Texte intégral
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Directeur Général de l'Organisation mondiale de la santé,
Monsieur le Directeur Général de l'UNESCO,
Mesdames et messieurs les Chefs de délégations,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs,
Depuis dix ans, nous vivons tous, à notre manière, avec le virus du Vih-Sida.
Dix ans : si peu de temps au regard de l'histoire des épidémies qui ont affecté l'Humanité, mais une éternité pour ceux qui souffrent, et pour lesquels l'avenir demeure avare, et se compte aujourd'hui en mois, en une poignée d'années.
Dix ans : le temps d'un fol espoir dans les ressources d'une science que l'on croyait trop vite au diapason d'un monde enivré par l'immédiat, le temps aussi du découragement, du pessimisme des enfants gâtés habitués à recevoir tout - tout de suite.
Dix ans : le temps pour l'agresseur de faire du monde entier sa proie, ignorant les frontières de la géographie et des hommes, dévorant sans distinction de croyances, d'âge ou de sexe. Le temps pour chacun de nous de comprendre qu'il s'en prend avant tout à la vie : celle qui se transmet par le sang et par l'amour - ce sang, cet amour qui sont le lot le plus commun aux hommes et aux femmes de ce monde, qu'ils soient nés riches ou pauvres, que la couleur de leur peau soit d'ivoire, de rose, de cuivre ou d'ébène.
Je sais trop bien ce que le siècle qui s'achève a infligé à l'Humanité. Les hommes y furent, y sont encore trop souvent, des loups pour leurs semblables. Mais j'ai retenu de l'épreuve une leçon universelle : contre le mal, il faut se battre, chacun au poste qui lui incombe, chacun avec ses armes, sans relâche, en joignant sa voix au vieux refrain de l'espérance : demain, il fera jour.
C'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole devant vous aujourd'hui, car j'ai longtemps attendu une telle journée. Chacun de nous sait bien combien sont rares, dans la vie politique, les occasions de conjuguer l'action publique avec ses engagements les plus profonds. Ce Sommet de Paris en est une pour moi, sans doute aucun.
L'urgence que nous décrétons aujourd'hui, je l'avais moi-même perçue grâce aux travaux menés au sein des institutions européennes, mais aussi de l'Organisation mondiale de la santé, alors que je n'étais que parlementaire européen. Il montraient l'ampleur d'une épidémie qui affecte tous les pays du monde, mais atteint dans les pays en développement, particulièrement en Afrique, des proportions telles qu'elle bouleverse les équilibres sociaux, économiques, voire politiques de nombre de nations déjà frappées par tant de maux.
J'avais pu mesurer, en participant notamment aux Conférences internationales sur le Sida de Montréal et d'Amsterdam, combien était active la mobilisation des chercheurs et des cliniciens, soutenue - fait sans précédent dans l'histoire des épidémies - par un réseau d'associations non gouvernementales rassemblant tous ceux, atteints ou non par le Vih, qui avaient d'emblée mesuré l'importance de l'enjeu.
Mais, dans le même temps, j'étais choquée que nombre de responsables politiques demeurassent encore aveugles et sourds, comme incapables de réagir à la situation présente et a fortiori d'anticiper sur l'avenir. En disant cela, je ne cherche pas à donner de leçons ou à jeter la pierre à tel ou tel pays : nous savons, en France, le prix payé par de tels retards.
En proposant à Marrakech, voici un an, à l'occasion de la Conférence internationale sur le Sida en Afrique, une réunion des plus hautes autorités nationales consacrée au Sida, il me semblait faire droit à une exigence trop longtemps négligée. Je dois dire que l'écho qu'a rencontré l'initiative de la France a prouvé que mon sentiment était largement partagé.
Bien entendu, et il y eut durant un an de nombreux débats à ce sujet, il convenait d'apprécier précisément la plus-value que l'on était en droit d'attendre d'une telle réunion, sans précédent depuis le début de la pandémie.
Deux ambitions majeures ont guidé notre réflexion, que ce Sommet consacre solennellement :
- d'abord l'affirmation d'une responsabilité particulière des autorités politiques de chaque pays : si l'ampleur de la menace exige que partout les moyens disponibles soient mis en oeuvre pour répondre à l'agression du Sida, l'Etat, comptable de l'intérêt général, doit jouer, dans ce domaine, un rôle déterminant pour éclairer l'opinion et mettre en place les politiques appropriées.
- ensuite, l'affirmation d'une solidarité fondamentale entre toutes les nations du monde : car, dans le monde contemporain, notre santé dépend pour l'essentiel de celle d'autrui. Comment ne pas comprendre, alors que certains pays consacrent des moyens démesurés à leurs dépenses de santé qu'il incombe sans tarder de tendre la main aux plus défavorisés si nous voulons précisément préserver notre propre santé ?
Fort de cette double exigence, il convenait d'établir sans préjugés un état des lieux et d'arrêter les orientations prioritaires pour affirmer précisément cette volonté de responsabilité et de solidarité.
Le contexte international y était favorable. Sous votre égide, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, les agences du système des Nations Unies, ainsi que la Banque mondiale, venaient de jeter les bases d'un "programme commun co-parrainé", destiné à recueillir leurs ressources financières et humaines et à garantir une meilleure coordination des efforts de tous en matière de lutte contre le Sida.
En dépit de l'urgence, nous avons souhaité que cette réunion puisse être préparée avec toute la rigueur nécessaire, en recueillant l'avis des meilleurs experts internationaux, avant de dégager des positions communes, dans un domaine qui touche aux contextes socio-culturels et aux sensibilités propres à chaque pays, qu'il importait de respecter.
A partir de janvier 1994, des groupes de travail se sont réunis à plusieurs reprises à Paris, à l'invitation de la France, et les Ministres ou les représentants des 42 pays impliqués dans notre initiative, ainsi que des organisations, intergouvernementales et non gouvernementales représentées aujourd'hui, y ont été réunis les 17 et 18 juin dernier, sous la double présidence de la France et de l'OMS.
Au cours de cette réunion ministérielle, 5 domaines prioritaires d'action ont été définis (à savoir : la prévention (1), la sécurité transfusionnelle (2), la protection des populations exposées (3), la prise en charge médicale et sociale des personnes atteintes (4) et le développement de la recherche (5)), et des groupes d'experts de toutes les disciplines concernées, venus des pays du Nord comme du Sud, auxquels se sont joints des représentants des personnes atteintes et des agences spécialisées de l'ONU, ont été mis en place pour étudier les propositions d'actions relatives à chacun de ces thèmes.
Leurs conclusions constituent la trame de la déclaration qui vous est soumise aujourd'hui, après avoir recueilli l'aval de vos représentants le 26 octobre dernier.
Je retiens de ce long processus le sentiment d'une préoccupation partagée quant à l'opportunité d'un tel Sommet, en même temps que le souci - que vous avez exprimé clairement, Monsieur le Premier Ministre - qu'il ne se borne pas aux mots et s'incarne dans les faits. Cette nécessité n'a cessé de nous être rappelée, à toutes les étapes du processus de préparation, par les associations de personnes atteintes que j'ai souhaité associer pleinement à nos travaux, en dépit de ceux qui invoquaient les usages.
Je veux leur dire ici, sans complaisance, combien leur participation a été importante.
Je sais que quelques-uns d'entre eux regrettent que certaines formulations, certaines initiatives, ne soient pas exprimées avec plus de relief. Ils savent que je partage leur point de vue sur bien des points. Je conçois ce que le "raisonnable" a parfois de dérisoire lorsqu'on est confronté à la souffrance, et qu'ils se doivent d'être les avocats de l'impossible.
Mais je compte aussi sur eux pour faire vivre le Sommet de Paris, au delà de ce soir, avec vous tous ici rassemblés, et aussi avec tous ceux qui, sur le terrain - dans les hôpitaux comme dans les laboratoires - luttent inlassablement, avec un exceptionnel engagement, contre la mort et la souffrance. Nous avons gagné une bataille, aujourd'hui : il s'agit désormais de s'employer à gagner la guerre. Leur vigilance nous sera indispensable pour redoubler d'efforts et ne jamais baisser la garde.
Qu'ils sachent que je serai toujours, pour ma part, à leurs côtés.
J'évoquerai à présent en quelques mots la "déclaration finale" qui est proposée à votre adoption. Celle-ci se présente en trois parties principales :
1 - d'abord les grands principes qui assemblent la communauté humaine, et qu'il convenait de réaffirmer, dans le contexte particulier imposé par la pandémie.
Nous exprimerons solennellement un engagement de solidarité, entre citoyens d'une même nation et citoyens d'un même monde, et le souci commun de veiller à ce que soient préservés, en toutes circonstances, les droits de la personne, particulièrement lorsqu'elle est infectée par le Vih.
Nous y confirmerons aussi le rôle spécifique des ONG, qui doivent être davantage associées à la définition et à la conduite des politiques de lutte contre le Sida, partout dans le monde.
Permettez-moi un bref commentaire sur ces principes : au lendemain de la dernière guerre mondiale, la communauté humaine s'est rassemblée dans l'organisation que vous dirigez, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, pour y exprimer l'universalité d'un certain nombre de principes fondamentaux, qui s'étaient vus tragiquement bafoués avant et durant la guerre. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme les a inscrits dans le droit international.
Aujourd'hui que l'adversité, sous d'autres formes, menace les droits imprescriptibles de la personne humaine, il n'était pas inutile à mon sens de réaffirmer notre détermination à les faire respecter, ainsi que notre vigilance. "Nous sentons, écrivait Paul Valéry, en 1919, qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie". Lorsqu'il s'agit de droits fondamentaux, rappelons qu'il ne saurait y avoir d'exceptions.
2 - la Déclaration nous proposera d'intégrer - si ce n'est pas déjà le cas - dans nos politiques nationales un certain nombre de dispositions que la réflexion commune a estimé prioritaires. La défense des droits de la personne, en toute circonstance, la liberté de circulation y figurent. Il va de soi - même s'il ne faut pas résumer la prévention du Vih à ce seul moyen - que la promotion du préservatif est rappelée.
3 - La dernière partie de notre déclaration est sans aucun doute la plus originale. Elle présente un certain nombre d'initiatives de coopération internationale, évaluées par nos experts, et qui visent en priorité les problèmes qui nous sont apparus les plus dramatiques, tout au long de cette année de réflexion.
Jévoquerai, dans le domaine de la prévention, la sécurité de la transfusion sanguine, la prise en compte de la vulnérabilité particulière des femmes, et la conduite de programmes spécifiques en direction des jeunes, qui sont à la fois victimes - les orphelins - et guettés par le virus.
Notre exigence de solidarité s'exprimera au travers d'initiatives envers les pays plus démunis, afin de les aider à améliorer les conditions de prise en charge des malades et envers les personnes atteintes, dont la participation à la définition et à la conduite des politiques les concernant sera renforcée ; enfin par la promotion et le développement de la réflexion éthique.
Nous nous engagerons également à soutenir sans relâche l'effort de recherche - qui porte aujourd'hui l'espoir de millions d'êtres humains.
S'il va de soi que le Sommet ne débouchera pas sur de nouvelles structures, il appartiendra justement, au lendemain de notre réunion, aux institutions compétentes de mettre en oeuvre ces initiatives dès lors qu'elles auront recueilli l'approbation politique du Sommet. La France, pour sa part, prendra dans ce suivi toutes ses responsabilités. Elle souhaite, pour éviter toute solution de continuité, qu'une légère structure de suivi, associant quelques pays bailleurs et quelques pays bénéficiaires de l'aide, en même temps que des représentants du programme co-parrainé et des associations, soit à même de contribuer dans les mois qui viennent à la mise en oeuvre des résolutions du Sommet.
N'opposons pas à mon sens ce qui relève des relations d'Etat à Etat, et les stratégies mises en oeuvre par les Nations-Unies, relevant de la coopération dite multilatérale. Celles-ci ne peuvent résulter en effet que de la volonté des pays qui les composent, et des ressources qui leur seront allouées par ceux-ci. Bien au contraire, le Sommet doit à mes yeux donner au Programme commun co-parrainé des Nations Unies la légitimité politique nécessaire à son véritable essor : votre présence aujourd'hui, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies au côté des Chefs de Gouvernements ou de leur représentant, des 42 pays participant à notre initiative témoigne, s'il en était besoin, d'une volonté nouvelle de faire davantage ensemble, sans concurrence et sans gaspillages inutiles, pour lutter contre le Sida.
Je souhaite pour ma part que d'ici 2 ou 3 ans, par exemple lors d'un nouveau Sommet, on puisse se référer à « l'esprit de Paris » et dater d'aujourd'hui une inflexion majeure dans notre combat pour la vie.
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Directeur Général de l'Organisation mondiale de la santé,
Monsieur le Directeur Général de l'UNESCO,
Mesdames et messieurs les Chefs de délégations,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs,
Depuis dix ans, nous vivons tous, à notre manière, avec le virus du Vih-Sida.
Dix ans : si peu de temps au regard de l'histoire des épidémies qui ont affecté l'Humanité, mais une éternité pour ceux qui souffrent, et pour lesquels l'avenir demeure avare, et se compte aujourd'hui en mois, en une poignée d'années.
Dix ans : le temps d'un fol espoir dans les ressources d'une science que l'on croyait trop vite au diapason d'un monde enivré par l'immédiat, le temps aussi du découragement, du pessimisme des enfants gâtés habitués à recevoir tout - tout de suite.
Dix ans : le temps pour l'agresseur de faire du monde entier sa proie, ignorant les frontières de la géographie et des hommes, dévorant sans distinction de croyances, d'âge ou de sexe. Le temps pour chacun de nous de comprendre qu'il s'en prend avant tout à la vie : celle qui se transmet par le sang et par l'amour - ce sang, cet amour qui sont le lot le plus commun aux hommes et aux femmes de ce monde, qu'ils soient nés riches ou pauvres, que la couleur de leur peau soit d'ivoire, de rose, de cuivre ou d'ébène.
Je sais trop bien ce que le siècle qui s'achève a infligé à l'Humanité. Les hommes y furent, y sont encore trop souvent, des loups pour leurs semblables. Mais j'ai retenu de l'épreuve une leçon universelle : contre le mal, il faut se battre, chacun au poste qui lui incombe, chacun avec ses armes, sans relâche, en joignant sa voix au vieux refrain de l'espérance : demain, il fera jour.
C'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole devant vous aujourd'hui, car j'ai longtemps attendu une telle journée. Chacun de nous sait bien combien sont rares, dans la vie politique, les occasions de conjuguer l'action publique avec ses engagements les plus profonds. Ce Sommet de Paris en est une pour moi, sans doute aucun.
L'urgence que nous décrétons aujourd'hui, je l'avais moi-même perçue grâce aux travaux menés au sein des institutions européennes, mais aussi de l'Organisation mondiale de la santé, alors que je n'étais que parlementaire européen. Il montraient l'ampleur d'une épidémie qui affecte tous les pays du monde, mais atteint dans les pays en développement, particulièrement en Afrique, des proportions telles qu'elle bouleverse les équilibres sociaux, économiques, voire politiques de nombre de nations déjà frappées par tant de maux.
J'avais pu mesurer, en participant notamment aux Conférences internationales sur le Sida de Montréal et d'Amsterdam, combien était active la mobilisation des chercheurs et des cliniciens, soutenue - fait sans précédent dans l'histoire des épidémies - par un réseau d'associations non gouvernementales rassemblant tous ceux, atteints ou non par le Vih, qui avaient d'emblée mesuré l'importance de l'enjeu.
Mais, dans le même temps, j'étais choquée que nombre de responsables politiques demeurassent encore aveugles et sourds, comme incapables de réagir à la situation présente et a fortiori d'anticiper sur l'avenir. En disant cela, je ne cherche pas à donner de leçons ou à jeter la pierre à tel ou tel pays : nous savons, en France, le prix payé par de tels retards.
En proposant à Marrakech, voici un an, à l'occasion de la Conférence internationale sur le Sida en Afrique, une réunion des plus hautes autorités nationales consacrée au Sida, il me semblait faire droit à une exigence trop longtemps négligée. Je dois dire que l'écho qu'a rencontré l'initiative de la France a prouvé que mon sentiment était largement partagé.
Bien entendu, et il y eut durant un an de nombreux débats à ce sujet, il convenait d'apprécier précisément la plus-value que l'on était en droit d'attendre d'une telle réunion, sans précédent depuis le début de la pandémie.
Deux ambitions majeures ont guidé notre réflexion, que ce Sommet consacre solennellement :
- d'abord l'affirmation d'une responsabilité particulière des autorités politiques de chaque pays : si l'ampleur de la menace exige que partout les moyens disponibles soient mis en oeuvre pour répondre à l'agression du Sida, l'Etat, comptable de l'intérêt général, doit jouer, dans ce domaine, un rôle déterminant pour éclairer l'opinion et mettre en place les politiques appropriées.
- ensuite, l'affirmation d'une solidarité fondamentale entre toutes les nations du monde : car, dans le monde contemporain, notre santé dépend pour l'essentiel de celle d'autrui. Comment ne pas comprendre, alors que certains pays consacrent des moyens démesurés à leurs dépenses de santé qu'il incombe sans tarder de tendre la main aux plus défavorisés si nous voulons précisément préserver notre propre santé ?
Fort de cette double exigence, il convenait d'établir sans préjugés un état des lieux et d'arrêter les orientations prioritaires pour affirmer précisément cette volonté de responsabilité et de solidarité.
Le contexte international y était favorable. Sous votre égide, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, les agences du système des Nations Unies, ainsi que la Banque mondiale, venaient de jeter les bases d'un "programme commun co-parrainé", destiné à recueillir leurs ressources financières et humaines et à garantir une meilleure coordination des efforts de tous en matière de lutte contre le Sida.
En dépit de l'urgence, nous avons souhaité que cette réunion puisse être préparée avec toute la rigueur nécessaire, en recueillant l'avis des meilleurs experts internationaux, avant de dégager des positions communes, dans un domaine qui touche aux contextes socio-culturels et aux sensibilités propres à chaque pays, qu'il importait de respecter.
A partir de janvier 1994, des groupes de travail se sont réunis à plusieurs reprises à Paris, à l'invitation de la France, et les Ministres ou les représentants des 42 pays impliqués dans notre initiative, ainsi que des organisations, intergouvernementales et non gouvernementales représentées aujourd'hui, y ont été réunis les 17 et 18 juin dernier, sous la double présidence de la France et de l'OMS.
Au cours de cette réunion ministérielle, 5 domaines prioritaires d'action ont été définis (à savoir : la prévention (1), la sécurité transfusionnelle (2), la protection des populations exposées (3), la prise en charge médicale et sociale des personnes atteintes (4) et le développement de la recherche (5)), et des groupes d'experts de toutes les disciplines concernées, venus des pays du Nord comme du Sud, auxquels se sont joints des représentants des personnes atteintes et des agences spécialisées de l'ONU, ont été mis en place pour étudier les propositions d'actions relatives à chacun de ces thèmes.
Leurs conclusions constituent la trame de la déclaration qui vous est soumise aujourd'hui, après avoir recueilli l'aval de vos représentants le 26 octobre dernier.
Je retiens de ce long processus le sentiment d'une préoccupation partagée quant à l'opportunité d'un tel Sommet, en même temps que le souci - que vous avez exprimé clairement, Monsieur le Premier Ministre - qu'il ne se borne pas aux mots et s'incarne dans les faits. Cette nécessité n'a cessé de nous être rappelée, à toutes les étapes du processus de préparation, par les associations de personnes atteintes que j'ai souhaité associer pleinement à nos travaux, en dépit de ceux qui invoquaient les usages.
Je veux leur dire ici, sans complaisance, combien leur participation a été importante.
Je sais que quelques-uns d'entre eux regrettent que certaines formulations, certaines initiatives, ne soient pas exprimées avec plus de relief. Ils savent que je partage leur point de vue sur bien des points. Je conçois ce que le "raisonnable" a parfois de dérisoire lorsqu'on est confronté à la souffrance, et qu'ils se doivent d'être les avocats de l'impossible.
Mais je compte aussi sur eux pour faire vivre le Sommet de Paris, au delà de ce soir, avec vous tous ici rassemblés, et aussi avec tous ceux qui, sur le terrain - dans les hôpitaux comme dans les laboratoires - luttent inlassablement, avec un exceptionnel engagement, contre la mort et la souffrance. Nous avons gagné une bataille, aujourd'hui : il s'agit désormais de s'employer à gagner la guerre. Leur vigilance nous sera indispensable pour redoubler d'efforts et ne jamais baisser la garde.
Qu'ils sachent que je serai toujours, pour ma part, à leurs côtés.
J'évoquerai à présent en quelques mots la "déclaration finale" qui est proposée à votre adoption. Celle-ci se présente en trois parties principales :
1 - d'abord les grands principes qui assemblent la communauté humaine, et qu'il convenait de réaffirmer, dans le contexte particulier imposé par la pandémie.
Nous exprimerons solennellement un engagement de solidarité, entre citoyens d'une même nation et citoyens d'un même monde, et le souci commun de veiller à ce que soient préservés, en toutes circonstances, les droits de la personne, particulièrement lorsqu'elle est infectée par le Vih.
Nous y confirmerons aussi le rôle spécifique des ONG, qui doivent être davantage associées à la définition et à la conduite des politiques de lutte contre le Sida, partout dans le monde.
Permettez-moi un bref commentaire sur ces principes : au lendemain de la dernière guerre mondiale, la communauté humaine s'est rassemblée dans l'organisation que vous dirigez, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, pour y exprimer l'universalité d'un certain nombre de principes fondamentaux, qui s'étaient vus tragiquement bafoués avant et durant la guerre. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme les a inscrits dans le droit international.
Aujourd'hui que l'adversité, sous d'autres formes, menace les droits imprescriptibles de la personne humaine, il n'était pas inutile à mon sens de réaffirmer notre détermination à les faire respecter, ainsi que notre vigilance. "Nous sentons, écrivait Paul Valéry, en 1919, qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie". Lorsqu'il s'agit de droits fondamentaux, rappelons qu'il ne saurait y avoir d'exceptions.
2 - la Déclaration nous proposera d'intégrer - si ce n'est pas déjà le cas - dans nos politiques nationales un certain nombre de dispositions que la réflexion commune a estimé prioritaires. La défense des droits de la personne, en toute circonstance, la liberté de circulation y figurent. Il va de soi - même s'il ne faut pas résumer la prévention du Vih à ce seul moyen - que la promotion du préservatif est rappelée.
3 - La dernière partie de notre déclaration est sans aucun doute la plus originale. Elle présente un certain nombre d'initiatives de coopération internationale, évaluées par nos experts, et qui visent en priorité les problèmes qui nous sont apparus les plus dramatiques, tout au long de cette année de réflexion.
Jévoquerai, dans le domaine de la prévention, la sécurité de la transfusion sanguine, la prise en compte de la vulnérabilité particulière des femmes, et la conduite de programmes spécifiques en direction des jeunes, qui sont à la fois victimes - les orphelins - et guettés par le virus.
Notre exigence de solidarité s'exprimera au travers d'initiatives envers les pays plus démunis, afin de les aider à améliorer les conditions de prise en charge des malades et envers les personnes atteintes, dont la participation à la définition et à la conduite des politiques les concernant sera renforcée ; enfin par la promotion et le développement de la réflexion éthique.
Nous nous engagerons également à soutenir sans relâche l'effort de recherche - qui porte aujourd'hui l'espoir de millions d'êtres humains.
S'il va de soi que le Sommet ne débouchera pas sur de nouvelles structures, il appartiendra justement, au lendemain de notre réunion, aux institutions compétentes de mettre en oeuvre ces initiatives dès lors qu'elles auront recueilli l'approbation politique du Sommet. La France, pour sa part, prendra dans ce suivi toutes ses responsabilités. Elle souhaite, pour éviter toute solution de continuité, qu'une légère structure de suivi, associant quelques pays bailleurs et quelques pays bénéficiaires de l'aide, en même temps que des représentants du programme co-parrainé et des associations, soit à même de contribuer dans les mois qui viennent à la mise en oeuvre des résolutions du Sommet.
N'opposons pas à mon sens ce qui relève des relations d'Etat à Etat, et les stratégies mises en oeuvre par les Nations-Unies, relevant de la coopération dite multilatérale. Celles-ci ne peuvent résulter en effet que de la volonté des pays qui les composent, et des ressources qui leur seront allouées par ceux-ci. Bien au contraire, le Sommet doit à mes yeux donner au Programme commun co-parrainé des Nations Unies la légitimité politique nécessaire à son véritable essor : votre présence aujourd'hui, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies au côté des Chefs de Gouvernements ou de leur représentant, des 42 pays participant à notre initiative témoigne, s'il en était besoin, d'une volonté nouvelle de faire davantage ensemble, sans concurrence et sans gaspillages inutiles, pour lutter contre le Sida.
Je souhaite pour ma part que d'ici 2 ou 3 ans, par exemple lors d'un nouveau Sommet, on puisse se référer à « l'esprit de Paris » et dater d'aujourd'hui une inflexion majeure dans notre combat pour la vie.