Texte intégral
MATTHIEU BELLIARD
Du respect aussi pour les douze millions de personnes touchées par un handicap en France. On en parle ce matin, on a choisi de mettre le sujet à la Une : l'histoire de Kevin FERMINE. Il a vingt-sept ans, il est atteint d'une dégénérescence des muscles qui l'oblige à utiliser un fauteuil roulant pour se déplacer. Il a attaqué la SNCF, il a perdu. J'ai absolument voulu ce matin qu'on en parle avec Sophie CLUZEL, Secrétaire d'État auprès des Personnes handicapées. Bonjour Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL, SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DES PERSONNES HANDICAPEES
Bonjour.
MATTHIEU BELLIARD
Merci d'être avec nous ce matin. Du respect pour la dignité humaine, c'est ce que demande Kevin FERMINE. Il a attaqué la SNCF parce qu'il se considérait humilié dans ses trajets Toulouse-Paris, parce qu'il considérait que ne pas avoir accès au wagon-bar ou aux toilettes, c'était scandaleux et une atteinte à sa dignité humaine. Il a perdu son procès parce que la SNCF a jusqu'à 2024 pour se mettre aux normes et il est condamné à rembourser les frais de justice de la SNCF. Est-ce que c'est une situation acceptable, Sophie CLUZEL ?
SOPHIE CLUZEL
Ecoutez, d'abord permettez-moi de ne pas commenter une décision de justice mais, en revanche, c'est vrai, de saluer Kevin pour son militantisme parce que c'est comme ça qu'on fait avancer les choses. Militante, je l'ai été avant d'être ministre. Je sais ce que c'est. La dignité humaine, c'est exactement ma feuille de route, c'est-à-dire que la priorité du quinquennat, c'est bien sur le handicap que nous nous battons tous les jours. Depuis plus d'un an, nous avons fait avancer énormément de choses. Je tiens quand même à rappeler que certaines choses ont été faites, puisque Kevin a parlé de com'. Je pense que ce n'est pas que de la com'. Nous agissons énormément pour la dignité justement des personnes, pour rendre cette société inclusive en passant d'abord par leur donner un revenu décent. Je rappelle quand même que l'allocation adulte handicapé va augmenter à huit cent soixante euros en novembre. Ce sera plus de deux milliards et demi sur le quinquennat donc on n'est pas dans la com'. On est vraiment dans le respect des personnes et leur permettre de vivre dignement une vie qu'ils choisissent.
MATTHIEU BELLIARD
Moi je comprends cette logique qui est une très belle logique républicaine, la séparation des pouvoirs, qui vous empêche de commenter une décision de justice sauf qu'il y a deux parties dans ce procès. Il y a Kevin d'un côté et la SNCF qui est encore une entreprise publique. Vous représentez le gouvernement, vous n'êtes pas ministre des Transports, on est d'accord Sophie CLUZEL. Mais est-ce que c'est normal que Kevin soit appelé à payer plusieurs milliers d'euros à la SNCF pour ses frais de justice ?
SOPHIE CLUZEL
C'est une décision de justice mais pas une décision du gouvernement. Ce que le gouvernement peut faire, c'est travailler justement avec la SNCF et c'est ce que nous faisons pour que justement tout ce plan d'investissement soit respecté. Ce n'est pas seulement pour la SNCF mais j'ai aussi interpellé par exemple les compagnies d'aviation qui ont encore refusé certaines personnes. Il y a de la discrimination, c'est indéniable, et c'est ce pour quoi je me bats justement pour que les discriminations cessent. Kevin a été aussi un lanceur d'alerte puisqu'il a été refusé dans un supermarché avec son chien alors que la loi l'autorise. Donc j'ai convoqué immédiatement une réunion en septembre avec les dirigeants des grandes enseignes et des enseignes de proximité, de commerces de proximité et j'invite Kevin à venir à cette réunion avec son chien pour que nous discutions de voir comment on peut encore mieux accueillir les personnes, leur rendre toute leur autonomie, leur permettre de faire les courses au supermarché d'à côté avec leur chien si elles en ont besoin ou avec un accompagnant. Voilà, c'est ainsi que nous réagissons et que je travaille et donc j'invite Kevin à venir à cette réunion. Je le contacterai pour qu'il puisse participer et donner ses propositions pour améliorer les choses.
MATTHIEU BELLIARD
On suivra de très près. Pour quitter le cas de Kevin précisément, la loi de 2005 qui prévoyait l'accessibilité pour 2015 qui a été reportée. Alors quand on s'intéresse au détail, les reports vont de trois ans pour les petits établissements à six ans, voire neuf ans pour les établissements de plus grande capacité. Je sais que beaucoup de commerçants nous écoutent. On demande à des commerçants parfois des travaux de mise aux normes qui sont parfois compliquées quand on pense à des rampes d'accès par exemple pour certains magasins dans certains centres-villes. Et à côté de cela la SNCF on est en 2018, il reste six ans la SNCF à côté de ça n'est pas capable de permettre à Kevin d'aller aux toilettes.
SOPHIE CLUZEL
Je voudrais quand même rappeler que la SNCF a un plan et qu'elle le réalise, ce plan. Elle le déroule. Donc nous sommes d'un coup, d'une baguette magique où tous les trains vont être accessibles. A chaque fois qu'il y a un renouvellement, il y a une accessibilité totale. Pour les commerces de proximité, c'est là le vrai sujet. Si on veut cette société inclusive, que la personne circule, travaille au coeur de la cité, puisse se loger, puisse aller faire ses courses, c'est bien là où il faut que nous aidions les petits commerçants, nous le gouvernement. Les établissements recevant du public, les petits établissements parce que c'est la vie quotidienne des Français en situation de handicap et celle que laquelle nous travaillons. Je lance un grand audit justement de ces fameux agendas d'accessibilité, c'est-à-dire qu'on a donné trois ans, six ans, neuf ans. Nous allons faire un grand audit qui va être fait en septembre-octobre, qui sera présenté devant le Parlement. Nous pourrons vraiment faire un point d'étape pour voir ce qu'il reste à faire et travailler avec les commerces de proximité, avec les maires, avec les élus locaux qui ont des solutions pour pouvoir améliorer cette accessibilité quotidienne. Je voudrais aussi rappeler que c'est l'accessibilité universelle qui nous importe pour tous les types de handicap, aussi bien les déficients visuels, les déficients auditifs, les personnes avec un handicap mental. Il faut qu'on travaille à la formation des agents d'accueil pour pouvoir mieux accompagner et mieux servir et mieux surtout rendre cette société accessible universellement. C'est-à-dire tout type de handicap.
MATTHIEU BELLIARD
Sophie CLUZEL, c'est vrai que toutes les entreprises, les petites comme les grandes, se sont un peu réveillées tard - en 2015 - pour demander ces dérogations et se rendre compte que ce ne serait pas possible pour 2015. Aujourd'hui, Sophie CLUZEL, est-ce que vous pouvez nous dire que la SNCF sera accessible aux personnes en situation de handicap à 100 % en 2024 ?
SOPHIE CLUZEL
C'est à la SNCF qu'il faut d'abord le demander pour pouvoir vraiment voir si elle respecte bien mais nous travaillons avec elle. Mais ce qui m'importe au-delà de la SNCF
MATTHIEU BELLIARD
Mais moi ce que j'aimerais, Sophie CLUZEL, c'est qu'on ne nous dise pas en 2023 et demi que finalement il faudra encore six ans.
SOPHIE CLUZEL
Non. C'est justement bien pour ça qu'on a fait des agendas d'activité trois ans, six ans, neuf ans.
MATTHIEU BELLIARD
D'accord.
SOPHIE CLUZEL
Pour pouvoir étaler les travaux et pouvoir être en mesure de les supporter aussi financièrement. Il faut être aussi pragmatique. Ce sont des millions d'investissement et ils sont justifiés pour pouvoir permettre aux personnes handicapées de pouvoir circuler. C'est ça notre objectif. Mais ce n'est pas uniquement pour les personnes handicapées, c'est pour les familles nombreuses avec des poussettes. C'est pour plus de sept millions de nos personnes qui sont vieillissantes et qui ont besoin aussi de pouvoir déambuler, de pouvoir marcher et d'être accompagnées par des accompagnateurs. Donc c'est tout ce mouvement-là que nous travaillons. La SNCF a fait un énorme effort sur l'accès des informations. Il faut aussi qu'on rende visible tout ce qui est fait déjà parce qu'il y a beaucoup de choses, notamment par exemple sur la RATP et je tiens quand même à dire que tous les bus sont accessibles. Tous les bus, les tramways sont accessibles donc on avance. On n'avance pas assez vite pour les personnes en situation de handicap et j'en suis très consciente. Donc on accélère le mouvement et surtout, on accompagne.
MATTHIEU BELLIARD
Un dernier mot, Sophie CLUZEL, après je vous laisse.
SOPHIE CLUZEL
Oui.
MATTHIEU BELLIARD
Est-ce qu'on va prévoir de durcir les sanctions aussi ? Une personne handicapée sur deux demande à ce qu'on durcisse les sanctions quand la loi n'est pas respectée.
SOPHIE CLUZEL
Ce n'est pas le problème de durcir les sanctions. Il faut être pragmatique, il faut justement incitatif. Il faut accompagner ces entreprises et ces petits commerces à se mettre en accessibilité. C'est bien pour ça que nous travaillons avec les élus locaux, nous mettons les ambassadeurs d'accessibilité pour leur permettre de travailler sur les chemins. Et surtout, je m'appuie sur les associations. Ce sont les associations militantes qui nous poussent et avec lesquelles on travaille surtout. Les associations font partie de tous les conseils de consultation. Je travaille avec le conseil national consultatif des personnes handicapées qui nous accompagne. Nous travaillons. Mais encore une fois, je salue le militantisme de Kevin parce qu'il a raison : il faut sans arrêt être vigilant. Et c'est bien pour ça que dès qu'il m'a alertée, dès qu'il nous a alertés sur ce refus de supermarché, j'ai immédiatement convoqué cette réunion pour septembre et je répète que Kevin sera invité.
MATTHIEU BELLIARD
Merci Sophie CLUZEL, Secrétaire d'Etat auprès des personnes handicapées. Merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 août 2018