Déclaration de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur le financement de l'accompagnement médico-social des personnes handicapées, Paris le 31 octobre 2018.

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Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires sociales, sur le financement de l'accompagnement médico-social des personnes handicapées.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur du débat dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement bénéficiera de la même durée pour lui apporter une réponse.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Philippe Mouiller de me donner, grâce à ce débat et à son excellent rapport, l'occasion de rappeler la pleine convergence du Gouvernement et des sénateurs pour construire une société inclusive, c'est-à-dire une société qui donne pleinement leur place aux personnes en situation de handicap, conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Donner pleinement leur place aux personnes handicapées signifie non pas les laisser sans accompagnement, mais au contraire leur offrir tout l'appui dont elles ont besoin pour que leur indépendance en tout lieu de vie soit garantie, par des services modulaires, des solutions innovantes ou des dispositifs de répit, et leur proposer, comme vous l'avez indiqué, monsieur Mouiller, des « parcours ascendants ». C'est mon souhait, mon ambition, et je sais que nous la partageons.
Mais l'organisation actuelle de la réponse aux besoins des personnes, en particulier ce que l'on appelle l'« offre médico-sociale », ne répond pas pleinement à cet objectif. C'est pourquoi le « virage inclusif » de l'offre est au coeur de la feuille de route gouvernementale.
La nécessité de cette transformation est apparue dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », engagée à partir du rapport intitulé « Zéro sans solution », élaboré par Denis Piveteau à la demande du Gouvernement.
Ainsi, la poursuite de la mise en place de dispositifs plus soutenus reste indispensable, notamment pour les personnes présentant les besoins les plus complexes, mais elle ne doit pas constituer la seule réponse possible pour tendre vers ce « zéro sans solution ».
Près de 500 000 places en établissements et services pour personnes handicapées sont aujourd'hui recensées, dont 160 000 pour les enfants et près de 340 000 pour les adultes. Cela représente un budget d'environ 17 milliards d'euros. Force est de constater que la part des services dans l'ensemble de l'offre, malgré des progrès incontestables, reste insuffisante, en particulier pour les services d'accompagnement des adultes, qui ne représentent que 20 % des réponses.
Il nous faut donc changer de cap, faire tomber les murs, raisonner désormais en parcours accompagnés, quatre objectifs prioritaires devant guider notre action : ne pas laisser la personne et ses proches seuls face à l'absence d'un accompagnement ; faire évoluer l'offre afin qu'elle soit plus inclusive et plus souple ; renforcer la participation des personnes concernées à la mise en place des solutions d'accompagnement ; engager un mouvement de formation pour accompagner ces évolutions et ces professionnels.
Cette ambition est soutenue par la mise en oeuvre de la stratégie quinquennale d'évolution de l'offre médico-sociale, qui permet de mobiliser un financement de 180 millions d'euros afin de proposer des solutions nouvelles et de répondre aux situations les plus complexes. Ces efforts ont été confortés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, avec le triplement des moyens consacrés à la prévention des départs en Belgique et des crédits spécifiques dédiés à la mise en oeuvre de la stratégie pour l'autisme au sein des troubles neurodéveloppementaux.
Ces investissements supplémentaires permettront de développer les nouvelles réponses, très prometteuses, que sont les unités d'enseignement dans les écoles ordinaires, les pôles de compétences et de prestations externalisées, l'habitat inclusif ou l'emploi accompagné.
Je souhaite également que l'on puisse diversifier les accompagnements offerts par les établissements et services existants, en proposant des accueils de jour comme de nuit, des accueils temporaires ou séquentiels, ou encore des interventions hors les murs : c'est pour moi essentiel.
Cependant, diversifier, développer, transformer ne suffit pas. Nous avons aussi besoin d'assouplir, de gommer ces complexités administratives et financières qui constituent parfois des obstacles majeurs à notre ambition. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite généraliser les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les associations gestionnaires. Cette généralisation devra sans doute être accompagnée, comme vous le proposez, monsieur le sénateur Mouiller, par une clarification des financements, encore trop morcelés, ce qui nuit à la cohérence de notre stratégie.
Oui, le chemin vers une société inclusive est encore aventureux, et les territoires doivent être pleinement mobilisés pour organiser cette réponse simplifiée et ajuste à l'ensemble des besoins. Concernant les territoires, il s'agit d'impliquer, comme vous le notez si bien, tous les acteurs susceptibles d'évaluer finement les besoins, d'animer l'évolution de l'offre et de fluidifier les parcours.
C'est d'ailleurs tout le sens que j'ai voulu donner à la démarche des « territoires 100 % inclusifs » que j'ai lancée cette année dans le Territoire de Belfort et qui vise à créer cette communauté de regard et d'action entre les acteurs pour accélérer la transformation. J'ai besoin de vous pour concrétiser cette ambition. Le virage inclusif est pris, le mouvement ne s'arrêtera plus.
Toutefois, ce virage n'est qu'un des leviers de la transformation profonde à laquelle nous aspirons.
Treize ans après la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la place de nos concitoyens en situation de handicap s'est améliorée, mais le fonctionnement de notre société reste encore trop souvent source d'exclusion et de défiance. C'est la raison pour laquelle le comité interministériel du handicap, réuni le 25 octobre dernier, a réaffirmé la détermination de l'État à changer le quotidien des personnes.
Cinq grandes priorités ont été définies dans ce cadre.
La première priorité est la simplification. Vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'engage à permettre l'attribution de droits à vie aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Cela pourra concerner l'allocation aux adultes handicapés pour les personnes dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, mais aussi l'octroi de la carte mobilité inclusion ou l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Ainsi, les personnes n'auront plus besoin de renouveler, parfois dix fois dans leur vie, les mêmes demandes.
Mais ce n'est pas tout : les personnes handicapées majeures sous tutelle vont pouvoir bénéficier d'un droit de vote inaliénable, elles auront le droit de se marier, de se pacser, de divorcer, de se soigner, sans devoir recourir à l'autorisation judiciaire, tout en conservant l'accompagnement par les tuteurs. C'est un progrès considérable qui permettra de reconnaître enfin les personnes handicapées comme des citoyens à part entière, et non plus comme des citoyens à part.
Par ailleurs, toute politique publique doit être pensée et conçue avec et pour les personnes en situation de handicap : « jamais rien pour nous sans nous », comme elles le disent très justement.
En deuxième lieu, la scolarisation sera également au coeur de notre action. Parce que la construction d'une société se joue dès le plus jeune âge, une grande concertation nationale vient d'être lancée, conjointement avec Jean-Michel Blanquer, afin d'effectuer le saut qualitatif nécessaire pour consolider l'école inclusive.
En troisième lieu, en matière d'emploi, nous poursuivrons le travail global engagé en faveur du soutien à l'activité des personnes handicapées, conforté par les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et nous rénoverons l'offre de services pour sécuriser les parcours vers et dans l'emploi.
En quatrième lieu, l'accès aux soins sera aussi considérablement facilité, avec la refonte des dispositifs d'aide à la complémentaire santé, la révision de la liste des produits et prestations remboursables, devenue tout à fait obsolète, et, bien sûr, l'amélioration du repérage des troubles de l'apprentissage et du neurodéveloppement, avec le développement d'un « forfait intervention précoce » dès le 1er janvier 2019.
Enfin, le Gouvernement affirme l'ambition très forte de permettre à toutes les personnes d'accéder aux nouvelles technologies pour favoriser leurs communications et leur autonomie. Mettre en lien les start-up, les développeurs et les personnes pour concevoir et tester de nouveaux outils constituera ainsi un nouvel enjeu interministériel.
Cette société du vivre ensemble s'incarnera également à travers la prochaine Conférence nationale du handicap, qui s'adressera à tous les citoyens et permettra de valoriser les initiatives et les pratiques locales. C'est à cette occasion que nous ouvrirons le chantier très attendu de la prestation du handicap, tant pour les enfants que pour les adultes, notamment pour mieux soutenir la parentalité des personnes en situation de handicap et mieux prendre en charge les besoins de compensation des enfants.
Le Gouvernement entend également reconsidérer le statut et la gouvernance des maisons départementales des personnes handicapées pour améliorer le pilotage de l'offre médico-sociale.
Parce que cette grande conférence doit être avant tout une dynamique émanant des territoires, des expériences locales, de la vraie vie, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à contribuer à ces échanges, qui nous permettront de construire ensemble ce « droit commun accompagné » et de bâtir une société inclusive qui redonne confiance et dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Daniel Chasseing et Yves Détraigne applaudissent également.)
- Débat interactif -
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question. Le Gouvernement a la possibilité d'y répondre pour une durée équivalente. Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires pour le faire, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je tiens tout d'abord à saluer le travail effectué par le groupe de travail de la commission.
La loi de 2005 est une très bonne loi, mais sans moyens ; elle ne constitue donc, pour l'instant, qu'une bonne intention. Comme nous l'avons souligné lors de l'examen de la proposition de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH, les moyens dévolus à l'accompagnement du handicap sont largement en deçà du nécessaire.
Je voudrais, dans le peu de temps qui m'est imparti, soulever plusieurs points qui me semblent problématiques.
J'évoquerai tout d'abord les inégalités territoriales. Les moyens des départements ne sont pas les mêmes, et leurs besoins non plus. Quelles garanties avons-nous quant à l'égalité de droits entre citoyens sur le territoire national ? Madame la secrétaire d'État, quels moyens allez-vous donner aux départements pour assumer ce nouveau transfert de compétence ? Quels moyens pour l'inclusion, si importante pour les parents et dont on parle tant, quand le Gouvernement n'est pas en mesure d'assurer à chaque enfant en ayant besoin l'accompagnement d'une auxiliaire de vie scolaire ?
J'ai rencontré dans le Pas-de-Calais des familles et des associations actives dans le domaine du handicap, notamment l'autisme. Elles nous racontent leur parcours pour faire aboutir les dossiers ; pour obtenir un premier versement, il faut souvent patienter six mois. Elles nous disent combien l'accompagnement médico-social tarde à se mettre en place une fois le diagnostic posé, ce qui laisse les familles concernées dans un désarroi total.
Enfin, les AVS ne sont pas suffisamment formées aux problématiques spécifiques des handicaps des enfants qu'elles accompagnent, et ne sont même pas toujours informées de la situation exacte de ces derniers… Quelles mesures comptez-vous mettre en place, madame la secrétaire d'État, pour mieux former les AVS ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, votre question aborde beaucoup de sujets.
Tout d'abord, il n'est pas question pour l'instant de transférer de compétences aux départements.
M. Michel Savin. Pour l'instant…
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Nous avons établi qu'il fallait en effet davantage d'équité territoriale. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, joue un rôle de régulation en la matière. J'ai donné des instructions aux agences régionales de santé pour qu'elles renforcent la coopération avec l'ensemble des territoires en vue de procéder à une péréquation en matière de dotations, des inégalités existant effectivement entre départements. Vous avez raison, madame la sénatrice : il n'est pas acceptable que les personnes handicapées soient traitées différemment selon les territoires. Nous devons instaurer l'équité.
Nous travaillons sur l'ensemble des cycles scolaires pour simplifier les choses. Il s'agit d'attribuer des moyens pour mettre en place un vrai projet de scolarisation qui suive l'enfant handicapé depuis la maternelle jusqu'au collège, afin qu'il n'ait pas à justifier sans cesse devant la MDPH d'un parcours scolaire de qualité. Ce point est également très important.
Il faut rétablir la confiance entre la personne handicapée et les administrations. Nous allons alléger la tâche des maisons départementales des personnes handicapées grâce à l'octroi à vie de certains droits, comme je l'ai précisé tout à l'heure, afin qu'elles puissent se consacrer pleinement à assurer un accompagnement sur-mesure et de qualité à l'enfant et à l'adulte handicapé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l'orientation générale de la politique du Gouvernement à destination de nos concitoyens en situation de handicap.
Vous dites mener une politique d'inclusion des personnes handicapées dans la cité : les déclarations de principes, c'est bien ; leur concrétisation par des actes politiques, c'est mieux ! Or la réduction du taux de logements neufs accessibles votée par votre majorité lors de l'examen du projet de loi ÉLAN entre en contradiction avec vos orientations proclamées.
La politique inclusive recueille l'assentiment majoritaire des personnes handicapées, de leurs familles et de leurs associations de défense. Ainsi, il est tout à fait logique que les parents soient favorables à l'intégration de leur enfant handicapé en milieu scolaire « ordinaire », avec adaptation aux spécificités du handicap et recours aux auxiliaires de vie scolaire – si tant est que ces derniers puissent être respectés pour leur travail et rémunérés correctement.
Mais la réalité, parfois dure à entendre pour les parents, est que tous les enfants handicapés ne peuvent pas suivre une scolarité dans le milieu « ordinaire ». Certains risquent de ne pas trouver leur équilibre en cas d'intégration ratée ou à marche forcée.
De même, si certains travailleurs en situation de handicap souhaitent pouvoir s'orienter vers le milieu de travail « ordinaire », d'autres le refusent ; certains en rêvent, d'autres le craignent.
Je veux saluer la qualité du travail accompli par les entreprises adaptées et leur rôle essentiel dans l'accompagnement des personnes handicapées. Je rappelle d'ailleurs que, l'année dernière, le Gouvernement avait décidé de baisser les aides destinées à ce secteur, ce qui menaçait, en particulier, 700 emplois dans mon département du Pas-de-Calais. Seule une mobilisation de grande ampleur des acteurs du secteur et des élus a permis le gel de cette mesure, mais l'inquiétude demeure.
Je souhaite donc attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur le fait que si l'avènement d'une société inclusive est évidemment plus que souhaitable, certaines personnes handicapées, plus fragiles, doivent bénéficier d'une intégration dans un milieu qui les protège davantage. Avez-vous conscience du travail mené par les professionnels du secteur protégé, et vous engagez-vous aujourd'hui à ne pas diminuer leurs moyens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Vous avez vous aussi, madame la sénatrice, abordé de nombreux sujets.
Concernant la loi ÉLAN, nous souhaitons instaurer des droits réels. C'est pourquoi nous avons décidé l'abaissement du seuil pour l'installation obligatoire d'un ascenseur à R+3 : cela permettra de doubler l'offre de logements accessibles. Je rappelle en outre que toute personne pourra accéder au salon et aux toilettes de tout appartement, ainsi qu'aux parties communes de tout immeuble : nous maintenons cette ambition d'accessibilité universelle. Cela étant, il convient de construire de façon évolutive pour répondre à toutes les situations de handicap.
Par ailleurs, l'école inclusive que Jean-Michel Blanquer et moi-même appelons de nos voeux est une école de la République qui fait du sur-mesure pour les enfants handicapés, au travers d'un projet personnalisé de scolarisation et de réponses diversifiées selon les besoins. C'est tout l'enjeu de la concertation que nous menons et de la mise en place des pôles d'inclusion scolaire. J'ai bien sûr tout à fait conscience du travail accompli par les professionnels : je souhaite qu'ils puissent apporter leur expertise pour accompagner le parcours des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. Nous voulons que l'inclusion en milieu ordinaire soit le chemin pour tous, avec des adaptations et des réponses graduées selon les besoins. C'est cette école et cette société inclusives que nous promouvons.
Il en est de même pour le travail. Oui, certaines personnes ont besoin d'être plus encadrées pour accéder au travail, pour se construire. Pour autant, nombre d'entre elles aspirent à être accompagnées vers le milieu ordinaire. C'est pourquoi nous nous appuyons sur les dispositifs d'emploi accompagné et rénovons le financement des entreprises adaptées, en prévoyant un doublement des postes disponibles sur le quinquennat : leur nombre passera de 35 000 à 70 000. C'est aussi une passerelle vers le milieu ordinaire.
Nous changeons de paradigme, nous accompagnons les personnes là où elles veulent vivre, en aucun cas nous n'imposons quoi que ce soit.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Troisième intervenant, et troisième sénateur du Pas-de-Calais… C'est dire l'importance du handicap dans ce département !
Madame la secrétaire d'État, le 24 mai dernier, alors que je vous faisais part ici même de l'inquiétude des personnes en situation de handicap et de leurs familles, vous m'avez assuré de l'engagement plein et entier du Gouvernement sur le sujet.
Aujourd'hui, je constate que la hausse annoncée de 40 euros de l'AAH aurait été de 54 euros si le Gouvernement avait maintenu l'indexation sur l'inflation. Il en aurait été de même pour les pensions d'invalidité et les rentes dont bénéficient les accidentés du travail. Pourquoi un tel changement du mode de calcul, si ce n'est pour minorer le montant de la hausse ?
Dans ces conditions, la communication à outrance sur la revalorisation des allocations versées aux plus fragiles prend un caractère mensonger…
Que dire aussi de la situation des familles dont un enfant présente un trouble relevant du spectre de l'autisme – près de 1 % des enfants sont dans ce cas, selon différentes études scientifiques. Les parents de ces enfants s'inquiètent du manque de structures compétentes pour réaliser les diagnostics et du manque de dispositifs tels que les services d'éducation spéciale et de soins à domicile, pourtant si nécessaires pour une inclusion réussie dans le milieu scolaire.
Par ailleurs, les enfants présentant des troubles « dys », dont le nombre est estimé à 1 million dans notre pays, ne bénéficient pas à ce jour, dans notre système scolaire, d'une prise en charge et d'un accompagnement adaptés, sauf à débourser près de 1 000 euros par mois pour accéder à une structure privée telle que le Centre de référence pour l'évaluation neuropsychologique de l'enfant, le CERENE !
Je me fais ici le porte-parole de ces personnes et de ces familles qui attendent des actes, et non plus des discours : les engagements doivent avoir une portée concrète. La société inclusive n'est toujours pas une réalité, treize ans après la promulgation de la loi qui devait opérer un changement de regard sur le handicap et mettre fin aux inégalités persistantes dont souffrent les personnes en situation de handicap.
Je redis mon inquiétude et j'attends des engagements forts de votre part, madame la secrétaire d'État, et de celle du Gouvernement, à la hauteur des enjeux et des retards accumulés depuis tant d'années en matière d'offre de solutions adaptées et accessibles, pour tous et partout sur nos territoires, métropolitains et d'outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que l'allocation aux adultes handicapés n'augmente pas : elle augmente de 40 euros ce mois-ci, et elle augmentera encore de 40 euros en novembre 2019, soit une progression de 13 %, pour un montant total de plus de 2,5 milliards d'euros. C'est du jamais vu !
L'AAH atteindra ainsi 900 euros : la promesse du Président de la République est tenue ! Par conséquent, il est faux de dire que rien n'est fait pour revaloriser cette allocation, qui est servie à 1,1 million de personnes et est le plus élevé des minima sociaux, assorti des conditions les plus favorables pour les bénéficiaires. Le Gouvernement s'engage donc concrètement, financièrement, et la solidarité nationale joue à plein au travers du budget de l'État.
Pour ce qui est des enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique, monsieur le sénateur, la stratégie nationale mobilise 340 millions d'euros : c'est du jamais vu, là encore ! Elle concernera aussi bien les 100 000 enfants autistes que les 600 000 adultes atteints de ces troubles, qui n'avaient jamais été pris en compte jusqu'alors. Tous les ministères sont mis à contribution, au titre de cette stratégie, pour agir dans les domaines de la recherche, de l'école, de l'accès aux soins, du logement…
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit un « forfait d'intervention prcoce », pour permettre une intervention avant que le diagnostic ne soit posé : cette génération sera ainsi sauvée et mise sur les rails de l'apprentissage. Je tiens à rassurer les parents : tous les enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique sont concernés.
Enfin, les enfants présentant des troubles « dys » pourront eux aussi bénéficier de cette intervention précoce, car ces troubles font partie des troubles neurodéveloppementaux : nous ne choisissons pas entre les enfants selon le type de leur handicap.
Le changement de regard que j'ai évoqué est une réalité : on n'a jamais autant parlé du handicap, ni surtout agi concrètement – je vous en ai donné les preuves – que sous ce gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Je serai donc le quatrième sénateur du Pas-de-Calais à m'exprimer sur le sujet ! (Sourires.)
Ma question porte sur l'article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ouvre aux familles le droit à un bilan d'intervention précoce et de dépistage des troubles du neurodéveloppement de l'enfant.
Édouard Philippe a annoncé, le 6 avril dernier, la mise en oeuvre d'une « stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement », qui était fortement attendue par les familles. Il semble que cette mesure, pourtant inspirée par les meilleures intentions, suscite des réactions fondées.
En ce qui concerne le champ retenu, tout d'abord, l'expression « troubles du neurodéveloppement » a l'avantage d'englober les formes diverses du handicap d'origine neurologique. Elle présente néanmoins le risque d'une assimilation contre-productive entre troubles relevant du spectre de l'autisme, troubles de l'apprentissage, troubles de l'attention et troubles liés à la déficience intellectuelle. Les âges de détection des handicaps et les réponses à leur apporter ne sont pas, par définition, les mêmes. L'article 40, en prévoyant une réponse trop globale, manque in fine son objectif.
En ce qui concerne la détermination de l'acteur chargé de l'organisation de ce bilan d'intervention précoce, ensuite, l'article 40 vise les centres d'action médico-sociale précoce, les centres médico-psychologiques, mais aussi les établissements de santé psychiatrique. Ce dernier point ne laisse pas d'inquiéter les familles, qui peinent encore aujourd'hui à faire reconnaître que le handicap neurologique ne doit pas être traité comme la maladie mentale. L'inquiétude et les craintes liées à l'histoire des pratiques en France, notamment le recours à la psychanalyse, resurgissent : je me réfère à l'excellent rapport élaboré par Valérie Létard en vue de la mise en place du plan Autisme, en 2011. Après l'abandon du vocable « psychoses infantiles », une stratégie qui nierait les spécificités des individus et de l'autisme constituerait un recul.
La création du « forfait bilan et intervention précoce » suscite d'immenses attentes chez les accompagnants. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous expliciter l'intention réelle qui sous-tend cet article 40 ? Comment son dispositif de positionne-t-il au regard de l'autisme ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, j'étais à Saint-Omer la semaine dernière, pour visiter un appartement représentant un lieu remarquable pour évaluer les besoins des personnes et définir la juste réponse à apporter.
Je tiens à rassurer l'ensemble des enfants concernés par l'intervention précoce et de leurs familles. Nous agissons avant le diagnostic. L'objectif est de pouvoir servir le plus grand nombre – l'autisme et les troubles du neurodéveloppement touchent respectivement 1 % et 5 %des enfants –, mais en ciblant les interactions qu'il est possible de relancer grâce à cette intervention précoce.
Les enfants ne naissent pas avec un diagnostic sur le front ; c'est bien toute la difficulté pour agir le plus précocement possible. Bien souvent, malheureusement, l'autisme s'accompagne d'une déficience intellectuelle, de troubles d'apprentissage, de troubles des fonctions cognitives, ce qui rend très difficile le diagnostic précoce : nous entendons retenir un périmètre large pour le dispositif du forfait d'intervention précoce pour qu'aucun enfant ne passe à travers les mailles du filet.
J'en viens à la seconde inquiétude que vous avez exprimée.
La loi précise d'abord que l'intervention des professionnels doit répondre aux recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé, la HAS. Ce sera là un gage de qualité, et je demande aux ARS de s'organiser en gardant cet impératif à l'esprit. Il est indispensable de toujours s'assurer que les professionnels respectent bien les recommandations de la HAS ; il s'agit là d'une grande attente de la part des familles.
Vous m'avez également interrogée sur les futures modalités de détection.
Le premier niveau d'alerte est constitué des médecins, bien sûr, mais aussi des assistantes maternelles et des personnels des crèches. Un énorme effort de formation devra être consenti en direction de ces professionnels. Nous élargissons de manière très importante ce premier niveau d'alerte.
La plateforme territoriale constitue le second niveau d'alerte : les territoires devront s'organiser avec les ARS, en se fondant sur les recommandations de bonne pratique, qui nous permettent de garantir aux familles la qualité des interventions.
Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur notre détermination. Claire Compagnon et l'équipe de la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme sont totalement mobilisés face à cet enjeu essentiel !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Tout d'abord, qu'il me soit permis de remercier notre collègue Philippe Mouiller d'avoir proposé la tenue de cet utile débat.
Le financement de l'accompagnement des personnes handicapées atteint 30 millions d'euros, 11 millions d'euros provenant de l'État, 8 millions d'euros des départements, l'AAH représentant quant à elle 11 millions d'euros.
En 2005, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l'initiative revient à Jacques Chirac, affichait l'ambition d'offrir aux personnes handicapées un monde plus ouvert, plus accessible. Cette question reste d'actualité. À présent, il est nécessaire d'aller vers l'inclusion des personnes handicapées.
Chez l'enfant, le repérage, sur la base de simples suspicions, de troubles du neurodéveloppement ou de troubles relevant du spectre de l'autisme – les TSA – devrait impliquer, à partir du 1er janvier 2019, un financement des intervenants. Il s'agit là d'un élément capital pour les familles qui ne peuvent assumer cette charge seules. Cela permettrait l'inclusion à l'école maternelle, avec des accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, dans certaines crèches ou encore auprès d'assistantes maternelles.
Ces solutions inclusives doivent être prolongées en faveur des adultes, qu'il s'agisse des TSA ou d'autres handicaps. Sur 600 000 personnes adultes présentant des TSA, 75 000 seulement sont aujourd'hui diagnostiquées. En d'autres termes, les personnes handicapées orientées par les MDPH vers certaines structures peuvent rester toute leur vie sans évoluer, alors que certains handicapés, notamment atteints de TSA, sont capables d'effectuer un travail avec un accompagnement, ce qui est pour eux un motif de fierté.
Il convient donc, avec les familles et les associations, de promouvoir l'évolution personnalisée vers l'inclusion, pour conduire au travail protégé au sein des établissements et services d'aide par le travail, ou ESAT, et des entreprises adaptées, en ménageant la possibilité de revenir, si nécessaire, en milieu protégé, via une passerelle. Je souligne que le doublement du nombre des places dans les entreprises adaptées va à cet égard dans le bon sens.
Il convient également de proposer d'autres places d'hébergement et de logement adaptés. En effet, pour l'heure, 6 000 de nos compatriotes sont placés en Belgique. Le maintien à domicile doit en outre être encouragé et financé grâce à l'aide aux aidants, à l'accès aux soins et au logement adapté prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Il convient par ailleurs de se préoccuper de la situation des personnes handicapées vieillissantes. Il peut être nécessaire d'envisager une orientation vers les foyers d'accueil médicalisés, les FAM, ou vers les unités spécifiques en EHPAD.
Madame la secrétaire d'État, à mon sens, trois principes doivent nous guider : repérer et traiter précocement ; accompagner davantage vers l'inclusion l'enfant et l'adulte ; améliorer le maintien à domicile et se préoccuper des handicapés vieillissants. Il convient de faire preuve d'ambition, mais aussi de mobiliser davantage de financements au niveau de l'État et d'instaurer une parfaite synergie entre ce dernier et les conseils départementaux,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Daniel Chasseing. … afin de rendre la Nation accessible aux personnes handicapées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez abordé de nombreux sujets… Si vous me le permettez, je ciblerai ma réponse sur la situation des personnes handicapées vieillissantes, qui subissent aujourd'hui une forme de double peine. Je pense notamment à celles qui se trouvent en ESAT et qui, lorsqu'elles atteignent l'âge de soixante ans, doivent en même temps quitter leur logement et leur travail, le foyer étant souvent lié à l'ESAT. De telles situations sont très préoccupantes. Parfois, la seule offre qui leur est faite, c'est de rejoindre un EHPAD, où elles se retrouvent entourées de personnes beaucoup plus âgées qu'elles. Il n'est pas digne de notre société de traiter ainsi des personnes handicapées : on ne demande à personne d'autre de quitter en même temps son travail et son logement.
Il nous faut travailler de manière intelligente, comme nous le faisons déjà, en lien avec les départements. À ce titre, l'habitat inclusif constitue un levier : il s'agit de proposer des logements permettant l'accompagnement du vieillissement des personnes handicapées dans un environnement bienveillant, intergénérationnel, avec une mutualisation de services.
C'est tout l'objet de cette structure que le Premier ministre, Julien Denormandie et moi-même sommes allés visiter à Cergy. Il s'agit là d'un projet très intéressant : le maire de la commune s'est totalement emparé de l'enjeu du vivre ensemble. Ces logements adaptables permettent à leurs occupants de rester au milieu des autres, quels que soient leurs besoins spécifiques, de rester chez eux et d'y bien vieillir.
Telle est l'ambition qui doit nous animer. Un travail important doit être mené avec les ARS, les départements et les bailleurs sociaux. Il s'agit là d'un vrai sujet de société, car le vieillissement nous concerne tous. Il est très important que nous offrions, à nos concitoyens adultes handicapés, des réponses diverses et surtout différentes de celles d'aujourd'hui.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Ce sujet est extrêmement préoccupant, et nous y consacrons toute notre énergie, en lien avec les départements, dans le cadre du dispositif des territoires 100 % inclusifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les aides financières apportées aux aidants des enfants handicapés en bas âge.
Actuellement, les familles concernées perçoivent l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'AEEH, d'un montant de 130 euros mensuels. Cette aide fait l'objet d'un complément déterminé par la commission départementale en fonction du niveau de handicap de l'enfant. Or, comme nous pouvons le constater – et la loi insiste sur ce fait –, il est parfois difficile d'évaluer le degré de handicap chez de jeunes enfants.
Certains enfants handicapés ont besoin qu'un aidant apporte à chaque instant une réponse à leur vulnérabilité, qu'il s'agisse de la toilette, des soins, de vigilance, du lien social ou d'une aide au développement.
Très souvent, c'est l'un des deux parents qui tient ce rôle. Celui-ci doit alors mettre son activité professionnelle entre parenthèses. Il est néanmoins essentiel pour ces parents, surtout dans le cas des familles monoparentales, de pouvoir reprendre une activité professionnelle. L'isolement et la rupture avec le monde professionnel sont des risques qui menacent au premier chef les aidants familiaux. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent leur permettre de conjuguer leur engagement personnel et leur vie professionnelle.
Pour ce qui concerne les aidants d'enfants handicapés, en cas de reprise d'activité professionnelle, le montant du complément d'allocation devient dégressif. Pourtant, l'enfant a besoin d'une personne extérieure pour l'accompagner, et cette présence doit être organisée même si l'aidant ne reprend que partiellement son travail.
Comment le Gouvernement entend-il procéder pour permettre à ces familles, déjà lourdement éprouvées, de bénéficier d'une aide complète tout en conservant une activité professionnelle ?
J'ajoute que cette question est indissociable de celle de la dépendance des personnes âgées, sujet que vous avez largement abordé dans votre réponse précédente. À mes yeux, les gouvernements successifs ont trop longtemps dissocié les politiques menées en faveur des personnes âgées de celles destinées aux personnes handicapées. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Dans un souci de simplification et d'efficacité, nous devons parvenir à travailler de manière concertée dans ces secteurs où les attentes, tant des professionnels que des familles, sont énormes. Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre durant ce quinquennat afin de mener une politique réellement concertée en matière d'accompagnement de la dépendance, quelle qu'elle soit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les proches aidants, qu'ils interviennent auprès de personnes âgées ou de personnes handicapées, sont de 9 à 10 millions ; ils constituent un véritable pilier de notre société.
Jusqu'à présent, ces aidants ont fait l'objet, au fil du temps, de réponses très morcelées : don de jours de repos, accompagnement en matière de formation… Le temps est venu d'envisager de manière globale les besoins des aidants. Agnès Buzyn et moi-même avons inscrit cet enjeu sur notre feuille de route commune. Dans le cadre de la grande concertation consacrée à la dépendance, il fera l'objet d'ateliers spécifiques.
Comme vous l'avez dit, quelle que soit la personne aidée, il existe une véritable convergence quant à la dynamique à engager au bénéfice des aidants. Ceux-ci doivent pouvoir reprendre une vie professionnelle et la concilier avec leur engagement auprès de leur proche. La réforme des retraites est également un enjeu pour les aidants. C'est pourquoi Jean-Paul Delevoye est lui aussi mobilisé. La situation des aidants qui ont dû interrompre leur carrière doit être prise en compte de façon spécifique.
Vous avez raison, il est temps de s'emparer de ce sujet des aidants ; c'est bien pour cela que nous ouvrons, avec Agnès Buzyn, plusieurs chantiers. Au-delà du soutien qui doit être accordé aux proches aidants, il faut bonifier leur formation, leur permettre de travailler à distance – c'est précisément l'une de leurs demandes. Pour explorer ces pistes, nous pouvons notamment nous appuyer sur différents rapports, notamment celui de l'ancienne sénatrice Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH. Il s'agit d'une étude remarquable sur les moyens de concilier une vie professionnelle et un rôle d'aidant. Quant à la grande concertation sur la dépendance que j'évoquais, dans laquelle le CNCPH est très impliqué, elle livrera ses propositions d'ici au mois de mars prochain au plus tard. Notre réponse devra être à la hauteur de nos ambitions.
M. Didier Rambaud. Merci, madame la secrétaire d'État !
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Le rapport de la mission d'information évoque une réduction de plus de 76 % de l'effort budgétaire pour la création de places en établissements médico-sociaux entre 2014 et 2018. Pour ce qui concerne plus précisément l'autisme, aucun des deux derniers plans n'a été respecté : 6 752 places devaient être réalisées, seulement 4 465 l'ont été !
La Haute Autorité de santé estime que 700 000 personnes sont atteintes d'autisme en France, dont 100 000 enfants. Seulement 27 % des enfants sont accueillis dans des structures, dédiées ou pas. Le taux d'accueil tombe à 10 % pour les adultes, ce qui est dramatiquement inférieur aux besoins.
Derrière ces chiffres, il y a les attentes et les souffrances des familles.
J'ai pris connaissance de la « stratégie nationale pour l'autisme » pour les années 2018-2022 : 1 500 places seront créées, mais il est précisé qu'elles serviront uniquement à l'achèvement du troisième plan Autisme, prévu pour 2017. Les créations de places sont donc figées.
Le comité interministériel du handicap assume, pour l'avenir, de « sortir d'une logique de places pour entrer dans une logique de parcours accompagnés », c'est-à-dire de transformer les places existantes au lieu d'en créer de nouvelles.
À l'instar de notre rapporteur, j'estime inapproprié ce « virage qualitatif » privilégié par le Gouvernement. Un tel changement de paradigme pourrait se comprendre si notre pays disposait d'un parc suffisant d'établissements d'accueil pour les autistes, or nous connaissons à cet égard une scandaleuse situation de manque.
Les parents s'épuisent à garder à leur domicile leurs enfants devenus adultes. Ils mènent un véritable parcours du combattant en multipliant les recherches et en enchaînant les échecs. Ils vivent avec la peur de disparaître avant d'avoir trouvé une solution pérenne, sans laquelle leur enfant serait placé dans un lieu totalement inadéquat, le plus souvent l'hôpital psychiatrique. Certains abandonnent leurs racines et leur réseau social pour s'expatrier dans un pays, la Belgique, qui s'est emparé bien avant nous de la question.
Madame la secrétaire d'État, je vous assure que la création de places est la priorité absolue pour les familles. Que comptez-vous faire pour répondre à leur attente ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je n'ignore pas la détresse des familles. Chaque semaine, je reçois plus d'une centaine de courriers par lesquels ces dernières me demandent non des places, mais des solutions, des services d'accompagnement.
Je vous le garantis : les familles ne souhaitent plus confier leur enfant à un établissement ; elles veulent véritablement qu'il soit accompagné dans sa vie au milieu des autres. C'est là tout l'enjeu de la stratégie sur l'autisme, avec l'intervention précoce, les parcours de scolarisation, les unités d'enseignement en maternelle, où un adulte membre de l'éducation nationale est assisté de quatre à cinq équivalents temps plein relevant du secteur médico-social. Ces structures permettent d'assurer un accompagnement, un encadrement des enfants autistes au milieu des autres, dans la même logique que l'habitat inclusif. C'est ce que nous sommes en train de bâtir.
La création de places est un processus long, coûteux, et en définitive les structures en question sont peu adaptées aux besoins. C'est ce que les parents nous disent. Le reliquat de 53 millions d'euros du troisième plan Autisme sert à la création de places pour adultes. On voit encore émerger des projets de création de structures, mais, j'y insiste, ils n'aboutissent qu'après énormément de temps. Or il existe des solutions beaucoup plus rapides, souples et agiles. Je pense en particulier à la création de toutes petites structures en coeur de ville, d'habitats de proximité. Cela permet d'éviter des déplacements et des séparations douloureuses.
En outre, je rappelle que nous avons triplé les crédits destinés à éviter les départs d'enfants pour la Belgique. Cet exil forcé n'est plus de mise. Cela étant, certains parents demandent encore à pouvoir recourir à cette solution ; on ne peut pas le leur refuser.
Nous travaillons au quotidien avec les ARS, les départements et, plus largement, les collectivités territoriales pour mettre en place la réponse de proximité, la réponse accompagnée pour tous, en mobilisant des crédits, en particulier 180 millions d'euros dédiés à la transformation de l'offre médico-sociale. Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel pour le développement de cet habitat diffus de proximité, assorti de services permettant d'assurer un bon accompagnement.
Pour autant, il nous faut améliorer, notamment, la prestation de compensation du handicap, pour les enfants comme pour les adultes. Bien souvent, les parents ont du mal à obtenir une prise en charge du parcours éducatif. Bien sûr, nous vous tiendrons informés de l'avancement de ces chantiers de manière très régulière.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, alors que vous vous apprêtez à quitter vos fonctions de vice-présidente du Sénat, je tiens à vous remercier de votre contribution à la bonne tenue de nos débats.
Mme la présidente. Merci, cher collègue.
M. Bernard Jomier. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur le financement du soin médical en structure médico-sociale : le caractère incomplet des dispositions réglementaires est dommageable aux personnes en situation de handicap.
Théoriquement, la réglementation en vigueur permet une couverture intégrale des dépenses engendrées par le handicap de la personne accompagnée. L'article R. 314-26 du code de l'action sociale et des familles dispose que la dotation médicale de chaque établissement ou service couvre uniquement les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et de laboratoire afférents aux soins qui correspondent aux missions de l'établissement ou du service. Il est complété par la disposition de l'article R. 314-122 du même code en vertu de laquelle tout soin complémentaire délivré à titre libéral à l'extérieur, donc indépendamment du forfait versé à la structure accompagnatrice, est pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'ayant droit dans les conditions de droit commun, si ce soin ne peut être assuré par la structure accompagnatrice.
Or, dans les faits, des différences d'interprétation de ces dispositions engendrent une hétérogénéité des pratiques des caisses primaires d'assurance maladie. Certaines s'appuient sur la rédaction de l'article R. 314-26 pour justifier le financement d'interventions de psychologues, d'ergothérapeutes ou de psychométriciens, d'autres pour refuser leur prise en charge, au motif qu'elles sont comprises dans le forfait global versé à la structure.
Ces désaccords entre couverture par le forfait versé à la structure, d'une part, et couverture par remboursement de la caisse, de l'autre, obèrent le fonctionnement du dispositif, créent sur le territoire national des disparités contraires au principe d'égalité et portent préjudice à un accompagnement médical global et efficient des personnes en situation de handicap, en particulier les enfants. Dans ses avis rendus en 2006 et 2008, la Cour de cassation elle-même s'est refusée à déterminer clairement le périmètre de la dotation aux structures.
Vous en conviendrez, madame la secrétaire d'État, cette situation n'a que trop duré. Pouvez-vous nous indiquer quand cette clarification réglementaire sera apportée ? Quelle sera l'orientation privilégiée par le Gouvernement : une couverture de ces soins par le forfait de la structure ou, comme le propose notre rapporteur, Philippe Mouiller, dont je tiens à saluer la qualité du travail, un recours facilité au remboursement au titre des soins de ville ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous posez, en somme, la question de la fluidité du parcours de soins.
La prise en charge est trop morcelée pour nos concitoyens, qu'ils soient enfants ou adultes : il s'agit là d'un vrai sujet. Nous rouvrons précisément ce chantier, en nous appuyant sur l'excellent rapport que Philippe Denormandie a consacré au morcellement de l'accès aux soins. On renvoie constamment la prise en charge à une autre instance que l'établissement médico-social ou le centre d'action médico-sociale précoce, le CAMSP, qui accueille la personne. On voit se multiplier les demandes de prise en charge par les familles qui ne sont pas couvertes par des CAMSP et se trouvent dans une situation d'insécurité quant au remboursement par la sécurité sociale des dépenses exposées.
Il s'agit là d'un véritable frein à la mise en place de la société inclusive, au parcours de soins. Cette situation a nécessairement des répercussions sur la santé de nos concitoyens. Or il importe de garantir aux personnes handicapées un accès prioritaire aux soins, afin de prévenir le surhandicap, qui est une cause d'exclusion de la vie sociale ordinaire.
Comme annoncé lors du comité interministériel, nous rouvrons ce chantier, afin d'y voir beaucoup plus clair. Il faut faciliter la vie des personnes et éviter les ruptures dans l'accès aux soins. Vous pouvez compter sur notre détermination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. À titre préliminaire, je tiens à saluer la qualité des travaux menés par mon collègue Philippe Mouiller. Je m'associe pleinement aux préconisations formulées par son groupe de travail.
Madame la secrétaire d'État, ma question portera sur l'accompagnement des personnes handicapées vieillissantes et, plus particulièrement, sur les démarches administratives qu'il leur faut accomplir. Beaucoup de formulaires à remplir sont actuellement disponibles en version papier. Toutefois, l'heure est à la dématérialisation des procédures, qui, j'en suis sûre, s'étendra à l'ensemble de ces personnes. Or celles-ci rencontrent des difficultés pour utiliser les outils de communication modernes. Selon une étude menée par l'institut CSA en mars 2018, 39 % des personnes âgées de soixante-dix ans et plus estiment que les équipements comme les ordinateurs, les tablettes et les smartphones sont « plutôt difficiles » ou « très difficiles » à utiliser.
Diverses initiatives locales sont prises pour traiter cette problématique. À titre d'exemple, un bus numérique a été mis en place dans la région Centre-Val-de-Loire. La communauté de communes Somme Sud-Ouest a, quant à elle, mené une action d'initiation gratuite à l'utilisation des tablettes numériques.
Ces initiatives ont un point commun : elles ont pu bénéficier d'une subvention accordée par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d'autonomie. Cette instance a été mise en place par la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Elle constitue un levier d'accompagnement des actions individuelles ou collectives destinées aux personnes âgées de soixante ans et plus. En 2016, grâce à un budget de 127 millions d'euros, près de 90 000 actions ont ainsi été déployées dans ce cadre.
Toutes les personnes âgées sont visées au travers de ces initiatives locales, mais qu'en est-il, dans les faits, des personnes âgées se trouvant en situation de handicap ?
Madame la secrétaire d'État, quelles sont les perspectives d'évolution du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, qui verse aux départements deux concours financiers ? Peut-on imaginer que les missions de cette caisse soient revues afin de prendre davantage en compte la situation des personnes que je viens de citer ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, les actions relatives à l'accès au numérique peuvent en effet être prises en charge par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d'autonomie, au titre des objectifs de lutte contre l'isolement social et d'accès aux droits, s'il s'agit de personnes de plus de soixante ans, y compris handicapées.
C'est tout le sens de la société inclusive : les dispositifs créés en faveur des personnes âgées doivent pouvoir servir aux personnes handicapées vieillissantes.
Les actions en question peuvent également être financées grâce aux concours de la CNSA qui sont attribués aux départements. Une autre partie des concours de la CNSA peut servir à financer des actions de prévention dans les résidences autonomie, au profit des personnes handicapées qui y vivent.
Vous avez raison, nous devons prendre en compte cette dimension du sujet. Il ne faut pas que les personnes handicapées vieillissantes, qui, parfois, n'ont jamais utilisé les outils numériques, subissent une fracture supplémentaire. Pour autant, nous devons développer massivement l'usage de ces outils, notamment des tablettes numériques, en leur direction, car c'est par ce moyen qu'elles pourront formuler leur projet de vie, exprimer leurs besoins, même primaires. Cela devrait permettre de grands progrès en matière de bientraitance dans les établissements médico-sociaux.
En ce sens, les actions tendant à réduire la fracture numérique feront d'ailleurs l'objet d'un suivi particulier : il faut pouvoir capitaliser sur ces mesures et, surtout, les diffuser dans l'ensemble du territoire. On observe là encore souvent des iniquités territoriales.
La question de la prévention, des moyens qu'il faut y consacrer, des priorités à définir en la matière et donc des concours de la CNSA fait l'objet d'un atelier dédié au titre de la concertation « grand âge et autonomie » lancée le 1er octobre dernier avec Agnès Buzyn. Vous le voyez, nous veillons à ce que tous les sujets soient traités au cours de cette concertation, dans la perspective d'une convergence entre personnes en perte d'autonomie, personnes handicapées et personnes vieillissantes.
Enfin, je vous signale qu'un atelier « cadre de vie » a été créé et que le sujet de la fracture numérique pour les personnes âgées y est traité particulièrement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Ma question porte sur la situation des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH.
En dix ans, le nombre d'élèves handicapés a triplé dans les établissements relevant de l'éducation nationale : il est passé de 100 000 en 2006 à 320 000 en 2017. Cette augmentation est l'une des conséquences de la loi du 11 février 2005, qui a rendu obligatoire l'inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap.
Les professionnels qui accompagnent ces élèves handicapés jouent un rôle fondamental pour leur intégration dans le système scolaire. Toutefois, le statut de ces « héros du quotidien » n'est pas à la hauteur de la tâche qui est la leur. Beaucoup sont employés à temps partiel, leur rémunération est calquée sur le SMIC et obtenir un CDI relève d'un véritable parcours du combattant.
Les premières victimes collatérales de cette précarité sont les enfants eux-mêmes. Cette question fait, aujourd'hui, l'objet d'une quasi-unanimité politique : le débat consacré à la proposition de loi relative à l'inclusion des élèves en situation de handicap, présentée par notre collègue député Aurélien Pradié, en est la meilleure illustration.
La rémunération ne doit pas être la principale motivation des personnes exerçant ce métier si particulier, nous en convenons. Mais, vous en conviendrez également, madame la secrétaire d'État, la rémunération ne doit pas être le principal frein à l'attractivité de cette profession.
Au travers du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement affirme sa volonté de mettre en place un bilan d'intervention précoce pour tout enfant atteint de troubles du neurodéveloppement et de recruter plus de 10 000 accompagnants supplémentaires pour l'année prochaine.
Quelles mesures complémentaires le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre afin de sécuriser le statut des AVS et des accompagnants des élèves en situation de handicap et, ainsi, d'améliorer durablement l'inclusion des élèves handicapés dans notre système scolaire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, votre question me permettra d'évoquer la concertation que nous avons ouverte avec Jean-Michel Blanquer.
La moitié des 340 000 enfants handicapés scolarisés lors de la rentrée de septembre ont besoin d'être accompagnés. Vous l'avez rappelé avec raison, cet accompagnement doit être assuré par des professionnels reconnus, recrutés de manière pérenne, afin que leur rôle soit stabilisé auprès des enfants. En outre, les familles doivent pouvoir accéder plus facilement à eux ; c'est l'objet de la simplification des cycles scolaires.
Pour que la scolarisation des enfants handicapés dans l'école inclusive soit une réalité, il nous faut agir sur plusieurs leviers.
Tout d'abord, il nous faut former et outiller les enseignants ; c'est l'objet de la plateforme numérique qui sera développée au cours de cette année. Elle permettra une adaptation pédagogique selon les troubles, selon les retards d'apprentissage, quel que soit le type de handicap.
Ensuite, il nous faut adapter l'environnement scolaire aux besoins éducatifs particuliers de ces élèves, en proposant des réponses graduées et diverses : c'est l'objet des différents dispositifs de scolarisation qui sont développés, notamment les unités localisées pour l'inclusion scolaire, les ULIS, ou les unités d'enseignement.
Enfin, il nous faut déplacer les moyens médico-sociaux dans l'école et mieux organiser la gestion des ressources humaines – à ce titre, je pense à l'expérimentation des pôles d'inclusion scolaire.
Concernant le statut des accompagnants, pour la première fois, les emplois aidés ne représentent plus qu'un tiers du total par rapport aux contrats d'AESH. On observe donc une véritable accélération vers la professionnalisation. Toutefois, ces contrats d'AESH ne suffisent pas à sortir les accompagnants qui en bénéficient de la précarité financière : le temps scolaire ne leur permet pas d'atteindre les 35 heures hebdomadaires de travail.
Là est tout l'enjeu de la concertation : il faut organiser la porosité de l'accompagnement entre tous les temps de vie de l'enfant – à l'école, au centre de loisirs… – pour permettre aux accompagnants de jouer leur rôle pendant 35 heures hebdomadaires et de pouvoir vivre ainsi dignement de leur travail.
Cette concertation est menée avec les familles, les associations du secteur médico-social, les syndicats et les collectifs d'AESH. Nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction pour aboutir à une professionnalisation permettant aux accompagnants d'être présents durablement auprès des élèves.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse très éclairée ; je sais combien vous êtes attachée à cette politique, et je prends note des solutions que vous allez promouvoir, de concert avec le ministre de l'éducation nationale.
Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, la loi de 2005 nous oblige. Par le passé, certains de ces enfants restaient sans AVS à la rentrée scolaire, et il fallait attendre la Toussaint pour que ces situations se résorbent. Je compte sur vous pour mener à leur terme toutes les actions que vous envisagez.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Je souhaite tout d'abord remercier notre collègue Philippe Mouiller et les membres du groupe de travail de leur excellent rapport sur la question du financement de la prise en charge du handicap.
Pour ma part, je retiens de ce travail l'extraordinaire diversité des acteurs du monde du handicap. La mise en place d'une structure d'animation et de coordination s'avère nécessaire afin de rendre cohérente l'articulation de tous ces outils. C'est le sens, me semble-t-il, de votre proposition de création d'un service public de l'emploi unifié et dédié aux personnes handicapées, l'objectif étant de faciliter l'insertion, d'ancrer la notion de parcours dans l'accompagnement médico-social et de mettre en place des passerelles entre milieux ordinaire, adapté et protégé.
Les MDPH constituent, selon moi, des acteurs départementaux incontournables en raison de leur connaissance fine du territoire, qui les met en mesure de produire un véritable recensement qualitatif des besoins de la population, étape fondamentale en vue de la réalisation d'un diagnostic territorialisé et prospectif. Or, aujourd'hui, il faut bien l'admettre, leur rôle se réduit souvent à une gestion purement administrative des dossiers.
Parallèlement, les centres locaux d'information et de coordination gérontologiques, les CLIC, sont bien intégrés dans le paysage départemental depuis les années 2000. Ces guichets uniques d'information et d'accompagnement social dédiés aux personnes âgées, répartis au plus près des territoires, sont capables de rendre un véritable service de proximité. Ils ont acquis une expertise en termes de connaissance, à l'échelle des bassins de vie, des structures médico-sociales et des difficultés des personnes et de leur entourage. Depuis peu, ils sont identifiés comme des acteurs du handicap. Plutôt que de créer une structure supplémentaire, la plateforme territoriale du handicap, ou PTH, comme le propose notre collègue, pourquoi ne pas renforcer les structures existantes et leur octroyer les moyens de développer leurs compétences ?
Ainsi, la MDPH ne peut-elle être, dans le cadre des schémas départementaux et en étroite collaboration avec le réseau des CLIC, l'acteur central de coordination et d'animation attendu par le monde du handicap ? Cela conforterait la mission de solidarité territoriale qui échoit aux départements et serait conforme à la proposition du rapporteur visant à rendre aux conseils départementaux un rôle décisif en matière de planification de l'offre médico-sociale. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous donner votre sentiment sur cette proposition ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous remercie de présenter la MDPH comme la maison des personnes handicapées.
Comme indiqué lors du comité interministériel du handicap, nous ouvrons le chantier de la gouvernance des MDPH. La simplification et l'octroi de droits à vie permettront d'alléger leur tâche administrative, qui consiste surtout en renouvellements de droits à l'identique et comporte donc peu de valeur ajoutée. Leurs équipes expertes, pluridisciplinaires, pourront ainsi se concentrer sur l'accompagnement de la personne, son orientation et l'aide à la décision. La valeur ajoutée des MDPH réside dans l'évaluation et l'accompagnement. Dans cette perspective, nous devons – je m'y suis consacrée dès ma prise de fonctions – accélérer le déploiement du système d'information commun des MDPH, afin de les libérer également de nombreuses tâches informatiques et de pouvoir bénéficier d'une vision beaucoup plus globale des places disponibles, avec ViaTrajectoire, ainsi que des besoins des personnes. Sur ce dernier point, nous naviguons pour l'heure à vue. Nous allons désormais pouvoir disposer d'un levier formidable pour connaître les besoins et, partant, pour mieux y répondre.
Enfin, nous avons mis en place, lors de la conférence nationale du handicap, un groupe de travail qui réunira tous les acteurs : les conseils départementaux, au premier chef, mais aussi les associations de personnes handicapées, à travers le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui est une source essentielle de propositions d'un haut degré d'expertise.
Vous avez évoqué le maillage des CLIC. Dans le département du Nord, par exemple, une expérience très intéressante a été menée avec la maison départementale de l'autonomie, s'appuyant sur les relais autonomie, pour offrir une réponse de proximité, sous gouvernance départementale de la MDPH. Il nous faut l'expertiser.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. À l'occasion de ce débat, je voudrais aborder la question de l'emploi des personnes handicapées.
Aujourd'hui, le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %, soit le double de la population active « ordinaire ». En théorie, depuis la loi du 10 juillet 1987, les entreprises ont l'obligation de compter 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. En pratique, ce taux n'est que de 3,5 %, les entreprises préférant payer une contribution plutôt que d'embaucher des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d'État, la « révolution culturelle » que vous avez évoquée pour définir ce qui a permis l'émergence, dans les pays du Nord, d'une société plus inclusive doit être menée aujourd'hui en France. Il faut favoriser la rencontre entre l'entreprise et la personne handicapée, qui constitue bien souvent un choc positif pour l'entreprise, crée de la solidarité et permet d'accompagner les personnes handicapées vers l'indépendance. Il nous faut donc agir pour favoriser l'insertion dans le milieu professionnel ordinaire, même si les entreprises du secteur adapté font un travail remarquable, comme je peux le constater dans mon département de la Mayenne.
Le rapport de notre collègue Philippe Mouiller met en exergue plusieurs difficultés qui expliquent la réticence des entreprises du milieu dit « ordinaire » à embaucher des personnes handicapées. Par exemple, l'orientation et l'insertion professionnelle de ces dernières sont des missions de Pôle emploi, de Cap emploi et des missions locales, mais, bien qu'ils relèvent tous trois du service public de l'emploi, ces acteurs ne coordonnent pas nécessairement leurs actions.
Le rapporteur propose donc d'unifier les missions d'insertion et de maintien dans l'emploi des personnes handicapées autour d'un seul service public, dont le financement dépendrait directement du budget de l'État. Madame la secrétaire d'État, quel est votre avis sur ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, j'ai le même attachement pour l'entreprise inclusive que pour l'école inclusive, que nous avons déjà évoquée. De manière plus générale, la société inclusive est l'objet de la concertation que nous sommes en train de mener.
Nous disposons déjà de leviers d'action. Aujourd'hui, les entreprises ne peuvent plus avancer l'excuse d'une trop grande complexité administrative, puisque nous simplifions et automatisons la déclaration avec la déclaration sociale nominative, la DCN, au travers de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Nous sommes en pleine concertation avec l'ensemble des acteurs. Vous avez raison, c'est aujourd'hui un maquis illisible, pour les entreprises comme pour les travailleurs. À qui un travailleur handicapé au chômage doit-il s'adresser : Pôle emploi ou Cap emploi ? Un jeune doit-il plutôt se tourner vers la mission locale ? Cette structure connaît bien les jeunes, mais moins le handicap. Voilà ce que vivent aujourd'hui les travailleurs handicapés.
Cap emploi a déjà fusionné avec les services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, les SAMETH, de sorte que les entreprises disposent maintenant d'un seul interlocuteur en matière d'accompagnement et de maintien dans l'emploi. Il nous faut aller plus loin. M. le sénateur Mouiller recommande ainsi d'organiser un service public de l'emploi beaucoup plus lisible. Comme pour l'école de la République, il faut instaurer une porte d'entrée unique pour tous les travailleurs, handicapés ou pas, en apportant des réponses variées. C'est l'objet de l'expérimentation que mène Pôle emploi dans treize départements pilotes en vue de mettre en ordre de marche tous ces dispositifs, y compris les centres de reconversion professionnelle, les CRP, qui font aussi un travail remarquable. La concertation est en cours avec tous les acteurs, entreprises, organisations syndicales et patronales, associations, afin de rendre cette offre plus lisible et beaucoup plus opérationnelle.
Nous n'avons pas évoqué l'emploi accompagné. Nous devons accélérer le développement de ce dispositif et mettre l'accent sur l'accompagnement du travailleur et du collectif de travail pour que l'embauche soit une réussite.
Nous n'attendrons pas trente ans pour passer de 3,5 % à 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, comme il a fallu attendre trente ans pour atteindre les 3,5 %. Vous pouvez compter sur ma détermination pour accélérer ce mouvement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d'État, il faut effectivement rechercher la meilleure organisation, au service des personnes handicapées comme des entreprises, qui sont nombreuses, dans les territoires, à rechercher du personnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Madame la secrétaire d'État, le financement de l'accompagnement médico-social des personnes handicapées est un sujet majeur. Il constitue un levier pour la transformation de l'offre de services en faveur des personnes handicapées, qui doit s'inscrire dans une réflexion globale.
Cette réflexion nécessite une anticipation suffisante au vu des risques identifiés, dont celui de voir se développer des parcours stéréotypés, voire déshumanisants, reposant sur une classification des besoins de la personne ou des difficultés des structures, notamment de taille modeste, à faire face à ces réformes et à leurs répercussions…
L'excellent rapport d'octobre 2018 du sénateur Philippe Mouiller, présenté au nom de la commission des affaires sociales, dresse un constat plutôt mitigé « quant à l'amorçage de la réforme du financement des établissements et services accueillant des personnes handicapées ». Il est indiqué, plus loin, que « l'intention de départ, consistant à partir des besoins des personnes pour construire la nouvelle tarification, est parfaitement louable, mais le chemin que prend la réforme, loin de faire “tomber les murs” autour de la personne, ne paraît en fait que modifier leur agencement. L'ambition première de la réforme risque de se voir passablement émoussée par un tropisme […] consistant à voir dans la réforme tarifaire l'outil principal de restructuration de l'offre. »
Ainsi, de nombreuses inquiétudes se font jour face aux enjeux de la réforme du financement de l'accompagnement médico-social de la personne handicapée. Je souhaiterais relayer une interrogation majeure : où en sont les travaux de la mission SERAFIN-PH ? Quelle analyse est faite des résultats des enquêtes nationales de coûts ?
Au vu des préconisations contenues dans le rapport sénatorial, le calendrier de la réforme ne doit-il pas être revu, afin de se donner le temps d'analyser les incidences de ce nouveau modèle tarifaire et d'associer les acteurs à la définition des dispositifs transitoires ?
Enfin, comment prévenir les répercussions de ces réformes sur des structures, établissements et services, afin d'éviter que ceux-ci, et par voie de conséquence les personnes accompagnées, ne se trouvent en grande difficulté ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Merci, monsieur le sénateur, de me donner l'occasion de faire un point sur la réforme SERAFIN-PH, très importante pour le virage inclusif, et de rassurer les professionnels, qui s'inquiètent à tort.
Le dernier rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, remis en octobre 2012, pointait le fait que les dotations des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées étaient, pour l'essentiel, le fruit de l'histoire. Nous avons engagé cette réforme précisément pour établir enfin un lien direct entre les modalités de l'accompagnement proposé, le public accueilli et le niveau de budget alloué. Notre intérêt collectif est bien de mettre fin à cette grande dispersion des coûts et de promouvoir un nouveau modèle de financement. Cette orientation a été confortée dans le cadre du lancement de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous ».
Dans ce contexte, le projet SERAFIN-PH doit permettre d'apporter toutes les souplesses nécessaires pour ajuster le financement des établissements à la complexité de certaines situations individuelles.
Je voudrais vous rassurer sur la méthode de travail qui a été suivie. Ce projet est un chantier de long terme, qui a fait toute sa place à la concertation et à la coconstruction avec les différents acteurs, en particulier dans le cadre du groupe technique national. Il a été planifié pour se dérouler en trois phases et s'étendra sur plusieurs années.
La première phase, engagée en 2014, a pour objet de concevoir les outils qui permettent de rénover le modèle d'allocations. Il s'agit d'élaborer concrètement les nomenclatures de besoins et de prestations, qui ont été validées en 2016, et de mener des enquêtes et des études nationales de coûts. Deux enquêtes ont ainsi été réalisées, en 2016 et en 2017, et la première étude nationale sera engagée cette année.
Les phases 2 et 3 viseront à étudier et à définir de nouvelles modalités de tarification, puis à les déployer.
À ce stade, aucun choix n'a donc été prédéfini ni arrêté, et le projet ne vise en aucun cas à remettre en cause la qualité des accompagnements des personnes. Bien au contraire, tout l'enjeu des travaux en cours consiste à la faire progresser.
Encore une fois, je tiens à vous rassurer : nous avançons pas à pas, mais il n'est pas question de nous arrêter en chemin.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Je salue l'initiative de nos collègues de la commission des affaires sociales, qui nous permet d'aborder un sujet de société particulièrement important.
Madame la secrétaire d'État, vous avez fait référence à la loi de 2005. J'ai une pensée, à cet instant, pour notre ancien collègue Paul Blanc, qui a oeuvré, notamment, pour la mise en place des MDPH.
L'aspect financier est important, certes, mais la question des moyens humains est fondamentale. La notion de solidarité tient une place centrale dans cette problématique, d'où l'implication de l'État, des collectivités territoriales, dont les départements, des entreprises, des associations et, plus généralement, de l'ensemble des acteurs du champ social.
Je souhaite aborder plus particulièrement la problématique des départements frontaliers. Dans le mien, les Ardennes, nous manquons malheureusement de places d'accueil pour les personnes handicapées. Nombre d'entre elles sont donc obligées de s'orienter vers des établissements belges, ce qui pose le problème de la coopération transfrontalière. Le nombre de places d'accueil va-t-il augmenter dans notre pays ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, il est vrai que les parents veulent avant tout une solution de proximité, qui peut parfois se trouver de l'autre côté de la frontière… Je me rendrai la semaine prochaine dans votre département, et j'ai assisté récemment au comité de pilotage franco-wallon de ces établissements belges.
Nous avons triplé l'enveloppe destinée à éviter les départs contraints en Belgique. Pour autant, il y a une porosité entre la Belgique et la France, qui fonctionne dans les deux sens. Nous devons agir pour développer une réponse de proximité, mais la Belgique n'est pas la seule destination pour les personnes handicapées : malheureusement, des enfants vivent en Lozère ou dans le Lot-et-Garonne, loin du domicile de leurs parents. Notre devoir est de travailler à les ramener au plus près des familles, qui veulent par-dessus tout ne plus avoir à se déplacer pour voir leur enfant. C'est pourquoi nous consacrons 180 millions euros à la transformation de l'offre médico-sociale et triplons l'enveloppe destinée à éviter les départs forcés, dont le montant passe ainsi de 15 millions à 45 millions d'euros.
Cependant, la problématique majeure est celle du retour d'adultes qui, après avoir vécu vingt ans ou plus en Belgique, sont presque plus belges que français. Certains n'ont même plus de famille en France, et il est très difficile de les rapatrier. Pour être franche avec vous, nous n'avons pas trouvé la solution à ce jour, mais nous sommes totalement mobilisés pour prendre cette question à bras-le-corps : cela relève de l'un des cinq chantiers prioritaires annoncés lors du comité interministériel du handicap.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. C'est un réel problème, qui se pose malheureusement depuis de nombreuses années. Des choses ont été faites, mais c'est une oeuvre de longue haleine qui impose de mobiliser toutes les forces vives. La coopération transfrontalière existe déjà au niveau de l'ARS ou de l'assurance maladie. Je vous remercie des avancées déjà obtenues et de ce que vous pourrez faire à l'avenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Je tiens à féliciter notre collègue Philippe Mouiller et les membres du groupe de travail pour cet excellent rapport d'information.
Aujourd'hui, le contrôle par les pouvoirs publics de l'offre médico-sociale à destination des personnes handicapées relève de trois échelons territoriaux, dont les rôles sont parfois difficiles à distinguer pour les utilisateurs.
En premier lieu, l'État élabore un schéma pour les établissements ou services accueillant des catégories de personnes dont les besoins ne peuvent être appréciés qu'à ce niveau. La planification nationale prend la forme de grands plans pluriannuels, généralement annoncés par le chef de l'État dans le cadre triennal de la conférence nationale du handicap.
En deuxième lieu, le représentant de l'État dans la région, appuyé par les services de l'ARS, établit les schémas régionaux de l'offre médico-sociale relatifs aux établissements et services accueillant des personnes handicapées.
En troisième lieu intervient le conseil départemental. Ses compétences se sont réduites, à l'inverse de celles de l'État. En effet, détenteur d'une compétence générale en matière sociale depuis les lois de décentralisation, compétence qui a été confirmée par la loi du 27 janvier 2014, le département aurait dû naturellement prétendre à la coordination et à l'organisation de l'offre médico-sociale sur son territoire. Or, dans les faits, le conseil départemental n'a la main que sur les segments résiduels de l'offre, ceux qui n'entrent pas dans les compétences de l'État.
Voilà peu, Sébastien Lecornu, ancien président du conseil départemental de mon département et aujourd'hui ministre délégué chargé des collectivités territoriales, expliquait qu'il fallait développer le sur-mesure et non plus le prêt-à-porter, avec un « État maître tailleur » qui sache s'adapter aux territoires en partant de leurs attentes. Le schéma de l'offre médico-sociale du département est réellement complémentaire des schémas régionaux en matière de planification de l'offre. N'oublions pas que le département reste le premier à connaître les besoins exprimés et doit, à ce titre, être à l'origine de la décision de création de l'offre.
Prendrez-vous en compte, madame la secrétaire d'État, l'excellente proposition n° 5 du rapport de M. Mouiller, afin de rendre aux conseils départementaux un rôle décisif en matière de planification de l'offre médico-sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, il existe effectivement une stratification de compétences. Pour autant, chacun des acteurs peut apporter un regard spécifique.
Vous avez évoqué le rôle des départements et des régions ; nous avons parlé précédemment d'iniquités territoriales. Les ARS ont un rôle très important à jouer à cet égard, en termes de répartition des moyens. Il nous faut donc vraiment conserver leur apport spécifique, qui peut nous aider à construire le parcours vers la société inclusive, en décloisonnant sanitaire et médico-social. C'est indispensable pour les personnes handicapées, leur accès aux soins, leur parcours de santé, et tout simplement leur parcours de vie.
Pour autant, il nous manque encore souvent des acteurs, d'où l'intérêt de pouvoir travailler sur les territoires 100 % inclusifs. C'est tout l'objet du lancement de cette démarche. Il nous faut pouvoir sortir du seul schéma géographique. Sébastien Lecornu a raison, il faut partir d'un schéma territorial souple et agile, fixer un cadre général tout en définissant précisément les compétences de chacun. C'est tout l'enjeu des territoires inclusifs. Je serai le 13 novembre dans la Manche pour lancer ce processus avec votre collègue Philippe Bas et le département.
Nous avons besoin de l'implication de chaque acteur. Pour l'heure, il manque par exemple celle du rectorat, pour ce qui concerne l'inclusion scolaire, ou celle des bailleurs sociaux, s'agissant de l'habitat inclusif. C'est une démarche à géométrie variable selon les besoins, mais les maisons départementales des personnes handicapées jouent un rôle indispensable pour orchestrer, évaluer, organiser ce parcours. Nous avons allégé leurs tâches administratives pour qu'elles puissent se concentrer sur ce rôle.
Ces compétences doivent être précisées et organisées dans un cadre souple, pour laisser l'agilité des territoires s'exprimer, car à mon sens c'est avant tout des territoires que les solutions émergeront.
Source http://www.senat.fr, le 9 novembre 2018