Interview de M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au numérique à France-Info le 21 septembre 2018, sur l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA), l'homophobie et la lutte contre le racisme.

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Média : France Info

Texte intégral


RENAUD DELY
Bonjour Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
RENAUD DELY
Hier, Mounir MAHJOUBI, la Conférence des évêques de France a publié un texte et a décidé de s'engager fermement, ce sont les termes utilisés, contre l'extension de la PMA, la Procréation Médicalement Assistée, à toutes les femmes, c'est un engagement du candidat MACRON pendant la campagne présidentielle. Est-ce qu'il faut, malgré tout, tenir cet engagement, et comment, face à cette opposition de l'ensemble des évêques de France ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ecoutez, les évêques de France ont, très librement, exprimé les raisons. Vous savez vu, dans cet article de La Croix ils rentrent dans les détails pour lesquels, éthiquement, ils pensent que cela n'est pas souhaitable. Les consultations ont eu lieu, à travers toute la France, et au sein de notre mouvement, et au sein du gouvernement, nous avons pris des engagements. Vous me posez cette question à moi, personnellement, en tant que membre de ce gouvernement, sur le sujet de la PMA j'ai pris des engagements toute ma vie, et donc nous sommes nombreux dans ce cas-là, nous avons annoncé les prochaines étapes, et donc ce sujet viendra au Parlement, à la date qui était prévue, et nous iront jusqu'au bout.
RENAUD DELY
C'est-à-dire, le calendrier, c'est dans l'année qui vient ?
MOUNIR MAHJOUBI
Nous venons d'avoir un nouveau président de l'Assemblée nationale, donc vous savez que le calendrier précis n'est pas encore complètement décidé, mais sur la PMA, aujourd'hui, rien n'est remis en cause, la consultation a eu lieu, tous ceux qui voulaient s'exprimer contre, ont pu s'exprimer contre, tous ceux qui avaient eu envie, besoin, d'expliquer les détails de leur refus, ont pu le faire, les évêques ont voulu rajouter, aujourd'hui, à l'occasion de la remise du rapport suite à la consultation éthique.. écoutez, moi je trouve que…
RENAUD DELY
La consultation a eu lieu, vous dites Mounir MAHJOUBI, donc elle est close ?
MOUNIR MAHJOUBI
La consultation est close, puisque le rapport va être rendu. Le rapport va être rendu, il va être remis au gouvernement, et c'est à partir de ce rapport que le gouvernement va pouvoir décider, et ensuite le Parlement votera. N'oubliez pas, il s'agit d'une loi, c'est la loi de bioéthique, donc maintenant il faut qu'il y ait débat à l'Assemblée. Mais, je vais vous dire, je n'ai pas de doute, je connais très bien la majorité à laquelle j'appartiens et dans laquelle…
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas de doute sur le fait que ça va se faire ?
MOUNIR MAHJOUBI
J'appartiens à cette majorité, j'ai été élu moi-même député, et je peux vous dire que la très grande majorité, la quasi-totalité des députés de la majorité, soutiennent la PMA.
MARC FAUVELLE
Les femmes seules et les femmes en couple pourront, d'ici la fin du quinquennat, avoir recours à la PMA, c'est une certitude que vous avez ?
MOUNIR MAHJOUBI
Toutes les femmes, c'est bien notre engagement de la campagne présidentielle, toutes les femmes, c'est bien les discussions, et c'est bien, aujourd'hui, les discussions qui ont lieu au Parlement.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON avait dit au début de son quinquennat qu'il ne voulait pas revivre la situation qu'avait connu François HOLLANDE avec la Manif pour tous, est-ce que c'est le risque vous prenez aujourd'hui ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne commente pas les… parce qu'on n'était pas dans le même contexte à l'époque, il n'y avait pas eu ce travail qui avait été fait, et pendant la présidentielle, et tout de suite les consultations préalables à la loi de bioéthique, on n'a pas laissé traîner, on n'a pas attendu, on est allé dans le respect, à l'écoute de tous, à l'écoute de tous. D'ailleurs on a parfois reproché au gouvernement d'être allé écouter ceux qui étaient vraiment très contre, moi j'ai trouvé ça très enrichissant, d'écouter ceux qui étaient très contre, parce qu'il fallait comprendre pourquoi.
RENAUD DELY
Vous ne redoutez pas, à travers cette prise de position de l'ensemble des évêques de France, le réveil de fractures qu'on a vues dans le pays à l'occasion du débat justement autour du mariage pour tous ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne crois pas, moi je crois que la majorité des Français, sur la question de la PMA, est prête. Les Français… vous savez, la PMA c'est dans de très nombreuses familles, si vous posez la question aux gens, tout le monde connaît quelqu'un, dans la famille, un couple hétérosexuel très souvent, parce qu'on parle de la PMA comme si le seul sujet c'était celui des couples de femmes, mais tout le monde a une Procréation Médicalement Assistée, à au moins d'une personne près de soi, donc ce sujet aujourd'hui il est mature, et donc si certains aujourd'hui ont encore des problèmes, il faut les écouter, il faut comprendre. Moi j'ai trouvé très intéressants les éléments des évêques, je n'en partage aucun, strictement aucun, et donc, sur la PMA, nous irons, et nous avançons.
MARC FAUVELLE
Mounir MAHJOUBI, c'est le ministre qui parle, mais cet été vous avez fait le choix de poser dans un journal, dans Paris-Match en l'occurrence, avec votre compagnon, qu'est-ce que ça a changé pour vous et est-ce que c'était une bonne idée de le faire ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce que ça a changé ce n'est pas forcément pour moi, ce que ça a changé c'est pour le millier de messages que j'ai reçus, des courriers écrits, de messieurs de plus de 70 ans qui m'expliquaient que eux n'avaient jamais réussi à le dire, de députés de la majorité précédente ou de la majorité actuelle, qui me disent qu'ils n'arrivent pas à le dire et qu'ils ne le diront peut-être jamais. Et puis tous ces messages… ou de gens qui m'interpellent dans la rue, cet été en vacances, ce monsieur qui vient me voir quand, avec mon mari, on se balade, il nous dit « écoutez, vous nous avez fait du bien, grâce à vous, maintenant on n'a pas peur d'en parler. » Et ce sujet de ne pas en avoir peur, c'est très important. Dans le 20e, il y a 4 jours, il y a un couple qui s'est fait encore agresser devant un théâtre que je connais bien, que je fréquente souvent, et qui s'est fait agresser parce qu'ils se sont embrassés. Donc ce n'est pas fini, l'homophobie elle existe partout, cette violence elle existe partout, et si moi, en étant ministre, si moi en étant à ma place, j'ai pu donner un exemple et dire « nous sommes heureux, nous sommes assez normaux », on est même assez chiants, si on se dit les choses…
MARC FAUVELLE
Comme tous les couples quoi !
MOUNIR MAHJOUBI
On est absolument comme tous les couples. Eh bien si ça, ça peut aider des gens à nous regarder, et si un ado nous regarde en disant « en fait c'est assez habituel cette histoire », eh bien c'était très bien de le faire.
MARC FAUVELLE
On se retrouve dans un instant Mounir MAHJOUBI.
(…)
RENAUD DELY
Mounir MAHJOUBI, vous évoquiez cette agression qui a eu lieu il y a quelques jours dans le 20e arrondissement de Paris, je vous propose que nous écoutions la victime.
ARNAUD GAGNOUD, VICTIME D'UNE AGRESSION HOMOPHOBE (DOC. EUROPE 1)
Ça commence par des insultes, et nous au départ on n'a pas peur, on se dit que ça va être que des insultes. On pense qu'on est face à trois cons, et tout s'enchaîne très très vite, parce qu'un scooter passe dans notre dos, on est pris en cercle et on ne peut plus sortir. Le chauffeur du scooter arme son casque et m'assène deux coups de casque en plein visage, je pisse le sang littéralement. J'ai 7 points de suture, mon oeil droit ne s'ouvre presque pas. On sait que ça va nous arriver au moins une fois dans notre vie, c'est juste qu'on ne sait pas quand ça va arriver.
RENAUD DELY
« On sait que ça va nous arriver au moins une fois dans notre vie, mais on ne sait pas quand », ça veut dire que c'est dangereux d'être homosexuel en France en 2018 ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est dangereux partout dans le monde, c'est très dangereux dans certains pays, mais oui c'est encore dangereux aujourd'hui. J'en ai parlé la première fois dans ce tweet, en disant ce que ça fait l'homophobie, c'est que ça transforme nos comportements, et nos comportements c'est de ne pas s'embrasser dans la rue, c'est de ne pas se tenir la main, c'est de ne pas se regarder d'un regard tendre…
MARC FAUVELLE
C'est votre cas, pardon de cette question très personnelle, c'est votre cas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ça a été très longtemps mon cas.
MARC FAUVELLE
Ça ne l'est plus ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ça ne l'est plus. Ecoutez, si je suis ministre, je suis heureux, je suis marié…
MARC FAUVELLE
Ça n'empêche pas les insultes d'être ministre, on peut se faire insulter…
MOUNIR MAHJOUBI
Je me fais insulter très très fort sur Twitter, ne vous inquiétez pas, et je me fais menacer très très bien, mais…
MARC FAUVELLE
Ça a été votre cas, vous avez eu honte pendant longtemps ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je n'ai pas eu honte, attention…
MARC FAUVELLE
Peur ?
MOUNIR MAHJOUBI
On intériorise la peur et la gêne qu'on pourrait provoquer chez les autres, et la haine qui pourrait être provoquée vers nous, et donc on se dit pour ne pas déranger on ne va pas faire, ou pour pas s'en prendre plein la gueule on ne va pas faire, et puis il y a un moment où on a un peu plus de courage, on est plus vieux, on a plus de chance, on est au bon endroit, au bon moment, on se dit allez, on y va, et puis se fait insulter. Je me suis fait insulter souvent, j'ai eu des claques aussi, et c'est insupportable. Arnaud, on s'est écrit hier soir, quand il a publié je lui ai envoyé un message…
MARC FAUVELLE
Le monsieur qu'on vient d'entendre.
MOUNIR MAHJOUBI
Le monsieur qu'on vient d'entendre, l'histoire elle est terrifiante, vous entendez, un scooter qui s'arrête, des insultes autour, cinq mecs qui arrivent, qui les contournent…
MARC FAUVELLE
Vous avez dit je me suis pris des claques souvent dans ma vie, vous êtes allé porter plainte ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non.
MARC FAUVELLE
Jamais ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais non, jamais, mais parce que, il faut se le dire, mais là ce n'est pas que les violences LGBT, les violences faites aux femmes aussi, vous savez, cette petite violence, la petite claque, la petite insulte, qui fait que finalement on se dit ce n'est pas assez grave pour aller porter plainte, et puis on continue cette vie et puis on avance, c'est ça qui est terrible.
RENAUD DELY
L'association SOS Homophobie a souligné une vraie recrudescence des agressions homophobes cette année, +15 %, comment expliquer qu'en 2018 il y ait une telle progression ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais parce qu'on n'a pas fini de parler, on n'a pas fini d'être visible, on n'a pas fini de dire que tout cela était très normal, et puis, vous savez, c'est vrai dans les quartiers populaires, mais c'est vrai aussi dans des quartiers où, par idéologie, certains ont quelque chose contre les personnes différentes, ont quelque chose contre les étrangers, ont quelque chose contre les personnes LGBT. Et mon espoir, la chance, c'est que, tout de même, on n'a jamais eu autant de personnes visibles et libres d'en parler, on n'a jamais eu autant, dans les familles, de personnes qui en parlent simplement, qui arrivent à vivre eux-mêmes dans ce qu'ils sont, et donc ça c'est une joie.
RENAUD DELY
Pour lutter contre l'homophobie, l'Education nationale, aujourd'hui, elle a un rôle particulier à jouer, elle a un rôle déterminant à jouer ?
MOUNIR MAHJOUBI
Elle a un rôle extrêmement important, mais d'ailleurs comme sur tous les sujets, tout commence à l'école, et aujourd'hui la question de l'homophobie, on peut dire qu'elle n'est pas assez traitée, mais elle est abordée au moment de l'école, sur les violences, sur le vivre ensemble, et sur tous ces sujets-là il faut que, encore plus, on soit capable d'en parler, y compris dans les quartiers populaires, y compris dans les quartiers où c'est compliqué.
MARC FAUVELLE
Mounir MAHJOUBI, le gouvernement a reçu hier un rapport sur un autre fléau, c'est le fléau du racisme sur Internet, sur les réseaux sociaux.
RENAUD DELY
Ce rapport préconise un alourdissement des peines à l'endroit des hébergeurs, mais aussi une lutte beaucoup plus ferme. Est-ce qu'il faut envisager, pour lutter contre le racisme sur Internet, je sais que vous envisagez une loi courant 2019, de lever l'anonymat sur Internet, qui participe évidemment de ce fléau ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors d'abord il faut parler de ce fléau. 10 à 20 % de tous les commentaires en ligne sont des commentaires haineux, après il y a des haines un peu différentes, plus ou moins violentes. Sur ces 10 à 20 % une partie est particulièrement violente et ciblée. Aujourd'hui c'est un peu l'impunité, parce que personne ne porte plainte, parce que c'est dur de retrouver.
RENAUD DELY
Parce que ces commentaires se réfugient, le plus souvent, derrière l'anonymat.
MOUNIR MAHJOUBI
Ils se réfugient derrière l'anonymat, mais, je vous le dis, l'anonymat ça se lève, c'est-à-dire que quand on porte plainte, qu'on identifie un message et un porteur d'un message, et qu'on mène l'enquête jusqu'au bout, dans la plus grande partie des affaires on peut retrouver l'identité de la personne.
MARC FAUVELLE
Mounir MAHJOUBI, il est interdit aujourd'hui, dans la rue par exemple, de se promener avec une cagoule, qui cache son visage, pourquoi sur Internet, sur les réseaux sociaux, c'est toléré ?
MOUNIR MAHJOUBI
Aujourd'hui, vous êtes en train de me poser la question, est-ce que, pour qu'Internet devienne un espace civilisé, il faut renoncer à l'Internet libre et faire un Internet régulé par…
MARC FAUVELLE
Non, mais il faut rendre Internet comme si c'était la place publique, comme si c'était la rue.
MOUNIR MAHJOUBI
Ce qui est certain, moi j'en suis convaincu, c'est qu'il faut reciviliser Internet, et notamment les réseaux sociaux, il faut qu'on ait à nouveau un dialogue et une parole normalisée, on ne peut pas accepter… imaginez 2 secondes à quoi ressemblerait un autobus qui serait le Twitter d'aujourd'hui, vous rentreriez dans le bus et vous auriez droit à un « et connard, t'as vu ta gueule, vas-y sors d'ici », on vous marcherait sur le pied, on vous pousserait très fort, c'est ce qui arrive quand même à chaque fois, c'est ce qui arrive à chaque fois que je fais un tweet, immédiatement il y a quelques personnes qui sont prêtes pour le faire. Donc, plusieurs choses dans le rapport. La première c'est d'abord dire aux plateformes qu'elles ont une responsabilité, parce que la première chose que l'on souhaite, ce n'est pas anonymat pas anonymat, c'est que je veux que ce truc disparaisse, ce tweet…
RENAUD DELY
En moins de 24 heures, c'est ça votre objectif.
MOUNIR MAHJOUBI
Ce tweet antisémite, ce tweet raciste, je veux qu'il disparaisse le plus vite possible.
MARC FAUVELLE
Je vois un tweet dégueulasse, aujourd'hui, raciste, antisémite, je fais quoi ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous le signalez.
MARC FAUVELLE
A qui ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous le signalez à la plateforme…
MARC FAUVELLE
La plateforme c'est Pharos.
MOUNIR MAHJOUBI
Pardon, vous le signalez à la plateforme elle-même, à Twitter, à Facebook.
MARC FAUVELLE
Donc, j'écris à Twitter ?
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, avec un petit bouton, mais aujourd'hui cette procédure n'est pas normalisée, selon la plateforme sur laquelle vous êtes, ce n'est pas le même parcours, ce n'est pas les mêmes questions qui vous sont posées, et surtout la plateforme n'a aucune obligation de vous expliquer ensuite ce qu'elle en a fait, elle ne vous dit pas j'ai retiré, j'ai gardé… alors, Twitter le fait, en prenant son temps, Facebook le fait de plus en plus, mais avec des critères qu'on ne connaît pas, et donc ce que propose ce rapport c'est apporter de la transparence, des obligations, et de sanctionner le non-respect de ces obligations pour les plateformes.
RENAUD DELY
De sanctionner comment, financièrement, en alourdissant les peines ?
MOUNIR MAHJOUBI
Financièrement, en alourdissant la peine de non-retrait, et donc ça nécessite, dans le droit français et dans le droit européen…
RENAUD DELY
Jusqu'à quelle somme ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors la proposition qui est faite dans le rapport c'est de multiplier par 100 les amendes existantes aujourd'hui, ce qui porterait l'amende à 37 millions d'euros, ce qui est une très forte somme, qui est une somme maximale…
MARC FAUVELLE
Ce qui est un grain de sable pour les entreprises dont on vient de parler.
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, enfin on parle de 37 millions par tweet non retiré, donc si vous multipliez ça commence à faire un petit peu plus.
MARC FAUVELLE
Ce qui fait beaucoup s'il y a beaucoup de grains de sable, oui.
MOUNIR MAHJOUBI
Mais, ce qui est important, ce n'est pas ce montant, ce qui est important c'est que pour faire ça il va falloir qu'on change le droit, parce que le droit français aujourd'hui ne reconnaît que deux types de personnes sur Internet, les hébergeurs, à qui on peut demander très peu de choses, et les éditeurs, à qui on peut demander énormément, et entre les deux il n'y a pas. Et l'innovation de ce grand rapport c'est de créer un statut qui les appelle « accélérateur », et un « accélérateur » c'est quelqu'un…
RENAUD DELY
Qu'est-ce que c'est ?
MOUNIR MAHJOUBI
Eh bien c'est la définition de ce rapport, et avec le Premier ministre, hier, nous l'avons reçu…
RENAUD DELY
Entre diffuseur et hébergeur, c'est quoi un « accélérateur » ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors, selon le rapport, attention, c'est toujours une proposition qui nous est faite, maintenant il faut qu'on travaille sur quel serait le meilleur véhicule, mais cet « accélérateur » c'est la définition d'un site Internet dont l'objet n'est pas de choisir l'info, mais à partir d'une info lui donner une grande porté, c'est comme ça qu'on pourrait définir ce que fait Facebook, à partir d'une info la diffuser à beaucoup de gens, ce que fait Twitter, à partir d'une info la diffuser à beaucoup de gens, et je trouve que c'est une définition qui est intéressante.
RENAUD DELY
Mais vous avez utilisé l'expression, Mounir MAHJOUBI, de civiliser les réseaux sociaux. On a appris que le parquet de Toulouse a ouvert une information judiciaire pour viol aggravé en réunion après la diffusion de plusieurs vidéos montrant l'agression d'une jeune fille à la sortie d'une discothèque. Comment peut-on civiliser les réseaux sociaux quand on voit de telles pratiques, la mise en ligne de telles images ?
MOUNIR MAHJOUBI
Deux choses. La première c'est créer un contexte et former les jeunes, et les adolescents, à avoir un comportement respectueux en ligne et à se mobiliser pour qu'une parole positive existe en ligne. il y a des initiatives comme « Respecte Zone », qui a été lancé par des ados, pour dire on n'est pas obligé de laisser la parole aux trolls. Il y a le journaliste technologique du New York Times qui a écrit un édito terrible il y a quelques semaines, qui dit « les trolls ont gagné, maintenant vous pouvez partir. » Eh bien moi je veux qu'on dise que « les civilisés ont gagné », et que, à chaque fois que quelqu'un se fait insulter, eh bien pour une insulte, il y a 1000 personnes qui disent « eh bien non, nous nous soutenons, nous nous n'acceptons pas que tu te fasses insulter », et donc ça, ça passe par l'école. Et puis après, moi je le dis, il faut être ferme, il faut la sanction, il faut des poursuites, regardez ceux qui ont harcelé la journaliste d'Europe 1…
MARC FAUVELLE
Nadia DAAM, il y a quelques mois.
MOUNIR MAHJOUBI
Ils ont été identifiés, condamnés, et donc il faut qu'il y ait de nombreuses condamnations, on ne peut pas accepter de harceler une femme parce qu'elle s'est exprimée en ligne, et ces personnes doivent être sanctionnées financièrement, et sanctionnée pénalement quand c'est nécessaire.
(…)
MARC FAUVELLE
Toujours avec nous Mounir MAHJOUBI. Vous avez sans doute entendu récemment les propos d'Eric ZEMMOUR, je voudrais savoir si votre prénom est une insulte à la France ?
MOUNIR MAHJOUBI
Lui le pense, c'est dommage, moi je trouve qu'Eric est un joli prénom en général et je trouve que…
MARC FAUVELLE
C'est un prénom viking, un prénom viking je crois ?
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, oui, ça sonne bien, il y a ce final un petit peu agressif, ce rrrrr qui roule assez sensuel. Ecoutez c'est absurde, Eric ZEMMOUR est dans sa caricature personnelle, évidemment qu'on célèbre et qu'on doit célébrer la diversité et que ce qui n'est pas normal c'est que dans la République il n'y ait pas plus de prénoms nouveaux. Mais encore une fois regardez la tête de cette Assemblée nationale grâce à La République En Marche, grâce à la majorité que nous avons portée, plus personne ne peut dire la député noire, on est obligés de dire laquelle et on est obligés de dire de quelle région elle est, on est obligés de dire quel métier elle fait, parce qu'il y en a plusieurs et on ne peut plus dire tu sais l'arabe là-bas parce qu'il y en plein aussi et, donc, on est obligés de dire c'est quoi sa circonscription et c'est quoi son métier, il faut qu'on rentre d'une absolue normalité de cette diversité. Oui il faut qu‘il comprenne ce monsieur ZEMMOUR que nous sommes nés en France, que de très nombreux sont nés en France, d'autres n'y sont pas nés mais sont devenus Français parce qu'ils aiment la France et qu'ils s'y sont engagés. Si on redit aux Français, aux jeunes Français qui se posent des questions dans les quartiers populaires qu'ils sont moins Français que les autres ou que leurs parents sont des abrutis de ne pas leur avoir donné un prénom catholique, alors on peut créer en France un terreau terrible à la haine.
MARC FAUVELLE
Mounir MAHJOUBI, mais des ZEMMOUR il y en a des dizaines de milliers en France, ses bouquins cartonnent, il y en a beaucoup, il y en a d'autres, il n'y a pas que lui qui pense ça ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais malheureusement la haine aujourd'hui est à la mode, regardez nos pays frères, regardez l'Italie, aujourd'hui la haine est un sentiment rassurant, la haine est un lieu qui vous protège, la haine est un mur qui vous permet de vivre dans un monde qui vous permet de voir moins de complexités et Eric ZEMMOUR joue sous des airs de réflexion, de philosophie et d'intelligence, il est en fait un limiteur de champ, un limiteur d'espace qui permet de se limiter dans son espace.
RENAUD DELY
Il faut le laisser parler ou il faut lui interdire de parler à Eric ZEMMOUR ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ecoutez, c'est extrêmement important que tout le monde puisse parler - moi je suis très heureux que ce monsieur puisse se ridiculiser en exprimant ses positions - et puis il y a des lignes à ne pas franchir, c'est-à-dire que maintenant entre ZEMMOUR et SORAL il va falloir faire attention à ZEMMOUR parce que là il franchit chaque jour…
MARC FAUVELLE
Oui, SORAL c'est Alain SORAL.
MOUNIR MAHJOUBI
Pardon, c'est Alain SORAL, qui lui a franchi très régulièrement la ligne allant jusqu'à la violence.
MARC FAUVELLE
Mais il faut continuer à l'inviter, vous estimez que... c'est la phrase de VOLTAIRE : « je ne suis pas d'accord avec ce que vous pensez mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez l'exprimer ».
MOUNIR MAHJOUBI
Evidemment que ce monsieur doit continuer à pouvoir s'exprimer. Après, est-ce que vous me posez la question est-ce que je trouve qu'il est un peu trop à la mode en ce moment ? Oui ! Est-ce qu'il est un peu trop invité pour ne rien dire ? Oui ! Est-ce qu'il faut qu'il puisse continuer à l'être ! Eh bien oui aussi.
MARC FAUVELLE
Et on va passer à la suite, Renaud DELY.
RENAUD DELY
Mounir MAHJOUBI, vous avez dit il y a quelque temps que vous pourriez éventuellement faire un bon maire de Paris, c'est le satisfecit que vous vous êtes décerné, on a vu que votre collègue Gérard COLLOMB a d'ores et déjà annoncé qu'il allait quitter le Gouvernement pour se présenter à la mairie de Lyon, quand est-ce que vous quitterez le Gouvernement ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous savez aujourd'hui pour Paris et pour toutes les Municipales le grand enjeu c'est avant tout de savoir ce qu'on propose aux gens, ce qu'on propose aux Parisiens, tout à l'heure à 9 h 30 nous avons la conférence de presse du mouvement à Paris pour expliquer comment on va partir à la rencontre des Parisiennes et des Parisiens pour comprendre comment chaque jour ils vivent Paris et comment…
MARC FAUVELLE
C'est mot pour mot la réponse que nous a fait je crois Benjamin GRIVEAUX qui était à votre place il y a quelques jours, qui est candidat lui aussi.
MOUNIR MAHJOUBI
Et vous savez quoi ? Ça tombe bien ! On est tous les deux ensemble, on vient du même mouvement, on est dans le même Gouvernement, vous ne trouverez chez moi aucune animosité nulle part.
RENAUD DELY
Il y a une question qui se pose et on va écouter justement votre collègue Benjamin GRIVEAUX, porte-parole du Gouvernement…
MOUNIR MAHJOUBI
Que je rejoins dans 30 minutes.
RENAUD DELY
Ecoutez-le déjà, comment choisir entre cette multitude de candidatures au sein de la majorité, on écoute Benjamin GRIVEAUX.
BENJAMIN GRIVEAUX, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT – LE 12 SEPTEMBRE SUR FRANCEINFO
Moi je ne crois pas du tout à l'organisation de primaire…
RENAUD DELY
Pourquoi ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Parce que c'est des bonnes machines à diviser, on en a eu un excellent exemple l'an dernier, moi je crois à la force du rassemblement, vous savez si vous faites une primaire de La République En Marche ce sera un candidat La République En Marche pur jus, moi ma conviction c'est que dès le premier tour il faut réunir des sensibilités, il faut réunir des gens qui ont des parcours qui sont issus de la société civile qui n'ont pas forcément d'engagement politique, qui sont là pour animer des cafés citoyens, ils ne sont pas... on n'est pas un parti d'élus.
RENAUD DELY
La République En Marche revendique je crois 52.000 adhérents à Paris, ils n'ont pas leur mot à dire, ils ne voteront pas, ils ne choisiront pas le candidat, ils iront juste coller les affiches une fois que celui-ci aura été choisi ?
MOUNIR MAHJOUBI
Si vous regardiez quel est le quotidien de La République En Marche, si vous voyiez quelle est notre méthode, vous comprendriez que ce n'est pas comme ça que ça fonctionne chez nous.
RENAUD DELY
Pas de primaire donc, il n'y aura pas de primaire ?
MOUNIR MAHJOUBI
Pas de primaire, mais pas de primaire ça ne veut pas dire pas de démocratie interne, aujourd'hui notre programme il est construit collectivement, aujourd'hui et demain matin je serai sur un matin du XVIème arrondissement pour écouter les Parisiennes et les Parisiens avec les militants de La République En Marche. Mais ce que dit Benjamin qui est très important c'est que la liste qu'on va présenter elle ira des écologistes jusqu'au centre droit, jusqu'à la droite, de tous ceux qui pensent qu'on peut transformer Paris et qui peuvent porter un projet qui est un projet des 20 prochaines années.
MARC FAUVELLE
Donc ce sont des apparatchiks qui vont décider, les Parisiens et les Parisiennes n'ont pas leur mot à dire là-dedans ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je viens de vous dire le contraire.
MARC FAUVELLE
Ah non, vous me dites il n'y aura pas de primaire.
MOUNIR MAHJOUBI
Je viens de vous dire que nous allons ensemble... mais oui, mais la primaire ce n'est pas l'alpha et l'omega de la démocratie.
MARC FAUVELLE
C'est la démocratie.
MOUNIR MAHJOUBI
Mais non ! Non, non, non.
MARC FAUVELLE
C'est ce qui se rapproche le plus de la démocratie faire voter les gens.
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne suis pas d'accord, non ce n'est pas…
MARC FAUVELLE
Donc il n'y aura pas de vote, ce sera le petit cénacle des élus ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais le cénacle ne va pas désigner un maire, le cénacle il va désigner un candidat et puis ensuite c'est tout le collectif qui va se présenter aux Français, devant les Français et les Parisiens. La démocratie ça ne s'est jamais traduit par l'exclusivité de la primaire, c'est un système qui s'est introduit récemment dans la démocratie française et qui n'est pas le plus efficace pour porter un candidat jusqu‘à la victoire.
RENAUD DELY
Mounir MAHJOUBI, le cénacle qui va désigner le candidat comme vous dites i ne s‘appellerait pas Emmanuel MACRON par hasard ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est vous qui parlez de cénacle, c'est vous qui parlez de tout cela, je vous le dis.
RENAUD DELY
C'est Emmanuel MACRON qui va choisir le candidat de La République En Marche à Paris ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non. Vous savez qui va choisir le candidat ? Ça va être le mouvement du temps, c'est-à-dire quand nous aurons formé…
MARC FAUVELLE
Le mouvement du temps, c'est-à-dire ?
MOUNIR MAHJOUBI
Quand nous aurons un projet…
MARC FAUVELLE
Ah oui.
MOUNIR MAHJOUBI
Et, ça, ça va prendre pendant six semaines, on v a être à l'écoute des Parisiennes et des Parisiens, avec ce diagnostic on va continuer à travailler tous ensemble avec eux sur des idées et puis ensuite on va commencer à porter un regard et, à partir de là, vous allez voir tout naturellement une candidate, une candidate ou un candidat, émergera.
MARC FAUVELLE
On a posé la même question à Benjamin GRIVEAUX il y a quelques jours, est-ce que vous pourriez dire la meilleure chose qu'a faite Anne HIDALGO pour Paris ?
MOUNIR MAHJOUBI
La meilleure chose qu'Anne HIDALGO a pu faire pour Paris ça été pendant sa campagne de proposer du courage, ce que je lui reproche à Anne HIDALGO – vous savez en 2014…
MARC FAUVELLE
C'était il y a longtemps sa campagne.
MOUNIR MAHJOUBI
En 2014 je l'ai soutenue moi, je l'ai soutenue et j'ai beaucoup cru en elle…
MARC FAUVELLE
Elle n'a rien fait d'aussi bien sa…
MOUNIR MAHJOUBI
Avant elle j'avais soutenu Ségolène ROYAL et moi je croyais très fort à ce qu'une femme qui avait décidé de faire de l'environnement une cause majeure pour transformer la ville et finalement nous sommes allés en plusieurs années, de déception en déception.
MARC FAUVELLE
Donc, le meilleur d'Anne HIDALGO c'est quand elle est candidate ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ca été ses promesses et ses promesses ont été... moi je l'ai soutenue et j'ai trouvé ça très important. Une des belles réussites ça été le transport à la demande, ça été le Vélib et l''Autolib de sa majorité précédente, mais tout ça a été gâché en quelques années, en quelques mois.
MARC FAUVELLE
Merci Mounir MAHJOUBI, on n'aura pas le temps de poser d'autres questions, pardon Renaud DELY je vous vois trépigner, merci beaucoup Mounir MAHJOUBI…
MOUNIR MAHJOUBI
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2018