Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à RMC le 1er août 2018, sur la prévention de la canicule et la protection des personnes âgées.

Prononcé le 1er août 2018

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
C'est l'heure d'accueillir la ministre de la Santé, bonjour !
AGNES BUZYN
Bonjour !
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Agnès BUZYN, merci d'être avec nous. La canicule, le ministère de la Santé a lancé depuis hier des spots de prévention, on va en écouter un dans un instant. La météo qui annonce que 19 départements sont en vigilance. D'abord une question : est-ce que à l'instant où on se parle, vous avez le sentiment que la situation est critique ou est-ce qu'elle est sous contrôle ?
AGNES BUZYN
Non aujourd'hui, la situation paraît sous contrôle, nous observons tous les jours, en fait, les appels à SOS Médecins et les passages aux urgences, il y a une petite augmentation à tous les âges et donc c'est un des messages que je veux faire passer aujourd'hui, c'est que la canicule n'atteint pas que les personnes âgées et il faut être vigilant avec les enfants, les personnes qui travaillent à l'extérieur, même les jeunes qui font du sport et donc les messages …
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que la canicule, ce n'est pas seulement ce qu'on imaginait, les populations fragiles ?
AGNES BUZYN
Non, ça touche évidemment en priorité les populations fragiles, mais les enfants sont évidemment très fragiles puisqu'ils sont dépendants des gestes que l'on va faire pour eux, pour les protéger mais c'est vrai qu'en 2003, elle avait touché essentiellement les personnes âgées parce qu'il n'y avait pas de procédure dans les maisons de retraite.
APOLLINE DE MALHERBE
On avait été pris par surprise en 2003 ?
AGNES BUZYN
Complètement. On ne connaissait pas ni des symptômes ni la gravité de et des risques encourus. Maintenant, il y a des procédures très bien organisées dans toutes les maisons de retraite, nous déclenchons les plans, il y a une mobilisation de tous les services de l'Etat, des collectivités territoriales, des mairies, qui mettent des espaces rafraîchis pour les personnes âgées à domicile, pour les personnes sans abri. Il y a aussi une mobilisation des grandes associations qui vont voir les personnes âgées à leur domicile …
APOLLINE DE MALHERBE
Tout le monde est mobilisé …
AGNES BUZYN
Tout le monde est mobilisé, j'ai eu une première réunion au ministère début juin, j'en ai fait deux autres une la semaine dernière pour la première canicule il y a 8 jours, une autre hier avec les urgentistes, voilà tout le monde est mobilisé, nous suivons de très près, il n'y a absolument pas d'alerte aujourd'hui. Je veux rassurer les Français mais tout passe par la prévention.
APOLLINE DE MALHERBE
Et justement la prévention, ça passe aussi par ce spot que vous diffusez que vous faites diffuser sur les radios et les divisions depuis hier, je voudrais qu'on l'écoute.
Spot
APOLLINE DE MALHERBE
Quels sont les symptômes à partir desquels il faut s'inquiéter ?
AGNES BUZYN
Une très grande fatigue, des maux de tête, des nausées, voilà et souvent les personnes âgées, notamment les personnes les plus fragiles ne ressentent pas la soif et c'est la raison pour laquelle il faut s'obliger à boire, obliger à boire les personnes les plus vulnérables et il faut aussi mettre à disposition de l'eau par exemple pour les personnes sans domicile fixe parce que souvent l'été tue plus les sans-abri que l'hiver.
APOLLINE DE MALHERBE
Par déshydratation ?
AGNES BUZYN
Par déshydratation parce qu'ils n'accèdent pas à l'eau facilement parce qu'ils ne trouvent pas d'endroit réfrigérés et donc il faut être très attentif y compris aux personnes dans la rue.
APOLLINE DE MALHERBE
Agnès BUZYN vous disiez à l'instant que tout le mécanisme d'alerte, de système était en place, capable de répondre aux urgences, mais sur le fond, on a quand même le sentiment et on en parle depuis des mois que les hôpitaux notamment sont en sous-effectif ou manquent de moyens, est-ce que dans ce contexte de manque de moyens, cet épisode de canicule ne marque pas quand même un problème ?
AGNES BUZYN
Alors d'abord, les hôpitaux et notamment les urgences ne manquent pas de moyens, notamment financiers, ils manquent aujourd'hui parfois de moyens humains parce qu'on a du mal à recruter des médecins. Donc certains hôpitaux sont en tension, très peu en fait, nous le surveillons tous les jours. Donc aujourd'hui sur les 650 services d'urgence, il y en a 10 qui sont en difficulté, donc vous voyez qu'il y a encore des hôpitaux qui n'affichent pas de difficultés particulières, nous suivons, nous anticipons en fait les ouvertures de lits de l'été, notamment dans les zones touristiques. En période de canicule, nous faisons un point tous les jours avec les Agences régionales de Santé et les hôpitaux pour connaître leurs effectifs et éventuellement nous rajoutons des ressources humaines, des urgentistes quand nous ne le pouvons d'un hôpital qui n'est pas en tension vers un hôpital en tension. Donc tout ça est très, très bien organisé et donc je veux rassurer les Français ; il y a suffisamment aujourd'hui de médecins pour répondre à l'afflux de patients même si dans certains milieux, ça peut être difficile en termes de durée d'attente.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur le personnel, oui, sur les moyens, je pensais également aux moyens simplement matériels, c'est-à-dire que quand on voit que de nombreux hôpitaux n'ont pas la climatisation, n'ont pas les moyens de faire circuler l'air, est-ce que ça, ça ne rend pas l'hospitalisation beaucoup plus difficile ?
AGNES BUZYN
Alors les hospitalisations, comme tous les lieux de vie, en France ne disposent pas tous de climatisation, ça dépend de leur vétusté évidemment et de leur ancienneté. Toutes les zones critiques des hôpitaux ont des parties réfrigérées notamment les services d'urgence, les réanimations, les blocs opératoires et donc il y a évidemment des lieux réfrigérés dans tous les hôpitaux de France, mais parfois les chambres ne sont pas climatisées et tous les établissements reçoivent les procédures à mettre en œuvre pour rafraîchir les personnes hospitalisées. Donc les gens doivent recevoir des brumisateurs ; il y a plus de passages d'infirmières, d'aides-soignantes, on distribue plus d'eau et donc …
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc on compense …
AGNES BUZYN
…et donc les instructions, voilà les instructions sont données dans tous les lieux de vie et pas seulement dans les établissements hospitaliers ou les maisons de retraite, mais aussi des instructions sont données dans les colonies de vacances par exemple, pour protéger les jeunes.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que les leçons vont être tirées du fait que ces épisodes, ils se multiplient, vous le disiez en 2003, c'était la surprise, on connaissait à peine ce mot de canicule. Désormais, c'est véritablement entré dans les moeurs, parce que ça s'impose à nous presque chaque année, est-ce que ça veut dire que vous-même au-delà simplement de l'urgence immédiate, vous allez mettre en place un système pour y faire face, à long terme ?
AGNES BUZYN
Absolument, en fait nous tirons des leçons chaque année des épisodes de canicule qui ont lieu et nous améliorons les dispositifs d'année en année et si aujourd'hui nous pensons que dans les maisons de retraite, toutes les procédures sont très bien connues, très bien mis en oeuvre. On s'est rendu compte que certaines populations restaient vulnérables notamment dans les lieux où les gens travaillent à l'extérieur, je pense aux cafés, je pense aux employés du bâtiment et donc il y a eu des accidents l'année dernière et donc nous avons maintenant beaucoup …
APOLLINE DE MALHERBE
Dus à ces fortes chaleurs ?
AGNES BUZYN
…dus à la canicule avec des gens qui sont décédés, il y a eu aussi des décès de sportifs, donc nous sommes en lien avec les associations sportives pour rappeler qu'il n'est pas nécessaire, voire contre-indiqué, de faire du sport en période de grande chaleur et donc voilà les messages se déploient maintenant vraiment vers toutes les populations à risque.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous parliez précisément de la question de la mortalité parce que in fine et c'est quand même le problème. En 2003, il y avait eu presque 20 000 morts en France, est-ce que malgré tout vous voyez, vous constatez déjà une petite hausse de la mortalité ?
AGNES BUZYN
Alors c'est un peu trop tôt pour le dire parce que souvent les chiffres de mortalité arrivent avec un décalage d'une quinzaine de jours par rapport aux épisodes de canicule. Ce que nous voyons, c'est un peu plus de passages aux urgences en lien avec la canicule mais je le répète et je pense que c'est un message que les Français doivent entendre, ce ne sont pas que des personnes de plus de 75 ans qui passent aux urgences, il y a des enfants, il y a des adolescents, il y a des adultes et donc toutes les populations aujourd'hui sont concernées et doivent prendre des précautions. Ce qu'il faut savoir aussi c'est que l'hyperthermie, l'augmentation de la température du corps qui entraîne des convulsions, voire le décès, survient très brutalement et donc on a peu de temps pour réagir …
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il faut vraiment anticiper parce que sinon, il est déjà trop tard !
AGNES BUZYN
Absolument. La prévention est indispensable, il faut se rafraîchir, il faut se mouiller le corps et il faut boire énormément.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous resterez sur le pont, normalement certains de vos confrères du gouvernement et puis le Parlement sont en vacances à partir de ce soir. Est-ce que vous allez continuer du coup à être vigilante ?
AGNES BUZYN
Oui, alors, je vais faire un déplacement tous les jours dans les départements, dans lesquels il y a de très fortes chaleurs …
APOLLINE DE MALHERBE
Vous serez demain à Nîmes …
AGNES BUZYN
Je serai demain à Nîmes où il est prévu 41°, je crois, samedi pareil, donc je verrai en fonction de l'évolution de la météo évidemment.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous restez mobilisée.
AGNES BUZYN
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Un mot sur une affaire plus personnelle. Votre mari qui est le président de l'Inserm Yves LEVY et qui était président de l'Inserm bien avant que vous ne devenez vous-même un ministre a décidé, il l'a annoncé hier, de renoncer à être candidat à sa propre succession, de peur qu'on puisse éventuellement reprocher à votre couple un éventuel conflit d'intérêt. Est-ce que ça veut dire qu'il se retrouve un peu victime collatérale de l'affaire BENALLA, c'est-à-dire de ce soupçon d'abus de pouvoir ?
AGNES BUZYN
Non, je crois que ça n'a absolument aucun lien avec l'affaire BENALLA, nous avions pris des dispositions puisqu'un décret avait été publié, 48 heures après ma nomination au gouvernement pour dire que le ministère de la Santé n'était plus en charge de l'Inserm – l'Inserm avait une double tutelle, je le répète, le ministère de la Santé et le ministère de la Recherche et j'étais en déport et Matignon avait repris la tutelle. Donc on avait réglé le problème du conflit intérêt dès mon arrivée au gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous regrettez qu'il renonce du coup ?
AGNES BUZYN
Il fera autre chose, je n'ai pas d'inquiétude pour lui !
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup …
AGNES BUZYN
Merci !
APOLLINE DE MALHERBE
…Agnès BUZYN en tout cas d'avoir été avec nous ce matin, ministre de la Santé qui alerte sur la canicule.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 août 2018