pour améliorer les partenariats, si besoin en était.
Vous avez parlé de l'anguille. Je note que la Commission européenne, c'est suffisamment rare pour le souligner, a salué officiellement les efforts des pêcheurs de France sur les plans de gestion de l'anguille. Je ne suis pas le porte-parole de la Commission européenne, mais quand un effort est fait, il est bien de le souligner et la Commission européenne l'a fait.
Vous m'avez parlé, Monsieur le Président, du cormoran sur lequel actuellement, nous prélevons, Monsieur le Directeur général de l'ONCFS, 50 000 unités par an dans le cadre de la réforme potentielle de la chasse que nous sommes en train de réfléchir et de mener. Les concertations avec les différentes parties prenantes qui doivent donner lieu à une note de réflexion que je vais commettre pour le Président de la République, le Premier ministre et le ministre d'État, Nicolas Hulot. On va imaginer peut-être un rapport différent à la gestion des espèces que l'on appellerait la gestion adaptative. En clair, une capacité soit pour les espèces chassables, soit pour les espèces créant des dégâts, à imaginer des quotas qui soient beaucoup plus affinés et qui tiennent davantage compte de l'évolution des espèces et des milieux d'année en année. Je ne fais pas d'annonce sur le cormoran, mais je sais que ce sujet est dans votre scope et sur lequel, je me connecte bien volontiers à une réflexion sur la gestion adaptative.
Plutôt qu'un long discours vous disant que le gouvernement est amoureux des pêcheurs, c'est le cas, je n'ai pas besoin de vous le dire, il vous fallait des preuves d'amour. J'espère vous en avoir donné quelques-unes de manière opérationnelle. En tout cas, comme je suis un rural, je suis pragmatique et plutôt que des discours fleuve, je préfère quelques actes. Je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour faire le bilan de tout cela. En tout cas, merci à tous.
Source http://www.federationpeche.fr, le 10 juillet 2018