Déclaration de Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, sur les efforts du gouvernement en faveur de l'artisanat, à Paris le 27 septembre 2018.

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Circonstance : Les rencontres de l'U2P, à Paris le 27 septembre 2018

Texte intégral


Monsieur le Président, cher Alain GRISET,
Mesdames et Messieurs,
chers amis,
je suis extrêmement heureuse de vous retrouver ce matin et vous remercie pour votre invitation à participer à ces Rencontres de l'U2P.
D'une part, je sais le gisement d'emplois, de croissance, que vos métiers (artisans, commerçants et professions libérales) représentent pour la vitalité économique de la France et de tous nos territoires. D'autre part, cette visite, comme vous l'avez indiqué, intervient dans un contexte particulier qui est celui de la discussion de la loi PACTE qui entre dans le vif du sujet au Parlement. Cette loi PACTE vous la connaissez bien. Bruno LE MAIRE est venu vous en présenter l'esprit et l'ambition à cette tribune il y a maintenant un an. Son ambition est de lever tous les obstacles qui freinent les énergies françaises qui font que nos entreprises restent trop petites et sont freinées dans leur développement. Toutes les enquêtes le montrent, l'esprit d'entreprise est extrêmement vivant dans notre pays. Mais encore faut-il cesser de le décourager et de l'entraver comme on semble parfois s'y être employé depuis des années.
C'est ce à quoi nous travaillons depuis un an avec l'U2P, avec toutes les organisations professionnelles, avec les parlementaires, avec les nombreux entrepreneurs issus de tous les territoires et que nous avons associé à l'élaboration du PACTE. Parce que cette loi, je le rappelle, est d'abord une méthode. C'est la méthode de la co-construction.
Je viens moi-même du monde de l'entreprise et si j'ai bien une conviction c'est que l'on ne peut pas faire une bonne loi économique sans associer étroitement les premiers concernés.
Bien évidemment, dialogue et concertation ne signifient pas que nous sommes toujours d'accord sur tout. Il reste des points de désaccord comme la suppression du caractère obligatoire du stage de préparation à l'installation des artisans qui a été votée la nuit dernière par les députés. Je sais que beaucoup parmi vous s'inquiètent d'une perte de ressources pour les CMA et de risques pour les nouveaux artisans qui s'installent. Mais pourquoi obliger le détenteur d'un CAP, qui valide des compétences professionnelles, à suivre une deuxième formation qui lui coûte de l'argent et retarde le moment de son installation ? Le même créateur d'entreprise, s'il décide d'ouvrir un fonds de commerce n'aura pas d'obligation. Nous croyons à la liberté et à la responsabilité. Liberté de choix pour les nouveaux artisans et liberté tarifaire pour les CMA.
Nous croyons à l'utilité de la formation, à l'utilité des stages dans certaines circonstances, mais nous pensons que les créateurs d'entreprise, dans le monde de l'artisanat, sont aussi responsables que dans les autres secteurs et peuvent choisir les formations qui leur conviennent le mieux au moment qui leur convient le mieux. Certains artisans voudront continuer à suivre cette formation, parce qu'ils la jugent importante pour leur projet professionnel et les Chambres des métiers de l'artisanat continueront à la proposer. Mais il semble important de supprimer le caractère contraignant tout en travaillant de façon très ouverte sur le contenu de ces stages et sur la façon dont sont accueillis les créateurs d'entreprise dans les CMA. C'est un engagement que prend le gouvernement de travailler à ce rôle d'accompagnement, de le renforcer, de le rendre plus efficace et d'en discuter de façon très ouverte.
Le dialogue correspond aussi à des avancées concrètes sur vos attentes. Vous avez évoqué la promotion de l'artisanat et donc le financement de cette promotion. C'est un des premiers sujets sur lequel l'on m'a alerté lorsque je suis arrivée au Ministère. Je vous confirme que les équipes du Ministère de l'économie et des finances ont travaillé sans relâche pour trouver des solutions. Et si nous avons travaillé sans relâche, ce n'est pas pour trouver des solutions qui ne fonctionnent pas, nous voudrons des solutions qui fonctionnent pour le financement de la promotion de l'artisanat. Si les sujets techniques demeurent, nous sommes évidemment disposés à continuer à travailler pour que cette voie fonctionne.
J'ai lancé avec Bernard STALTER une expérimentation, de façon très concrète, dans trois territoires pour promouvoir les métiers de l'artisanat en mettant autour de la table tous les acteurs concernés. De premiers résultats sont déjà visibles, je pense qu'il faut continuer à travailler et déployer toute notre énergie pour que ces métiers soient mieux connus et reconnus des élèves, des parents, des professeurs et des chefs d'établissement.
J'en viens au sujet du statut du conjoint collaborateur qui a été évoqué dans le discours d'Alain GRISET. Je souhaite rendre à César ce qui appartient à César : ce n'était pas une mesure initialement envisagée dans la loi PACTE. Et donc c'est en prenant en compte vos préoccupations que nous avons travaillé, main dans la main, pour y répondre et introduire une nouvelle disposition qui sera proposée par amendement par le gouvernement.
25 % des responsables de vos entreprises travaillent avec leur conjoint, à temps partiel ou à temps complet et près d'un tiers de ces conjoints ne sont protégés par aucun des trois statuts existants. Cette situation crée des risques importants pour vous, des risques pénaux, des risques de requalification en salariat de l'activité du conjoint avec paiement de cotisations sociales majorées, des risques de pénalités et contentieux en cas de divorce, et cette situation protège mal les conjoints qui sont très majoritairement des femmes.
La solution que nous avons trouvée avec vous, et que le gouvernement soumettra dans quelques heures, est d'obliger de déclarer l'activité du conjoint dans les formulaires de création d'activité et de considérer le statut de conjoint salarié comme le statut par défaut. C'est un exemple très précis de la co-construction que nous mettons en oeuvre. Et c'est l'état d'esprit qui continuera à nous guider jusqu'à la fin des travaux parlementaires relatifs à la loi PACTE.
Ces deux mesures, sur lesquelles nous avons eu des discussions fortes, me paraissent au fond assez représentatives de la philosophie de la loi PACTE. C'est-à-dire de simplifier votre vie et vous permettre de grandir.
Simplifier votre vie en ouvrant un guichet unique pour la création des entreprises qui doit remplacer les différents réseaux existants sans supprimer l'accompagnement personnalisé et physique et qui ouvre la voie à la dématérialisation générale des formalités. En lien avec le guichet unique, nous allons aussi installer un registre unique dématérialisé pour toutes les entreprises qui évitera notamment aux artisans et commerçants de devoir s'enregistrer dans deux registres différents.
Simplifier votre vie en remontant les seuils d'audit qui obligent vos entreprises à recourir à un commissaire aux comptes. Désormais, en dessous de 50 salariés, il n'est pas obligatoire de recourir à un commissaire aux comptes. Vous aurez le choix. Encore une fois, nous rendons le choix et la responsabilité aux chefs d'entreprises.
Simplifier votre vie en révisant le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Je sais, vous l'avez rappelé, que ce statut vous tient à coeur. Nous sacrifions les modalités d'évaluation du patrimoine affecté, notamment avec la fin du rapport d'expert en dessous de 30 000 euros. Nous assouplissons les sanctions, nous amenons le créateur d'entreprise à choisir entre le statut d'entreprise individuelle et celui, plus protecteur, d'EIRL au moment de la création là où le statut par défaut est aujourd'hui celui d'une entreprise individuelle. Ce sont encore une fois des avancées qui montrent que nous vous écoutons attentivement.
Vous permettre de grandir en réformant les seuils : 3 niveaux de seuils au lieu de 49, un mode de calcul au lieu de 4 actuellement, un délai d'adaptation de 5 ans avant de devoir appliquer les nouvelles obligations pour éviter tout effet couperet.
Vous permettre de grandir en révisant le fonctionnement du droit de suite pour ceux d'entre vous qui sont artisans. Depuis 2016, une entreprise ne peut plus être artisanale au-delà de 50 salariés. Les entreprises qui dépassaient cette limite en 2016 seront radiées du registre des métiers après 5 ans de délai de grâce. Ce serait exclure près de 3 000 entreprises artisanales de leur réseau et ce serait freiner ceux qui veulent grandir. Pourquoi cesserions-nous d'être artisans parce que l'on dépasse un certain seuil ? C'est vraiment punir les entreprises qui réussissent, qui grandissent et qui créent de l'emploi et c'est pourquoi nous soutiendrons la suppression pure et simple de tout seuil pour le droit de suite. Les entreprises artisanales pourront si elles le souhaitent rester immatriculées au répertoire des métiers sans limitation de durée ni de personnel.
Voilà quelques-unes des mesures de libération des énergies que nous portons dans le cadre de la loi PACTE, que nous avons construites avec vous, avec l'APCMA, avec l'ensemble des professionnels que nous avons rencontrés.
A côté de la loi PACTE, il y a aussi – et c'est l'actualité du moment – le projet de loi de finances de 2019 qui comporte plusieurs dispositions en faveur des artisans et des entreprises dont la principale est l'entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de la transformation du Crédit d'Impôt Compétitivité et Emploi (CICE) en baisse de charges pérenne.
Je mentionne également le maintien du prêt à taux zéro, le dispositif PINEL, les taux réduits de TVA dans le bâtiment qui sont prorogés sans modifications.
Encore une fois la constance va être la force qui va nous permettre d'imprimer dans la durée les réformes structurelles que notre tissu d'entreprises attend pour se transformer et pour s'inscrire dans une dynamique de croissance durable et inclusive.
Il va y avoir beaucoup d'attention, et nous avons déjà mis en oeuvre de nombreuses réformes, sur le suivi et la mise en oeuvre concrète de l'ensemble de ces réformes et à l'évaluation de leurs résultats. Cela constituera la priorité des mois qui vont suivre l'adoption de la loi PACTE.
Nous avons parlé de la réforme du RSI, de la réforme en profondeur de notre système d'apprentissage – je sais que l'ensemble de ces éléments sont absolument cruciaux pour vous et c'est bien qu'ils aient été adoptés et décidés. C'est encore mieux qu'ils portent du résultat et qu'ils vous apportent des améliorations, des simplifications, de la croissance au jour le jour.
Nous avons évoqué beaucoup de sujets et je ne voudrais pas être plus longue. J'espère que nous pourrons poursuivre plus à loisir la relation que nous entretenons depuis plus de dix mois maintenant. Sachez en tout cas que vous trouverez toujours dans mon bureau, avec mes équipes et auprès de moi, toute l'écoute et toute l'attention sérieuse et attentive que méritent vos problèmes.
Source https://u2p-france.fr, le 22 octobre 2018