Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME, nous recevons ce matin celle qui a bénéficié de la plus grande promotion lors du remaniement, j'ai nommé Madame la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Vos questions au 01 45 24 7000, les réseaux sociaux et l'application France Inter. Jacqueline GOURAULT, bonjour.
JACQUELINE GOURAULT, MINISTRE DE LA COHESION DES TERRITOIRES ET DES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITES TERRITORIALES
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Emmanuel MACRON s'est donc exprimé hier soir à la télévision. « Le nouveau gouvernement n'est pas à un tournant » a-t-il dit. Il n'ouvre ni sur un changement de cap ni sur un changement de politique. Il n'y a pas non plus de second souffle, l'expression avait été employée. Tel est donc l'épilogue de la crise de l'exécutif, Madame la Ministre. On ne change rien ?
JACQUELINE GOURAULT
On a changé des choses, vous venez de le dire vous-même.
NICOLAS DEMORAND
Mais sur le fond ?
JACQUELINE GOURAULT
Sur le fond, on poursuit le cap que le président de la République a montré par son élection et on continue les réformes pour moderniser le pays.
LEA SALAME
Il a dit : « J'ai pu par ma détermination et mon parler vrai déranger et choquer certains et je le regrette. » Qu'est-ce que ça veut dire à votre avis ?
JACQUELINE GOURAULT
Ça veut dire tout simplement que le président s'est sûrement rendu compte qu'un certain nombre de ses déclarations a pu effectivement choquer. Au fond, je trouve ça très humain de le dire aussi simplement, de s'adresser aux Français comme cela. Je pense que les Français peuvent comprendre que le président de la République peut, comme chaque personne, utiliser des mots qui peuvent parfois choquer.
LEA SALAME
Vous, ça vous a choqué parfois ?
JACQUELINE GOURAULT
Pas souvent mais j'ai essayé de comprendre pourquoi ceux qui entendaient ces expressions étaient choqués. Il y a des gens qui sont parfois dans des situations fragiles, dans des situations de difficulté et qui ressentent les choses différemment que les gens pour qui la vie va bien.
LEA SALAME
Donc Gérard COLLOMB quand il parlait de manque d'humilité, c'est la réponse d'Emmanuel MACRON à cette phrase-là de Gérard COLLOMB à votre avis ?
JACQUELINE GOURAULT
Je ne crois pas. D'abord parce que déjà Gérard COLLOMB s'est expliqué sur cette expression qui ne s'adressait pas au président de la République. Je crois simplement que le président de la République a voulu hier soir parler aux Français directement, simplement et leur dire tout ce qu'il ressentait devoir leur dire.
NICOLAS DEMORAND
Un mot tout de même sur les quinze jours qui viennent de s'écouler. Pour tourner la page, il faut l'avoir lue ; deux semaines pour constituer un gouvernement. Qu'est-ce qu'il s'est passé selon vous ces quinze derniers jours, mais peut-être depuis la rentrée ? Est-ce que vous aviez vu- vous étiez évidemment rattachée à lui dans le précédent gouvernement - vu venir la démission de Gérard COLLOMB ? Est-ce que vous aviez senti que quelque chose n'allait plus et qu'il voulait s'arrêter ?
JACQUELINE GOURAULT
Ecoutez, moi je crois que les choses sont assez simples. Gérard COLLOMB, et c'était un secret de polichinelle, voulait y retourner à Lyon pour les élections municipales. Ça, c'est le premier point ; tout le monde le savait. Le deuxième point, c'est qu'il a fait une interview dans le magazine L'Express, qu'il a cru devoir dire : « Oui, je me présenterai à Lyon et je partirai après. » Et ça, il n'a pas mesuré, je crois, l'impact de cette déclaration sur à la fois le ministère à la tête duquel il était et sur les Français. A partir du moment où on dit : « Je vais partir », il y avait ce sentiment qu'il était déjà un peu parti et ç'a été extrêmement difficile. Et puis après, les choses se sont enchaînées.
LEA SALAME
La grande inflexion de ce qu'on a entendu hier du président, des mots du président de la République, elle concerne votre nouveau portefeuille : les territoires et les élus locaux. « Il faut de l'écoute et du dialogue » a dit le président. « Il faut s'appuie sur les élus locaux dans tous nos territoires et particulièrement nos maires qui sont les premiers porteurs de la République du quotidien. » Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça veut dire qu'il y a une prise en compte, que vous avez sans doute un peu péché dans le dialogue avec les élus locaux sur les dix-huit premiers mois du mandat ?
JACQUELINE GOURAULT
La première chose que je veux dire, c'est que nous avions senti - un certain nombre d'entre nous - que l'organisation telle qu'elle était faite faisait que l'entrée pour les élus et les associations d'élus était un peu compliquée. Je pourrais citer le président des départements de France, Dominique BUSSEREAU, qui avait dit au président de la République lorsqu'il était allé dans son département de Charente-Maritime : « En fait, quand les élus ou les associations d'élus veulent s'adresser au gouvernement, ils ne savent pas s'ils doivent s'adresser à monsieur COLLOMB, monsieur MEZARD, madame GOURAULT, et caetera » Donc il y a là, par cette réorganisation, au fond quelque chose qui est un signe, bien sûr, en direction des élus locaux, avec plus de clarté et que nous souhaitions. En tout cas moi, j'ai plaidé assez vite pour cela, parce que je me rendais compte que les politiques publiques confiées aux collectivités territoriales où les politiques publiques que les collectivités territoriales font, s'occupent depuis les lois de décentralisation, avaient besoin d'un lieu unique de concertation et de discussion.
NICOLAS DEMORAND
Mais ça va être difficile de retisser les liens. Jean-François COPE, qui a souvent soutenu l'action de ce gouvernement, a dit qu'il était effaré de voir ce gouvernement précisément étrangler à ce point les communes en France. Xavier BERTRAND : « On est les ploucs de province, on est bon à rien, on n'y connaît rien. » Ce sont vos partenaires alors quels gestes allez-vous faire concrètement, Jacqueline GOURAULT ?
JACQUELINE GOURAULT
Je crois qu'il y a des différences à faire, je le dis très simplement. Il y a des niveaux de collectivités territoriales, comme par exemple les départements, qui ont de vrais sujets financiers qu'il faut traiter avec le gouvernement. Ce sont des collectivités locales qui ont en charge la politique sociale, que ce soient les allocations individuelles de solidarité ou le phénomène des mineurs non accompagnés qui pèsent sur leurs finances. Je crois qu'il y a de réels problèmes et qu'il faut traiter.
LEA SALAME
Qu'est-ce que vous allez répondre concrètement ? Parce que les mots d'amour, c'est une chose ; les preuves d'amour et l'argent pour les départements, c'en est une autre.
JACQUELINE GOURAULT
Mais justement, nous sommes en train de travailler et nous allons faire des propositions. J'ai rencontré hier Dominique BUSSEREAU, d'ailleurs avec le Premier ministre et le président de la République. Nous allons trouver une solution pour répondre à leurs préoccupations. Alors tous les départements ne sont pas au même niveau, il faut aussi une solidarité interdépartementale. Et puis il y a des gens aussi qui font un peu de politique parce que c'est très injuste de dire ce que vous venez de citer. C'est ce gouvernement qui a arrêté de baisser les dotations pour les collectivités territoriales - il faut le dire aussi simplement que cela par un dialogue et une contractualisation mais qui, en même temps, faisait que la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire cette dotation qui part de l'Etat vers les collectivités locales pour le fonctionnement, a cessé de baisser et il y a des dotations d'investissement très importantes. 1,8 milliard, c'est très important. Donc il y a aussi des gens
NICOLAS DEMORAND
Ils sont de mauvaise foi ces gens ?
JACQUELINE GOURAULT
Je ne dis pas qu'ils sont de mauvaise foi mais ils font un peu de politique. Ils défendent leur parti politique, ils auraient préféré être au gouvernement
LEA SALAME
Jean-François COPE en l'occurrence, il n'a pas de mots assez durs en général pour Emmanuel MACRON. Donc quand il dit : « Les maires sont étranglés », il fait de la politique ou il dit la vérité ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, mais il faut peut-être dire aussi que nous sommes dans une situation qui est le résultat de décisions prises depuis vingt ans, qui sont celles qu'elles ont été et qu'aujourd'hui, nous héritons de cette situation qui a été effectivement extrêmement difficile pour les collectivités et il faut aujourd'hui réexpliquer à nouveau que nous changeons la politique et les relations avec les collectivités locales.
LEA SALAME
Madame la Ministre, vous dites qu'il n'y a pas eu de baisse des dotations et c'est vrai. Mais ce que disent les maires et les élus locaux, c'est que certes il n'y a pas eu de baisse des dotations mais d'abord : premièrement, elles sont inégalement réparties. Et deuxièmement ce qu'ils disent, c'est : « La suppression de la taxe d'habitation, ça nous impacte nous. » Ils disent : « La baisse des emplois aidés, ça nous impacte nous. » Donc ils disent : « Tout ce qu'on a, tout ce qu'il y a dans la colonne négative augmente, augmente augmente. » C'est ça qu'ils disent.
JACQUELINE GOURAULT
Alors, quand on parle de la taxe d'habitation, il y a deux volets. Il y a ce que ressent la population : c'est une mesure sociale que la suppression de la taxe d'habitation et une manière de rehausser aussi le pouvoir d'achat pour les plus démunis et pour les classes moyennes. C'est quelque chose de très important, d'autant plus que cette taxe d'habitation était très inégale justement. Et deuxièmement, l'Etat va compenser. Enfin, c'est un dégrèvement : c'est-à-dire que l'Etat prend la place du contribuable pendant les trois ou quatre ans que la réforme va durer. Puis ensuite, il faut travailler avec les associations d'élus pour faire une réforme de la fiscalité des collectivités territoriales. Je vais vous dire, en 2010 quand Nicolas SARKOZY, à juste titre, a décidé de supprimer la taxe professionnelle, il a bien fallu aussi négocier avec les associations pour trouver le moyen que les collectivités locales aient les mêmes ressources, le même niveau de ressources.
NICOLAS DEMORAND
Serez-vous la ministre du pacte girondin et de l'horizontalité, Jacqueline GOURAULT, ou est-ce que ça ce sont des mots pour amuser la galerie ? C'est quoi le contenu ?
JACQUELINE GOURAULT
Non, ce ne sont pas des mots. Ce sont des dossiers très précis qui vont aboutir, ou qui ont déjà abouti, en direction de certains territoires qui sont volontaires. Je pense par exemple à la région Bretagne ; nous sommes en train de finaliser un accord avec la région Bretagne. Je pense aussi à des départements comme la Creuse ; c'est un département en très grande difficulté. Vous savez aussi que je m'occupe du dossier Alsace avec un projet de renouveau d'une collectivité Alsace. Je pense que nous sommes vraiment dans la démarche girondine.
LEA SALAME
Le name and shame, le fait de faire la liste des maires qui ont augmenté les impôts locaux, comme l'a initié un certain nombre d'élus de votre majorité de La République en Marche, est-ce que c'était une erreur ?
JACQUELINE GOURAULT
D'abord on n'a pas donné les noms des maires, on a donné les noms des communes.
LEA SALAME
Hier, Amélie de MONTCHALAIN a dit que c'était une erreur.
JACQUELINE GOURAULT
Ecoutez, moi quand il y a eu la répartition de la DGF - et vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, Léa SALAME, que la répartition de la DGF est inégale : évidemment, elle est inégale parce que les critères de répartition sont très précis. Par exemple si la population baisse, évidemment la DGF baisse. Ça, c'est la première chose. Et donc, je me souviens d'une carte qui a été publiée par l'Association des maires de France à ce moment-là avec la répartition de la DGF pour montrer, avec des commentaires qui étaient assez négatifs, où la DGF baissait. Et là, il y a un souci de transparence pour dire : « Ecoutez, il y a des communes qui ont augmenté leur taux. Ça explique pourquoi vous allez toujours payer un peu de taxe d'habitation. » C'est tout.
LEA SALAME
Le hashtag #BalanceTonMaire, c'était heureux ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors ça non. Ça, c'est vraiment scandaleux. C'est un amalgame extrêmement douteux et le gouvernement ne peut soutenir ce genre de pratiques.
LEA SALAME
La DGF, c'est la dotation globale de fonctionnement pour préciser pour ceux qui n'ont pas les termes.
JACQUELINE GOURAULT
Pardon, excusez-moi.
NICOLAS DEMORAND
Le MoDem revient en force au gouvernement. Il y a eu un rééquilibrage, Jacqueline GOURAULT. Il était nécessaire voire urgent de le faire ?
JACQUELINE GOURAULT
Vous savez dans quelles conditions s'est fait ce remaniement. Il y a une entrée effectivement au gouvernement d'un MoDem supplémentaire, à savoir Marc FESNEAU, qui est ministre des Relations avec le Parlement. Ce sont des équilibres. Nous sommes des partenaires de la majorité, une alliance a été faite avec Emmanuel MACRON pendant sa campagne présidentielle au mois de février. C'est bien normal que le MoDem soit présent au gouvernement et j'en suis très heureuse pour Marc FESNEAU.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2018