Texte intégral
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Députés, je veux tout d'abord vous dire le plaisir que j'ai de participer à notre rendez-vous mensuel. Cette réunion devait se tenir la semaine dernière, mais j'ai été obligé de la reporter car j'ai dû suppléer le chef de l'Etat au sommet de l'Union européenne et des Balkans à Londres, puis participer au sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).
Nous avons décidé de concentrer notre discussion sur l'Union européenne, mais ce sujet m'amènera à aborder de nombreuses questions que je vais tenter de passer brièvement en revue dans mon propos liminaire.
Vous le constatez, l'Europe doit livrer bataille sur une scène internationale en plein bouleversement, où nombre de repères se brouillent. Face aux menaces qui pèsent sur le système international, la nécessité de garantir l'existence d'un pôle européen uni et stable me semble plus forte que jamais. Il y va de la préservation de notre sécurité et de l'ensemble de nos intérêts, mais aussi de la pérennité d'une stabilité politique globale dont l'histoire nous a enseigné le prix. Simultanément, l'Europe est en proie à une grave crise interne, de nature à la fois politique et économique, qui nourrit les populismes, lesquels l'alimentent en retour. Ravivée, dans l'actualité la plus récente, par d'âpres débats sur la question des migrants, cette crise semble avoir atteint dernièrement un nouveau palier. Mais, si la situation dans laquelle se trouve l'Union est sérieuse et exige d'être considérée avec lucidité, elle ne doit pas éclipser les efforts déjà consentis par notre pays pour relancer la dynamique européenne et conjurer le spectre d'un délitement de l'Europe et d'un renoncement au projet européen. À cet égard, notre mobilisation - celle du chef de l'Etat, du gouvernement, la mienne - est totale.
L'Europe est, depuis le début, au coeur du projet politique conçu par le président de la République, qui a osé porter un discours fort sur l'Union européenne pendant la campagne présidentielle. Au repli et à la fermeture des extrêmes, il a opposé l'ambition d'une Europe refondée, plus démocratique, plus unie et plus souveraine. Cette ambition a su convaincre, mais il faut sans cesse la rappeler pour convaincre encore. En tout cas, nous ne cesserons d'agir pour en faire une réalité tangible. Telle est ma mission, et je l'accomplis avec le soutien de Nathalie Loiseau, que vous avez l'occasion d'entendre régulièrement. L'enjeu est de taille. C'est pourquoi nous devons tout faire pour réussir.
Je commencerai par rappeler rapidement les termes du projet de refondation européenne présenté par le président de la République, car ils constituent la charte du gouvernement dans ce domaine. L'Europe souveraine, que le président de la République a appelée de ses voeux le 26 septembre dernier à la Sorbonne, repose en définitive sur trois piliers : l'unité de l'Europe, la protection de ses citoyens et de ses intérêts et, enfin, ce que j'appelle la capacité de projection de l'Union européenne, c'est-à-dire sa capacité à agir comme un acteur global, à peser réellement sur les dossiers internationaux et à diffuser son modèle et ses valeurs.
De ce triptyque découlent trois impératifs. Premièrement, il faut prendre en compte les aspirations des peuples, qui sont dépositaires de la souveraineté européenne. Deuxièmement, il faut renouer avec le souci de protection inhérent au projet européen, y compris dans ses politiques les plus anciennes et les plus emblématiques. L'Europe qui protège, c'est une Europe qui non seulement vient en aide à ceux qui en éprouvent le besoin, mais qui affirme également ses intérêts économiques et qui défend son autonomie stratégique. Enfin, troisièmement, il faut construire une Europe capable d'agir comme une puissance globale. Cet impératif, qui est sans doute encore plus prégnant aujourd'hui qu'hier et qu'au moment du discours de la Sorbonne, implique de réguler la mondialisation selon nos propres normes, d'oeuvrer en faveur du développement et d'être le fer de lance de la lutte contre le changement climatique.
Cette Europe démocratique, cette Europe qui protège et qui prend son destin en main, cette Europe capable de défendre ses intérêts et d'assumer un rapport de force, l'actualité, y compris la plus récente, ne cesse de nous en rappeler la nécessité.
Depuis le discours de la Sorbonne, un certain nombre d'acquis ont été obtenus, qu'il ne faut pas négliger. Ainsi, la mise en oeuvre du projet des consultations citoyennes est désormais une réalité dans l'ensemble des Etats membres. Nos concitoyens et l'ensemble des Européens sont invités à se rassembler pour débattre de l'avenir commun que nous voulons inventer. En France, plus de 420 consultations ont été labellisées, et cela se poursuivra à l'automne. S'agissant de la défense européenne, l'adoption d'un fonds européen ad hoc qui permettra de financer, dès 2019, le développement de la recherche et de capacités militaires communes, jusqu'à la mise en oeuvre d'un prototype, est un progrès très significatif. Par ailleurs, les universités européennes, dont la création a été proposée dans le discours de la Sorbonne, commencent à s'organiser et, d'ici à 2024, une vingtaine d'entre elles devraient voir le jour. Sur la question du travail détaché, la détermination et la ténacité du président de la République ont permis d'aboutir à des améliorations significatives de la directive sur la base du principe : à travail égal, traitement égal sur le même lieu de travail. Enfin, lors du sommet de Göteborg, en novembre dernier, le socle européen des droits sociaux que le président de la République avait appelé de ses voeux dans son discours de la Sorbonne a été proclamé ; il comprend le principe d'un salaire minimum et des éléments de convergence sociale. Certains progrès ont donc été accomplis, mais l'enjeu principal réside dans le choix que feront les Européens lors des échéances de mai prochain.
Les crises que l'Europe traverse confirment la nécessité de poursuivre dans cette voie, même si elles en compliquent l'exécution. Depuis plus d'une décennie, l'Europe traverse en effet des turbulences majeures. Une crise politique de légitimité, d'abord : l'Union est trop souvent incapable de rendre ses décisions intelligibles. Une crise de confiance, ensuite, au moment où les fruits de l'effort collectif et la croissance ne semblent pas également partagés. Dans la plupart des Etats membres, on a vu la même rhétorique se déployer : sous prétexte des difficultés que rencontre la construction européenne, on oppose au projet de l'Union une représentation chimérique de la souveraineté nationale, fondée sur l'isolement et le repli. Cette opposition entre populisme et partisans de l'Europe est devenue, en définitive, un clivage politique majeur sur l'ensemble du continent.
L'unité européenne est ainsi en question, face à des forces centrifuges qui minent le continent et dont la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne est l'illustration la plus saillante. Face à ce revers, l'Europe doit démontrer son unité et sa cohésion. Depuis le 19 juin 2017, la négociation est enclenchée sous la conduite de Michel Barnier, qui a reçu des vingt-sept Etats membres et de la Commission européenne un mandat clair à la suite du référendum de juin 2016. Mais, alors que l'échéance du retrait - le 29 mars 2019 - approche dangereusement, plusieurs chantiers importants - vous l'avez indiqué, Madame la Présidente - sont encore devant nous.
Je pense tout d'abord à l'accord de retrait. Au-delà des sujets sur lesquels nous avons trouvé un accord - le règlement financier et le droit des citoyens -, certaines questions importantes demeurent, telles que celle du rôle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans la mise en oeuvre de l'accord, ou celle de la frontière irlandaise. Sur ce sujet crucial, le Royaume-Uni a fait une proposition qui comporte trop de faiblesses et porterait atteinte au marché intérieur de l'Union européenne. Par ailleurs, nous avons défini, à vingt-sept, la nature de la relation future que nous souhaitons établir avec le Royaume-Uni. L'Union propose la conclusion d'un accord de libre-échange ainsi que d'autres partenariats, notamment en matière de sécurité intérieure, de politique étrangère et de défense, qui devront être actés au terme de la négociation.
La semaine dernière, le gouvernement britannique a été remanié après la démission de David Davis et de Boris Johnson, qui ont été remplacés respectivement par Dominic Raab et Jeremy Hunt. Nous en prenons acte. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer mon nouvel homologue, Jeremy Hunt, mais le nom du négociateur compte moins que la position que défendra le Royaume-Uni lors de la session de négociations en cours. Ces démissions, comme vous le savez, sont intervenues à la suite d'un séminaire gouvernemental qui s'était tenu le vendredi précédent à Chequers, lors duquel la Première ministre, Theresa May, avait fait des propositions qui ont été précisées dans un Livre blanc paru le 12 juillet.
Sur le contenu de celui-ci, Madame la Présidente, je ne peux pas encore vous livrer la position définitive de la France, car nous sommes en train de l'examiner, notamment en relation avec le négociateur, Michel Barnier, à la lumière des principes fixés par le Conseil, à savoir l'intégrité du marché unique, l'indivisibilité des quatre libertés de circulation - des capitaux, des services, des biens et des personnes - et la pleine autonomie de décision de l'Union. En tout état de cause, on peut constater un "bougé" de la part de Theresa May, d'un Brexit dur vers un Brexit doux. Ce Livre blanc est un document de travail qui mérite la considération mais, a priori, le compte n'y est pas encore. Il s'agit de savoir, tout d'abord, comment l'ensemble des Vingt-Sept et le négociateur vont l'interpréter, notamment au regard du mandat de négociation, et, ensuite, si d'autres "bougés" sont possibles ou s'il s'agit d'une position définitive.
Quoi qu'il en soit, le temps presse, car l'accord de retrait doit être conclu, si possible, lors du Conseil européen du mois d'octobre, en raison des contraintes liées au calendrier du Parlement européen. Il faut donc faire le maximum pour aboutir à une clarification de cet accord, faute de quoi prévaudra la perspective d'une sortie sans accord. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Certes, cela bouge, mais cela bouge lentement et tardivement. Peut-être cela bougera-t-il encore. En tout cas, nous considérons ce Livre blanc comme une base de travail qui, dans l'état actuel des choses, n'est a priori pas satisfaisante.
J'en viens à l'Italie. Les élections du 4 mars dernier ont porté au pouvoir une coalition populiste rassemblant la Ligue et le Mouvement Cinq Etoiles. Le gouvernement conduit par le président Conte est entré en fonction le 1er juin. Le discours du nouveau président du Conseil a rassuré ses partenaires, dans la mesure où il a dissipé leurs inquiétudes en confirmant l'ancrage de la péninsule dans l'Union européenne et la zone euro. Néanmoins, il n'a pas apporté les précisions attendues sur le financement, le calendrier et les contours des mesures annoncées. Or, les premières mesures du nouveau ministre de l'intérieur laissent entrevoir une orientation très préoccupante. Nous estimons qu'il faut parler avec les Italiens. Le président de la République s'est ainsi entretenu à plusieurs reprises avec M. Conte et j'ai moi-même rencontré mon homologue italien. Nous souhaitons mettre la relation bilatérale forte qui existe entre les deux membres fondateurs au service de l'Union européenne ; l'enjeu est d'arrimer Rome à nos côtés pour confirmer l'engagement européen de l'Italie.
À côté des dissensions politiques que je viens d'évoquer, le second défi tient à la montée des projets "illibéraux", qui remettent en cause certaines des valeurs fondamentales et certains des principes de fonctionnement essentiels du projet européen. En Pologne, tout d'abord, où le parti Droit et Justice, au pouvoir depuis 2015, a mis en oeuvre une réforme du système judiciaire aboutissant notamment à une moindre effectivité du contrôle de constitutionnalité des lois et à un renforcement de l'influence du pouvoir politique sur les instances judiciaires. Ces évolutions portent atteinte à la séparation des pouvoirs, à l'indépendance de la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif, qui figurent parmi les engagements de l'Union européenne. Conformément à la procédure de l'article 7 du traité de l'Union européenne, la Commission a donc présenté, le 20 décembre dernier, une proposition motivée visant à demander au Conseil de se prononcer sur l'existence d'un risque clair de violation grave de l'Etat de droit en Pologne. Le recours à cette procédure a permis de renouer un dialogue entre la Commission et les autorités polonaises, sans que celles-ci aient, pour l'heure, fait des concessions à même de dissiper nos inquiétudes.
On constate la même dérive en Hongrie, où les préoccupations touchant l'Etat de droit résultent de plusieurs réformes menées par le gouvernement de Viktor Orbán, qui a réduit de manière substantielle les vecteurs d'expression de l'opposition. La Commission européenne a donc ouvert des procédures d'infraction et le Parlement européen a adopté, le 17 mai dernier, une résolution appelant au déclenchement de la procédure prévue à l'article 7 du traité sur l'Union européenne. Cette procédure va suivre son cours.
Je mentionnerai également l'évolution de la Roumanie, dont on parle moins mais qui est également préoccupante. Je pense en particulier à la destitution récente de Laura Kövesi, procureure anticorruption - avec qui je me suis longuement entretenu lors de mon récent déplacement en Roumanie -, qui n'a pu être empêchée par le président Klaus Iohannis. Cette destitution ne manque pas de susciter des interrogations quant à l'avenir.
Face à cette situation, la Commission a émis une proposition visant à mettre en place une conditionnalité financière liée au respect de l'Etat de droit. Puisque le bénéfice des financements de l'Union est l'expression de la solidarité européenne, il importe que celle-ci soit considérée comme indissociable du respect de ses valeurs fondamentales.
Par ailleurs, l'Europe se déchire sur la question migratoire. En effet, dans l'actualité récente, c'est sur la question des migrations et de l'équilibre entre responsabilité et solidarité des Etats que les clivages les plus préoccupants se sont affirmés au sein de l'Union. Pendant plusieurs années, celle-ci a été confrontée à une crise migratoire majeure. Aujourd'hui, les flux ont drastiquement baissé ; les initiatives prises au niveau européen depuis 2015 ont porté leurs fruits. Plus d'un million de personnes étaient arrivées en Europe par les routes maritimes en 2015 ; elles ont été moins de 80.000 en 2017, et ce chiffre devrait être à peu près équivalent en 2018. C'est donc à une crise politique sur le sujet des migrations, et non à une crise migratoire proprement dite, que l'Union européenne doit faire face aujourd'hui.
Ce constat n'enlève toutefois rien au caractère durable des flux migratoires irréguliers, qu'il faut prendre en compte. L'Europe doit donc trouver, pour les maîtriser, des solutions qui soient évidemment conformes au respect de la dignité des personnes concernées, tant durant leur transit qu'à leur arrivée en Europe. Celle-ci ne peut pas prendre pour habitude de régler des situations aussi dramatiques que celles provoquées par les crises nautiques auxquelles nous avons assisté par des solutions de dernière minute. Il nous fallait donc construire un cadre permettant de travailler à l'application des principes de solidarité et de responsabilité. C'est ce qui a été fait au cours du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers. La France a mis sur la table des négociations un plan d'action global, structuré autour de trois lignes de force. Premièrement, nous proposons, afin de protéger nos frontières extérieures, de faire de l'agence Frontex une véritable police européenne des frontières. Deuxièmement, nous voulons renforcer le travail partenarial avec les pays d'origine et de transit au moyen d'actions de coopération, de formation et de développement. Cette proposition s'inscrit dans le prolongement de ce qui avait été convenu lors du sommet du 28 août 2017 à l'Elysée et, surtout, lors du sommet de l'Union européenne et de l'Union africaine à Abidjan. Enfin, troisièmement, sur le territoire européen, nous souhaitons renforcer la convergence de nos systèmes d'asile et promouvoir une refonte en profondeur du système dit de Dublin, afin de mieux articuler les règles de responsabilité et les règles de solidarité.
Le président de la République a obtenu que cette démarche serve de base à l'accord, et nous travaillons maintenant à donner une traduction opérationnelle aux conclusions du Conseil. Ce cadre général repose sur des principes clairs : la garantie du droit d'asile, principe intangible pour les personnes menacées, et l'absence de droit à la migration économique. Il est légitime que les pays européens régulent l'ensemble de ce phénomène d'immigration. Encore faut-il le faire dans le respect de nos principes humanistes et du droit international.
Les membres du Conseil européen se sont accordés sur la nécessité d'un renforcement de l'action extérieure menée à l'égard des pays d'origine et de transit. Il nous faut en effet dissuader, autant que possible, les migrants de prendre la mer sur les rives sud de la Méditerranée. Nous y parviendrons notamment en renforçant les capacités des garde-côtes des pays du Maghreb et en veillant à ce que les migrants ramenés à terre le soient dans des conditions dignes et conformes au principe de non-refoulement. Ce doit être le cas en particulier en Libye, où je vais d'ailleurs me rendre dans quelques jours, pour évoquer la situation politique du pays - j'y reviendrai, car l'Europe joue un rôle important en la matière - mais aussi pour nous assurer de la mise en oeuvre des dispositifs garantissant aux migrants d'être respectés et traités avec le minimum d'humanité, ce qui n'était pas le cas il y a encore peu de temps. Au demeurant, la situation ne s'est pas améliorée partout, car beaucoup de camps sauvages sont tenus par des milices qu'il convient de combattre.
Les membres du Conseil européen se sont également accordés sur le lancement de la seconde tranche, de trois milliards d'euros, de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie et sur le ré-abondement du Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique, le fameux FFU, à hauteur de 500 millions d'euros, qui permettra de financer les nouveaux projets pour le développement que la France souhaite porter dans le cadre de sa coopération avec les pays qu'elle juge prioritaires.
Les conclusions du Conseil européen évoquent également le concept de plateforme régionale de débarquement hors Europe. Nous avons, avec d'autres, émis des réserves sur la faisabilité politique et juridique d'un tel projet. Le type d'actions que nous menons au Niger ou au Tchad nous semble préférable : les centres sont ouverts et gérés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), et nous dépêchons sur place des missions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) grâce auxquelles nous pouvons relocaliser les migrants éligibles au droit d'asile, ceux qui ne le sont pas bénéficiant d'un soutien au retour fourni par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cette collaboration entre le HCR et l'OIM est de nature, me semble-t-il, à assurer à la fois le respect du droit d'asile et la dissuasion. Il est préférable d'agir dans ce cadre-là plutôt que dans celui de plateformes de débarquement hors Europe.
Par ailleurs, les véritables responsables sont les passeurs : ce sont eux qui mettent en péril la vie des migrants en les jetant en mer dans des embarcations de fortune. Nous avons donc mené des actions pour que plusieurs de ces passeurs fassent l'objet de sanctions, lesquelles ont été adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies et l'Union européenne. Nous poursuivrons cette action, car ces sanctions sont indispensables pour éviter que ne prospèrent ceux qui s'enrichissent sur la misère des autres.
Toutefois, poursuivre les coupables de ces drames ne suffit pas : nous devons également favoriser la mise en oeuvre d'un mécanisme prévisible de gestion des débarquements en Europe. Tel est l'objet du projet de centre contrôlé qui figure dans les conclusions du Conseil. Dans ces centres établis sur le territoire de l'Union, à ses frontières extérieures, nous pourrions faire la distinction entre les réfugiés, qui ont besoin d'une protection, et les migrants irréguliers, avec un soutien accru de la part de l'Union et des Etats membres. Sans remettre en cause le principe de responsabilité des pays de premier accueil, cette proposition a le mérite de renforcer la solidarité européenne et la coopération. En tout cas, c'est dans ce sens que nous voulons avancer. En même temps, nous voulons appuyer les travaux de la Commission visant à faire du bureau européen d'appui en matière d'asile un véritable office européen de l'asile, conformément aux principes qu'avait énoncés le président de la République dans son discours de la Sorbonne.
Voilà le cadre qui a été validé par l'ensemble des membres du Conseil. Il faut maintenant l'appliquer de manière opérationnelle - j'ai indiqué quelques pistes. Le rendez-vous est fixé au 20 septembre, date à laquelle se tiendra, à Salzbourg, un Conseil informel qui devra faire le point sur l'application concrète de ce cadre général. Nous sommes actuellement dans la phase où les Etats se positionnent - c'est le sens des déclarations que vous avez relevées, Madame la Présidente -, mais nous aboutirons ensuite, je l'espère, à la mise en oeuvre concrète des orientations définies par le Conseil à la fin du mois de juin.
Il nous faut relever un deuxième défi, pour répondre aux enjeux de la situation internationale : le renforcement de l'Europe de la défense. La nouvelle donne internationale, marquée par la remise en cause des instances multilatérales, la montée des tensions dans notre environnement proche et la persistance de la menace terroriste, rappelle aux Européens l'exigence d'autonomie stratégique qui doit animer notre destin commun et le projet de l'Union européenne. Je constate avec vous qu'en la matière, des progrès importants ont été accomplis au cours des derniers mois. J'ai évoqué tout à l'heure le Fonds européen de défense - treize milliards d'euros, ce n'est pas rien. En tout cas, je puis vous dire, pour avoir été ministre de la défense pendant un certain temps, que, jamais, il y a cinq ans, on n'aurait pu imaginer parvenir à ce résultat, jamais ! En outre, a été arrêté, en décembre dernier, le principe de la coopération structurée permanente (CSP), qui doit permettre à plusieurs des membres de cette coopération de lancer en commun des projets capacitaires et opérationnels. Dix-sept projets concrets ont déjà été lancés, et de nouveaux projets seront présentés au mois de novembre. Il s'agit, là encore, d'une mutation culturelle importante, d'autant plus que ce dispositif, qui avait été lancé par la France et l'Allemagne, fin 2016, à Bratislava, réunit désormais tout le monde. Cela montre que notre préoccupation a été largement comprise.
J'ajoute que, lorsque le président de la République a évoqué, dans son discours de la Sorbonne, le concept d'initiative européenne d'intervention - qui a pour objet d'accroître la mobilité et l'interopérabilité entre les différentes armées de l'Union européenne, d'élaborer des scénarios d'engagement mutuel et de partager le soutien aux opérations -, il avait été, là encore, assez peu entendu. Or, aujourd'hui, huit autres pays soutiennent cette initiative européenne d'intervention, qui permet de développer une culture militaire commune, une habitude de la planification et des réflexes d'intervention communs. Cela va dans le bon sens, celui de l'affirmation de l'autonomie stratégique de l'Union européenne. J'évoquerai plus tard l'OTAN, mais il se trouve qu'au sommet de Bruxelles, la complémentarité et l'arrimage de l'autonomie de défense de l'Union européenne ont été constatés et mentionnés dans le communiqué final.
Enfin, le troisième défi auquel l'Union européenne est confrontée est la relance du chantier de la réforme et de l'approfondissement de la zone euro. Aujourd'hui, celle-ci est encore trop faible face aux risques de déstabilisation financière et trop vulnérable face aux chocs économiques. L'accord conclu par le chef de l'Etat et la Chancelière, le 19 juin dernier, lors du sommet franco-allemand de Meseberg, repris par le Conseil européen, marque un tournant dans l'histoire de notre monnaie commune. Sur la base des propositions françaises, cet accord fixe, tout d'abord, un objectif de stabilité. Nous avons en effet voulu progresser dans la voie d'une réforme du mécanisme européen de stabilité, pour faire émerger un instrument de financement nouveau. En créant ce filet de sécurité, nous apportons des réponses concrètes aux problèmes de stabilité économique et financière au sein de la zone euro. Cette décision marque donc une avancée majeure. Au reste, si elle avait été prise il y a quelques années, elle aurait permis de résoudre beaucoup plus efficacement le début de la crise financière et aurait épargné à certains pays européens les tourments dont ils ont payé lourdement le prix.
Par ailleurs, la France et l'Allemagne se sont mises d'accord sur un budget de la zone euro. Il s'agira d'un véritable budget : des recettes et des dépenses annuelles seront fixées et les Etats de la zone auront à prendre des décisions, notamment pour réaliser des investissements communs en soutien à la productivité et à l'innovation. Il reviendra à la Commission européenne d'effectuer les dépenses prévues. Lors du sommet de la zone euro du 29 juin, le président de la République et la Chancelière ont exposé les termes de l'accord qu'il convient désormais de traduire concrètement. Notre objectif est que ce budget voie le jour lors du prochain cadre financier pluriannuel auquel j'ai fait référence tout à l'heure à propos du Fonds européen de défense. Il y a quelques mois, le président de la République l'a rappelé il y a un instant lors d'une conférence de presse, la possibilité de sceller un accord avec les Allemands sur un budget de la zone euro semblait impossible. Aujourd'hui, nous disposons d'un accord franco-allemand clair et ambitieux. Il s'agit désormais de rassembler les autres Etats membres sur cette logique, mais on voit bien que, pour avancer, le moteur franco-allemand est essentiel. Il s'incarnera encore d'avantage prochainement, puisqu'un nouveau traité de l'Elysée est en cours d'élaboration, qui devrait être validé au mois de janvier prochain et qui sera une source d'inspiration pour le futur projet européen.
Il s'agit de faire en sorte que l'Europe soit une véritable puissance économique et monétaire.
Outre ces trois défis immédiats, je voudrais, pour conclure, faire état des interrogations et des moyens d'action de l'Europe face aux ébranlements de la nouvelle donne mondiale. Pour jouer le rôle de puissance qui lui revient, l'Europe doit identifier ses intérêts propres, qu'il s'agisse d'intérêts de sécurité ou d'intérêts économiques, et mettre en oeuvre, le cas échéant, les instruments de nature à les garantir. Elle doit le faire dans son environnement le plus proche ; je pense évidemment à l'espace méditerranéen. Ainsi, sur la question syrienne et la question libyenne, l'Europe est à l'initiative - j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir. S'agissant de la Syrie, je crois avoir évoqué avec vous, lors de notre dernière réunion, notre souhait de trouver un mode de fonctionnement entre ce que l'on appelle le Small Group, créé à l'initiative de l'Union européenne, qui réunit les Etats-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, et le "groupe d'Astana", créé à l'initiative de la Russie, pour engager un processus politique en Syrie. Je dois vous dire que cette initiative progresse puisque, la semaine dernière, s'est tenue, en marge du sommet de l'OTAN, en présence du secrétaire d'Etat Pompeo, une réunion du Small group, au cours de laquelle nous avons convenu de la méthode politique à adopter pour aboutir à un processus vertueux, si l'on peut utiliser ce mot, et élaborer une feuille de route politique. Il faut maintenant discuter, avec le "Groupe d'Astana" et le représentant du Secrétaire général des Nations unies, du projet constitutionnel, du périmètre des élections, du cessez-le-feu et de l'aide humanitaire. Mais cette procédure avance, et l'Europe joue tout son rôle.
De la même manière, elle joue tout son rôle dans la mise en oeuvre de l'agenda prévu pour la Libye. On sait que la maîtrise de la crise migratoire ne pourra être totalement assurée que lorsqu'il y aura, dans ce pays, une autorité politique capable de maîtriser les eaux territoriales libyennes et d'assurer la sécurité. Une réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne qui s'est tenue hier, sur ce sujet, à Bruxelles, nous a confortés dans cette démarche. C'est d'ailleurs la même posture que celle que nous avons adoptée concernant le Sahel. Les Européens sont en effet présents à nos côtés, pour soutenir le développement du Mali et mettre en oeuvre le G5 Sahel et l'Alliance pour le Sahel.
Enfin, nous avons un rôle particulièrement actif à jouer dans la crise de la relation atlantique. Je considère que, là encore, l'Union européenne est au rendez-vous. Face à la décision du président Trump de quitter le Joint Comprehensive Plan Of Action (JCPOA), les Européens ont su faire front commun pour maintenir un accord qu'ils ont activement contribué à négocier et qui préserve la sécurité globale. Non seulement cet accord tient toujours, mais, vendredi dernier, à l'initiative de l'Union européenne, les Français, les Allemands, les Britanniques, Mme Mogherini, la Haute Représentante de l'Union européenne, ainsi que les représentants chinois et russes et les autorités iraniennes se sont réunis pour réaffirmer leur volonté de rester dans l'accord et de se mobiliser pour créer un canal de financement public immunisé contre le droit américain qui permette d'éviter la détérioration provoquée par les mesures extraterritoriales décidées par les autorités américaines à l'encontre des entreprises qui investiraient en Iran, de sorte que celui-ci puisse continuer à vendre son pétrole et ses sources d'énergie et à acquérir des biens.
Dans un autre domaine, celui de la guerre commerciale initiée par le président Trump, qui s'est traduite par une augmentation des taxes sur l'acier et sur l'aluminium, l'Union européenne a répondu par des contre-mesures immédiates, proportionnées mais suffisamment significatives pour montrer qu'elle sait défendre ses intérêts. Si, d'aventure, une autre initiative était prise par le président des Etats-Unis pour relever les droits douanes sur l'automobile, la réaction européenne serait identique. Sur l'ensemble de ces questions, nous sommes unanimes. Il faut que les Etats-Unis prennent conscience que la guerre commerciale a aussi un coût pour eux, en matière d'emploi et de débouchés. Cette détermination commune, que j'ai pu encore constatée hier, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, est très frappante.
(Interventions des parlementaires)
M. Naegelen m'a interrogé au sujet du Brexit et de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord. Sur ce point, notre position est bien connue : nous considérons, comme les Irlandais, qu'il n'est pas question de rétablir une frontière. Le traitement de la question de la frontière irlandaise est une partie intégrante de la problématique générale du retrait : il n'y aura pas d'accord de retrait si aucune solution n'est trouvée pour l'Irlande. À défaut d'une telle solution, nous sommes favorables, comme la Commission européenne, à un alignement des réglementations douanières entre les deux Irlande sur le secteur économique commun, donc à une frontière douanière et réglementaire entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni : rien d'autre n'est envisageable.
Evidemment, les représentants de l'Irlande du Nord appartenant à la majorité de Theresa May ne sont pas d'accord et ont émis d'autres propositions, inscrites dans le Livre blanc que vient de publier le gouvernement britannique, mais aucune de ces propositions ne règle la question de ce qu'on appelle le backstop.
En tout état de cause, je vous répète que nous sommes fermement opposés au rétablissement d'une frontière "dure" entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.
Personne ne sera étonné que je ne sois pas d'accord avec Mme Autain. Sans doute êtes-vous arrivée trop tard pour m'entendre défendre le droit d'asile, Madame...
Mme Clémentine Autain. Je vous ai écouté, Monsieur le Ministre !
R - Dans ce cas, je ne vois pas ce qui vous a poussée à sous-entendre que je soutenais des positions xénophobes - sans doute ne faut-il y voir qu'une forme de provocation, à laquelle je ne répondrai pas.
En tout état de cause, vous semblez ne tenir aucun compte de tout ce que j'ai dit dans mon propos introductif au sujet du droit d'asile, une exigence fondamentale de notre Constitution, mais aussi du droit européen, en faveur de laquelle tous les moyens doivent être mis en oeuvre, précisément parce que le droit d'asile a vocation à bénéficier aux personnes qui sont maltraitées ou font l'objet de menaces graves dans leur pays d'origine - je pense par exemple à la Syrie. Si ce droit est incontournable, il ne faut pas le confondre avec le droit à la migration économique. C'est pourquoi - j'en profite pour répondre également à Mme Saint-Paul sur ce point - le cadre général proposé à l'occasion du Conseil européen du 29 juin dernier précise bien la notion de droit d'asile et ses nécessités, tout en réaffirmant la volonté de l'Europe d'être à la fois responsable, solidaire et humaniste. En mélangeant les différentes notions, vous n'identifiez rien et vous n'êtes donc pas en mesure d'apporter une réponse aux personnes demandant à bénéficier du droit d'asile.
Au sujet de la Syrie, en plus de m'accuser de défendre des positions xénophobes, vous avez affirmé que la France avait une attitude honteuse et irrespectueuse du droit d'asile : je n'accepte pas ces mises en cause ne reposant sur aucune réalité. Il se trouve que nous sommes constamment à l'initiative politique afin de tenter de trouver une issue à la situation dramatique que connaît la Syrie. On estime à ce jour que le conflit syrien a fait environ neuf millions de personnes réfugiées ou déplacées, et que ce bilan n'est pas définitif, car des affrontements pourraient encore se produire au sein de la zone dite libre. Il est donc primordial de définir une feuille de route politique permettant l'accès à l'aide humanitaire et, de ce point de vue, l'attitude de la France ne me paraît pas honteuse, puisque nous affectons aujourd'hui même 50 millions d'euros à une aide humanitaire spécifique dans la zone de la Ghouta, pourtant contrôlée par le régime : nous estimons en effet que c'est notre devoir de faire respecter le droit humanitaire dans cette région. Je vous invite donc à regarder un peu la réalité des faits avant de vous lancer dans des déclarations tonitruantes.
Je veux dire à M. Lecoq que la France n'oublie pas ses ressortissants détenus à l'étranger, que nous sommes très attentifs à leur situation et que nous effectuons régulièrement des interventions auprès des autorités étrangères concernées - au niveau du président de la République, du Premier ministre ou au mien - en vue de leur libération. Cependant, vous faites bien de rappeler l'existence de ces personnes, car cela fait partie du vaste mouvement de solidarité en leur faveur qui, combiné à notre action politique, doit nous permettre d'obtenir des avancées. Vous comprendrez que je ne puisse vous en dire davantage dans le cadre d'une séance publique.
Pour ce qui est de la situation en Turquie, évoquée par M. Lecoq, je rappelle qu'il y a eu des élections et que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait déployé une mission d'observation sur place. Des remarques ont été formulées sur les conditions de conduite du scrutin, notamment sur le fait qu'en raison de l'état d'urgence, les conditions de la campagne n'ont pas été équitables. Cependant, la mission a estimé que les procédures électorales avaient dans l'ensemble été respectées le jour du vote et que, dans le contexte d'un niveau élevé de participation - plus de 86 % -, les conditions de ces élections n'avaient pas été de nature à priver les électeurs d'un réel choix électoral.
L'accord entre le Japon et l'Union européenne est désormais signé. Il ne sera pas ratifié par le Parlement français, mais il l'a été par le Parlement européen qui, jusqu'à preuve du contraire, est une instance démocratique. Je précise que, si l'accord ne peut pas faire l'objet d'un débat au Parlement français, c'est parce qu'il ne comporte pas de composante "investissements". Cependant, le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne est tout à fait disponible pour fournir à votre commission toutes les informations relatives à cet accord, qui représente une opportunité pour plusieurs secteurs économiques européens, et notamment français. En matière agricole, en particulier, l'accord permet une reconnaissance de nos indications géographiques, ce qui est nouveau de la part du Japon ; il prévoit la levée complète des droits de douane sur les vins, ainsi que la prise en compte de nos intérêts dans le domaine du fromage, de la viande de boeuf et de celle de porc. En outre, l'accord garantit l'accès des entreprises de l'Union européenne au grand marché public du Japon : c'est donc, comme vous le voyez, un accord très intéressant.
Nous avons par ailleurs obtenu des garanties fortes sur nos intérêts défensifs, à commencer par l'automobile. J'en parle en connaissance de cause, Madame Autain, parce que je me suis moi-même rendu au Japon à plusieurs reprises et que j'ai eu l'occasion de parler de tous ces sujets avec les autorités japonaises. J'ai ainsi pu constater que, en particulier dans le domaine de l'agro-alimentaire, l'accord en question est très positif pour le développement du secteur agro-alimentaire français. Il ne devrait pas marquer le début d'une guerre commerciale, mais au contraire favoriser des relations conformes à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi qu'à une bonne complémentarité entre nos économies respectives. Je me réjouis donc de cet accord de qualité.
Pour ce qui est des nombreuses observations qui m'ont été faites par M. Herbillon, je commencerai par dire que je ne partage pas sa déception. En matière de sécurité, l'Europe de la défense vers laquelle nous nous acheminons, ce n'est tout de même pas rien ! Alors que nous aurions trouvé cela absolument inimaginable il y a quelques années, aujourd'hui le processus est en cours.
Pour ce qui est du budget de la zone euro et de la convergence fiscale annoncée par le sommet franco-allemand, il s'agit, là encore, d'une opportunité encore considérée comme impossible il y a quelques mois.
En ce qui concerne les travailleurs détachés, un accord a été trouvé début mars, et il en est de même du droit social, pour lequel des solutions ont été définies lors du sommet qui s'est tenu à Göteborg fin 2017.
Rien ne justifie, donc, d'avoir une vision décliniste et négative de ce qui a été fait depuis le discours prononcé par Emmanuel Macron en septembre 2017. Certes, nous sommes loin du compte, mais il reste du temps, puisque le président de la République a été élu pour cinq ans et, si son action et celle de son gouvernement se poursuivent avec autant de force et de régularité que jusqu'à présent, d'ici à la fin du quinquennat, nous aurons fait passer l'Europe de l'état d'inconsistance que vous décrivez à l'Europe-puissance que j'appelle de mes voeux - tout comme vous, me semble-t-il.
Nous avons progressé sur de nombreux autres sujets, qu'il s'agisse de la taxation du numérique, de la proposition sur l'innovation de rupture, ou encore du renforcement de la protection civile commune, et la préparation du traité franco-allemand qui sera validée au mois de janvier prochain contribuera au renforcement du moteur qui permet à l'Europe de franchir régulièrement des étapes.
Sur les migrations, le seul fait qu'un cadre commun puisse être défini - même si l'opérabilité ne sera achevée qu'au mois d'octobre - est une excellente chose. Contrairement à ce que prédisaient certains, ce n'est pas à l'explosion de l'Europe que l'on a assisté au cours du sommet sur l'immigration de fin juin, mais à l'adoption d'un texte à l'unanimité - y compris par les Italiens, donc. Qu'il s'agisse de ce sommet, de celui de l'OTAN qui s'est tenu la semaine dernière, ou de n'importe quel autre, ce n'est pas ce qui se dit dans les couloirs ou devant les médias qui compte, mais ce sur quoi on se met d'accord, en d'autres termes le texte qui est signé. Bien sûr, chaque Etat va maintenant plaider en faveur de son interprétation du texte, qu'il s'efforcera de faire valoir lors du conseil informel qui se tiendra au mois de septembre, mais le fait est qu'un texte a été validé par l'Europe unie.
De même, Monsieur Vaillant, le fait que l'Europe réagisse collectivement et de manière aussi déterminée en riposte à la déclaration de guerre commerciale des Etats-Unis est aussi un signe d'affermissement de l'Europe, une Europe puissante et souveraine qui défend ses intérêts. Certes, il reste du chemin à parcourir, mais quand je regarde ce qui a été fait et ce qui est en train de se mettre en place, je trouve qu'il y a tout lieu d'être optimiste.
J'ai déjà répondu partiellement à Mme Saint-Paul au sujet de l'immigration illégale, mais j'ajouterai que l'ensemble des dispositifs qui ont été validés par le Conseil européen l'ont été sur initiative française. La Commission propose de renforcer les capacités de Frontex en les portant à 10.000 hommes et d'agir en favorisant le développement dans les pays d'origine et de transit. Pour ce qui est de la lutte contre les passeurs, toute une série de dispositions ont été engagées, qui commencent à porter leurs fruits. Si nous sommes au coeur d'une crise politique, la crise migratoire, elle, commence à être derrière nous. Nous devons cependant rester vigilants en nous efforçant d'entretenir, en particulier avec les pays du Sahel, un partenariat actif de développement destiné à dissuader les jeunes d'aller chercher leur destin ailleurs que sur leur propre territoire. Pour cela, nous devons mettre en oeuvre une véritable aide au développement permettant la réactivité économique et la formation, qui rendront moins attractives les offres des passeurs - que nous devons, par ailleurs, poursuivre en vue de leur éradication - ce qui passe également par la réponse politique à la crise libyenne que j'ai évoquée tout à l'heure.
Si nous n'agissons pas de cette manière-là, c'est-à-dire en veillant à maintenir la cohérence du triptyque constitué par la protection des frontières, le développement des pays d'origine et de transit et l'accompagnement humanitaire des migrants - qu'ils soient fondés à demander l'asile ou qu'ils soient en situation irrégulière -, alors nous ne serons pas au rendez-vous. À l'inverse, si nous agissons comme il se doit, nous avons une chance de sortir par le haut des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans la gestion politique de la crise migratoire.
Si j'ai bien compris, Monsieur Joncour, votre question portait sur la défense de la souveraineté européenne, essentiellement à l'égard de l'Iran...
M. Bruno Joncour. Effectivement, j'aimerais savoir si à la suite de la réunion des ministres des affaires étrangères à Bruxelles, vous estimez que la souveraineté de l'Europe est préservée face aux décisions prises par les Etats-Unis à l'égard de l'Iran, qui risquent d'avoir des effets sur les entreprises françaises qui y sont présentes.
R - J'ai évoqué dans mon propos liminaire les deux sujets distincts que sont, d'une part, la réponse politique à la crise iranienne - qui est aussi en partie une réponse économique -, d'autre part la réponse économique à la crise commerciale. Pour ce qui est de la crise iranienne, nous avons affirmé que nous resterions dans l'accord, nous l'avons fait constater par le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne et nous avons protesté contre les mesures extraterritoriales imposées par les Etats-Unis. La mise en oeuvre du dispositif de blocage, visant à protéger les entreprises européennes des effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, vient d'être validée, mais elle ne constitue pas une réponse suffisante. Les Iraniens estiment en effet que, dès lors qu'il existe un accord portant sur le renoncement au nucléaire, ils doivent pouvoir bénéficier de la contrepartie qui leur revient sur le plan économique aux termes de l'accord - afin de ne pas subir une double peine, en quelque sorte.
Nous avons donc pris l'initiative, d'une part, de demander aux autorités américaines des exemptions en faveur d'un certain nombre d'entreprises qui étaient présentes en Iran avant que les Etats-Unis n'annoncent les mesures extraterritoriales - je ne suis pas du tout confiant dans les résultats que nous pouvons attendre de cette démarche - d'autre part, de mettre en place un dispositif offrant une certaine protection contre les mesures extraterritoriales, en ce qu'il fournit aux entreprises présentes en Iran un canal financier leur permettant de poursuivre leurs activités, et permettant aux autorités iraniennes de pouvoir vendre leur pétrole. C'est ce dispositif, initié par la France, que j'ai exposé vendredi dernier devant mes collègues signataires du JCPOA, et qui fait aujourd'hui l'objet de discussions approfondies - que j'espère voir déboucher sur une solution.
Cela ne nous empêche pas de rappeler l'Iran à ses obligations. Si cet Etat a renoncé au nucléaire, il produit massivement des missiles servant à armer des milices dans la région, ce qui met en cause la sécurité d'un certain nombre de pays voisins, dont Israël. Nous souhaitons que l'Iran cesse de déstabiliser ainsi la région et, pour cela, estimons nécessaire la mise en place d'un cadre de négociations globales permettant d'aborder toutes ces questions à la fois en garantissant l'avenir du JCPOA. C'est dans cette logique diplomatique un peu compliquée que nous nous efforçons actuellement de progresser.
Pour conclure sur cette série de questions, j'en viens aux entretiens qu'ont eus le président Macron et son homologue russe. N'y ayant pas assisté, je ne suis pas en mesure de vous en faire un compte rendu exhaustif, mais je sais qu'ils ont porté sur de nombreuses questions, notamment la situation en Syrie et en Iran, ou encore le sort du réalisateur ukrainien Oleg Sentsov. En effet, comme vous le savez, le président de la République a pour habitude, lorsqu'il se rend dans un pays où la question du respect des droits de l'Homme se pose, d'évoquer ce sujet de manière très directe, et je sais que cela a été le cas lors de la récente visite d'Emmanuel Macron en Russie.
(Interventions des parlementaires)
R - Quelques questions toutes concentrées sur l'Europe, j'ai bien compris...
Madame Le Peih, le respect des accords de Paris sur le climat dans les accords de libre-échange, c'est obligatoire. Désormais, tout accord de libre-échange et, au-delà, tout projet avec des partenaires, intègre les accords de Paris.
Vous avez rappelé, Madame Genetet, que les élections législatives au Cambodge étaient prévues à la fin de ce mois. Le président du principal parti d'opposition, M. Kem Sokha, est toujours détenu en prison, et 118 membres de son parti sont interdits d'exercer des fonctions politiques pendant cinq ans. Les autorités cambodgiennes ont par ailleurs pris des mesures qui restreignent les libertés d'expression et d'association dans le pays, dont la fermeture de médias. Nous sommes donc face à une situation très préoccupante, en conséquence de quoi la France a décidé, avec ses partenaires européens, de suspendre l'aide européenne qui devait être apportée, comme lors du précédent scrutin, à la commission électorale cambodgienne. Avec nos partenaires, nous appelons les autorités cambodgiennes à s'inscrire dans un processus démocratique. J'ai moi-même rencontré à deux reprises mon homologue cambodgien, M. Prak Sokhonn, pour lui faire part de nos observations à cet égard. Cette dérive est très préoccupante.
Des accords sont en cours de négociation avec le Vietnam et l'Indonésie. Je partage l'idée qu'il serait intéressant d'avoir un accord régional entre l'Union européenne et l'ASEAN, mais ce n'est pas encore à l'ordre du jour. Les relations avec les pays de l'ASEAN sont très fortes. Vous savez que le Premier ministre singapourien était l'invité d'honneur de la France le 14 juillet. Nous avons publié avec Singapour à cette occasion une feuille de route bilatérale pour la coopération renforcée, en particulier dans le domaine numérique. Lors de chaque entretien - mais ce n'est en l'occurrence pas le cas avec Singapour -, nous faisons état de nos préoccupations concernant les droits de l'Homme.
Je suggère, Madame la Présidente, que nous organisions une discussion spécialement consacrée à l'Asie et à la mer de Chine.
Vous avez raison, Monsieur Quentin, d'évoquer l'importance de notre relation avec le Japon. Le Premier ministre Abe devait être l'invité d'honneur de la France le 14 juillet mais en raison des inondations au Japon il n'a pu se déplacer. J'ai cependant reçu mon homologue japonais, M. Tarô Kôno, que je vois d'ailleurs régulièrement et avec qui j'ai des relations fortes. Au-delà des questions directement économiques, nous abordons ensemble les questions géostratégiques de la zone. Nous travaillons ensemble au sein du G7 et du G20, et nous avons tous les ans une réunion "deux plus deux", entre les ministres de la défense et des affaires étrangères des deux pays.
En cette période de grande instabilité internationale, et notamment du fait de leurs interrogations sur les conditions d'un accord potentiel entre le président Trump et M. Kim Jong-un, les Japonais sont désireux de travailler de manière encore plus étroite avec la France. Nous avons avec ce pays de nombreux points communs dans l'analyse de la situation internationale, y compris sur la question iranienne et la question africaine. Nous essayons de lancer avec le Japon un partenariat africain significatif ; ce sera l'une des grandes questions du prochain "deux plus deux", qui se tiendra à Paris.
Au-delà de "Japonismes", manifestation culturelle très importante qui durera jusqu'en février 2019, la saison culturelle se produira de nouveau au Japon en 2020. Nous sommes entrés dans un cycle de coopération culturelle très significatif, mais la partie stratégique est également essentielle.
Monsieur Habib, j'ai en partie répondu à votre préoccupation sur l'Italie dans mon propos initial. J'ai indiqué que l'Italie avait fait des choix et que, si nous avons des désaccords importants sur des points lourds comme l'avenir de l'Union européenne et les migrations, il importe cependant que l'Italie reste arrimée à l'Union. Le président de la République a rencontré le président italien et j'ai moi-même rencontré mon homologue. Le peuple italien a voté, on peut regretter ses choix, mais il faut travailler avec les autorités italiennes le mieux possible, sans déroger à nos principes, mais en essayant de faire en sorte que l'Italie reste totalement arrimée à l'Europe. C'est un membre fondateur et il faut le respecter. Cela n'empêche pas de dire ce qu'on pense, mais on se respecte.
J'ai évoqué la question de l'attentat de la rue des Rosiers quand je me suis rendu en Israël et dans les territoires occupés. Je l'ai évoquée avec le président Abbas et les responsables palestiniens. C'est un sujet important et permanent dans notre esprit.
Madame Chapelier, je ne reprendrai pas ce que j'ai dit sur les centres contrôlés et les plateformes de débarquement. Un cadre a été fixé et tout le monde travaille à sa mise en oeuvre pour aboutir d'ici au Conseil européen informel du 20 septembre en Autriche. De nombreuses réunions ont lieu entre collaborateurs de cabinet mais aussi au niveau ministériel.
Vous avez également abordé un sujet important dont on parle peu, le Sahel de l'est, ou Corne de l'Afrique. Il ne vous a échappé qu'un changement important vient d'avoir lieu en Ethiopie et que le nouveau Premier ministre, M. Abiy Ahmed, a pris des initiatives importantes traduisant un changement de cap, y compris en direction de l'Erythrée. Cette zone conflictuelle, productrice de nombreux migrants, entre dans une spirale plus positive. Il faut que la France et l'Union européenne soient à ce rendez-vous.
J'ai déjà évoqué la Hongrie dans mon propos initial. Je sais que l'Université Soros est la cible d'une campagne. La Commission européenne a lancé des procédures à propos des lois sur l'enseignement supérieur et le financement des ONG, et nous soutenons les procédures contre les réformes engagées par les autorités hongroises. Notre nouvelle ambassadrice a déjà pris ses fonctions et a présidé la cérémonie du 14 juillet à Budapest.
Plusieurs questions ont été posées sur le multilatéralisme, par M. Cabaré et Mme Givernet notamment. Nous sommes entrés dans une phase où tous les outils établis progressivement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour assurer le multilatéralisme, sont en train d'être déconstruits de manière systématique. On le voit pour l'UNESCO, l'accord sur le nucléaire iranien, l'accord sur le climat, toute une série d'autres engagements collectifs. L'expression la plus forte du bilatéralisme initié par le président Trump est la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis, à l'égard du Mexique et du Canada, avec la rupture de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), comme de l'Union européenne et de la Chine. La tension entre les Etats-Unis et la Chine au niveau commercial est très forte. La remise en cause de l'OMC également.
S'agissant de la Chine, madame Givernet, nous sommes favorables au multilatéralisme, mais très vigilants sur l'interprétation du multilatéralisme à la chinoise. Nous pensons nécessaire de travailler à la réforme de l'OMC. Lors du vingtième sommet entre l'Union européenne et la Chine, une déclaration commune a été validée, ce qui n'avait pas été le cas lors des deux précédents sommets, mais c'est peut-être en partie dû à la crise commerciale mondiale, et la création d'un groupe de travail bilatéral Union européenne-Chine sur l'OMC a été décidée, ce qui n'est pas un point mineur car la réforme de l'OMC est une priorité de la France, comme l'a indiqué le président de la République lors de son discours à l'OCDE en mai.
Nous restons très vigilants sur les pratiques commerciales déloyales, liées en particulier à la propriété intellectuelle et aux subventions, et nous ne manquons pas d'exprimer notre point de vue à nos amis chinois. Nos relations sont très régulières. Je me suis rendu quatre fois en Chine depuis que je suis ministre des affaires étrangères, et d'autres rendez-vous sont prévus. Ce dialogue permet d'avancer, même si c'est difficile sur chaque point. La levée de l'embargo sur la viande bovine, par exemple, a été le résultat d'une bataille de douze ans. Il faut se montrer coopératif mais assurer en même temps nos intérêts. Le Premier ministre s'est rendu en Chine il y a quelques jours ; nous approchons de la grande manifestation de Shanghai qui aura lieu à l'automne et sera une opportunité de renforcer nos relations. En conclusion : ouverture et exigence.
Il faut être exigeant sur le multilatéralisme, sinon la loi du plus fort prévaut systématiquement dans des relations bilatérales.
S'agissant de la coopération stratégique France-Allemagne, monsieur Cabaré, je n'ai pas d'inquiétude particulière sur le SCAF lancé le 13 juillet. C'est un exemple de plus que l'Europe de la défense progresse. Ce dispositif permettra de remplacer la flotte de chasseurs des deux pays à l'horizon 2040. Les premiers contrats industriels ont été notifiés, nos deux pays sont déjà en ordre de bataille mais nous sommes prêts à discuter avec d'autres qui voudraient s'y ajouter, Espagnols, Britanniques, si l'envie leur en prend... En tout cas, il fallait démarrer par une initiative forte. Il s'agit d'une initiative politique prise en juillet de l'année dernière.
S'agissant de la RDC, monsieur Son-Forget, la tenue d'élections est toujours prévue pour le 23 décembre 2018. Elles auraient dû avoir lieu avant, mais l'accord de la Saint-Sylvestre a permis d'aboutir à ce report. Nous sommes très vigilants sur la tenue de ces élections et le respect intégral de la Constitution par le président Kabila, à savoir sur le fait qu'il ne se présente pas de nouveau à ces élections. Les chefs d'Etat des pays voisins sont eux-mêmes sensibilisés à cette question, que j'ai évoquée lors de mes déplacements en Angola, au Congo-Brazzaville, puis à Addis-Abeba il y a quelques jours, au siège de l'Union africaine. C'est essentiel pour le respect des droits de l'Homme et le développement d'un processus démocratique pérenne et pacifié dans ce pays.
En revanche, je n'ai pas compris votre question sur Deraa.
M. Joachim Son-Forget. Des humanitaires syriens et leurs familles sont en danger. Les personnels humanitaires ont déjà été pris pour cible dans d'autres régions. Peut-on trouver des solutions d'exfiltration pour ces gens ? Nous avons un dialogue avec les autorités du pays et les Russes pour le respect des couloirs humanitaires dans la Ghouta orientale ; le pourrait-on pour Deraa ?
M. Jean-Yves Le Drian - Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes très soucieux de sauvegarder les vies de ces humanitaires. Cela fait partie des discussions au plus haut niveau de l'Etat.
Monsieur Goasguen, j'ai un désaccord avec vous sur l'Allemagne car, dans la situation actuelle de déstabilisation globale, seul le renforcement de l'alliance franco-allemande peut garantir un pôle de stabilité. Il importe donc d'avoir avec l'Allemagne un partenariat lucide, confiant, qui soit une sorte de référence dans les perturbations internationales que nous connaissons.
Je partage en revanche votre avis sur la Méditerranée. La difficulté de la mutation politique en Algérie n'empêche pas de prendre des initiatives. Nous avons un dialogue "cinq plus cinq", entre les cinq pays du nord de l'Afrique, Algérie, Tunisie, Maroc, Libye et Mauritanie, et les cinq du sud de l'Europe, Malte, Italie, France, Espagne et Portugal, qui se réunissaient jusqu'à présent de manière épisodique et essentiellement sur les questions de défense. Ce lieu de discussion est déjà institutionnalisé, il suffit de le revigorer, et c'est ce que souhaite le président de la République. Nous y travaillons donc.
L'Université franco-allemande, Madame Sylla, fait partie des discussions préparatoires au nouveau traité de l'Elysée, au coeur duquel il y aura le rapprochement de nos systèmes éducatifs, avec le renforcement des objectifs de compétence linguistique, la reconnaissance des diplômes du secondaire et un renforcement global de la coopération culturelle. C'est au centre de la rénovation du traité.
L'aide au développement mériterait une audition spécifique. Nous sommes déjà dans le cadre d'une coopération renforcée sur la TTF, puisque onze Etats membres négocient depuis 2013.
L'APD française sera renforcée pour atteindre 0,55% du RNB. Nous avons souhaité qu'une partie significative de ce supplément soit affectée au bilatéral pour développer une relation spécifique avec certains pays, mais nous aurons à coeur que l'APD française et l'action européenne se déclinent correctement dans chaque pays où nous intervenons. Il faut donc une programmation conjointe dans chacun de ces pays. Ce sera particulièrement exemplaire dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Alliance pour le Sahel. Nous avons donné mission au député Hervé Berville de travailler sur ces sujets ; j'attends ses recommandations, y compris sur la programmation, et nous en tiendrons compte, ainsi que de celles de votre propre rapport, madame Poletti, avant de proposer une stratégie concrète pour l'emploi de notre supplément d'APD.
S'agissant du projet Nord Stream 2, notre position est pour l'instant une position d'attente. Je n'en dirai pas plus publiquement.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2018