Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la politique du Gouvernement en matière de médicament, notamment la qualité et la sécurité des produits, la recherche pharmaceutique et les dépenses de santé liées au médicament, Paris le 21 juillet 1999.

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Circonstance : Présentation de la réforme de la politique du médicament à Paris le 21 juillet 1999

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
J'avais annoncé en février 1998 les quatre axes sur lesquels le Gouvernement entendait fonder sa politique en matière de médicament :
- garantir la qualité et la sécurité des produits ;
- améliorer les conditions d'accès aux médicaments ;
- relancer la recherche pharmaceutique en France ;
- rationaliser et optimiser les dépenses collectives consacrées au médicament.
C'est sur ce dernier aspect que je souhaite aujourd'hui faire le point avec vous car des étapes déterminantes viennent d'être franchies.
Les objectifs sont clairs
- fonder nos décisions sur des critères de santé publique ;
- garantir la transparence et la cohérence de ces décisions quelques soient les produits et les entreprises concernés ;
- cela pour permettre une meilleure allocation des ressources disponibles.
Les instruments sont maintenant opérationnels : développement des médicaments génériques, réévaluation du service médical rendu par les médicaments et clauses de régulation des dépenses. J' y reviendrai.
La méthode a également porté ses fruits. Grâce à la concertation, nous avons conclu avec les pharmaciens. Aujourd'hui nous aboutissons avec le syndicat national de l'industrie pharmaceutique.
Nous ne répéterons jamais assez -vous ne direz jamais assez- combien il est important que les génériques se développent dans notre pays comme c'est déjà le cas chez nos voisins. Car nous avons là, à portée de main, à service médical rendu égal, une source d'économie importante (à terme 4 milliards de francs chaque année) pour nous permettre de continuer à rembourser bien -et même de mieux en mieux- les médicaments les plus innovants sans alourdir les charges sociales.
Toutes les conditions sont aujourd'hui remplies pour permettre enfin le développement des médicaments génériques :
- l'agence a publié en juin dernier la quatrième version du répertoire, une cinquième version exhaustive devrait être publiée d'ici la fin du mois d'août ;
- elle doit par ailleurs achever son programme d'inspection et de contrôle entamé il y a maintenant plus de deux ans, d'ici la fin 1999 ;
- les représentants des pharmacies d'officine et la CNAMTS viennent de signer un accord sur la télétransmission des feuilles de soins ;
- les pharmaciens se sont donnés les moyens de faire du droit de substitution que nous leur avons accordé, une réalité quotidienne.
La réforme du système de marge des pharmaciens entrera donc effectivement en vigueur au 1er septembre.
La réévaluation des médicaments et la réforme du remboursement viennent elles aussi de rentrer dans une phase décisive.
Cette réforme était nécessaire. En effet la situation en matière de prise en charge n'était pas satisfaisante. Les imprécisions du droit et certaines incohérences dans les décisions passées ont abouti à une absence d'harmonisation parfois flagrante au sein de différentes classes de médicaments. En termes de décisions de prise en charge, il y avaient des médicaments d'une même classe remboursés, d'autre pas. En termes de niveau de prise en charge, il y avaient des médicaments d'une même classe pris en charge à 65 %, d'autres à 35 %. Enfin, des écarts de prix du simple au triple et même plus coexistaient sans justification.
La réforme vise à appuyer les décisions prises par les pouvoirs publics en matière de prise en charge sur des critères avant tout médicaux et de santé publique. Elles se fondent sur le service médical rendu par le médicament et sur une approche cohérente par classes de médicaments.
Des règles claires, précises, transparentes et identiques pour tous fonderont désormais les décisions de rembourser ou non un médicament, son niveau de prise en charge et son prix.
Où en sommes nous aujourd'hui ?
L'approche par classes de médicaments a débuté par les travaux de l'Observatoire national des médicaments que nous avons orienté vers une question prioritaire : celle de l'adéquation des prescriptions et des consommations de médicaments aux besoins de santé publique. Y-a-t-il des surconsommations injustifiées dans notre pays ? Y-a-t-il des insuffisances ? Certains malades restent-ils insuffisamment, mal ou non traités ?
Nous disposons aujourd'hui des premiers rapports de l'Observatoire, sur les antibiotiques, sur les antidépresseurs, dernièrement sur les veinotoniques et prochainement sur les vasodilatateurs. Même si ces travaux doivent être poursuivis et affinés, nous savons qu'il y a en la matière des surconsommations, des mauvais usages et des gâchis inacceptables.
La réévaluation du service médical rendu est le deuxième volet de cette réforme. Après avoir redéfini les critères à prendre en compte, le travail d'identification des spécialités et leur évaluation ont été entamés en avril dernier pour les médicaments du système cardio-vasculaire, du métabolisme et de la nutrition, et certains médicaments de rhumatologie et du système nerveux, notamment les antidépresseurs, les anxiolytiques et les tranquillisants.
Quelques 1 100 spécialités, correspondant à un chiffre d'affaires de 28,5 MdF, ont été évaluées par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et par des groupes d'experts. Ces groupes se sont réunis par classe de produits tout au long du mois de juin. La commission de la transparence valide leur travail aujourd'hui. Les niveaux de service médical rendu retenus pour chaque médicament seront notifiés aux industriels début août. De manière à garantir l'objectivité, la transparence et l'impartialité requises, les entreprises pharmaceutiques qui contesteraient ces évaluations pourront faire connaître leur position. La commission re-statuera, le cas échéant, en septembre et en octobre. Les résultats de cette première vague de réexamen seront disponibles au plus tard à la fin du mois d'octobre.
Parallèlement débutera en août une deuxième vague représentant environ 22 MdF et concernant les médicaments du système respiratoire, de l'appareil digestif et les antibiotiques. Cette deuxième vague devrait s'achever à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine.
Le programme initial prévoyait un calendrier semestriel échelonné sur trois ans. Toutefois, Conformément aux souhaits des industriels et du SNIP, la procédure a été accélérée au maximum. Le réexamen des spécialités des autres classes médicamenteuses démarrera au début de l'année 2000 et pourrait être achevé à la fin de cette même année.
Je tirerai les conséquences des résultats de cette réévaluation au fur et à mesure qu'ils seront disponibles. Le Comité économique du médicament les mettra alors en application. Toutefois au préalable il était nécessaire de redéfinir les dispositions réglementaires concernant la prise en charge des médicaments.
Ce volet juridique est, lui aussi, bien avancé.
Le décret redéfinit les critères positifs et négatifs d'admission au remboursement. L'admission sur la liste des médicaments remboursables sera dorénavant principalement fondée sur le service médical rendu. Par ailleurs, les conditions de non-inscription ont été complétées, notamment pour empêcher l'arrivée de produits qui auraient pour effet d'obstruer le fonctionnement concurrentiel du marché.
Le service médical rendu sera apprécié en tenant compte de l'efficacité et des effets indésirables du médicament, de sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres traitements disponibles, de la gravité de l'affection à laquelle le médicament est destiné, ainsi que du caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et de son intérêt pour la santé publique.
Le décret modifie les critères de fixation des taux de remboursement pour tenir compte du niveau de service médical rendu et non plus seulement de la gravité de la maladie. Désormais les médicaments dont le niveau de service médical rendu n'est ni majeur, ni même important mais qui justifient cependant une prise en charge, seront remboursés à 35 %.
Le projet de décret apporte d'autres innovations :
- il simplifie la procédure d'inscription pour les médicaments génériques ;
- il étend à l'ensemble des médicaments le principe d'une inscription à durée limitée. Celle-ci sera portée de trois à cinq ans ;
- il introduit un critère spécifique de renouvellement à l'inscription : le service médical rendu doit rester suffisant compte tenu des médicaments nouvellement apparus sur le marché ;
- le décret introduit le principe d'une réinscription par gammes pour l'ensemble des médicaments d'une même entreprise pharmaceutique ayant le même principe actif sous des dosages, des formes et des présentations différentes ;
- il permet de réévaluer l'ensemble des médicaments d'une même classe si la commission de la transparence propose de ne pas rembourser un médicament ou au contraire d'inscrire un médicament susceptible de modifier substantiellement les stratégies thérapeutiques antérieures, de façon à faciliter l'harmonisation des conditions de prise en charge au sein des classes.
Le projet de décret est actuellement soumis à la concertation. Il sera transmis au Conseil d'Etat dans les prochains jours.
Pour ce qui concerne la régulation des dépenses, le Gouvernement a souhaité que l'industrie pharmaceutique y participe comme chacun des acteurs de santé publique. La Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 1999 a créé une " clause de sauvegarde " qui prévoit une contribution des entreprises pharmaceutiques en cas de progression de leur chiffre d'affaires supérieur à celle de l'ONDAM. Sous certaines conditions les conventions peuvent exonérer les entreprises de la clause de sauvegarde. L'accord sectoriel qui vient d'être signé, prévoit dans le cadre conventionnel un dispositif de régulation permettant une telle exonération. En sus de l'engagement propre à chaque entreprise sur l'évolution de son chiffre d'affaires, il sera mis en oeuvre une régulation par classes médicamenteuses.
Des objectifs annuels de dépenses par grande catégorie de médicaments remboursés ont été définis par les pouvoirs publics pour la période 1999-2002. Ces objectifs ne constituent pas des plafonds limitant la prescription, la vente ou la consommation des médicaments concernés. Ils représentent des seuils d'évolution au delà desquels la collectivité publique estime devoir payer proportionnellement moins cher ces produits, par l'obtention de remise de la part des entreprises qui les commercialisent. Ces objectifs seront rendus publics dans les jours à venir. Ils seront révisables chaque année dans le cadre conventionnel.
Nous souhaitons en effet nous appuyer sur une approche conventionnelle pour mettre en oeuvre nos objectifs de bon usage du médicament, de soutien à la recherche et au développement de médicaments innovants, de rationalisation et d'optimisation des dépenses.
Afin de mettre en place un cadre opérationnel pour la démarche conventionnelle, l'Etat représenté par le président du Comité économique du médicament vient de signer un accord sectoriel avec l'industrie pharmaceutique, représentée par le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique en la personne de son président Bernard Mesuré.
Cet accord fixe le cadre global de nos relations pour la période 1999-2002. Il témoigne d'une volonté réciproque de coopération accrue, offrant aux entreprises un cadre stable et respectueux de la libre concurrence et au Gouvernement des garanties sur la mise en oeuvre de ses réformes et sur l'équilibre des comptes sociaux.
L'accord doit favoriser une plus grande transparence. Il améliorera le partage des informations disponibles sur les prescriptions et les conditions d'utilisation des médicaments. Il prévoit une concertation régulière sur le suivi des dépenses médicamenteuses. Il définit le contenu des conventions passées entre l'Etat et les entreprises pharmaceutiques et les principes qui font contribuer ces dernières à la régulation des dépenses médicamenteuses.
Les industriels reconnaissent la nécessité pour ces dépenses d'être compatibles avec le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (l'ONDAM) voté chaque année par le Parlement.
Nous avons également constaté l'accord de l'industrie pharmaceutique sur les principales réformes de fond que le Gouvernement a mis en place pour rationaliser les dépenses médicamenteuses. Et notamment sur l'intérêt du développement rapide des médicaments génériques, de l'automédication et sur la nécessité de garantir la qualité et l'objectivité de l'information et des outils d'aide à la prescription médicales.
Sans méconnaître l'utilité de l'information diffusée par les entreprises sur leurs produits auprès des professionnels, l'Etat rappelle la nécessité pour l'industrie pharmaceutique de réduire ses dépenses promotionnelles. Les premiers résultats sont encourageants puisque le ratio dépenses promotionnelles sur chiffre d'affaires est passé de 14.3 % en 1996 à 13.3 % en 1998. Nous visons une réduction supplémentaire de 1 point par an sur quatre ans, soit un ratio de 10 % en 2002.
Les représentants de l'industrie ont également signifié leur accord pour tirer au plus vite les conséquences des travaux de réévaluation, dont je viens de parler.
Enfin J'accorde prévoit une accélération des procédures de mise sur le marché des médicaments pris en charge par l'assurance maladie. Il insiste sur l'importance des médicaments destinés au traitement des maladies rares et sur la nécessité de mieux répondre aux besoins de formes et de présentations pharmaceutiques adaptées aux enfants.
Sur la base de cet accord, le Comité économique du médicament va maintenant engager les discussions de nouvelles conventions avec chaque entreprise.
Vous le voyez : accord sectoriel avec les pharmaciens d'officine ainsi qu'avec l'industrie pharmaceutique, première étape franchie pour la réévaluation des médicaments et la réforme du remboursement, démarrage de la substitution en pharmacie, nous avons avancé de façon significative dans la réalisation de notre politique.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 juillet 1999)