Entretiens de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, avec des radios françaises et "France 2", le 10 décembre 2001, sur la déclaration des Quinze de l'Union européenne relative à la situation au Proche-Orient.

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Circonstance : Réunion du Conseil Affaires Générales de l'Union européenne, à Bruxelles, le 10 décembre 2001

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

ENTRETIEN DE M. VEDRINE AVEC DES RADIOS FRANCAISE
Le 10-12-2001
Q. - Monsieur le Ministre, vous paraissez très satisfait de la déclaration des Quinze aujourd'hui sur le Proche-Orient. Qu'est-ce qui fait qu'il y a une véritable avancée, selon vous ?
R - Je trouve important que dans une circonstance aussi grave, les Quinze soient capables de se mettre d'accord, de s'exprimer avec force sur le Proche Orient, sans langue de bois. En étant certes très exigeants, mais exigeants pour des raisons justifiées, aussi bien par rapport à l'Autorité palestinienne qu'en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, que vis-à-vis du gouvernement israélien à qui on demande le retrait de ses forces militaires, l'arrêt des exécutions extra judiciaires, la levée des bouclages et de toutes les restrictions infligées au peuple palestinien, le gel des implantations. Cela forme un tout. Et ce qui est important, c'est que les Quinze ont remis cette question du Proche-Orient dans son contexte global. Lutte contre le terrorisme, oui, mais c'est inséparable de la recherche vraie, sincère, active d'une solution politique.
Q - Pour les Palestiniens, vous demandez quand même beaucoup : le démantèlement du Jihad et du Hamas.
R - On demande beaucoup aux uns et aux autres, mais je vous ferais remarquer que le Jihad et le Hamas combattent l'Autorité palestinienne autant qu'ils combattent les Israéliens. Même Colin Powell a relevé ce fait, hier. Je ne pense pas qu'ils aient besoin, eux, autorités palestiniennes d'être convaincus que ce sont leurs adversaires. Ils le savent mieux que nous. Ils ont besoin que nous les aidions à reconstituer un contexte politique et psychologique, même dans la population palestinienne, qui justifie cette énergie et cette sévérité. Et c'est pour cela que l'Europe dit des choses claires et nettes sur ce processus politique.
Q - La déclaration est équilibrée, selon vous ?
R - Ce n'est pas une question d'équilibre, c'est une question de justesse. Je pense qu'elle est juste par rapport aux uns et aux autres et que nous disons ce qui doit être dit aujourd'hui dans ce moment d'extrême gravité.
Q - Quelles sont les chances des Quinze d'être entendus ?
R - Elles sont au moins aussi grandes que celles de tous les autres dans le monde qui s'expriment à ce sujet et peut-être plus grandes, parce que justement nous sommes plus nets, nous disons des choses plus vraies. Je pense que nous approchons de plus près les véritables ressorts du blocage.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2001)
ENTRETIEN DE M. VEDRINE AVEC "FRANCE 2"
Le 10-12-2001
Q - Monsieur le Ministre, dans une déclaration assez ferme, semble-t-il, l'Europe semble vouloir être très exigeante vis-à-vis des Israéliens et des Palestiniens. C'est la première fois, quelles retombées attendez-vous ?
R - Je crois que c'est la première fois que les Quinze sont aussi nets, et en effet, aussi exigeants par rapport à l'Autorité palestinienne, ce qui montre bien que pour nous, et c'est évident, elle demeure l'interlocuteur nécessaire des Israéliens, aussi bien pour la sécurité que pour le processus politique, que vis-à-vis du gouvernement israélien. Nous leur demandons aux uns et autres des choses difficiles, mais nous avons voulu replacer cette lutte indispensable contre le terrorisme dans un cadre politique sans lequel nous pensons que cette lutte ne donnera pas les résultats que nous en attendons.
Q - On peut rappeler peut-être les doubles exigences, côté palestinien, côté israélien.
R - L'exigence par rapport aux Palestiniens consiste à tout faire pour lutter contre les réseaux du Hamas et du Jihad et de tout faire pour prévenir les actes de violence et de terrorisme. L'exigence du côté israélien, c'est de leur demander de mettre fin aux conditions insupportables dans lesquelles vivent les populations palestiniennes, de geler les implantations et d'accepter de relancer un processus politique. L'approche européenne forme un tout.
Q - Vous avez rencontré ce matin Nabil Chaath et Shimon Peres. Sont-ils prêts à jouer le jeu ?
R - Ils sont venus ici pour plaider, chacun en ce qui le concerne par rapport à l'Europe. Mais en invitant Nabil Chaath, qui est le ministre des Affaires extérieures de l'Autorité palestinienne, l'Europe montre que l'Autorité palestinienne est l'interlocuteur reconnu, en invitant Shimon Peres, je crois que nous voulons lui dire notre estime et le soutien que nous apportons à la lutte politique qu'il mène pour que du côté israélien aussi, on comprenne que la lutte contre le terrorisme qui est indispensable, doit se réinsérer maintenant dans une approche politique plus vaste.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2001)