Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, sur les crédits relatifs aux missions "Economie" et "Engagements financiers de l'Etat" dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'Assemblée nationale le 7 novembre 2018.

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Circonstance : Discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019, à l'Assemblée nationale le 7 novembre 2018

Texte intégral


Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Nous abordons l'examen de la mission « Économie » et des crédits relatifs aux comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », et de la mission « Engagements financiers de l'État » et des crédits relatifs aux comptes spéciaux « Participation de la France au désendettement de la Grce », « Participations financières de l'État » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » (no 1302, annexes 20, 21, 22 et 23 ; no 1288, tomes VIII, IX, X et XI ; no 1304, tome VI).
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la présidente, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, vous le savez, ce projet de loi de finance a un cap fixé par le président de la République et le Premier ministre : construire une nouvelle prospérité française, une prospérité durable, qui doit bénéficier à tous les Français et à tous les territoires, une prospérité qui ne doit pas reposer sur plus de dépense publique et par conséquent plus d'impôts, mais sur plus d'activité et par conséquent plus d'emplois pour les Français et pour leurs entreprises.
Constance, cohérence et ambition sont les maîtres mots de notre politique. Constance par rapport aux choix fiscaux que nous avons faits en 2018. Cohérence par rapport à l'ensemble de la politique que nous menons, au niveau national, avec la loi PACTE – relatif à la croissance et à la transformation des entreprises –, qui a fait le pari des entreprises et de l'innovation, et au niveau européen, en respectant nos engagements en matière de finances publiques. Ambition enfin parce que nous entendons faire croître l'activité de manière durable et au bénéfice de tous les Français.
Les valeurs et les objectifs que nous répétons nous guident vers ce cap. D'une part, nous entendons rétablir durablement nos finances publiques et ainsi respecter les engagements du Président de la République. Ils tiennent en trois chiffres : 5 points de PIB de baisse de la dette publique, 3 points de baisse de la dépense publique et 1 point de baisse des prélèvements obligatoires d'ici à la fin du quinquennat. D'autre part, nous voulons retrouver un esprit de conquête économique, de conquête technologique, de conquête industrielle et de conquête à l'export.
Si les résultats sont là depuis mai 2017, ils ne sont pas suffisants, nous en sommes conscients. Nous devons accélérer la transformation économique que nous menons. Certes les chiffres de l'attractivité et des investissements étrangers en France sont les meilleurs depuis dix ans. Certes plus de 200 000 emplois ont été créés en un an et, dans l'industrie, pour le seul mois de septembre, ce sont 61 000 emplois qui ont été créés, du jamais vu depuis 2006. Certes les chiffres de la croissance au troisième trimestre sont conformes à nos prévisions et plutôt solides : nous avons eu des résultats exceptionnels en 2017 et la croissance est solide en 2018.
Mais, vous le savez, l'économie française continue à croître moins vite que la moyenne des pays de la zone euro. L'économie française a du retard en matière de robotisation et de numérisation : 133 robots en moyenne contre 190 en Italie et plus de 300 en Allemagne. L'économie française n'est pas en pole position en matière d'innovation de rupture.
Notre action, au travers des missions dont nous allons débattre, est de faire croître et transformer nos entreprises et de poursuivre la transformation de l'action publique.
Pour faire croître et transformer nos entreprises, le projet de loi de finances pour 2019 décline sur le plan fiscal les mesures du projet de loi PACTE, qui a été adoptée début octobre par l'Assemblée nationale et sera examiné en janvier par le Sénat. Ces mesures concernent d'abord la transmission. Trois dispositifs fiscaux seront assouplis et simplifiés, vous connaissez ces mesures.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également la profonde transformation des chambres de commerce et d'industrie : première baisse de 100 millions d'euros de la taxe affectée aux chambres et une trajectoire de baisse de 400 millions d'euros en 2022. Cette baisse n'interviendra pas dès 2019, afin de laisser aux chambres de commerce et d'industrie le temps de s'adapter. Elle sera complétée, conformément à l'amendement concernant les taux adopté par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition d'Amélie de Montchalin, Stella Dupont et Valérie Oppelt. Par cette mesure, nous souhaitons mettre en place un nouveau modèle pour les CCI afin qu'elles se concentrent sur leur coeur de mission : assurer l'appui aux entreprises, la formation initiale et la représentation des entreprises. Surtout, nous diminuons les impôts pesant sur la compétitivité des entreprises car c'est l'accumulation de taxes et de règles qui mine la compétitivité de nos entreprises, en particulier en comparaison avec nos partenaires européens, l'Allemagne au premier chef.
Dans le PLF pour 2019, nous nous attaquons donc à cette pression fiscale. Conformément aux engagements du président de la République, nous transformons le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en allégement de charges pérenne, ce qui permettra d'abaisser durablement le coût du travail et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises pour favoriser l'emploi. Dans le même ordre d'idée, nous continuerons à réduire l'impôt sur les sociétés pour libérer des marges de manoeuvre au profit de nos entreprises et favoriser l'attractivité de notre territoire : notre objectif, que vous avez en tête, est d'abaisser le taux de cet impôt à 25 % à l'horizon de 2022.
En matière industrielle, nous souhaitons également nous attaquer aux impôts de production. Un certain nombre de mesures ont déjà été ciblées et, dès que nous aurons un peu plus de marges budgétaires, nous continuerons ce travail, puisqu'il faut spécifiquement s'attaquer aux problématiques des entreprises industrielles.
Mais cela ne suffit évidemment pas. Nous devons, en parallèle, par comparaison avec nos voisins européens, améliorer le rapport qualité-prix de notre production et notre positionnement de gamme. Pour cela, nous devons impérativement miser sur l'amélioration de notre appareil productif. C'est pourquoi nous investissons massivement dans l'innovation. Nos entreprises, pour être plus compétitives, doivent monter en gamme, produire des produits plus innovants et plus facilement exportables. Nous avons donc sanctuarisé le crédit d'impôt recherche. Nous avons également augmenté les crédits pour le dispositif de la jeune entreprise innovante, dont l'efficacité économique a été largement démontrée.
Par ailleurs, nous avons instauré un fonds pour l'innovation et l'industrie, qui est doté de 10 milliards d'euros et permet de dégager chaque année 250 millions d'euros de marge de manoeuvre pour investir dans des innovations de rupture comme l'intelligence artificielle ou le stockage des énergies renouvelables ; ce fonds sera financé grâce à la cession d'actifs détenus par l'État, notamment dans Aéroports de Paris et La Française des jeux. Derrière cette orientation, il y a le souhait de se comporter en État stratège dans notre activité d'actionnaire. L'État actionnaire investit dans l'avenir et protège notre souveraineté. Investir dans l'avenir, c'est comprendre que le rôle de l'État n'est pas de récolter des dividendes mais de financer les technologies qui feront la croissance de demain. Tel est l'objet de ce fonds d'innovation de rupture.
Protéger notre souveraineté, c'est rester actionnaire dans les domaines où l'intérêt général est en jeu, comme le nucléaire ou la défense. L'État doit protéger ces actifs stratégiques. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons renforcé, dans le projet de loi PACTE, le décret sur les investissements étrangers en France. J'élargis le propos car toutes ces petites pièces forment une politique cohérente qui offre une vision globale.
Investir dans l'avenir, c'est non seulement accompagner les innovations de rupture mais également numériser et robotiser le plus grand nombre de PME. Notre tissu productif est un peu en retard, je le répète, et toutes les PME doivent pouvoir être accompagnées, poussées en avant. Le dispositif de suramortissement que nous mettons en place répond à cet enjeu. Concrètement, cela représentera jusqu'à 11 % de baisse du coût de l'investissement, par exemple dans des machines de fabrication additive – c'est-à-dire des imprimantes 3D –, des logiciels de gestion de la production ou encore des capteurs connectés.
Enfin, pour la première fois, la mission « Économie » alloue 175 millions d'euros de crédits de paiement au plan France très haut débit, manifestant notre engagement sur ce sujet, auquel je sais combien vous êtes également sensibles, voire sourcilleux ! Un amendement gouvernemental propose de relever les crédits du programme 134 de 10 millions d'euros pour financer l'inclusion numérique, qui est également un enjeu primordial.
La transformation économique du pays passe également par celle de l'action publique, qui doit devenir plus efficace, plus efficiente, plus proche du terrain. Le ministère de l'économie et des finances se doit évidemment d'être exemplaire sur ce point : on ne peut pas faire la leçon aux autres si l'on n'applique pas soi-même ces principes.
Nous avons donc décidé d'arrêter, de transférer ou de fusionner les dispositifs qui ne relevaient plus de l'État et pouvaient être assumés par d'autres acteurs. Ainsi, le FISAC, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, ne financera plus de nouveaux projets. Cette décision est cohérence avec la compétence donnée aux régions en matière de développement économique depuis la loi NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République. En effet, ce sont les régions et les collectivités qui connaissent le mieux leur territoire ainsi que les besoins et les projets de leurs entreprises de proximité. L'État n'a plus vocation à piloter, de manière hors-sol, les financements relatifs à l'artisanat ; les régions et les collectivités, aidées dans l'accompagnement des zones les plus fragiles par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, seront plus légitimes et plus efficaces.
Deuxièmement, afin de rendre notre action plus lisible, l'Agence France entrepreneur rejoindra Bpifrance en 2019. Vous avez tous entendu des chefs d'entreprise pester en cherchant le guichet unique, censé les accompagner. Le soutien à l'export de nos entreprises sera simplifié et son efficience, améliorée avec la création d'une assurance prospection plus attractive – 50 % d'avance payés sur les dépenses de prospection – mais plus responsabilisante puisqu'il faudra en rembourser au minimum 30 %. La gouvernance du dispositif de soutien à l'export sera également optimisée et simplifiée grâce à l'installation d'un correspondant unique à l'étranger et d'un guichet unique. Dans cette même logique d'efficacité et de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, nous allons engager une réforme ambitieuse de la direction générale des entreprises, qui sera recentrée sur ses missions stratégiques : l'accompagnement des entreprises en difficulté – en priorité les PME industrielles –, le développement des filières stratégiques et l'innovation, avec notamment la participation aux instances de gouvernance des écosystèmes d'innovation. Cette évolution impliquera de réduire les effectifs du réseau déconcentré de la DGE de 330 ETP – équivalents temps plein –, une baisse qui s'étalera sur trois ans, avec un accompagnement.
Pour conclure, les crédits de paiement sont stables, en dépit de l'effort de 175 millions d'euros dans le cadre du plan France très haut débit. Cette stabilité traduit notre volonté de mieux cibler les aides et de les rendre plus efficaces afin d'améliorer l'efficience de notre gestion publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.)
(...)
Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, pour le groupe La République en marche.
M. Guillaume Kasbarian. Madame la secrétaire d'État, je vous poserai deux questions, relatives respectivement à la réindustrialisation de notre pays et aux mesures que prend le Gouvernement pour accélérer la transformation de l'industrie française.
Pour ce qui est, tout d'abord, de la réindustrialisation, beaucoup de choses sont dites sur l'état de notre industrie, et l'on nous annonce souvent – comme cela a encore été le cas tout à l'heure – que la France se désindustrialise, ferme toutes ses usines et perd tous ses emplois industriels. Cependant, les chiffres sont têtus : en 2017, si 100 sites industriels ont malheureusement été fermés, 125 ont, en revanche, été ouverts, ce qui signifie qu'il y a eu 25 créations nettes de sites industriels. Toujours en 2017, il y a eu plus de créations que de destructions d'emplois. Il y avait dix-sept ans que cela n'était pas arrivé. La France est devenue le pays le plus attractif d'Europe, avec 323 projets d'investissements étrangers sur notre territoire national. Pour l'année 2018, les chiffres semblent prometteurs, avec une hausse de la production industrielle de 1,9 % sur l'année.
Première question, donc : madame la secrétaire d'État, la France continue-t-elle de créer plus de richesse et plus d'emplois dans l'industrie ?
Ma seconde question s'inspire des annonces faites par le Premier ministre le 20 septembre 2018 à propos du plan de transformation de l'industrie par le numérique. Le Gouvernement s'est engagé à recourir à de nombreuses mesures très favorables à l'industrie : un suramortissement de 40 % pour les investissements en robotique et numérisation ; un taux d'imposition réduit pour les recettes tirées des brevets sur les logiciels ; une baisse de la fiscalité énergétique pour les data centers ; le déblocage d'une enveloppe de financement pour la robotisation ; la création d'outils informatiques communs par filière ; une vingtaine de centres d'accélération pour les technologies de pointe ; une centaine de territoires d'industrie à identifier pour allouer les moyens par ordre de priorité.
Madame la secrétaire d'État, où en est la mise en oeuvre de ces différentes mesures pour le développement de l'industrie française dans la compétition mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Monsieur le député, en réponse à votre première question, l'industrie, comme vous l'avez bien dit, crée de l'emploi, crée des sites et est capable de réindustrialiser et de relocaliser des activités. M. Adam a cité tout à l'heure l'implantation à Hambach d'un projet de 500 millions d'euros pour la production de la première Mercedes électrique. Toute la filière automobile mesure ce que cette décision implique de reconnaissance de la qualité industrielle de la France. Pour avoir travaillé dans ce secteur, je sais que c'est extraordinaire. Et cela implique des emplois et de l'exportation – car cette production n'est évidemment pas destinée au seul marché français.
J'étaierai cette analyse de quelques chiffres. Sur un an, le nombre de créations d'entreprises progresse et celui des défaillances recule. Pour les entreprises industrielles, cette progression est de l'ordre de 10 %. Sur les trois derniers mois, le nombre des créations d'entreprises industrielles est en hausse de 12 %, que l'on tienne compte ou non des micro-entrepreneurs – les chiffres sont à peu près homogènes et il n'y a pas là d'effet de loupe lié à un certain type d'entreprise. La production industrielle est à la hausse et l'investissement devrait poursuivre sa progression en 2018.
Vous avez beaucoup parlé du commerce extérieur, que le Gouvernement prend très au sérieux : dans certaines filières, comme le naval et l'aéronautique, on observe un rebond des exportations. Cela ne signifie pas pour autant que la partie soit gagne, mais il y a des signes favorables et il faut poursuivre le combat.
Pour ce qui est des technologies, j'en ai parlé dans mon propos introductif, le dispositif de suramortissement fiscal à 40 % pour les investissements en matière de robotisation et de transformation numérique, pour une durée de deux ans, sera prochainement « cranté » et déployé. Cette mesure représente une économie de 11 % pour ces investissements…. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. Madame la secrétaire d'État, j'en suis désolée, mais la règle des deux minutes de temps de parole s'applique aussi à vous.
La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia de Lavergne. Madame la secrétaire d'État, l'examen de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2019 entre en parfaite résonance avec la loi PACTE, dont nous avons achevé la première lecture ici même début octobre. Les programmes de cette mission traduisent des mesures concrètes et fortes en faveur de nos entreprises et de leur développement : la mise en oeuvre du guichet unique électronique, la réforme des chambres de commerce et d'industrie, le soutien à l'export. Nous ne pouvons que nous féliciter de la manière dont ce budget accompagne notre volonté de bâtir l'entreprise du XXIe siècle.
Toutefois, la croissance de nos entreprises ne peut se faire sans les salariés. Ce fut d'ailleurs l'objet de nos débats lors de l'examen de la loi PACTE et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ont permis de belles avancées telles que la participation d'administrateurs salariés aux conseils d'administration ou encore la suppression du forfait social pour les PME de moins de 250 salariés.
Mais la croissance de nos entreprises ne peut pas non plus se faire au détriment de la protection des consommateurs et des petites entreprises, notamment celles qui sont sous-traitantes de grands comptes. Le rôle de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – est pour cela fondamental. Pour être le plus efficace possible, le rôle de cette administration doit être régulièrement questionné. Ainsi, en septembre, votre ministère annonçait le lancement d'une réflexion sur ses missions eu égard aux évolutions des pratiques de consommation. Cela faisait également écho au récent référé de la Cour des comptes, qui formulait plusieurs recommandations visant à accroître l'efficacité de la DGCCRF et de renforcer son rôle en matière de protection économique. Pourtant, après une hausse importante entre 2012 et 2015, les crédits de la DGCCRF sont en baisse depuis 2017, ce que le présent budget confirme.
Madame la secrétaire d'État, où en êtes-vous de vos réflexions sur l'évolution des missions de la DGCCRF ? Après l'inacceptable affaire Lactalis, qui a ému la France entière, dont la parlementaire et mère de famille que je suis, comment pouvez-vous garantir aux Français l'adéquation du budget de l'action « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur » aux missions fondamentales de la DGCCRF, notamment à son objectif-clé de protection des consommateurs et des entreprises les plus vulnérables ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Vous l'avez très bien dit, madame la députée, une revue des missions de la DGCCRF a été menée, car, du fait de l'organisation issue de la RéATE – réforme de l'administration territoriale de l'État –, liée à la décentralisation et à la territorialisation de l'État, sont apparues un certain nombre de difficultés opérationnelles affectant sa façon de conduire ses missions. Il était donc important de déterminer collectivement ses missions prioritaires en ayant très clairement en tête l'intérêt du consommateur et sa défense, qui sont une priorité absolue. L'affaire Lactalis, que vous avez citée, a montré le caractère essentiel de cette mission pour les Français.
La revue a d'abord conclu à la nécessité de s'appuyer sur un réseau d'enquêteurs spécialisés et de fonctionner en réseaux de contrôle concernant les thématiques les plus pointues : on ne peut pas être spécialiste à la fois des cosmétiques, du secteur des banques et des assurances – cela paraît assez évident.
Ensuite, il faut structurer l'organisation territoriale du réseau de la DGCCRF au plus près des bassins économiques et du marché, avec des équipes d'une taille suffisante et dotées d'une capacité de projection sur tout ou partie du territoire. L'idée est de mieux capter les signalements et répondre aux questions.
Il s'agit enfin, s'agissant des missions de protection économique du consommateur, d'assurer le contrôle de la sécurité du produit à un niveau d'exécution départemental ou interdépartemental, afin de traiter les fraudes le plus en amont possible.
En définitive, c'est la question de l'efficacité qui est posée. Si l'on entre dans le détail, on s'aperçoit que l'on pourrait déléguer beaucoup de contrôles sans grande importance – je pense notamment au contrôle des aires de jeux et de camping ou de l'hygiène dans les restaurants. En revanche, il importe de se focaliser sur les missions complexes de la DGCCRF – qui ne sont pas toujours spontanément traitées dans le mode de fonctionnement actuel –, de façon à réellement protéger les consommateurs des risques les plus pointus.
Dans ce cadre, le budget me semble adapté aux missions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin, pour le groupe La France insoumise.
Mme Sabine Rubin. Depuis août dernier, un concert de voix s'élève à propos de la situation actuelle de la Grèce. Celle-ci serait, à en croire M. Moscovici, un nouvel Ulysse revenant à Ithaque après un long et dangereux périple. Ce diagnostic n'est pas seulement biaisé, il est scandaleux à plusieurs titres : aveuglement idéologique quant à la réalité de la reprise économique de la Grèce, qui reste une martyre de l'austérité européenne ; mépris ostensible pour les terribles souffrances imposées à son peuple par les puissances financières coalisées ; cynisme et hypocrisie quant à la prétendue liberté d'un gouvernement maintenu sous tutelle et dont la souveraineté est perpétuellement foulée aux pieds.
Permettez-moi de brosser un autre tableau que celui de M. Moscovici de ce qui se passe en Grèce. Depuis 2010, le PIB a fondu d'un tiers, le salaire moyen s'est effondré de 22 %, les retraites plafonnent à moins de 700 euros bruts, un jeune Grec sur trois doit quitter son pays et le chômage continue de tutoyer les 20 %. Quant à la souveraineté économique, Bruxelles s'acharne aujourd'hui à exiger du gouvernement une énième baisse des pensions. Voilà la situation de la Grèce !
Plutôt qu'avec Ulysse, c'est avec le sage Solon que je souhaite conclure : beaucoup le croisent aux Quatre Colonnes sans savoir que ce père de la démocratie athénienne s'est justement illustré par l'effacement des dettes publiques et privées.
Ma question, deux mille cinq cents ans plus tard, est la suivante : pensez-vous sérieusement que la dette de la Grèce sera jamais remboursée ? Pensez-vous qu'il soit judicieux de lui imposer un tel excédent budgétaire primaire, au détriment de toute relance de l'activité et de mesures de justice sociale ? Et ce, alors qu'on parle d'un remboursement échelonné jusqu'en 2069 – autant dire les calendes grecques ! (Mme Taurine applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Vous évoquez un sujet assez large, qui me semble un tout petit peu éloigné de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2019. Je m'attendais à ce que nous abordions le mécanisme de rétrocession des intérêts, évoqué par l'un de vos collègues et à propos duquel je voulais préciser que nous ne gagnons pas d'argent sur le dos de la Grèce puisque nous rétrocédons ces intérêts – de même que l'Allemagne –, ainsi que cela a été convenu dans un accord européen.
Le plan pour la Grèce a permis de traiter un certain nombre de questions. Tout d'abord, la dette du pays avait pris de telles proportions qu'elle posait un problème de comportement ou de discipline au regard des autres pays européens. Il n'était pas illégitime qu'un pays ne respectant pas les règles que nous nous sommes collectivement données ne bénéficie pas d'un effacement des dettes : quel signal cela aurait-il envoyé aux autres pays qui cherchent réellement à équilibrer leur budget ?
Deuxièmement, ce plan, construit non seulement par la France mais aussi, collectivement, par l'Europe, le FMI et différents pays, a permis à la Grèce de faire face à ses dettes au lieu d'être confrontée à un brutal arrêt d'alimentation en liquidités.
La potion est amère, j'en conviens, mais il ne m'appartient pas de juger de sa réalité, n'étant pas spécialiste de l'économie grecque. En tout état de cause, aujourd'hui, la Grèce est encore dans l'Union européenne et elle est en voie d'améliorer sa situation : c'était l'objectif que nous nous étions collectivement donné en tant que pays membres de l'Union européenne.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 13 novembre 2018