Texte intégral
Monsieur le Ministre des affaires étrangères du Sénégal, Mon cher Sidiki,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis très heureux de prendre part, même très brièvement, à ce forum de Dakar 2018. J'y prends part tous les ans depuis la création de ce forum en 2014, d'abord comme ministre de la défense puis, pour la deuxième fois, aujourd'hui, comme ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Je suis heureux de constater que cet événement devient un événement incontournable, incontournable pour échanger ensemble sur les défis sécuritaires auxquels fait face le continent africain. Je voudrais à cet égard remercier les autorités sénégalaises, à commencer par le président Macky Sall, d'avoir poursuivi cette aventure du forum "paix et sécurité" après 2014, et saluer Olivier Darrason et CEIS pour à la fois leur détermination et leur compétence pour cette organisation, merci à eux.
Je parlais des défis du continent africain et personne ici ne l'ignore, ces défis ne manquent pas. Les enjeux sont de taille, à commencer par la menace terroriste et l'extrémisme violent qui continuent de faire de nombreuses victimes civiles et militaires.
La lutte contre le terrorisme, c'est une action de long terme qui impose en priorité de renforcer le savoir-faire et les capacités des forces de sécurité. Et c'est le sens de notre coopération avec de nombreux pays africains. Celui d'aider à la structuration, à la formation et à l'entraînement de ces forces. C'est indispensable pour agir sur la durée. Et c'est également le sens de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme dont j'ai visité le futur emplacement lors de mon récent déplacement en Côte d'Ivoire. Dans ce centre, nous allons soutenir des stagiaires issus de tous les pays de la région, nous allons former ces stagiaires à partir de l'année prochaine et ils recevront tous les volets de formation contre le terrorisme, tous les volets utiles pour les forces de sécurité et pour agir aussi dans le respect de la justice.
Bien entendu, au-delà de ce lieu de formation et de cette nécessaire structuration des forces armées, la réponse est aussi opérationnelle : c'est la mission et l'objectif d'engagement constant de l'opération Barkhane aux côtés des forces armées du Sahel, en particulier du Mali et du Burkina Faso.
Nous avons connu ensemble des succès contre le terrorisme mais, comme vous le savez, nous ne devons pas baisser la garde car la menace reste vivace.
Quand je parle d'efforts opérationnels, je pense aussi à la force conjointe du G5 Sahel. C'est une initiative inédite, elle permet aux cinq pays de la région - Tchad, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Mali -, qui n'en avaient pas toujours l'habitude, ou qui n'en avaient pas du tout l'habitude, de renforcer leur coordination de planification et d'action pour leur sécurité aux frontières.
C'est une initiative complètement novatrice, et un an après le lancement de la force, les premiers résultats sont au rendez-vous : six opérations ont déjà été menées depuis octobre 2017. Mais cela prend du temps. Je suis d'ailleurs très frappé d'entendre ou de lire des commentateurs, en Europe ou en Afrique, pour souligner le temps que cela prend. Je le dis singulièrement aux Européens, à commencer par mes compatriotes : mettre sous commandement unique des éléments de cinq armées différentes, de cinq pays différents, pour combattre une menace frontalière de ces cinq pays, c'est une initiative que jamais les Européens n'ont pu prendre ensemble.
C'est une initiative complètement innovante, mais donc cela suppose du temps et je suis, pour ma part, tout à fait convaincu que cette initiative venue des pays africains eux-mêmes permettra à la fois de rassembler les soutiens financiers mais permettra aussi d'aboutir rapidement à ce que cette force prenne sa pleine puissance.
La force G5 attire beaucoup d'attention médiatique mais elle n'est pas la seule opération africaine à produire des résultats. Il y a l'AMISOM face au shebabs en Somalie, il y a la force multinationale mixte déployée au bassin du Lac Tchad qui a permis d'endiguer, pas d'éliminer encore, mais au moins d'endiguer, la menace.
Toutes ces opérations jouent un rôle majeur mais elles ont un point commun : elles sont mieux adaptées à leur environnement et à la menace, moins onéreuses que les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Elles présentent donc, ces opérations, dans leur déclinaison et dans leur diversité, des avantages indéniables. Mais elles ne disposent toujours pas de financements prévisibles et durables. Il est donc, et c'est mon message ici, urgent de remédier à cette situation.
C'est pourquoi la France soutient l'initiative ambitieuse et pragmatique portée par l'Union africaine. Cette initiative repose sur deux socles. D'abord la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement, dans le cadre la réforme de l'Union africaine portée par le président Kagame, d'abonder un fonds pour la paix qui permettra de prendre en charge 25% du coût des opérations africaines de paix. Ensuite, la demande faite à l'ONU par l'Union africaine de prendre en charge 75% du coût des futures opérations, nécessite une orientation forte et une décision du Conseil de sécurité.
Aujourd'hui, je veux le dire avec force, comme le président Macron l'a dit il y a un an dans son discours de Ouagadougou et plus récemment à l'Assemblée générale des Nations unies, nous soutenons totalement cette initiative. Nous soutenons cette initiative au Conseil de sécurité et nous comptons bien aboutir à une résolution sur ce sujet avec l'ensemble de nos partenaires.
Mesdames, Messieurs,
Pour venir à bout du terrorisme, nous devons également porter la bataille sur d'autres fronts. La lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent passe aussi aujourd'hui par une coopération accrue dans le domaine cyber. L'utilisation d'Internet à des fins de terrorisme ou encore la multiplication des actes de cybercriminalité nous rappelle que le cyberespace constitue désormais un champ d'action prioritaire pour la sécurité, en Afrique comme ailleurs.
C'est la raison pour laquelle la France a décidé d'apporter son soutien et son expertise dans ce domaine crucial. Je le dis avec d'autant plus de force ici à Dakar que nous soutenons deux projets majeurs portés par les autorités sénégalaises.
Nous avons, en 2017, après ce forum, posé la première pierre de notre coopération en matière de cybersécurité en proposant l'installation d'une plateforme cyber auprès du ministère de l'intérieur sénégalais. Depuis, nous nous sommes, en outre, tournés vers la création d'une école nationale à vocation régionale en cybersécurité. Ce projet nous a été présenté ce matin, il est ambitieux. Cette école s'installera bientôt par ici à Diamniadio et elle offrira des formations, dès l'année prochaine, ouvertes aux Sénégalais mais aussi à des stagiaires de toute la région.
Pour prévenir l'extrémisme violent, il est également nécessaire d'agir en s'attaquant à ses racines plus profondes. Je pense aux efforts pour lutter contre la radicalisation et contre les vecteurs de l'islam radical. C'est un combat difficile, c'est aussi un combat de long terme, et le partage d'expériences qu'offre la discussion de ce forum est aujourd'hui très précieux. Dans ce cadre-là, l'éducation est une priorité forte, en Afrique encore plus qu'ailleurs, vu l'importance de la jeunesse.
Le président Macron l'a réaffirmé il y a un an dans le discours - maintenant de référence - qu'il a prononcé à Ouagadougou. Partout votre jeunesse mérite qu'on lui donne les moyens d'émancipation et les moyens de choisir son destin. L'idée que son avenir se joue dans un choix entre la résignation et la haine est parfaitement inacceptable. Pour lutter contre les sources du problème, il nous faut donc accroître les actions de développement. Vous avez parlé de ce thème ce matin, on m'a dit que les débats ont été riches, la France a pris en Afrique de l'Ouest et en particulier au Sahel, des engagements forts. Le Directeur général de l'AFD, Rémy Rioux, qui m'accompagne, vous les a présentés dans le détail ce matin. Aujourd'hui, nous voulons faire plus et surtout, aller plus vite entre l'affichage d'un projet, la mobilisation financière et la réalisation technique. Je me réjouis à cet égard d'un accord de partenariat entre l'alliance Sahel et le secrétariat permanent du G5 qui va faciliter la mise en oeuvre des projets le plus rapidement possible dans les régions les plus fragiles.
Voilà, chers amis, les quelques propos que je voulais tenir devant vous. Dans la lutte contre le terrorisme, la lutte contre l'extrémisme, la France se tient aux côtés de l'Afrique. Nous agissons avec vous sur tous les fronts, nous le faisons dans un esprit de partenariat, de respect mutuel mais aussi d'efficacité. Nous avons bien vu ce matin que les annonces d'il y a un an se traduisaient aujourd'hui par des réalisations. Soyez assurés que notre détermination à vos côtés ne faiblira pas.
Merci de votre attention.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 novembre 2018