Texte intégral
Madame, Monsieur,
Je termine une deuxième journée de rencontres avec vous, avec les Réunionnaises et les Réunionnais. Cette journée, comme la précédente, a été riche et intense.
Aujourd'hui, il n'a malheureusement pas été possible de rencontrer toutes celles et tous ceux qui voulaient me rencontrer. Je poursuivrai demain le dialogue.
Je mesure au fil de mes échanges le niveau d'exaspération des Réunionnais. Cette colère va déboucher sur quelque chose de nouveau. Je l'ai dit tout à l'heure, rien ne sera plus comme avant. Pour le meilleur, je le souhaite. Pour le pire, si nous ne savons pas ensemble et rapidement, faire revivre le territoire.
Il faut savoir sortir par le haut d'un mouvement social. Souvent, on cherche un vainqueur et un vaincu avant de sonner la trêve.
Je crois que le vainqueur il est là, ce sont les Réunionnais qui s'expriment et qui vont, demain, se construire un avenir nouveau.
Je le redis ici solennellement : il y a des comportements inacceptables. La sincérité des revendications ne colle pas avec la radicalisation de certains. Ceux que j'entends sont respectueux des institutions, des élus, des journalistes. Ils le sont aussi des forces de l'ordre qui sont engagées pour assurer la sécurité des Réunionnais et des Réunionnaises : elles utilisent la force avec mesure.
Mais une minorité souhaite le chaos, elle infiltre le débat et tente de le corrompre. Je le répète, on ne construit rien sur des cendres.
A la majorité des Réunionnais, je le dis : ne vous laissez pas voler cet élan citoyen, rendons vie à La Réunion.
Au fil de ces échanges, j'ai entendu une juste attente, une immense exigence, celle de la dignité.
La dignité implique que chacun trouve sa place.
En tant que citoyen, par la participation au débat public. En tant que consommateur, par un accès à des produits de qualité à un prix raisonnable. Je reviendrai demain sur ces questions essentielles.
La dignité, c'est d'abord vivre de son revenu.
Et je voudrais ici parler de ces salariés qui depuis deux semaines voient leurs entreprises fermées. J'ai entendu ces chefs d'entreprises, ces commerçants, ces artisans, tous ceux qui voient maintenant le rêve d'une vie menacé.
J'ai en tête ce chef d'une petite entreprise qui ne sait pas comment payer demain vendredi les salaires de ces employés.
J'ai rencontré ce matin des agriculteurs, qui sont aussi des entrepreneurs.
Je sais la situation des éleveurs qui sont obligés depuis plusieurs jours d'abattre une partie de leur cheptel. J'ai vu leur désarroi.
D'autres filières sont affectées au-delà de l'élevage : la canne à sucre, les fruits et légumes. Depuis lundi, l'Etat a mis en place un accompagnement spécifique pour aider les agriculteurs à surmonter leurs pertes, parfois très lourdes, causées par les blocages.
Grâce au comité d'accompagnement de l'économie installé par le préfet, toutes les entreprises réunionnaises peuvent bénéficier de plusieurs mesures d'urgence :
- Une procédure accélérée de traitement des demandes de chômage partiel. Ce soir, celles-ci sont encore plus nombreuses : 657 entreprises, pour 8 000 salariés ;
- Un étalement sur trois mois des échéances fiscales et sociales, entreprise par entreprise,
- des prêts de trésorerie accordés par les banques aux entrepreneurs avec une garantie publique apportée par la Banque publique d'investissement (BPI); la BPI pourra reporter certaines échéances de remboursement de prêt pour alléger la trésorerie des entreprises touchés par les évènements.
La dignité, c'est aussi l'emploi de tous. Dans le secteur privé d'abord. Sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, j'ai engagé une réforme majeure pour soutenir et dynamiser le tissu économique et gagner la bataille de l'emploi.
Les Réunionnais que j'ai rencontrés aujourd'hui ont poussé un cri unanime : nous ne voulons pas d'aides, nous voulons des emplois.
La réforme que je propose porte sur 2,6 milliards d'euros pour les économies des outre-mer. Elle a trois objectifs :
- zéro charges autour du SMIC pour faciliter les embauches. Nous avons voulu favoriser les secteurs de la production locale : l'industrie, l'agriculture, le tourisme, le BTP et l'environnement. Ce sont près de 40 millions d'euros de charges en moins dans ces secteurs pour La Réunion.
- soutenir la croissance des entreprises en diminuant les impôts grâce aux zones franches d'activité : l'imposition sur les sociétés sera deux fois plus faible qu'à l'île Maurice. Nous l'avons fait car nous croyons que La Réunion peut attirer des nouveaux investissements.
- soutenir l'investissement privé comme public : la défiscalisation industrielle est prolongée jusqu'en 2025. Et le budget des outre-mer permet de lancer une politique ambitieuse d'investissement public qui permettra de créer un véritable choc d'activité. La Réunion peut attendre près de 500 millions entre 2019-2022 pour relancer l'activité économique et créer concrètement des emplois si les collectivités sont au rendez-vous.
C'est cela la dignité ! Et les projets que nous financerons, ils ne seront pas décidés depuis Paris, ils le seront avec les Réunionnais, avec chacune des collectivités.
Ces projets, je propose aux maires de les choisir avec vous, d'associer les citoyens plus directement aux choix opérés. Car j'entends le besoin d'une démocratie plus participative.
L'avenir du territoire, c'est avant tout celui de ces 60 000 jeunes qui ne bénéficient ni d'un emploi, ni d'une formation, à qui nous devons répondre.
Nous savons tous que pour joindre les deux bouts, certains font des « petits boulots » comme je l'ai entendu ce matin à Saint-Pierre, cet après-midi à Saint-Benoît.
Et bien, à ceux-là je dis : faites-vous déclarer, cela ne coûtera pas plus au patron, et vous cotiserez pour votre retraite, pour votre couverture santé, pour l'assurance chômage.
Les Réunionnais sont attachés à la valeur travail. Nous la mettons au coeur de notre projet !
Cette réforme d'ampleur au bénéfice des entreprises, elle doit « changer la donne », je la porte et l'assume, mais pas sans contrepartie de leur part. Il doit y avoir des contreparties sur l'emploi, des contreparties sur les prix, des contreparties sur le dialogue social. C'est cela aussi la transparence.
J'aurai l'occasion, dès demain, de l'évoquer lors d'une rencontre avec les responsables du monde économique ; je l'ai fait aujourd'hui avec les agriculteurs et hier avec les syndicats.
La solidarité nationale qui s'exprime au travers de ces 1,9 milliard d'euros consacrés outre-mer à l'abaissement du coût du travail n'est pas un cadeau. C'est un engagement réciproque.
Déjà ce matin, le monde agricole s'est engagé à mes côtés à recruter et à former des jeunes, jusqu'à 200 par an et 50 immédiatement. Nous allons accompagner ces initiatives, car elles répondent à vos besoins.
Gagner la bataille de l'emploi à La Réunion est de la responsabilité de tous.
Il n'y a rien d'indigne à aider l'emploi. Mais je l'ai entendu : à conditions que les règles soient claires.
Muriel PENICAUD a annoncé que La Réunion conservera 11 000 contrats « parcours emploi compétence/PEC » au niveau de cette année. J'ai obtenu 500 contrats de plus pour des CDI dans les entreprises et 500 pour le secteur associatif qui devront être attribués avant la fin de l'année.
Avec le reliquat de 900 contrats à signer avant la fin de l'année, ce sont 1 900 emplois qui pourront être pourvus d'ici un mois si l'activité reprend au plus vite.
J'ai entendu que les Réunionnais voulaient de la transparence dans l'attribution de ces contrats. Eh bien, nous allons généraliser le passage par Pôle emploi pour la recherche de candidat. Ces contrats permettront d'entrer dans l'emploi et de développer des compétences.
La dignité, c'est aussi de disposer d'un logement décent : avec l'emploi et le pouvoir d'achat, c'est la préoccupation qui a été le plus souvent exprimée.
Dans ce domaine, j'ai trois priorités :
- répondre aux besoins immenses en matière de réhabilitation alors que 13 % du parc est insalubre ;
- mais la réponse n'est pas seulement dans le logement social. Il faut aussi développer le logement intermédiaire et encourager la diversification des parcours résidentiels ;
- favoriser l'accès à la propriété des occupants.
Comme l'ont évoqué hier plusieurs étudiants, nous allons pouvoir construire plus de logements étudiants à la Réunion grâce à l'augmentation des prêts locatifs sociaux ou l'extension aux bailleurs privés du crédit d'impôt en faveur du logement social, qui viennent d'être votées au Parlement.
Par ailleurs, le Gouvernement a rétabli temporairement et uniquement pour l'outre-mer, le dispositif d'allocation accession.
Cette mesure va bénéficier à plus de 350 familles à La Réunion qui avaient fait l'objet d'une décision de financement par l'Etat et qui restaient dans l'attente.
Le Conseil régional ayant souhaité intervenir en complément de nos engagements, nous sommes en mesure de répondre collectivement aux besoins des Réunionnais en matière d'accession à la propriété et de résorption de l'habitat insalubre.
Enfin, dès les prochaines semaines, je lancerai une Conférence logement pour donner un nouveau souffle au plan logement outre-mer :
Il nous faut construire plus de logements sociaux mais moins cher : un travail a été lancé pour assouplir les normes de construction et d'aménagement.
Il faut mieux cibler le logement social vers ceux qui en ont le plus besoin
Il faut reconquérir nos centres anciens, trop souvent délaissés : c'est ce que nous faisons avec le programme Action coeur de ville. Le Port, Saint-André, Saint-Joseph, Saint-Pierre bénéficient de cette mesure.
Mais l'Etat ne dispose pas de tous les leviers. Il n'a pas non plus vocation à penser l'avenir de la Réunion à la place du territoire et de ses habitants.
Il est à présent de la responsabilité des collectivités qui doivent être les moteurs de ce développement de s'engager aux côtés de l'Etat. Et je sais d'ores et déjà que les élus de La Réunion sont à mes côtés.
Ce combat pour la dignité nous ne le gagnerons pas tant que les blocages perdurent.
Les Réunionnaises et les Réunionnais souffrent dans leur quotidien. Ils attendent des réponses sur la question de la vie chère, sur laquelle je reviendrai demain. Les entreprises, les artisans, les travailleurs ont déjà dû faire face à près de deux semaines d'activité partielle.
Et j'appelle, encore une fois, chacune et chacun à la responsabilité car je le répète, on ne construit rien sur des cendres.
Je vous remercie.
Source http://www.reunion.gouv.fr, le 5 décembre 2018