Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs
C'est une joie d'être parmi vous en cette fin d'année à cette neuvième journée sur la douleur de l'enfant.
Vous savez que je suis très attaché à la lutte contre la douleur. En 1998, j'avais annoncé un plan triennal de lutte contre la douleur dont la philosophie pouvait se résumer ainsi : " La douleur n'est pas une fatalité, elle doit être au centre des préoccupations de tout professionnel de santé ". Il s'agit aujourd'hui de faire le bilan de ce premier plan et de vous annoncer les grandes lignes de mon nouveau programme d'actions axé sur 3 grandes priorités : la douleur provoquée, la douleur de l'enfant et la migraine. Il m'a donc semblé naturel de venir vous présenter ce nouveau plan dont une partie est consacrée à la douleur de l'enfant dans cette salle prestigieuse de l'UNESCO pour votre colloque annuel.
Tout d'abord, je voudrais souligner que nous disposons aujourd'hui d'une évaluation du plan triennal de lutte contre la douleur réalisé par la société française de santé publique qui nous permet de mesurer le chemin parcouru. Des progrès importants ont été accomplis ; la lutte contre la douleur a mobilisé ; la prise en charge de la douleur s'est améliorée.
Quel bilan ?
Les initiatives ont été nombreuses portées par les équipes des consultations, des unités ou des centres de lutte contre la douleur. Des dynamiques se sont enclenchées. Parmi les résultats principaux de cette évaluation réalisée par la société française de santé publique, j'ai noté des points forts et des carences.
Tout d'abord parmi les points forts, il faut souligner que :
des recommandations de bonnes pratiques cliniques et thérapeutiques labellisées par l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé sont maintenant disponibles ;
un effort de formation sans précédent a été réalisé puisque depuis 1996, 28 000 professionnels de santé ont été formés ;
la formation initiale des médecins a été renforcée. Un module " douleur et soins palliatifs " est dorénavant inscrit dans le deuxième cycle des études médicales ;
des structures de lutte contre la douleur ont été créés. Nous en avons identifiés 96 ;
l'accès aux antalgiques a été facilité. Le carnet à souche a été supprimé et les durées maximales de prescription allongées ;
l'utilisation des antalgiques progresse : + 8% par an pour les antalgiques de type 2 et pour les antalgiques de type 3 : +16% en 1999 et +20% en 2000 ;
5000 pompes et un million d'échelles visuelles analogiques ont été distribuées ;
de larges campagnes d'information auprès des malades ont été réalisées permettant de faire évoluer leurs demandes et leurs exigences.
Mais des progrès importants restent à accomplir en particulier :
dans le domaine de l'information du public : les structures de lutte contre la douleur sont encore mal connues ;
dans le domaine de la formation des professionnels de santé en particulier dans la formation pratique des médecins ; la prise de conscience de chaque médecin est encore loin d'être acquise. La dimension psychosociale ainsi que les méthodes non pharmacologiques sont insuffisamment prises en compte ;
et dans le domaine de la prise en charge de la douleur. Les délais d'attente pour un rendez-vous en consultation sont encore longs, trop longs. Les médicaments opioïdes sont encore trop souvent réservés aux situations de fin de vie. De nombreuses résistances sont encore soulignées pour la mise en uvre des protocoles infirmiers.
Je remercie la société française de santé publique et les auteurs de l'évaluation du plan 1998-2000 : mesdames Cécile Lothon, Anne Laurent-Bec et Pauline Marec d'avoir dégagé dans leur travail des priorités qui nous ont bien entendu servi à établir les axes du nouveau programme d'actions. Ce programme s'inscrit dans la continuité du plan précédent ; il prend en compte en particulier la douleur chronique rebelle (les lombalgies, les céphalées chroniques, les douleurs cancéreuses) mais il met l'accent sur trois catégories de douleur :
1- La douleur aiguë provoquée par les gestes, les explorations invasives, les soins. Ces douleurs quotidiennes sont pourtant faciles à anticiper et à traiter. Les réponses antalgiques sont plus faciles à standardiser et à " protocoliser ". Je pense, en particulier, à la douleur post-opératoire et à une meilleure utilisation de pompes à morphine et aussi à la douleur de l'enfant où la contention physique et le déni demeurent des réponses fréquentes. Cette axe me paraît très important car je pense que l'amélioration de la prise en charge de la douleur provoquée constitue un levier fort pour asseoir le changement de comportement des français et des soignants vis à vis de la douleur.
2- la douleur de l'enfant. Il s'agit hélas d'une triste réalité trop souvent banalisée. J'invite chacun à lire les deux vignettes cliniques très illustratives en annexe du plan décrivant une suture aux urgences pédiatriques. Dans un cas les conditions sont déplorables : l'enfant est contenu pendant une suture sans anesthésie dans l'autre cas, au contraire, la même suture se déroule très bien, l'enfant respirant un mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène. Nous disposons de moyens de prévention et de traitement - il faut les utiliser.
3- et enfin la migraine parce que c'est l'exemple typique de la pathologie douloureuse qui malgré sa fausse banalité est extrêmement invalidante. Les experts estiment que 12% à 15% de la population en souffre.
Ce nouveau programme de lutte contre la douleur est ambitieux. Il comporte cinq axes et de très nombreuses mesures. Avant de vous en présenter les grandes lignes je voudrais remercier le Dr Daniel Annequin, notre chef de projet douleur, Mme Danielle Cullet de la DHOS qui ont élaboré ce plan en collaboration avec la société d'étude et de traitement de la douleur et les collèges de professionnels de la douleur.
1er axe : Associer les usagers par une meilleure information
L'information des personnes malades et de leur entourage les informant des possibilités de prise en charge reste un axe majeur de ce nouveau plan. Le message de la campagne de communication 2000 " la douleur n'est pas une fatalité " est toujours d'actualité. Il a permis incontestablement de faire évoluer la demande et les exigences des personnes malades. Nous devrons encore renforcer cette information afin de favoriser le dialogue patients / soignants.
Deux mesures importantes méritent d'être soulignées :
* le contrat d'engagement douleur remplace le carnet douleur. Ce carnet qui contient des éléments d'information sur la douleur devient un aussi acte d'engagement de l'établissement hospitalier.
* une large campagne d'information sera développée en direction des enfants. La loi de financement de la sécurité sociale 2002 vient de rendre obligatoire des examens bucco-dentaires de prévention lors de la 6ème et de la 12ème année. Comme le passage chez le dentiste est très souvent associé à la notion de douleur, nous profiterons de ce nouveau contexte pour développer une information sur la douleur et les moyens de l'éviter et de la soulager.
2ème axe : Améliorer l'accès de la personne souffrant de douleurs chroniques rebelles à des structures spécialisées
La douleur chronique rebelle du fait de sa durée, de sa persistance malgré les traitements antalgiques usuels entraîne des séquelles invalidantes ayant des retentissements importants sur la qualité de vie des personnes. Je pense ici aux lombalgies, aux céphalées chroniques, aux douleurs cancéreuses
Une centaine de structures de lutte contre la douleur chronique rebelle ont été créées pour répondre aux besoins des personnes concernées. Il nous faut poursuivre votre effort car les délais d'attente pour les premières consultations sont encore longs ; la moitié des départements ne disposent d'aucune consultation douleur. C'est pourquoi dès 2002 :
nous créerons des consultations de prise en charge de la douleur en particulier dans les départements qui en sont dépourvus ;
nous renforcerons les structures de lutte contre la douleur sur la base d'une enquête de besoin qui sera réalisée début 2002 ;
35 MF sont consacrés à ces mesures.
Je souhaite qu'une attention toute particulière soit portée à la migraine. Elle ne doit pas être vécue comme une fatalité. Il nous faut sensibiliser tous les acteurs.
Deux documents simples et clairs seront élaborés :
* l'un destiné au grand public qui y trouvera des repères simples pour distinguer la maladie migraineuse et préciser les grandes tendances thérapeutiques ;
* l'autre destinée à l'ensemble des professionnels, ils y apprendront à mieux éviter les principaux pièges liés à cette pathologie ainsi que les démarches thérapeutiques efficaces ;
Le centre national de ressource dont je vous ferais part tout à l'heure devra promouvoir et diffuser des supports de formation interactifs avec auto évaluation et présentation de cas cliniques ;
Nous créerons un centre expérimental de référence sur la migraine de l'enfant à l'Hôpital d'enfants Armand Trousseau car cette pathologie touche 5 à 10 % des enfants.
Enfin, les ARH devront identifier les praticiens (libéraux ou hospitaliers et les structures qui peuvent et souhaitent prendre en charge les patients migraineux. Cette liste sera accessible au public.
Parallèlement, je souhaite que le travail engagé pour faciliter l'accès aux antalgiques majeurs soit poursuivi.
La généralisation des ordonnances sécurisées doit devenir une réalité dés 2002. La direction générale de la santé a mis en place un groupe de travail sur ce thème et doit me faire des propositions.
Par ailleurs, vous êtes nombreux à m'avoir fait part de la nécessaire simplification de la prescription et la dispensation des médicaments opioïdes à l'hôpital. La DHOS, en liaison avec l'AFSSAPS, qui réfléchit actuellement sur le circuit du médicament à l'hôpital étudiera ces questions et me fera part de ses conclusions.
3ème axe : Améliorer l'information et la formation de l'ensemble des professionnels de santé
La formation des professionnels de santé constitue un élément clé de la qualité des soins et ceci d'autant que les moyens de limiter la douleur existent. Je pense en particulier à la douleur provoquée, à la douleur au cours des soins quotidiens pour lesquels on peut significativement améliorer le confort du patient.
Nous poursuivrons le travail engagé de formation des professionnels de santé. Des documents ciblés sur des thèmes spécifiques jugés prioritaires seront élaborés. Mais surtout sera créé un centre national de ressource de la douleur.
Ce centre aura pour missions :
diffuser l'information par la création d'une médiathèque ouverte à tous et l'actualisation régulière du site internet du ministère de la santé ;
de faire connaître et valoriser les initiatives et les réalisations autour de l'amélioration de la douleur ;
d'apporter une aide logistique aux professionnels en charge de la douleur ;
de favoriser la recherche clinique sur la douleur au quotidien et les méthodes non pharmacologiques de prise en charge de la douleur.
Un budget de 3 MF en 2002 est consacré à l'ouverture de ce centre.
4ème axe : Amener les établissements de santé à s'engager dans une démarche d'amélioration de la qualité de la prise en charge de la douleur
Nous avons inscrit dans le code de la santé publique la prise en charge de la douleur comme une mission des établissements de santé. Pour autant il nous faut accompagner les établissements de santé pour la mise en uvre et le suivi d'une politique cohérente de lutte contre la douleur.
Ils auront bien sûr à leur disposition le centre national de ressource.
Ils disposeront, dès le 1er trimestre 2002, d'un guide méthodologique élaboré par la DHOS concernant l'organisation de la prise en charge pour aider les établissements dans leur démarche.
Nous nous attacherons à développer des nouveaux savoir-faire en pratique de ville. Il paraît nécessaire que les réseaux de santé appliqués en particulier aux soins palliatifs, au cancer et aux personnes âgées intègrent la dimension de la douleur tant cette problématique apparaît comme transversale.
Enfin, j'ai demandé à ce que le référentiel d'accréditation soit modifié afin que soit mieux identifiée la prise en charge de la douleur dans l'établissement lors de la visite d'accréditation. Ce point est important car il est susceptible d'inciter très fortement les établissements à s'engager dans une politique active de lutte contre la douleur.
5ème et dernier axe : Renforcer le rôle de l'infirmier, des infirmières dans la prise en charge de la douleur provoquée
Les infirmiers sont des acteurs clés de la lutte contre la douleur. Leur présence est constante auprès des patients. Sous certaines conditions, ils ont la possibilité de mettre en uvre un traitement antalgique.
Chacun reconnaît même leur savoir-faire lié à une formation initiale de qualité et à l'effort considérable qui a été fait en formation continue : 18 000 infirmiers ont bénéficié depuis 1996 d'une telle formation.
Dans de nombreuses situations, se posent la question de la responsabilité respective de l'infirmier et du médecin. C'est pourquoi, il m'est apparu important d'intégrer dans le futur décret de compétence des infirmiers qu'ils soient libéraux ou hospitaliers des éléments relatifs à la prise en charge de la douleur par les infirmiers. Ce décret qui devrait être publié dans les mois qui viennent précisera que tout infirmier :
évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre ;
est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques selon des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin ;
peut sur prescription médicale, injecter des médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à proximité d'un tronc ou plexus nerveux.
J'ai noté également avec beaucoup d'intérêt l'impact d'infirmier(e) référent(e) douleur sur la prise en charge de la douleur. Il ou elle a une activité transversale ; elle met en place concrètement les protocoles antalgiques ; elle participe à l'évaluation régulière des bonnes pratiques en matière de prise en charge de la douleur ; elle forme chaque jour ses collègues à mieux utiliser les pompes à morphine mais aussi à évaluer systématiquement les niveaux de douleur des patients.
Ces expériences seront élargies et je souhaite que soit créé en 2002, 125 postes d'infirmiers référents douleur. Il s'agit de donner les moyens humains pour accompagner les modifications de comportements dans les établissements de santé. Je ne doute pas que cet effort important va permettre d'accompagner au plus prêt du terrain la politique que je vous présente. 35 MF seront consacrés à ce renforcement.
Enfin, s'agissant de formation continue, l'Association Nationale de Formation Hospitalière intégrera à nouveau la douleur parmi ses thèmes prioritaires dès 2003.
Voilà mesdames, messieurs les grands axes de mon programme d'action de lutte contre la douleur 2002-2005. Il me reste à vous encourager dans vos travaux auxquels je serais particulièrement attentif. Nous avons incontestablement progressé dans la lutte contre la douleur. Il nous faut aujourd'hui poursuivre notre action et ne pas relâcher l'effort entrepris si l'on veut inscrire durablement dans notre culture la lutte contre la douleur. Les progrès des antalgiques ont bouleversé la prise en charge de la douleur ; elle est aujourd'hui inacceptable car, dans bon nombre de situations, elle peut être soulagée. Je souhaite pour ma part que sa prise en charge au sein des établissements de santé devienne un des indicateurs fort de la qualité des soins.
(Source http://www.santé.gouv.fr, le 27 décembre 2001)
Mesdames, Messieurs
C'est une joie d'être parmi vous en cette fin d'année à cette neuvième journée sur la douleur de l'enfant.
Vous savez que je suis très attaché à la lutte contre la douleur. En 1998, j'avais annoncé un plan triennal de lutte contre la douleur dont la philosophie pouvait se résumer ainsi : " La douleur n'est pas une fatalité, elle doit être au centre des préoccupations de tout professionnel de santé ". Il s'agit aujourd'hui de faire le bilan de ce premier plan et de vous annoncer les grandes lignes de mon nouveau programme d'actions axé sur 3 grandes priorités : la douleur provoquée, la douleur de l'enfant et la migraine. Il m'a donc semblé naturel de venir vous présenter ce nouveau plan dont une partie est consacrée à la douleur de l'enfant dans cette salle prestigieuse de l'UNESCO pour votre colloque annuel.
Tout d'abord, je voudrais souligner que nous disposons aujourd'hui d'une évaluation du plan triennal de lutte contre la douleur réalisé par la société française de santé publique qui nous permet de mesurer le chemin parcouru. Des progrès importants ont été accomplis ; la lutte contre la douleur a mobilisé ; la prise en charge de la douleur s'est améliorée.
Quel bilan ?
Les initiatives ont été nombreuses portées par les équipes des consultations, des unités ou des centres de lutte contre la douleur. Des dynamiques se sont enclenchées. Parmi les résultats principaux de cette évaluation réalisée par la société française de santé publique, j'ai noté des points forts et des carences.
Tout d'abord parmi les points forts, il faut souligner que :
des recommandations de bonnes pratiques cliniques et thérapeutiques labellisées par l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé sont maintenant disponibles ;
un effort de formation sans précédent a été réalisé puisque depuis 1996, 28 000 professionnels de santé ont été formés ;
la formation initiale des médecins a été renforcée. Un module " douleur et soins palliatifs " est dorénavant inscrit dans le deuxième cycle des études médicales ;
des structures de lutte contre la douleur ont été créés. Nous en avons identifiés 96 ;
l'accès aux antalgiques a été facilité. Le carnet à souche a été supprimé et les durées maximales de prescription allongées ;
l'utilisation des antalgiques progresse : + 8% par an pour les antalgiques de type 2 et pour les antalgiques de type 3 : +16% en 1999 et +20% en 2000 ;
5000 pompes et un million d'échelles visuelles analogiques ont été distribuées ;
de larges campagnes d'information auprès des malades ont été réalisées permettant de faire évoluer leurs demandes et leurs exigences.
Mais des progrès importants restent à accomplir en particulier :
dans le domaine de l'information du public : les structures de lutte contre la douleur sont encore mal connues ;
dans le domaine de la formation des professionnels de santé en particulier dans la formation pratique des médecins ; la prise de conscience de chaque médecin est encore loin d'être acquise. La dimension psychosociale ainsi que les méthodes non pharmacologiques sont insuffisamment prises en compte ;
et dans le domaine de la prise en charge de la douleur. Les délais d'attente pour un rendez-vous en consultation sont encore longs, trop longs. Les médicaments opioïdes sont encore trop souvent réservés aux situations de fin de vie. De nombreuses résistances sont encore soulignées pour la mise en uvre des protocoles infirmiers.
Je remercie la société française de santé publique et les auteurs de l'évaluation du plan 1998-2000 : mesdames Cécile Lothon, Anne Laurent-Bec et Pauline Marec d'avoir dégagé dans leur travail des priorités qui nous ont bien entendu servi à établir les axes du nouveau programme d'actions. Ce programme s'inscrit dans la continuité du plan précédent ; il prend en compte en particulier la douleur chronique rebelle (les lombalgies, les céphalées chroniques, les douleurs cancéreuses) mais il met l'accent sur trois catégories de douleur :
1- La douleur aiguë provoquée par les gestes, les explorations invasives, les soins. Ces douleurs quotidiennes sont pourtant faciles à anticiper et à traiter. Les réponses antalgiques sont plus faciles à standardiser et à " protocoliser ". Je pense, en particulier, à la douleur post-opératoire et à une meilleure utilisation de pompes à morphine et aussi à la douleur de l'enfant où la contention physique et le déni demeurent des réponses fréquentes. Cette axe me paraît très important car je pense que l'amélioration de la prise en charge de la douleur provoquée constitue un levier fort pour asseoir le changement de comportement des français et des soignants vis à vis de la douleur.
2- la douleur de l'enfant. Il s'agit hélas d'une triste réalité trop souvent banalisée. J'invite chacun à lire les deux vignettes cliniques très illustratives en annexe du plan décrivant une suture aux urgences pédiatriques. Dans un cas les conditions sont déplorables : l'enfant est contenu pendant une suture sans anesthésie dans l'autre cas, au contraire, la même suture se déroule très bien, l'enfant respirant un mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène. Nous disposons de moyens de prévention et de traitement - il faut les utiliser.
3- et enfin la migraine parce que c'est l'exemple typique de la pathologie douloureuse qui malgré sa fausse banalité est extrêmement invalidante. Les experts estiment que 12% à 15% de la population en souffre.
Ce nouveau programme de lutte contre la douleur est ambitieux. Il comporte cinq axes et de très nombreuses mesures. Avant de vous en présenter les grandes lignes je voudrais remercier le Dr Daniel Annequin, notre chef de projet douleur, Mme Danielle Cullet de la DHOS qui ont élaboré ce plan en collaboration avec la société d'étude et de traitement de la douleur et les collèges de professionnels de la douleur.
1er axe : Associer les usagers par une meilleure information
L'information des personnes malades et de leur entourage les informant des possibilités de prise en charge reste un axe majeur de ce nouveau plan. Le message de la campagne de communication 2000 " la douleur n'est pas une fatalité " est toujours d'actualité. Il a permis incontestablement de faire évoluer la demande et les exigences des personnes malades. Nous devrons encore renforcer cette information afin de favoriser le dialogue patients / soignants.
Deux mesures importantes méritent d'être soulignées :
* le contrat d'engagement douleur remplace le carnet douleur. Ce carnet qui contient des éléments d'information sur la douleur devient un aussi acte d'engagement de l'établissement hospitalier.
* une large campagne d'information sera développée en direction des enfants. La loi de financement de la sécurité sociale 2002 vient de rendre obligatoire des examens bucco-dentaires de prévention lors de la 6ème et de la 12ème année. Comme le passage chez le dentiste est très souvent associé à la notion de douleur, nous profiterons de ce nouveau contexte pour développer une information sur la douleur et les moyens de l'éviter et de la soulager.
2ème axe : Améliorer l'accès de la personne souffrant de douleurs chroniques rebelles à des structures spécialisées
La douleur chronique rebelle du fait de sa durée, de sa persistance malgré les traitements antalgiques usuels entraîne des séquelles invalidantes ayant des retentissements importants sur la qualité de vie des personnes. Je pense ici aux lombalgies, aux céphalées chroniques, aux douleurs cancéreuses
Une centaine de structures de lutte contre la douleur chronique rebelle ont été créées pour répondre aux besoins des personnes concernées. Il nous faut poursuivre votre effort car les délais d'attente pour les premières consultations sont encore longs ; la moitié des départements ne disposent d'aucune consultation douleur. C'est pourquoi dès 2002 :
nous créerons des consultations de prise en charge de la douleur en particulier dans les départements qui en sont dépourvus ;
nous renforcerons les structures de lutte contre la douleur sur la base d'une enquête de besoin qui sera réalisée début 2002 ;
35 MF sont consacrés à ces mesures.
Je souhaite qu'une attention toute particulière soit portée à la migraine. Elle ne doit pas être vécue comme une fatalité. Il nous faut sensibiliser tous les acteurs.
Deux documents simples et clairs seront élaborés :
* l'un destiné au grand public qui y trouvera des repères simples pour distinguer la maladie migraineuse et préciser les grandes tendances thérapeutiques ;
* l'autre destinée à l'ensemble des professionnels, ils y apprendront à mieux éviter les principaux pièges liés à cette pathologie ainsi que les démarches thérapeutiques efficaces ;
Le centre national de ressource dont je vous ferais part tout à l'heure devra promouvoir et diffuser des supports de formation interactifs avec auto évaluation et présentation de cas cliniques ;
Nous créerons un centre expérimental de référence sur la migraine de l'enfant à l'Hôpital d'enfants Armand Trousseau car cette pathologie touche 5 à 10 % des enfants.
Enfin, les ARH devront identifier les praticiens (libéraux ou hospitaliers et les structures qui peuvent et souhaitent prendre en charge les patients migraineux. Cette liste sera accessible au public.
Parallèlement, je souhaite que le travail engagé pour faciliter l'accès aux antalgiques majeurs soit poursuivi.
La généralisation des ordonnances sécurisées doit devenir une réalité dés 2002. La direction générale de la santé a mis en place un groupe de travail sur ce thème et doit me faire des propositions.
Par ailleurs, vous êtes nombreux à m'avoir fait part de la nécessaire simplification de la prescription et la dispensation des médicaments opioïdes à l'hôpital. La DHOS, en liaison avec l'AFSSAPS, qui réfléchit actuellement sur le circuit du médicament à l'hôpital étudiera ces questions et me fera part de ses conclusions.
3ème axe : Améliorer l'information et la formation de l'ensemble des professionnels de santé
La formation des professionnels de santé constitue un élément clé de la qualité des soins et ceci d'autant que les moyens de limiter la douleur existent. Je pense en particulier à la douleur provoquée, à la douleur au cours des soins quotidiens pour lesquels on peut significativement améliorer le confort du patient.
Nous poursuivrons le travail engagé de formation des professionnels de santé. Des documents ciblés sur des thèmes spécifiques jugés prioritaires seront élaborés. Mais surtout sera créé un centre national de ressource de la douleur.
Ce centre aura pour missions :
diffuser l'information par la création d'une médiathèque ouverte à tous et l'actualisation régulière du site internet du ministère de la santé ;
de faire connaître et valoriser les initiatives et les réalisations autour de l'amélioration de la douleur ;
d'apporter une aide logistique aux professionnels en charge de la douleur ;
de favoriser la recherche clinique sur la douleur au quotidien et les méthodes non pharmacologiques de prise en charge de la douleur.
Un budget de 3 MF en 2002 est consacré à l'ouverture de ce centre.
4ème axe : Amener les établissements de santé à s'engager dans une démarche d'amélioration de la qualité de la prise en charge de la douleur
Nous avons inscrit dans le code de la santé publique la prise en charge de la douleur comme une mission des établissements de santé. Pour autant il nous faut accompagner les établissements de santé pour la mise en uvre et le suivi d'une politique cohérente de lutte contre la douleur.
Ils auront bien sûr à leur disposition le centre national de ressource.
Ils disposeront, dès le 1er trimestre 2002, d'un guide méthodologique élaboré par la DHOS concernant l'organisation de la prise en charge pour aider les établissements dans leur démarche.
Nous nous attacherons à développer des nouveaux savoir-faire en pratique de ville. Il paraît nécessaire que les réseaux de santé appliqués en particulier aux soins palliatifs, au cancer et aux personnes âgées intègrent la dimension de la douleur tant cette problématique apparaît comme transversale.
Enfin, j'ai demandé à ce que le référentiel d'accréditation soit modifié afin que soit mieux identifiée la prise en charge de la douleur dans l'établissement lors de la visite d'accréditation. Ce point est important car il est susceptible d'inciter très fortement les établissements à s'engager dans une politique active de lutte contre la douleur.
5ème et dernier axe : Renforcer le rôle de l'infirmier, des infirmières dans la prise en charge de la douleur provoquée
Les infirmiers sont des acteurs clés de la lutte contre la douleur. Leur présence est constante auprès des patients. Sous certaines conditions, ils ont la possibilité de mettre en uvre un traitement antalgique.
Chacun reconnaît même leur savoir-faire lié à une formation initiale de qualité et à l'effort considérable qui a été fait en formation continue : 18 000 infirmiers ont bénéficié depuis 1996 d'une telle formation.
Dans de nombreuses situations, se posent la question de la responsabilité respective de l'infirmier et du médecin. C'est pourquoi, il m'est apparu important d'intégrer dans le futur décret de compétence des infirmiers qu'ils soient libéraux ou hospitaliers des éléments relatifs à la prise en charge de la douleur par les infirmiers. Ce décret qui devrait être publié dans les mois qui viennent précisera que tout infirmier :
évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre ;
est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques selon des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin ;
peut sur prescription médicale, injecter des médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à proximité d'un tronc ou plexus nerveux.
J'ai noté également avec beaucoup d'intérêt l'impact d'infirmier(e) référent(e) douleur sur la prise en charge de la douleur. Il ou elle a une activité transversale ; elle met en place concrètement les protocoles antalgiques ; elle participe à l'évaluation régulière des bonnes pratiques en matière de prise en charge de la douleur ; elle forme chaque jour ses collègues à mieux utiliser les pompes à morphine mais aussi à évaluer systématiquement les niveaux de douleur des patients.
Ces expériences seront élargies et je souhaite que soit créé en 2002, 125 postes d'infirmiers référents douleur. Il s'agit de donner les moyens humains pour accompagner les modifications de comportements dans les établissements de santé. Je ne doute pas que cet effort important va permettre d'accompagner au plus prêt du terrain la politique que je vous présente. 35 MF seront consacrés à ce renforcement.
Enfin, s'agissant de formation continue, l'Association Nationale de Formation Hospitalière intégrera à nouveau la douleur parmi ses thèmes prioritaires dès 2003.
Voilà mesdames, messieurs les grands axes de mon programme d'action de lutte contre la douleur 2002-2005. Il me reste à vous encourager dans vos travaux auxquels je serais particulièrement attentif. Nous avons incontestablement progressé dans la lutte contre la douleur. Il nous faut aujourd'hui poursuivre notre action et ne pas relâcher l'effort entrepris si l'on veut inscrire durablement dans notre culture la lutte contre la douleur. Les progrès des antalgiques ont bouleversé la prise en charge de la douleur ; elle est aujourd'hui inacceptable car, dans bon nombre de situations, elle peut être soulagée. Je souhaite pour ma part que sa prise en charge au sein des établissements de santé devienne un des indicateurs fort de la qualité des soins.
(Source http://www.santé.gouv.fr, le 27 décembre 2001)