Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur le soutien de l'Etat à la presse écrite et plus particulièrement à la presse hebdomadaire, Paris le 18 novembre 2001.

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Circonstance : Assemblée générale du syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion, à Paris le 28 novembre 2001

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de conclure votre Assemblée générale et je remercie François d'Orcival pour son aimable invitation.
1) je souhaite d'abord vous confirmer que nous sommes, je veux dire les pouvoirs publics, aux côtés de la presse écrite afin de favoriser son développement. Au-delà de notre mission économique, il s'agit d'un devoir d'intérêt général. L'écrit affronte de puissants rivaux (Écran, micro, satellite, mobile, webcam) et il est d'autant plus indispensable. L'actualité récente l'a rappelé : la presse écrite, singulièrement les hebdomadaires que vous représentez, éclaire le débat, informe nos concitoyens, leur permet d'exercer leur esprit critique face au déferlement des images et des sons. Cet éclairage doit rester à la fois vivant et pluraliste. Le rôle des pouvoirs publics est de garantir cette exigence car la presse d'information et de conviction est l'intelligence de la démocratie.
- Le soutien de l'État est d'abord budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2002 traduit cette priorité : 68 M (ou 450 M F) au total, soit une hausse de plus de 7 % par rapport à cette année et de près de 80 % sur la durée de la législature. Cet effort est, je crois, sans précédent. Dans l'enveloppe 2002, une nouvelle aide a été créée pour la distribution des quotidiens nationaux d'information politique et générale. En accord avec Catherine Tasca, je souhaite qu'elle accompagne la modernisation du système de distribution groupé et renforce le système coopératif, conformément aux principes issus de la Loi Bichet. Dans un esprit partenarial, la direction des NMPP, l'opérateur, les éditeurs sont engagés aux côtés de l'État.
Dans le même temps, grâce notamment à la détermination du député Jean-Marie Le Guen, le Fonds de modernisation de la presse a été consolidé. Il est un instrument indispensable du renouvellement de l'outil industriel et de l'amélioration des supports. L'aide à l'investissement, beaucoup d'entre vous l'ont rappelé au cours de la journée, demeure essentielle pour préparer l'avenir. Je note avec satisfaction que l'article 39 bis du Code général des impôts, qui permet une déduction du bénéfice à hauteur d'une partie des investissements réalisés, a été reconduit.
- Dans ce contexte, je connais vos inquiétudes face à un marché publicitaire hésitant au 1er semestre et que les tragiques événements du 11 septembre ont encore dégradé. La perception est d'autant plus forte que 2001 a succédé à 2 années de croissance exceptionnelle. Face à ces facteurs d'inquiétude réels, au moins 2 constats invitent à ne pas sombrer dans le catastrophisme. L'essentiel de notre action économique est tourné vers le soutien à la consommation des ménages, qui elle-même a un impact direct sur le marché de la publicité. Autre élément, à l'occasion de la Semaine de la Publicité qui s'est tenue voici quelques jours à Paris, une donnée a retenu mon attention et sans doute la vôtre : 74 % des annonceurs prévoient de maintenir ou d'accroître leurs investissements dans les grands médias. C'est une raison supplémentaire de rester attentif à la situation de vos métiers.
- Une autre préoccupation de votre part concerne le transport postal. La garantie d'une distribution postale de qualité sur l'ensemble du territoire est essentielle à votre activité. Elle est désormais une composante du " service universel " postal défini par le Conseil européen du 15 octobre. De grands progrès ont été accomplis avec les " accords Galmot " qui arrivent à échéance : réglementation assouplie, prestation de service enrichie, mesure de la qualité de service par un organisme indépendant.
Ces avancées ont été possibles grâce à l'engagement de chacun. La presse a consenti un effort sensible, en supportant une hausse des tarifs postaux de 50 % en 5 ans. La Poste a accompli du chemin, en terme de développement de ses activités, de performances économiques et de services, je tiens à souligner ce point car j'entends parfois des jugements inverses. Le nouveau dispositif de mesure de la qualité de service a permis d'engager un redressement, dont on peut apprécier les résultats, notamment pour la presse magazine. De son côté, l'État a, je crois, respecté ses engagements financiers tout au long du contrat de plan. Le Gouvernement a décidé de prolonger cet effort pour l'année 2002, puisque la contribution de l'État au transport postal de presse sera maintenue à hauteur de 1,9 Md F. Comme l'a annoncé Christian Pierret, 2002 sera donc une année de transition qui permettra de tirer les enseignements des 5 années écoulées. L'observatoire des tarifs postaux de transport de presse vient d'engager ce travail d'évaluation. Il nous revient, ensemble, de déterminer pour le futur le cadre qui permettra de garantir à vos publications une distribution postale pérenne de qualité.
2) Le développement de votre secteur n'est évidemment pas séparé de l'évolution de l'économie elle-même. Je souhaite l'évoquer brièvement.
Le ralentissement de l'activité mondiale est incontestable. Les attentats du 11 septembre ont accentué un phénomène perceptible dès le début de l'année, contrecoup de la flambée passée des prix du pétrole et de la bourrasque dans les secteurs de la nouvelle économie. La production industrielle des États-Unis, du Japon et de l'Allemagne s'est fortement repliée. Au printemps, lors du débat d'orientation budgétaire, j'avais déjà décrit cet état de fait et rappelé que la France, parce qu'elle n'est pas une île dans la globalisation, accuserait à son tour l'inflexion de l'activité mais dans une moindre mesure que ses partenaires de la zone euro. Qu'en est-il aujourd'hui, après le choc exceptionnel du 11 septembre.
La vérité, c'est que chez nous la croissance est évidemment moins forte qu'avant, la dynamique de l'investissement est freinée, la baisse du chômage s'est interrompue. A l'ère globale, aucun pays ne peut sortir indemne d'un choc, économique ou extra-économique, qui secoue la stabilité internationale. La vérité conduit aussi à constater que si la France n'est pas épargnée par le ralentissement, elle n'a pas sombré dans la récession. Cette situation ne doit rien à la providence. Face aux crises extérieures, les économies européennes ne réagissent ni exactement dans les mêmes délais, ni avec la même ampleur en dépit de taux d'intérêt et de change aujourd'hui communs. L'ouverture à l'extérieur, la structure des appareils de production, le fonctionnement des marchés du travail, les choix de politiques économique et budgétaire varient d'un pays à l'autre de la zone euro. Aucun n'est épargné par les chocs extérieurs, mais tous ne s'en accommodent pas de façon identique.
Dans ce contexte et même si la conjoncture proche n'est pas bonne, il existe plusieurs raisons d'avoir confiance à moyen et long terme. La situation politique internationale évolue favorablement. La riposte engagée contre les terroristes et le régime taliban en Afghanistan conduit à un succès militaire. Elle doit se convertir en succès politique - c'est le sens de la conférence de Bonn - et en atout économique car il est essentiel - et c'est le cas - que l'effondrement de l'économie mondiale planifié par les terroristes n'ait pas eu lieu. La baisse des prix du pétrole est une bonne nouvelle pour le pouvoir d'achat des ménages et pour l'inflation. Les baisses des taux d'intérêt, décidées par la Réserve fédérale et par la BCE, sont favorables à l'activité. Chez nous, au-delà des à-coups mensuels, la consommation des ménages reste solide, l'évolution des prix modérée, le flux des créations d'emplois nettes positif. Au total, la probabilité d'une reprise de l'activité mondiale en 2002 est forte même s'il me semble impossible d'en fixer avec certitude la date - sauf à bâtir des prévisions dans le marc de café. Quant aux prévisions 2003, elles sont, de la part de tous les instituts, très positives.
Cette année 2001, nous ferons en France de l'ordre de 2,1 % de croissance contre moins de 1 % en Allemagne et aux États-Unis, et un chiffre négatif au Japon. Au-delà, comme je l'indiquais il y a un instant, la prévision dépend bien sûr des évolutions de la situation internationale - par exemple de la neutralisation rapide de Ben Laden - mais aussi du pilotage économique adopté. L'un des enseignements de la crise que nous venons de vivre est d'ailleurs la redécouverte du rôle des pouvoirs publics. Pour favoriser le rebond, nous avons choisi en France d'agir à la fois pour la demande des ménages et l'offre des entreprises. C'est le sens des baisses d'impôts confirmées pour 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin et du plan de consolidation de la croissance que j'ai rendu public le 16 octobre. Ils sont une stratégie pour renouer avec un sentier de croissance plus forte et avec le plein emploi. Ai-je besoin de préciser ici que cette stratégie pour la croissance n'a de sens que couplée avec une vigilance de chaque instant - j'allais dire de chaque milliard - sur le front des dépenses publiques, avec une souplesse de chaque projet de loi qui concerne les entreprises et le développement économique, avec aussi - car tout est lié - la réaffirmation de l'autorité de l'État. C'est le langage que je tiens et que je tiendrai, y compris dans le prochain semestre dont je souhaite qu'il soit pour tous les Français, non celui des démagogies ou des renoncements, mais celui des espoirs
Mesdames et Messieurs, au terme de votre Assemblée générale, je vous redis ma conviction : la presse magazine et d'opinion n'est pas qu'un secteur économique, elle est un acteur démocratique. Son développement, c'est celui des droits et de la diversité. C'est pourquoi, quand mes vux et mon action sont tournés vers la croissance, vers le pouvoir d'achat des Français et vers l'activité de nos entreprises, ils vont aussi et en même temps à la liberté et à la santé de la presse. Merci.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 décembre 2001)