Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Nathalie LOISEAU, chargée des Affaires européennes au gouvernement. Je voudrais qu'on écoute d'abord bonjour Madame la ministre
NATHALIE LOISEAU
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Je voudrais qu'on écoute ces quelques mots par exemple en 79 qui ont été prononcées par Simone VEIL sur l'Europe, les voici.
SIMONE VEIL
Pour moi c'est un engagement profond, parce que l'Europe c'est aussi l'Europe de la démocratie, l'Europe des valeurs. Nous savons très bien qu'il n'y a presque plus de démocraties au monde, on les comptes en dehors de l'Europe occidentale presque sur les 2 doigts de la main. Eh bien ! Nous devons défendre ces démocraties, nous devons défendre ces valeurs, nous devons défendre notre culture et c'est tous ensemble que nous pouvons le faire.
GUILLAUME DURAND
Voilà ! Présidente du Parlement européen, est-ce que vous n'avez pas l'impression ce matin que tout est en train d'exploser, malgré l'accord qui a eu lieu la semaine dernière, avec la décision de Horst SEEHOFER qui est le ministre de l'Intérieur, qui est sur le point de claquer la porte à Angela MERKEL.
NATHALIE LOISEAU
Alors d'abord entendre la voix de Simone VEIL, c'est une véritable inspiration et c'était un moment fort hier de la voir entrer au Panthéon. Cette femme qui avait connu les horreurs de la Shoah et qui en était devenue résolument européenne, parce qu'elle savait que l'Europe de la paix allait nous empêcher de retourner dans la barbarie. Elle parlait aussi de ce qu'était profondément l'Europe, c'est-à-dire celle des valeurs, de la démocratie. Ce qui fait qu'aujourd'hui, il faut être intransigeant avec ceux qui en Europe jouent avec la démocratie, les prétendues démocraties illibérales qui sont surtout de moins en moins des démocraties.
GUILLAUME DURAND
Mais la question c'était ce qui se passe en Allemagne, parce que vous savez que nous sommes enfin officiellement le couple franco-allemand et l'Allemagne est en train de se déchirer complètement.
NATHALIE LOISEAU
Alors ce qui se passe depuis quelques semaines, c'est que face à un défi migratoire qui est réel et qu'il faut relever, il y a une exploitation politicienne dans certains pays qui (elle) est artificielle et qui, à mon sens, il faut combattre. C'est ce qui s'est passé en Italie très largement, c'est ce qui se passe aujourd'hui en Allemagne, il y a ici ou là des leaders politiques qui veulent faire croire à leurs électeurs n'oublions pas que Monsieur SEEHOFER a en ligne de mire une seule chose, ce sont les élections du Land de Bavière. On n'est pas sur une vision politique très large
GUILLAUME DURAND
D'accord mais je comprends l'argument enfin qui est l'argument que vous prenez qui était celui du gouvernement sur la lèpre nationaliste, phrase prononcée par Emmanuel MACRON. Mais le résultat, c'est-à-dire qu'on a pris des décisions la semaine dernière et Matteo SALVINI vient de tenir un meeting ce week-end en Lombardie, qui donne tout à fait l'impression qu'en gros pour s'exprimer vulgairement, il se contrefiche des décisions qui ont été prises. Et maintenant, on a le même problème avec quand même un leader politique allemand.
NATHALIE LOISEAU
Vous avez des leaders politiques qui ne cherchent pas de solution, qui cherchent à envenimer les problèmes, à les garder comme un capital électoral. Et puis vous avez en face des décideurs, des dirigeants européens qui eux sont véritablement en responsabilité, qui savent qu'il y a un défi à relever et qui dans la nuit de jeudi à vendredi ont trouvé ensemble un accord, qui ont été à l'encontre de tout ce qu'on disait depuis des semaines. On disait « l'Europe est paralysée
GUILLAUME DURAND
Mais l'accord est flou
NATHALIE LOISEAU
Que l'Europe agit » on disait « l'Europe est divisée », en fait l'Europe est unie. L'accord il n'est pas flou, il permet de confirmer
GUILLAUME DURAND
Un compromis dit Les Echos, un compromis européen vague, voilà le titre du journal ce matin, enfin alors dans les pages intérieures.
NATHALIE LOISEAU
Alors c'est peut-être le titre des Echos, moi il se trouve que j'ai passé beaucoup d'heures dans la nuit de jeudi à vendredi pour l'accouchement de cet accord. C'est un compromis comme toujours quand on est 28 ans, mais c'est tout sauf vague, c'est la confirmation que les pays par lesquels arrivent les migrants conservent une responsabilité et c'est essentiel, certains étaient tentés dans ces pays-là de ne plus les enregistrer, les laisser circuler partout en Europe. C'est aussi l'affirmation d'une solidarité beaucoup plus forte offerte à ces pays d'arrivée des migrants, s'ils veulent la prendre
GUILLAUME DURAND
Mais madame
NATHALIE LOISEAU
C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on arrive en Italie, en Grèce, en Espagne, on arrive en Europe, l'Europe sera présente dès la première minute avec des effectifs pour examiner les demandes d'asile, avec des moyens financiers beaucoup plus forts pour l'accueil. C'est sur une base volontaire, la Grèce a dit « je prends », l'Italie aujourd'hui elle l'a dit d'ailleurs, elle n'est plus seule. Giuseppe CONTE a dit « nous avons gagné, l'Italie n'est plus seule ». Maintenant, elle prend l'offre qui lui est faite par l'Europe ou elle ne la prend pas
GUILLAUME DURAND
Mais pardonnez-moi de vous poser cette question, parce que ça a été flou dans la perception des gens, les fameux centres fermés, tout va se décider, ils vont s'installer où exactement ?
NATHALIE LOISEAU
Dans les pays qui seront volontaires pour les accueillir, c'est ce que j'étais en train de vous dire
GUILLAUME DURAND
Oui mais justement, qui sont volontaires.
NATHALIE LOISEAU
Mais bien sûr, vous ne pouvez pas imposer ça à la souveraineté d'un Etat, mais quand l'Italie nous dit : on est seul, on est abandonné, les migrants arrivent, personne ne nous aide, on a répondu, au contraire, on vient vous aider, mais à condition que vous soyez d'accord, à condition que vous nous accueillez.
GUILLAUME DURAND
D'accord, et vous vous rendez bien compte que ce mot est quand même d'une ambiguïté totale, car s'ils ne sont pas volontaires, et l'essentiel des pays européens maintenant ne sont plus volontaires de rien du tout
NATHALIE LOISEAU
Ça n'est pas exact, mais si monsieur SALVINI dit : je veux plus de solidarité européenne et qu'il refuse la solidarité quand elle lui est proposée, c'est qu'il ne veut pas de solution, c'est qu'il veut vivre politiquement en entretenant le capital d'un problème qu'il a gonflé, puisque, il parle des arrivées de migrants, alors que, aujourd'hui, en Italie il y a beaucoup moins d'arrivées de migrants que l'année dernière ou les années précédentes. Moins 80 %.
GUILLAUME DURAND
Et vous vous rendez compte que la présidence de l'Europe aujourd'hui, enfin, pour continuer sur la même idée, mais qui est une interrogation qui est forcément posée à Emmanuel MACRON, c'est Sabastian KURZ, le jeune donc chancelier autrichien, qui est, globalement, europhobe.
NATHALIE LOISEAU
Alors, il proteste qu'il est pro-européen, nous, nous lui avons dit qu'on le jugerait sur les actes, on a travaillé avec tout le monde pendant ce Conseil européen, c'est la France qui a été à la manoeuvre, c'est la France qui a proposé les grandes lignes de l'accord qui a été adopté, on a parlé toute la journée et toute la nuit avec le chancelier autrichien, précisément, parce qu'il prend la présidence de l'Union européenne pour six mois, avec les pays de l'Est, ceux qu'on appelle les pays de Viegrad, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque
GUILLAUME DURAND
Vous n'avez aucun accord
NATHALIE LOISEAU
La Slovaquie, qui ont accepté la solidarité en termes financiers, qui ont signé un accord, je regrette, l'accord, il s'est décidé à l'unanimité, on a travaillé avec l'Italie, l'accord, on l'a co-rédigé avec Giuseppe CONTE, et sur la base d'une proposition qu'on avait rédigée avec les Espagnols, je regrette, il y a 28 pays qui sont d'accord, après, il y a des leaders politiques qui ne sont ni le président du Conseil italien, ni la chancelière allemande, qui font du bruit, parce que pour le moment, ils ont l'impression que ce bruit leur rapporte politiquement
GUILLAUME DURAND
Mais vous comprenez Madame LOISEAU, nous sommes en direct sur l'antenne de Radio Classique qu'il y ait quand même ce matin un doute, tout le monde a signé, et en même temps, l'Italie s'estime lésé par les résultats du Conseil européen, je vous ai lu tout à l'heure les déclarations de SALVINI
NATHALIE LOISEAU
Ce n'est pas ce que dit le président du Conseil, il a dit : l'Italie a gagné
GUILLAUME DURAND
Oui, mais c'est le double langage, c'est le double langage total. Ils disent : oui, on a signé. Oui, il y a un accord, avec vous, on a envisagé absolument tout, et en même temps, quand ils rentrent chez eux
NATHALIE LOISEAU
Eh bien, je vais vous faire une révélation, il y a en ce moment en Europe des populistes qui détestent le projet européen et qui sont persuadés qu'ils gagnent des points en le critiquant, qui sont persuadés qu'ils peuvent tenir un double langage. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, certains d'entre eux sont en responsabilité, que leurs électeurs leur demandent, qu'est-ce qu'ils font
GUILLAUME DURAND
Mais on n'est pas totalement isolé, on a l'impression, pardonnez-moi, mais avec le Brexit au nord et avec les questions qui sont posées à la fois à l'Est et dans le Sud, on a l'impression d'être totalement isolés, les Français, dans ce projet européen défendu par
NATHALIE LOISEAU
Absolument pas, ce projet, l'ensemble des Européens ont discuté, ont décidé pendant deux jours sur un grand nombre de sujets, sur le commerce par exemple face à TRUMP, l'Europe est parfaitement unie, elle a pris des mesures, des contre-mesures face aux mesures de TRUMP, l'unité de l'Europe s'est réaffirmée, sur les questions d'innovation, sur le numérique, sur la zone euro, sur le renforcement nécessaire de la zone euro, là aussi, tout le monde est d'accord, sur la question migratoire, encore une fois, 28 Etats membres, on avait dit : l'Europe divisée, elle est unie, évidemment, ça ne fait pas les affaires des populistes qui se sont affichés europhobes et qui se retrouvent avec le tapis tiré sous les pieds ; c'est une bonne nouvelle, ce n'est pas à eux à fixer l'agenda européen, c'est aux progressistes, et c'est précisément Emmanuel MACRON qui a dessiné les contours de l'accord.
GUILLAUME DURAND
Dernier point Madame LOISEAU. Donc nous sommes en direct, Emmanuel MACRON est en Afrique, est-ce que il arrive à Nouakchott, donc en Mauritanie est-ce que son objectif, c'est justement d'essayer de convaincre les pays d'où partent les migrants, alors c'est très compliqué effectivement, en gros, pour simplifier, et être brutal, de rester chez eux ?
NATHALIE LOISEAU
Il y a plusieurs éléments, on doit faire plus
GUILLAUME DURAND
Et on termine
NATHALIE LOISEAU
Pour le développement de l'Afrique, on s'y est engagé, et on va en parler avec ces pays, notamment les pays d'origine des migrations, il faut aussi que ces pays accueillent au retour ceux qui sont déboutés, qu'ils acceptent la réadmission, on va en parler avec eux, un certain nombre l'ont fait, d'autres pas encore, ça va faire partie des conversations d'Emmanuel MACRON en Afrique.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juillet 2018