Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Léa SALAME, votre invité ce matin est secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse.
LEA SALAME
Bonjour à vous Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
LEA SALAME
Et merci d'être avec nous ce matin. On reparle beaucoup de la suppression de l'ISF en ce moment avec les Gilets jaunes, mais ce qu'on apprend, c'est que les dons aux associations sont en forte baisse. Pour faire clair : quand les plus riches payaient l'ISF, ils donnaient beaucoup aux associations pour bénéficier de déductions d'impôts, maintenant qu'il n'y a plus d'ISF, eh bien ils paient moins. - 7 % de baisse de dons au premier semestre 2018. Est-ce que vous aviez prévu ce dommage collatéral de la suppression partielle de l'ISF ?
GABRIEL ATTAL
Il y a un certain nombre de grandes associations qui avaient effectivement lancé à la fin du premier semestre un cri d'alarme sur une baisse de dons enregistrée, qu'elles qu'imputaient à la suppression de l'ISF. Il faut être prudent face à ça, parce qu'une partie des dons se fait aussi via les déductions sur l'impôt sur le revenu. Et d'ailleurs les 3/4 des personnes qui donnaient en défiscalisant sur l'ISF, défiscalisaient aussi au titre de l'impôt sur le revenu. Donc il y a sans doute un effet report sur l'impôt sur le revenu et on pourra le mesurer à la fin de l'année. Je veux rappeler que l'an dernier
LEA SALAME
Je vous donne la parole mais je vous cite juste le président de France générosités, qui regroupe 97 associations, lui affirme que la suppression de l'ISF a fait baisser de 50 % les dons aux associations. Est-ce que vous confirmez ce chiffre ?
GABRIEL ATTAL
Alors, encore une fois, tout ça, ça se constate en fin d'année parce qu'encore une fois il y a des personnes qui donnent et qui défiscalisent de leur impôt sur le revenu. Moi je me souviens que l'an dernier il y avait déjà eu une alerte sur une baisse de dons qui était anticipée ou qui était identifiée sur l'année 2017, et qu'est-ce qu'on a appris il y a deux, trois jours, c'est que les dons avaient augmenté, augmenté de 4 % sur l'année 2017. Donc encore une fois il faut être prudent. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut inciter à donner, il faut inciter ceux qui ont les moyens et il y a beaucoup de Français généreux, même des Français qui n'ont pas forcément de grands moyens, qui donnent à des associations, et il faut inciter à le faire et il faut valoriser ce don et cette philanthropie.
LEA SALAME
Alors, justement, comment faire ? Vous allez nous le dire ce matin, puisque cette baisse de dons vient s'ajouter aux coupes budgétaires de la politique de la ville, au gel des emplois aidés, bref les associations en général disent être prises à la gorge et passer plus de temps à faire la chasse aux subventions plutôt qu'à être sur le terrain. Qu'est-ce que vous leur répondez ce matin, quel est le plan du gouvernement pour les associations, puisque vous venez pour ça se matin ?
GABRIEL ATTAL
Alors, ce matin je vais annoncer une feuille de route pour les associations. D'abord je pense qu'il faut faire un constat, c'est qu'on a besoin des associations, parce qu'elles permettent une société plus solidaire, une économie plus humaine, parce qu'elles sont une école de la démocratie pour beaucoup de Français, notamment de jeunes Français. Deuxième constat, c'est qu'on n'a jamais eu en France autant de créations d'associations et autant de nouveaux bénévoles, on est passé en un an de 20 à 22 millions de bénévoles, ce qui est extrêmement positif et ce qui montre qu'il y a des Français qui s'engagent. Ce qu'il faut c'est soutenir les associations, à plusieurs titres. D'abord il faut les soutenir en leur permettant de se regrouper et de mutualiser un certain nombre de ressources, de services, pour qu'elles puissent grandir. Quand vous êtes une petite association aujourd'hui, vous n'avez pas forcément les moyens de recruter un salarié pour gérer des formalités administratives, faire de la recherche de subventions, gérer la gestion de projets.
LEA SALAME
Donc, vous proposez quoi ?
GABRIEL ATTAL
Concrètement, on va mettre en place dans les territoires des appels à projets pour des associations qui décideront de se regrouper. On va leur flécher une subvention d'amorçage, pour leur permettre de démarrer le regroupement, et un poste FONJEP.
LEA SALAME
Combien ?
GABRIEL ATTAL
Il y a une enveloppe qui est chiffrée à près de 4 millions d'euros au niveau national pour les subventions. Et un poste FONJEP. Un poste FONJEP c'est quoi ? C'est un poste qui est aidé à hauteur de 7 000 par an pendant 3 ans et donc ces postes seront fléchés et ciblés sur ces regroupements d'associations, on va entrer 1 000 supplémentaires par an dans les 4 années qui viennent. Ça fait 4 000 postes en plus. Ensuite, ce qu'on va faire c'est simplifier les démarches. Vous disiez, les associations disent : on perd beaucoup de temps à faire de la recherche de subventions. C'est vrai. Il faut dématérialiser encore un certain nombre de procédures et surtout rassembler cette dématérialisation sur un portail numérique unique le Compte Asso, qu'on va développer dans les mois qui viennent, pour les associations, et simplifier aussi des démarches. J'entendais tout à l'heure Dominique SEUX parler du prélèvement à la source, très concrètement j'annonce aujourd'hui que les associations qui souscrivent au Chèque emploi association, verront la gestion du prélèvement à la source de leurs salariés intégralement prise en charge par les URSSAF. Donc c'est une simplification administrative aussi. Ce que je veux quand même indiquer aussi
LEA SALAME
Si je retiens, c'est 4 millions, le chiffre que vous allez donner, en plus
GABRIEL ATTAL
Je donne un autre chiffre, parce que c'est important d'insister là-dessus
LEA SALAME
Allez-y.
GABRIEL ATTAL
Au 1er janvier, avec les baisses de cotisations patronales, les associations qui salarient vont récupérer 1,4 milliard d'euros de trésorerie. C'est inédit en termes de soutien financier aux associations dans l'histoire, c'est-à-dire qu'avant
LEA SALAME
Je ne comprends pas bien, expliquez-nous, en quoi ils vont gagner un milliard, un peu plus d'un milliard ?
GABRIEL ATTAL
On transforme le CICE en baisses de charges, en baisse de cotisations, et donc les associations vont en bénéficier. Elles ne bénéficiaient pas du CICE avant, comme les entreprises. Donc concrètement, ça veut dire 1,4 milliard 400 d'euros pour les associations qui salarient, encore une fois on ne parle pas des associations dans lesquelles il n'y a que des bénévoles. Pour celles qui salarient, c'est 1,4 milliard d'euros de plus en trésorerie, ce qui est un montant extrêmement important.
LEA SALAME
Il y a une culture américaine, pour les grandes fortunes, pour les grosses fortunes, Bill GATES, Warren BUFFETT disent : je donne une petite partie de ma fortune à mes enfants, et le reste, le plus gros, va aux fondations et aux associations. C'est pas du tout notre culture en France, nous on a une culture de l'héritage. Comment vous allez faire pour pousser les grandes fortunes qui ont bénéficié de l'ISF, soyons clairs, pour donner davantage aux associations ?
GABRIEL ATTAL
Je rejoins totalement votre constat, c'est vrai que ce que l'on appelle le « Giving Pledge », qui a été annoncé par des grandes fortunes aux Etats-Unis, aujourd'hui ce n'est pas possible en France, en raison du droit successoral qui fait que l'essentiel de l'héritage va aux héritiers. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on puisse regarder comment on peut faire évoluer ce droit-là. On va lancer une mission
LEA SALAME
Il faut une loi ?
GABRIEL ATTAL
Par définition il faudra changer la loi. On va lancer une mission, ça concerne aussi mes collègues Nicole BELLOUBET et Gérald DARMANIN, donc ce n'est pas moi qui décide tout seul, mais moi je considère qu'on pourrait faire en sorte de permettre à des grandes fortunes qui le souhaitent, de donner l'essentiel de leur fortune à des oeuvres, plutôt qu'à leurs héritiers directs, même si
LEA SALAME
Pourquoi vous ne changez pas les droits de succession ? Christophe CASTANER en avait parlé à l'époque, il était patron de la République en Marche, Emmanuel MACRON avait exclu la chose. Si vous voulez corriger les inégalités, est-ce qu'il ne faut pas tout simplement toucher aux droits de succession ?
GABRIEL ATTAL
Il y a une trajectoire fiscale qui a été annoncée dans le cadre de la campagne présidentielle, qui concerne toute la fiscalité, tous les impôts, on en parle beaucoup en ce moment avec la question de la taxe carbone, il s'agit d'appliquer cette trajectoire-là qui a été fixée. On peut toujours avoir des réflexions sur les prochains quinquennats, en l'occurrence là il s'agit de donner des libertés à ceux qui le souhaitent pour qu'ils donnent davantage. Ce que je veux
LEA SALAME
Pourquoi vous ne changez pas les droits de succession ? Vous ne répondez pas à ma question.
GABRIEL ATTAL
Eh bien les droits de succession ont été changés il y a quelques, années la frange principale est passé de 40 à 45 %, ils existent aujourd'hui. Moi je ne considère pas, par ailleurs ce n'est pas mon job, je ne suis pas ministre des Finances, je ne considère pas qu'il faille qu'il y a une évolution à court terme. Ce que je veux indiquer aussi quand on parle de culture de la philanthropie, c'est qu'on a aujourd'hui un vrai sujet avec la question du mécénat des PME-TPE.
LEA SALAME
Ah oui voilà, alors là il y a un rapport de la Cour des comptes, assez édifiant, qui montre que les mécénats d'entreprise, donc ce que les entreprises donnent aux associations, eh bien elles bénéficient d'abattement fiscal, la plupart, la grande partie des abattements fiscaux vont à 24 entreprises qui sont les entreprises les plus riches et pas aux TPE-PME. Comment c'est possible ? Comment vous corrigez cette déviance ?
GABRIEL ATTAL
Mais parce qu'on a des plafonds qui font qu'on favorise les dons et le mécénat des grandes entreprises, et pas celui des PME-TPE. Très concrètement, quand vous êtes une entreprise et que vous voulez déduire fiscalement des dons de mécénat que vous faites, vous pouvez le faire dans la limite de 5 pour 1 000 de votre chiffre d'affaires. Donc si vous êtes une PME qui a 100 000 de chiffre d'affaires, ça veut dire que pouvez déduire chaque année 500 de fiscalité pour le mécénat. On voit que ce n'est pas très adapté. Donc très concrètement j'annonce aussi aujourd'hui qu'on va changer ça et que pour les PME-TPE ça se calculera avec un plafond de 10 000 déductibles chaque année. Gabriel ATTAL, Emmanuel MACRON a parlé, Edouard PHILIPPE a parlé, mais rien n'y fait, chaque jour qui passe le soutien grandit pour les Gilets jaunes, 84 % des Français les soutiennent ce matin, selon un dernier sondage, c'est 7 points de plus que la semaine dernière. Pourquoi vous n'arrivez pas à reprendre la main, à expliquer votre politique, à convaincre ?
GABRIEL ATTAL
On voit bien qu'il y a un malaise qui est exprimé par des Gilets jaunes, par des personnes qui ne se reconnaissent pas forcément dans les Gilets jaunes, mais en tout cas qui expriment aussi un malaise sur une variété de sujets. Il y a la question du pouvoir d'achat, il y a la question de la présence des services publics dans la ruralité, il y a la question de la mobilité. Et c'est vrai que ce malaise-là il s'exprime de manière forte depuis maintenant quelques semaines.
LEA SALAME
Irrationnel ?
GABRIEL ATTAL
Non, je ne dirais pas ça, moi je ne me permets pas de donner des leçons à des personnes qui ont du mal à boucler leurs fins de mois au 15 du mois.
LEA SALAME
Mais comment vous allez continuer à réformer, comment même juste continuer à gouverner, quand toute parole qui vient de l'exécutif est rejetée immédiatement depuis quelques semaines ?
GABRIEL ATTAL
D'abord je ne ressens pas ça, que toute parole de l'exécutif est rejetée, pour continuer à gouverner, il y a des lois qui sont votées à l'Assemblée nationale, il y a des projets qui sont portés, je suis bien placé pour le savoir, puisque j'annonce ce matin une feuille de route sur la vie associative qui est importante. Il y a un changement de méthode qui a été annoncé, avec cette volonté d'avoir des débats territoriaux, associant l'ensemble des corps intermédiaires, les associations, les syndicats, les élus, et des représentants des Gilets jaunes s'ils le souhaitent, pour discuter, parce qu'on voit bien qu'il y a aussi des sujets qui relèvent de la vie quotidienne et du local. Je veux dire, il y a des Français qui disent, moi quand je les écoute, quand je lis sur les réseaux sociaux, qui disent : je paie des impôts, j'ai une fiscalité, très concrètement comment est-ce que ça change ma manière de me déplacer sur mon territoire ? On va mettre 13 milliards d'euros pour transformer les transports du quotidien, les Français ils ont envie de savoir comment concrètement ça va changer leur quotidien.
LEA SALAME
Allez, deux petites questions pour terminer, mais en 10 secondes. La première : est-ce que vous regrettez « gréviculture », ce mot-là que vous aviez prononcé, à ce micro-là, en pleine réforme de la SNCF, vous aviez parlé de gréviculture, est-ce que vous regrettez ce mot ?
GABRIEL ATTAL
Ce que j'avais dénoncé à l'époque, je l'avais dit clairement, c'est que des personnes, en l'occurrence des syndicats, annoncent une grève avant même que le plan du gouvernement ait été présenté
LEA SALAME
Gréviculture.
GABRIEL ATTAL
C'est ça que j'avais ciblé. Donc je ne regrette pas d'avoir ciblé cette attitude-là, mais j'avais dit aussi que je respecte le droit de grève, que c'est un droit constitutionnel, qui a permis des avancées sociales majeures.
LEA SALAME
Allez, dernière, la question rituelle de la semaine : et vous Gabriel ATTAL, comme citoyen, qu'est-ce que vous faites pour la planète ?
GABRIEL ATTAL
Comme citoyen individuel ?
LEA SALAME
Oui, c'est notre question toute la semaine.
GABRIEL ATTAL
D'accord. Eh bien je trie mes déchets, même si bon je n'ai pas beaucoup de temps chez moi où je consomme... je n'ai pas beaucoup de temps. Et si, j'ai mis des multiprises sur tous les appareils électroniques, comme ça je peux éteindre les appareils plutôt que de les mettre en veille. Une télé, je crois, en veille, ça consomme autant qu'une lampe allumée toute l'année.
LEA SALAME
Allez, fini. Gabriel ATTAL était notre invité. Merci à vous, belle journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 novembre 2018