Texte intégral
Avant toute chose, je vous remercie pour les sondages que vous avez longuement commentés dans la journée. Comme responsable politique chacun rêverait d'avoir des sondages aussi positifs que ceux portant sur l'attractivité de la France.
Je suis particulièrement heureux de m'exprimer ici à La Sorbonne, j'ai usé mes fonds de pantalons sur ces sièges pendant de longues années, pendant mes études de Lettres, et c'est toujours avec beaucoup d'émotion que je retrouve cet amphithéâtre qui est chargé de souvenirs, de mémoire, et de cette culture française qui est, à mes yeux, le premier élément de l'attractivité de la France. Je vais évidemment vous parler économie, finances publiques, je vais vous parler investissement, je vais vous parler innovation, mais croyez-moi, la première chose qui attire des étrangers en France c'est notre culture, c'est notre imagination, c'est ce génie français auquel je crois. Alors, on nous taxe toujours d'arrogance quand on parle de génie français, mais moi je persiste et je signe. Il y a un génie français, et c'est cela qui attire d'abord les investisseurs étrangers. Car toutes les décisions les plus rationnelles, à un moment donné, se prennent sur une petite étincelle qui fait la différence, et ce qui fait la différence, en France, c'est ce génie français : de la culture, de la mémoire, de l'histoire. Cette capacité à garder une vision universelle qui fait la force de la France.
Et dans des temps où on sent bien que beaucoup de Français sont tentés par le repli sur soi, le recroquevillement, l'inquiétude, où beaucoup de Français s'interrogent sur ce que nous sommes, je persiste et je signe, la culture est la première et la vraie réponse au désarroi des Français, encore faut-il qu'elle touche le maximum de Français, que le maximum de Français y aient accès, mais c'est cela qui rendra notre pays attractif, et c'est cela qui rendra chaque Français sûr de lui et confiant dans son avenir.
Les chiffres, vous les avez donnés, ils sont spectaculaires, le redressement français est spectaculaire. Aujourd'hui le nombre de projets d'investissements étrangers en France a bondi de plus de 50 % au cours de l'année dernière, 320 projets industriels ont été réalisés et ils ont créé plus de 10 000 emplois, et nous sommes loin devant la Grande-Bretagne, loin devant l'Allemagne, dans ce domaine-là, nous sommes désormais le pays le plus attractif en Europe.
Pour une nation, qui s'est posée tellement de questions sur ce qu'elle était, ce qu'elle pouvait devenir, qu'elle était sa place dans la mondialisation, c'est une chance exceptionnelle. Et ce ne sont pas simplement des paroles en l'air, ce sont des réalités, que, comme ministre de l'Economie, je touche du doigt, et je sens dans chacun de mes déplacements. J'étais il y a quelques semaines à Arras, où General Mills vient d'annoncer 18 millions d'euros d'investissement dans son usine qui fait les fameuses glaces Häagen-Dazs, 18 millions d'euros d'investissement, c'est des emplois en plus, c'est de l'activité, c'est de la richesse pour le territoire d'Arras, et pour le Nord, c'est une nouvelle formidable pour tous les habitants de la région.
J'accompagnais également le président de la République à Maubeuge, où Renault a décidé d'investir un demi-milliard d'euros dans son usine. Et les dirigeants de Renault nous le disaient de manière très claire, le choix n'a pas été fait pour faire plaisir aux uns ou aux autres, le choix de Maubeuge a été fait parce que Maubeuge est le site industriel le plus performant de tout le groupe Renault-Nissan.
N'ayons pas la fierté honteuse, soyons fiers de ce que nous sommes capables de réaliser, et soyons fiers de ce retournement spectaculaire de l'attractivité de la France.
Je le vois aussi dans le domaine de la banque et de la finance, et regardez comme les choses vont vite. Je me souviens d'un ancien président de la République qui avait dit « notre ennemi c'est la finance », faisant fuir immédiatement tous les investisseurs, tous les financiers, toutes les grandes banques, et les emplois qui vont avec, et le financement de notre économie qui va avec, parce qu'il faut franchement ne pas avoir une grande connaissance de ce qu'est l'économie actuelle pour penser qu'on peut développer des usines sans avoir le capital pour le faire. Quand je me bats pour que Ascoval, grand site sidérurgique, pour qu'il se maintienne à Saint-Saulve dans le Nord, le premier problème sur lequel je bute, c'est le capital nécessaire. Ce sont les 165 à 180 millions d'euros d'investissement qu'il faut trouver. Faites fuir les financiers, vous ferez fuir l'industrie. L'un ne va pas sans l'autre, et c'est sans doute parce que nous avons rendu notre pays attractif à tous les secteurs de l'économie, que nous voyons ce redressement aujourd'hui.
Ce redressement il ne tombe pas du ciel. Il provient de décisions difficiles et courageuses qui ont été prises par le gouvernement, par le président de la République, et par cette majorité. Première décision qui a été prise, ce sont les décisions fiscales, Dieu sait qu'elles ont fait couler de l'encre, et pas de l'encre sympathique, si je peux me permettre, plutôt de l'encre antipathique et acerbe. Cadeaux aux riches, suppression de l'ISF, prélèvement forfaitaire unique, argent dilapidé, baisse de l'impôt sur les sociétés, cadeau fait aux entreprises. Il y a une expression qui revient sans cesse dans la bouche des opposants, « le cadeau aux entreprises ». Vous pourriez faire preuve d'un peu plus d'imagination verbale plutôt que de répéter sans cesse « cadeau aux entreprises », là où nous voulons simplement avoir des entreprises qui soient performantes, compétitives, et profitables.
Ayons le courage de dire qu'il nous faut des entreprises profitables, La fiscalité du capital que nous avons mise en place est là pour rendre nos entreprises plus profitables, parce que si nous sortons d'un long hiver économique, c'est parce que nous rétablissons la compétitivité de nos entreprises. L'entreprise qui n'est pas compétitive, qu'est-ce qu'il se passe ? C'est très simple, elle n'a pas assez d'argent pour l'investissement, pas assez d'argent pour l'innovation, donc elle sort des produits qui sont, pas mauvais, mais pas excellents non plus. Ils sont tout simplement médiocres, et la médiocrité, dans la mondialisation, c'est le pire des positionnements économiques.
Nos entreprises, depuis des années et des années, n'étant pas assez profitables, ne dégageant pas assez de marges de manoeuvre, ont renoncé à investir et innover. Elles ont continué à vivre, bien entendu, mais elles ont perdu des parts de marché, elles ont perdu de la puissance économique, elles ont détruit des emplois, et on a assisté à une saignée industrielle dans notre pays qui a provoqué la situation politique dans laquelle nous sommes aujourd'hui : la montée des extrêmes et la montée du radicalisme politique.
La situation politique où nous sommes aujourd'hui est la conséquence de choix économiques désastreux et lâches, où nous n'avons pas eu le courage de dire aux Français que l'industrie suppose du capital et que le capital suppose une fiscalité adaptée.
C'est allé à une vitesse stupéfiante, et ça se lit sur un indicateur, le commerce extérieur français. En 1995, 5 milliards d'euros d'excédent sur la balance commerciale extérieure française, en 2000, zéro, 2005 moins 30 milliards, et depuis nous sommes entre 60 et 70 milliards d'euros de déficit commercial extérieur. Tout simplement parce que nos entreprises, n'étaient pas suffisamment compétitives, ont perdu des parts de marché à l'étranger, et ont détruits des emplois sur nos territoires.
Je vais vous parler comme un élu local, un élu du département de l'Eure, qui a vu des usines fermer, qui a vu monter le Front national dans la vallée de l'Andelle. Vous pouvez suivre la courbe de progression du Front national dans la vallée de l'Andelle au fur et à mesure que s'est désindustrialisée cette vallée. Les choix économiques ont toujours des conséquences politiques, des conséquences retardées, mais des conséquences d'autant plus graves. Et ce n'est pas simplement des emplois qui ont été détruits, ce n'est pas simplement des usines qui ont fermé, 100 par an, 1 million d'emplois de détruits dans le secteur industriel depuis 10 ans, c'est une culture qui disparaît, c'est une identité qui est affaiblie. Quand vous allez à Forbach, et que vous voyez ces maisons industrielles, que vous discutez avec des ouvriers qui sont à la retraite, qu'est-ce qu'ils vous disent ? Ils vous disent que c'est leur culture qui part, c'est la stabilité de leur famille, c'est leur implantation locale, c'est la perspective d'avoir une vie qui s'améliore, la capacité à devenir propriétaire, la possibilité pour leurs enfants de grandir, de nourrir leur famille, de leur offrir une vie décente, c'est tout ça qui disparaît. Donc ne vous étonnez pas de la situation politique où nous sommes aujourd'hui, elle est le résultat de choix économiques, je le redis, qui ont manqué de courage et manqué de lucidité.
Alors maintenant que nous sommes dans la bonne voie, il y a une seule chose à faire, tenir et accélérer. Tenir dans la voie de la transformation économique du pays, tenir dans le rétablissement des comptes publics de la France, tenir dans le soutien à l'innovation. Bien sûr que je comprends, et que je ressens au plus profond de moi-même, la désespérance de millions de Français qui se demandent de quoi l'avenir va être fait. Je pense à tous ceux que vous voyez aujourd'hui, qui manifestent, je mets de côté tous ceux qui font entrave à la liberté de circulation dans notre pays, qui n'est absolument pas négociable dans une grande démocratie comme la nôtre. Je pense à tous ceux qui n'ont pas voix au chapitre, tous ceux qui ne peuvent pas s'exprimer, tous ceux qui sont inquiets, tous ceux qui sont à 1 ou 5 euros près à la fin du mois, tous ceux qui se demandent comment ils vont payer la garde de leurs enfants, tous ceux qui trouvent qu'ils ne sont pas suffisamment bien payés, tous ceux qui sont au chômage depuis des années et qui se demandent de quoi l'avenir va être fait. A ceux-là, il ne faut pas vendre des illusions. Il ne faut pas vendre des solutions de court terme, il ne faut pas leur expliquer « ne vous inquiétez pas, la transition énergétique n'arrivera jamais », elle est là, le changement il est là, il est maintenant, soit on le prend à bras-le-corps, soit, comme le disait Churchill, « il nous prendra à la gorge et il nous étouffera ».
Plus que jamais, la France a besoin de courage politique, plus que jamais les Français ont besoin de responsables politiques qui leur disent « voilà où nous allons, et nous ne changerons pas de cap parce que ce cap est le seul raisonnable et le seul qui permettra à une majorité de Français de s'en sortir. » J'entends les appels des uns et des autres, à faire des chèques essence, 15 milliards d'euros disent certains. Comment on financerait cette mesure ? On en augmenterait tout simplement le prix des péages. On prend dans une poche et on en redonne à l'autre. On baisse le prix de l'essence de 2 à 3 centimes et puis on va augmenter les tarifs de péages pour récupérer l'argent. Toutes ces politiques irresponsables, qu'on a pratiquées dans le passé, font aller la France droit dans le mur.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas accompagner la transition écologique, qui est difficile pour beaucoup de Français. Il faut le faire, et nous le faisons, avec la prime à la conversion, avec le soutien aux ménages les plus modestes. Et s'il faut corriger encore, améliorer encore ces dispositifs, pourquoi pas, mais en tenant notre cap qui est celui de la restauration de la compétitivité économique française, d'une transition écologique réussie, et d'un engagement total dans les révolutions technologiques qui sont en cours.
Pour simplifier, cette attractivité pour moi, si nous voulons la maintenir, et c'est notre détermination à tous dans ce gouvernement, elle demande de rester bien ferme sur trois choix stratégiques qui, je le sais, ne donnent pas de résultats immédiats, mais qui sur le long terme permettront à toutes les nouvelles générations, toutes celles qui vont venir faire leurs études ici, sur ces bancs, de se dire que la France est le meilleur pays pour construire son avenir, non seulement en Europe, mais dans le monde.
Le premier choix c'est celui de la formation et de la qualification. Muriel PENICAUD a fait un travail formidable pour améliorer la formation, améliorer la qualification, développer l'apprentissage, je ne vais pas revenir dans le détail là-dessus, mais je pense que c'est indispensable de garder ce cap-là car la première question économique c'est une question d'éducation.
Et au-delà des grandes réformes, il y a aussi un certain nombre de décisions, simples, à prendre, qui vont changer la donne. Avec Jean-Michel BLANQUER nous travaillons, par exemple, à l'amélioration de l'enseignement économique en France, c'est une priorité absolue. C'est une priorité parce qu'on convaincra d'autant plus nos compatriotes que certaines idées ne sont que des illusions, s'ils auront été bien formés dès leur plus jeune âge aux règles économiques, aux règles financières, et aux réalités de l'économie de marché. Je ne comprends pas pourquoi on fait vivre parfois nos enfants dans des bulles, en évitant, surtout, qu'ils rencontrent des chefs d'entreprise, qu'ils mettent les pieds dans une PME, ou qu'ils discutent avec des commerçants. Je pense qu'il faut faire tomber les murs entre le monde éducatif et le monde économique. Sortons de cette vieille idée marxiste comme quoi il y aurait de l'aliénation à laisser nos enfants avoir accès à ce que sont les réalités économiques du monde contemporain. Nos enfants ont droit à une formation économique de qualité, à l'école, au collège, au lycée, pour qu'ils comprennent ce que sont les réalités économiques mondiales. Nous allons y travailler avec Jean-Michel BLANQUER, cela fera du bruit, cela dérangera, tant mieux. C'est bon signe, nous ne sommes pas dans des temps où le consensus est forcément ce qu'il y a de mieux pour le pays.
Deuxième décision qui me paraîtrait intéressante, que nos enfants, au collège, aient davantage accès à la réalité des entreprises, qu'ils puissent y faire des stages, qu'ils comprennent ce que c'est par exemple que le secteur industriel dont on parle tant, mais sur lequel on ne prend pas toujours les décisions nécessaires pour lui permettre de se redresser. Je vous ai parlé des décisions fiscales sur le capital qui sont indispensables pour redresser le secteur industriel, mais le vrai combat pour l'industrie sera lui aussi un combat culturel, que nos enfants comprennent que l'industrie ce n'est pas Zola, les mines et les gueules de charbon, que tout ça, ça fait partie de notre patrimoine, et que nous en sommes fiers. Mais que l'industrie, aujourd'hui, c'est l'impression 3D, c'est de l'imagination, c'est de la digitalisation, c'est des robots complexes, c'est de la maintenance robotique, c'est du sur-mesure, et que leur créativité trouvera à s'exprimer dans l'industrie, c'est ce combat culturel-là qu'il faut mener. C'est ce combat de la formation, de la qualification et de l'apprentissage, et qui doit être le premier socle de l'attractivité de notre pays et du renforcement de cette attractivité.
Le deuxième point sur lequel il faut tenir et accélérer, c'est l'innovation. Le changement technologique va à la vitesse de la lumière. Il a pris tout le monde de court. Le changement lié à la transition énergétique va à la vitesse de la lumière, et il a pris tout le monde de court. Quand je dis « tout le monde », ce n'est pas ceux qui sont en train de travailler comme ouvriers, comme techniciens de maintenance, ou même comme ingénieurs. Ce sont les élites économiques, les élites politiques, dont nous faisons partie. Quand je vois que General Electrics a été prise de court par la transformation énergétique parce qu'elle n'a pas vu que ça allait aussi vite et que ça se solde par des dizaines de milliards d'euros de perte. Nous avons tous une responsabilité pour dire la vérité aux Français. La vérité c'est que le changement technologique va à une vitesse absolument stupéfiante et que les nations qui ne se donneront pas les moyens d'investir dans l'innovation, d'investir dans ces changements technologiques, disparaîtront, disparaîtront, du rang des nations qui comptent dans ce monde.
Le bouleversement va être très rapide, vous verrez des nations qui, pour certains dans l'imaginaire collectif, sont des nations secondaires, arriver au premier rang. Regardez le Vietnam, regardez la Corée du Sud, je ne vous parle même pas de la Chine que tout le monde a en tête, regardez d'autres nations, que l'on cite moins, qui vont passer devant nous, parce qu'elles auront fait cet investissement dans l'innovation et dans les technologies de rupture. Il est essentiel que sur ces réformes-là, nous tenions et nous accélérions.
Nous avons sanctuarisé le crédit impôt recherche, nous allons prévoir un suramortissement de 2 ans pour la robotisation, pour que la France rattrape ce retard catastrophique qu'elle a en termes de robotisation, de digitalisation de ses entreprises, 185 robots pour 10 000 ouvriers en France. 195 robots pour 10 000 ouvriers en Italie. 340 robots pour 10 000 ouvriers en Allemagne. Les robots sont la compétitivité, ce sont des produits de meilleure qualité, ce sont de nouvelles capacités à prendre des parts de marché et à investir le reste de la planète avec ses propres produits, la France doit rattraper son retard.
Quand je dis innovation, je ne parle pas simplement d'innovation incrémentale, je vous parle aussi de l'innovation de rupture, celle qui nous permet de gagner un temps d'avance sur les autres nations de la planète. Prenez l'exemple du spatial, comment est-ce que nous avons pu regarder avec autant de dédain, pour ne pas dire de mépris, l'aventure spatiale qui s'est lancée autour de SpaceX aux Etats-Unis. Je garde précieusement un certain nombre de notes, qui ont été rédigées il y a quelques années, et que j'ai relues avec attention, de grands spécialistes du sujet, qui disaient : l'aventure spatiale européenne repose sur Ariane 5, 6. Elle repose sur des lanceurs non récupérables. « Les Etats-Unis se sont lancés dans le lanceur récupérable, il n'a aucun avenir ». C'est écrit noir sur blanc, par de grands spécialistes. Aujourd'hui le lanceur récupérable, celui de SpaceX, largement financé sur des fonds publics américains, disposant de toutes les infrastructures publiques américaines, est en train de prendre des parts de marché à tout le monde parce qu'ils ont maîtrisé une technologie de rupture. Ce sera la même chose pour l'intelligence artificielle, ce sera la même chose pour le stockage des énergies renouvelables, le continent qui maîtrisera le mieux le stockage des énergies renouvelables demain, aura l'énergie la moins chère, sera le plus compétitif et sera celui qui luttera le mieux contre le réchauffement climatique.
Qu'est-ce que nous attendons pour investir encore plus dans les batteries électriques de nouvelle génération ? ouvrons notre regard à tout ça, voyons que aujourd'hui c'est la Chine, en alliance avec la Corée du Sud, qui maîtrise parfaitement les batteries électriques de première génération, ion lithium liquide. Il y a un défi, le ion lithium solide, qui n'utilisera plus de cobalt, qui sera moins cher, moins lourd, plus performant, le Premier ministre l'a annoncé ce matin, nous allons investir dans la filière des batteries électriques de nouvelle génération. TOTAL le fait avec SAFT, j'espère que les grands constructeurs industriels automobiles français suivront, et j'espère surtout que la France et l'Allemagne vont mettre ensemble leurs efforts pour développer cette technologie de rupture, plutôt que de faire chacun cavalier seul, parce que dans ce cas-là nous risquons fort d'échouer tous les deux là où nous voulions réussir ensemble.
Le troisième pilier de notre politique économique, formation, qualification, investissement, le troisième pilier sur lequel nous devons tenir, tenir, tenir, et peut-être même accélérer, c'est le rétablissement de nos finances publiques. Alors, je connais cette contradiction française, qui est au coeur de notre culture, parce que nous sommes un peuple de contradiction, c'est ce qui fait notre charme, et une partie de notre génie. Il n'y a pas de génie sans contradiction. Nous sommes un peuple qui a toujours été divisé, quand je dis divisé, ce n'est pas divisé les uns contre les autres, c'est aussi divisé intérieurement, puisqu'en France nous sommes à la fois des individus, avec nos vies, nos sentiments, nos attachements personnels, notre mémoire, notre histoire, notre culture, et nous sommes un citoyen universel, chacun d'entre nous est individu et citoyen. C'est la division qui fait la singularité, la force, de ce qu'est un Français.
Cela vaut aussi, pardon d'atterrir sur des sujets plus prosaïques, pour les finances publiques, nous sommes individus et citoyens. Le citoyen dit : « réduisez la dépense publique, rétablissez les finances publiques, débarrassez-vous de cette dette qui est un poison pour l'économie français », mais l'individu dit : « j'aimerais bien avoir plus de subventions pour l'école de mon fils. » Et ce sont les mêmes qui vous disent qu'il faut réduire la dépense publique, en règle générale et ne la votent pas quand on leur fait des propositions. C'est la contradiction française. On veut moins d'impôts, mais plus de dépense publique. Pardon d'aller un peu contre notre culture naturelle, mais cette contradiction n'est pas tenable, elle ne peut être résolue que par un choix clair, qui doit nous amener à trancher le noeud gordien. On ne peut pas baisser les impôts et augmenter la dépense publique en même temps, ce n'est pas possible.
Notre choix est donc clair, réduire la dépense publique, progressivement, en supprimant un certain nombre de contrats aidés, Dieu sait que c'est difficile, en réformant les chambres de commerce et d'industrie, Dieu sait que c'est difficile, en étant capable de renouveler le secteur public audiovisuel, Dieu sait que c'est difficile, en réduisant le nombre d'emplois dans l'Education nationale, c'est ce qu'a fait Jean-Michel BLANQUER, Dieu sait que c'est difficile. Mais c'est parce que nous aurons réduit la dépense publique que nous pourrons tenir notre objectif de baisser d'un point des impôts et des taxes sur les Français d'ici la fin du quinquennat. Et cet objectif-là, il est indispensable pour l'attractivité de notre pays, mais il est indispensable, aussi, pour améliorer la vie quotidienne de chaque Français, parce que moins de dette, c'est moins de charge de la dette. C'est plus d'argent disponible pour investir pour l'avenir, pour financer les investissements, l'innovation, et financer les vraies dépenses utiles, c'est-à-dire celles qui vont à ceux qui sont les plus fragiles, celles qui ne peuvent pas faire autrement que de s'appuyer sur des aides sociales, celles qui touchent votre vie quotidienne quand il s'agit de rembourser vos soins ou vos dépenses de santé. Il ne faut rien lâcher sur le rétablissement des finances publiques françaises parce qu'il n'y aura pas de redressement économique durable de la nation française sans restauration de ses finances publiques.
Un dernier mot enfin, pour vous dire que l'attractivité de la France ne veut pas dire écraser tous nos partenaires européens dans une espèce de compétition sauvage entre les nations européennes. Il y a trop de rivalités entre les nations européennes, et il n'y a pas assez de solidarité entre les nations européennes. L'un des défis de la génération qui vient c'est de construire cette solidarité européenne, contre une rivalité qui ne nous mènera absolument nulle part. Nous devons être solidaires, face à une Chine conquérante, face à des Etats-Unis du Président TRUMP. L'Europe doit s'affirmer comme un continent solidaire et souverain. Ça veut dire financer ensemble nos projets d'investissement, je reprends l'exemple des batteries enfin, il serait quand même préférable que les milliards d'euros qui seront investis soient des milliards d'euros franco-allemands plutôt que français d'un côté et allemands de l'autre, dans une guerre entre nous qui ne mènera qu'à la défaite de nos deux nations.
Solidarité ça veut dire, dans la zone euro, être capable d'affronter les crises économiques et financières en tendant la main à un pays lorsqu'il sera en difficulté. Solidarité ça veut dire être capable d'imposer nos vues sur ce qu'est une fiscalité internationale juste. J'ai engagé le combat, sur la taxation des géants du numérique, Google, Amazon, Facebook, parce que c'est une question de justice, il n'est pas question que nos PME continuent à payer 14 points d'impôt de plus que ces géants du numérique, mais c'est aussi une question d'efficacité. Comment voulez-vous financer, demain, les hôpitaux, les crèches, tous les services publics, si vous ne taxez pas la valeur, la plus importante aujourd'hui, qui est celle des données ? Soyons solidaires aussi sur la taxation du numérique et ayons le courage d'affirmer nos intérêts économiques en prenant cette décision de taxer, sur une base européenne, les géants mondiaux du numérique, qu'ils soient américains ou qu'ils soient chinois. Je ne sais pas si nous gagnerons, le 4 décembre prochain, ce combat, mais je sais que je le livrerai jusqu'au bout, et qu'avec le président de la République, quoi qu'il arrive, nous serons au rendez-vous de cette justice fiscale internationale, de cette efficacité fiscale internationale, et que nous mènerons le combat jusqu'à ce que les géants du numérique soient taxés au même niveau que nos PME, nos TPE, nos commerçants, et toutes nos entreprises, nationales ou européennes. C'est également cela la solidarité européenne que nous devons construire pour que notre nation, et le contient européen dans son intégralité, devienne le lieu le plus attractif du point de vue économique, mais aussi du point de vue politique, à travers la planète.
Permettez-moi de conclure sur ce dernier point, mesurons la chance que nous avons d'être Français. Dans ces temps qui sont agités, où nous voyons tous, un peu partout en France, des tensions qui sont sans précédent, de la violence, de la colère, de la brutalité verbale, des propos racistes, xénophobes, homophobes, qui viennent presque naturellement alimenter notre quotidien, alors qu'ils sont repoussants, et contraires à notre génie national. A un moment où on voit tant de tensions dans le pays, regardons qui nous sommes, nous Français, nous sommes les héritiers d'une culture et d'une nation forte, nous sommes en train de réussir, nous pouvons réussir. La mondialisation n'est pas notre ennemie, nous pouvons réussir dans la mondialisation, avec nos valeurs, en défendant nos intérêts économiques, en affirmant haut et fort ce que nous sommes. Le plus grand défi, simplement, c'est de faire en sorte que cette attractivité de la France ne bénéficie pas à une partie des Français, mais à tous les Français, qu'elle ne bénéficie pas à une partie des territoires, les grandes métropoles, les grandes villes, mais à tous les territoires, les villes moyennes, les villes rurales, les cantons les plus reculés, que tout le monde puisse bénéficier de cette attractivité retrouvée de la France.
Je vous le dis dans cet amphithéâtre chargé d'histoire, nous sommes une grande nation, nous sommes un grand peuple, et l'attractivité retrouvée de notre pays montre que l'histoire n'est jamais jouée d'avance, si nous sommes capables de tenir sur ce que nous voulons et tenir sur ce que nous sommes, nous serons, demain, la nation la plus attractive de tout le continent européen. Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 26 novembre 2018