Texte intégral
Bonjour à tous, Noël MAMERE bonjour
NM : Bonjour
Candidat des Verts à l'Elysée, vous êtes, si ma mémoire est bonne, le premier candidat à l'élection présidentielle à venir en Martinique. D'autres bien sûr suivront, on parle de M. CHEVENEMENT notamment et d'autres certainement encore.
Quelle importance accordez-vous à ce déplacement ici, aux Antilles et de savoir que vous êtes le premier ?
NM : Je suis très honoré d'être le premier des candidats à l'élection présidentielle à avoir choisi la Martinique pour première étape de mon périple de campagne et c'est vrai que pour les Verts, c'est quelque chose de très important. La Martinique, les Antilles font partie d'une République qui doit être ouverte, plurielle, acceptant ses différences et ses identités, et je crois beaucoup, moi, aux particularismes qui ne sont pas une manière de se regarder le nombril et de se replier sur soi mais de s'affirmer contre le rouleau compresseur de la mondialisation dont on voit les effets dévastateurs en Martinique. Depuis ce matin, sept heures, je n'arrête pas d'être sur le terrain, je suis un homme de terrain, je suis maire d'une commune en Métropole depuis treize ans maintenant ; j'ai été
Bègles
NM : Tout-à-fait. Accompagné de Garcin MALSAT et de quelques autres amis j'ai pu voir la réalité des inégalités en matière de partage de terres par exemple, en matière d'habitat. J'ai pu voir la dévastation à laquelle se livrent les grands producteurs de bananes qui sont en train de complètement empoisonnés à la fois les eaux, les rivières qui sont très nombreuses en Martinique, beaucoup plus qu'ailleurs, il y en a plus de soixante-dix, et qui sont en train aussi de nous empoisonner de vous empoisonner puisque non seulement l'épandage se fait à l'air libre mais que les eaux polluées c'est aussi les eaux que l'on boit et des études ont été faites par l'INSERM qui vont sans doute sortir dans quelques semaines, et qui montrent qu'il y a un lien direct entre la détérioration de l'environnement liée aux produits phytosanitaires que l'on emploie pour produire encore plus de bananes et la stérilité des hommes.
Est-ce que ça veut dire que la loi sur l'eau, par exemple, qui est en discussion au Parlement
NM : Une loi sur l'eau est éminemment importante pour la Martinique, le seul reproche que l'on puisse faire à ce Gouvernement, et il y en a quelques-uns à lui adresser, c'est d'avoir cédé aux lobbies avicoles et industriels qui ne voulaient pas cette loi sur l'eau parce qu'elle fixait d'une manière forte le principe pollueur-payeur, parce qu'elle régissait d'une autre manière la gestion de l'eau, parce qu'elle introduisait de la transparence, de la démocratie et du contrôle, mais aussi une plus grande justice sociale. J'ai tenu à participer au début de la discussion parlementaire avant-hier, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu aller en Guadeloupe comme je le souhaitais mais je vais y revenir, et j'ai eu tout-à-l'heure au téléphone mon ami Luc REINETTE et nous sommes convenus que je revienne ici, je revienne aux Antilles et que j'aille en Guadeloupe parce qu'il s'y pose aussi beaucoup de problèmes. J'ai tenu à participer à cette discussion parce qu'il faut que nous défendions un certain nombre de principes, malheureusement nous savons pertinemment que cette loi qui est étudiée aujourd'hui par le Parlement, elle n'aura pas de seconde lecture parce que la session parlementaire sera interrompue entre temps. C'est la raison pour laquelle je crois pouvoir dire ici qu'il ne pourra pas y avoir d'accord sérieux entre les socialistes et les Verts si nous ne trouvons pas une formule pour remettre sur pied la loi sur l'eau dans de bonnes conditions avec des principes et des moyens technique pour la mettre en uvre et avec un calendrier de réalisation.
J'ai envie de vous dire première critique dans cette interview du Gouvernement, et à cet égard je lisais récemment un article dans le Figaro de M. Roger Gérard SWARTZENBERG, qui est membre du PRG, qui disait en substance que vous faisiez partie vous, Noël MAMERE, du trio de candidats, avec HUE et CHEVENEMENT, plus plaintif que créatif.
NM : Oui, c'est une manière de dire les choses Roger Gérard SWARTZENBERG pour lequel j'ai beaucoup de respect et d'estime, ferait bien déjà de s'occuper avec plus de vigilance de la question du brevetage du vivant ; Je vais même lui donner un conseil à SWARTZENBERG, s'il le souhaite, le 15 janvier
Au Secrétaire d'Etat à la Recherche vous voulez dire.
NN : Oui, il est Secrétaire d'Etat à la Recherche, donc c'est lui qui, par exemple, est le patron de l'I.N.R.A. Il faut savoir que l'institut de la recherche agronomique en France est un des alliés les plus objectif de groupe comme MONSANTO, comme AVANTIS qui sont en train de faire des dégâts considérables sur l'ensemble de la planète et en particulier en Martinique avec l'agriculture productiviste et M. SWARTZENBERG serait bien avisé dans la révision de la loi sur la bioéthique que nous allons être appelés à voter à partir du 15 janvier, c'est-à-dire à partir de la semaine prochaine de regarder de plus près l'article 5 de la directive européenne qui concerne justement le brevetage du vivant et qui comme par hasard a oublié dans son application, parce qu'elle a subi beaucoup de pressions cette directive a oublié la question du brevetage des végétaux et vous savez que c'est à partir du brevetage des végétaux que l'on peut aller vers le clonage donc pour nous il n'est pas question qu'on accepte cela. Si M. SWARTZENBERG est d'accord là-dessus, au moins il aura fait son boulot. Pour les commentaires qu'il peut nous apporter que déjà il soit derrière, je n'ai pas le sentiment qu'il la soutienne avec beaucoup d'efficacité, en tout cas il la soutient comme le pendu qui s'accroche à sa corde, je crois qu'il n'a pas d'atomes très crochus avec Christiane TAUBIRA-DELANON, la candidate du PRG.
Alors justement je voulais vous posez une question tout-à-l'heure avec l'histoire de Mme Christiane TAUBIRA. Il se trouve que vous avez saisi, si mes renseignements sont exacts, avec elle, au Parlement européen
NM : tout à fait j'étais sur la liste conduite par Bernard TAPIE, ce que l'on m'a beaucoup reproché, Christiane TAUBLIRA-DELANON était en effet en quatrième position, moi j'étais en cinquième position , il y avait aussi Catherine LALUMIERE, Pierre PRADIER, un certain nombre de gens tout à fait estimables ; j'ai beaucoup de respect pour Christiane TAUBIRA qui a accepté d'être la candidate du PRG, maintenant le parti radical de gauche, c'est quoi
Bienvenue au Club des candidats, dites-vous quand même
Oui bienvenue au Club mais j'espère que Christiane TAUBIRA, si elle vient ici, voir ses frères, ira un peu plus loin que ce que nous avons voté avec elle . Je pense qu'il était indispensable que l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants de l'ensemble du peuple reconnaissent l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Christiane TAUBIRA a fait cette proposition de loi, nous l'avions faite aussi au nom des Verts, nous l'avons voté avec elle et en Martinique ce n'est pas simplement le problème de la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité, c'est aussi le problème de la réparation ; Ici, il y a une énorme traçabilité, si je puis dire, de ce qu'a été le colonialisme et de ce qu'a été l'esclavage
Mais quelle réparation ? Vous savez qu'il y a tout un débat là-dessus : certains considèrent par exemple que demander une réparation pour un crime de cette nature c'est irréparable
NM : Le crime de toute façon sera irréparable. Est-ce que l'on va accepter la fatalité du côté irréparable, est ce que l'on va laissé une quinzaine de grandes familles continuées à exercer leur hégémonie économique et sociale sur cette île qu'est la Martinique et permettre que l'on habite par exemple dans des ravines et permettre, lorsqu'il y a un cyclone, que toutes les maisons s'en aillent, qu'il y ait des morts, qu'il y ait des blessés ; permettre et continuer à accepter que des conditions indécentes soient imposées à ceux que l'on appelait les nègres. Moi je ne suis pas d'accord avec ça.
C'est-à-dire que le candidat à la présidentielle que vous êtes
NM : Le candidat à l'élection présidentielle des Verts vous dit trois choses : la première chose c'est qu'il faut reconnaître le peuple martiniquais et le peuple guadeloupéens. De la même manière que la loi de 1991, votée par l'Assemblée Nationale à l'instigation de Pierre JOXE a reconnu l'existence du peuple corse, il y a un contexte particulier
Contestée quand même un peu par le Conseil constitutionnel.
NM : Il y a un peuple martiniquais, il y a un peuple guadeloupéen, ça c'est la première chose. Deuxième chose, ce peuple a le droit à son auto détermination, c'est à lui de décider de son destin ; ce n'est pas à moi, l'homme blanc, de décider ce qu'il doit devenir dans le giron européen ou dans le giron de la République, ce sera son choix. Troisièmement, il faut mettre en uvre cette réparation, il n'y a pas de fatalité au côté, vous dites, inéluctable de l'irréparabilité ; Réparation ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut mettre en place, y compris d'ailleurs avec les bekés, ceux qui sont les premiers concernés puisqu'ils ont construit leur richesse sur l'appropriation de terres complètement arbitraire et sur l'esclavagisme et ça, à un moment donné, ça doit quand même se payer d'une certaine manière ; Alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut mettre en place un Comité National pour la réparation dans lequel il y ait les békés, toutes les forces qui sont constitutives du peuple martiniquais et de la Martinique et de la Guadeloupe puisqu'il faut parler des deux ; et là on regarde d'une manière très claire comment pourrait se traduire cette réparation. Et cette réparation, ce'est pas simplement des moyens matériels, la réparation, ça passe par l'éducation, la réparation, ça passe par la santé, la réparation, ça passe par le développement durable, la réparation, ça passe par une autre gestion de l'eau.
Mais puisque vous parlez des békés vous avez l'intention d'en rencontrer durant votre court séjour à la Martinique ?
NM : Et pourquoi je ne les rencontrais pas. Je n'ai pas d'ennemis vous savez. Moi, je n'ai qu'un ennemi, c'est le Front National parce que c'est l'ennemi de la démocratie.
Non, attendez, parce qu'il y a un programme des fois : on trouve rencontre avec tel ou tel. C'est prévu ça ?
NM : Ecoutez pour l'instant je n'ai pas d'opposition à rencontrer des békés. Je pense que j'aurai l'occasion de rencontrer des responsables économiques au court de mon petit séjour en Martinique.
Je voudrais revenir quand même sur la Guadeloupe, vous avez dit effectivement que c'est à cause de l'examen de la loi sur l'eau que vous n'avez pu vous y rendre ; Alors les mauvaises langues disent en Guadeloupe qu'ils avaient plutôt voté : la Fédération de la Guadeloupe, les Verts pour Alain LIPIETZ lors de
NM : Oui, oui c'est dans les chiffres, il n'y a pas de doutes entre le premier tour où ils avaient voté massivement pour moi et le deuxième tour où ils ont fait un autre choix. Je pense que maintenant
Il n'y a pas de problème avec eux
NM : Les pendules sont à l'heure ; Donc
Ils vous reconnaissent comme le candidat des Verts ?
NM : Je ne vois pas au nom de quoi ils ne me reconnaîtraient pas comme le candidat des Verts, j'ai beaucoup hésité avant d'accepter de l'être parce que je considère que ce que nous avons montré aux Français, ce n'est pas ce qu'il y a de particulièrement honorable pour les Verts et ça ne nous grandi pas
Et certains ne vous ont pas compris vous-même.
NM : Oui, oui, oui le mot irrévocable est à la mode, il a été un des mots qui a eu du succès durant la fin de l'année, mais vous savez mes convictions, vous les connaissez depuis longtemps pour avoir été un de mes étudiants, vous savez parfaitement que mon attachement à la question des droits de la personne et des droits de l'homme ne date pas d'aujourd'hui et que sur ces sujets-là qui sont des sujets d'ordre social et du respect je n'ai jamais varié, je Donc, on peut avoir des doutes personnels, je fais sans doute partie des rares hommes politiques un peu atypiques qui expriment publiquement leurs doutes plutôt que les garder pour eux ou pour leurs appareils et leurs aparatchik. J'ai hésité, oui c'est vrai, parce que je pense que ce parti est encore trop divisé et qu'il faut le construire. J'ai décidé d'y mettre toute ma volonté politique et tout ce que j'ai de meilleur en moi, si j'ai encore quelque chose de bon, aux côtés de Dominique VOYNET pour construire ce Parti pour en faire un grand parti qui ne soit pas simplement condamné à voter une loi sur l'eau dans les conditions que l'on sait ou à être obligé d'accepter des compromis qui sont plus des compromissions qu'autre chose. Il est inéluctable, il est incontournable le Parti Verts et il faut qu'on le sache bien et il faut qu'on sache qu'on n'est pas là simplement pour fonctionner dans l'ordre de l'incantation mais pour contribuer à être utile à notre pays.
Puisque vous parliez de votre amie Dominique VOYNET, il se trouve que mardi dernier, elle a eu l'occasion d'évoquer la question des promesses de signatures en disant que le compte n'y était pas encore, aujourd'hui qu'est-ce que ça donne ?
NM : Ecoutez, elle a dit cela cette semaine sur LCI lundi soir, nous sommes jeudi, alors le chemin est en train de s'accomplir. Nous aurons les signatures et je compte bien sur des signatures et des parrainages d'élus de la Martinique et de la Guadeloupe parce que pendant ma campagne, je veux être le porteur de cette voix des Antilles et vous n'entendrez pas beaucoup à cette table de candidats et de candidates à l'élection présidentielle, vous parlez de réparation, vous parlez de peuple martiniquais, vous parlez d'autodétermination. Vous n'en entendrez pas beaucoup vous dire aujourd'hui il y a une injuste répartition des richesses dans ce pays.
D'aucuns vous diront que c'est peut-être le privilège des petits candidats. Vous me direz si je vous choque en disant ça mais les derniers sondages font état d'un peu plus de 5 % pour le candidat des Verts.
NM : Non, d'abord vous réduisez la donne, je n'ai jamais été donné à 5 %, le chiffre le plus bas qui m'a été donné depuis que je suis candidat c'est 6 %. Donc je suis entre 7 et 8 % dans les sondages, je trouve que c'est plutôt bien, j'en suis même étonné vu l'été pourri que nous avons traversé. Donc maintenant j'espère que ce ne sera pas l'hiver des cyclones mais que ce sera l'hiver des alizés, et qu'avec ces alizés nous irons un peu plus loin que ce que nous donnent les sondages d'aujourd'hui.
Alors, autre chose, j'ai vérifié les chiffres ; premier tour de la présidentielle en 95, le candidat des Verts, votre amie Dominique VOYNET faisait 1162 voix soit 1,27 % des suffrages exprimés, alors comment entendez-vous aujourd'hui convaincre les Martiniquais pour que les suffrages qui se portent sur votre nom soient bien plus nombreux.
NM : Ecoutez, il y a un grand fossé entre 1995 et 2002, en 1995, les Verts n'étaient pas au Gouvernement, les Verts n'avaient pas encore fait le choix d'une alliance avec l'ensemble de la gauche, en particulier le Parti Socialiste, pour construire la majorité plurielle. Cinq ans de Gouvernement se sont écoulés au cours desquels nous avons eu des acquis et au cours desquels nous avons eu des déconvenues. Nous avons beaucoup travaillé au Parlement. Je crois avoir fait partie de ceux qui ne se sont pas tus, pendant ces cinq années, pour porter la parole des Verts ; Je crois qu'aujourd'hui nos idées sont dans la société, la Parisien, le Béké ou l'habitant de Fort-de-France, quand il se lève le matin, il se demande quel air il va respirer, il se demande ce qu'il va avoir dans son assiette et il se demande si ses enfants ne vont pas être empoisonnés par telle ou telle chose ; il est contraint et inquiet de voir quels sont les effets dévastateurs du réchauffement de la planète et vous le voyez ici avec des bouleversements climatiques qui touchent aussi les Antilles. Je pense que les Français aujourd'hui sont parfaitement conscients de la réalité des problèmes que nous posons ; ils savent que le développement durable n'est pas simplement un mot de politicien mais ça peut devenir une réalité. Et si on veut que ça devienne une réalité, alors il faut se battre contre un certain nombre de lobbies et contre un certain nombre de tabous. J'avance encore, en particulier chez vous, à la question de l'eau, le Nord-Atlantique est devenu le château d'eau de la Martinique, pour faire quoi ? Pour pouvoir permettre à quelques lobbies puissants, riches et qui vous font passer des hélicoptères au ras de la tête, comme c'est arrivé tout-à-l'heure, pour moi, pour me faire impression, pour me dire c'est pas ta place ici.
À ce point là ?
NM :Oui, bien sûr, pour quoi faire ? Pour faire des bananes qui de toute façon ne seront même pas mangées par les Martiniquais, qui sont subventionnées. On a l'impression qu'on est dans une économie sous perfusion, pour enrichir encore un peu plus les plus riches. Eh bien moi, ça ne me convient pas.
Alors quelles sont vos propositions justement, s'agissant de l'agriculture visiblement, puisque vous évoquez la question. La Martinique s'est tournée vers l'exportation avec la banane, qui lui rapporte quand même un certain nombre de
NM : À qui rapporte-t-elle ?
À ceux qui produisent, les planteurs et ils sont nombreux et diversifiés me semble-t-il.
NM : Et ils utilisent beaucoup d'espace qui ont détruit beaucoup de forêts, qui sont en train de polluer les rivières ; il y a plein de poissons qui ont disparu. Tout ça, ça a des conséquences dramatiques sur l'économie locale, notamment sur les pécheurs, sur ceux qui sont en rivières, sur les agriculteurs.
Au-delà des conséquences, Noël MAMERE, sur ces propositions
NM : Mais non, mais les propositions, c'est d'aller vers un autre type d'agriculture, parce que ça coûte beaucoup plus cher de subventionner ce type d'agriculture là, qui est de l'agriculture intensive qui détruit, il faut réparer les dégâts. Et donc réparer les dégâts ça coûte beaucoup plus cher que d'entrer dans une autre logique agricole que celle que l'on connaît aujourd'hui. La Martinique c'est un gisement considérable en terme de tourisme écologique, en terme d'économie écologique, c'est un gisement considérable en tant que savoir-faire, en terme d'agriculture dés intensifiée, pourquoi se livrer seulement au monopole de la banane ? Il y a d'autres voies à trouver, il y a des agriculteurs que j'ai rencontrés, des pécheurs que j'ai rencontrés, des responsables économiques, des élus qui vous diront qu'aujourd'hui la coupe est pleine, le danger est grand parce que ça fait cinquante ans qu'on laisse la Martinique à vau-l'eau sans aucun contrôle, avec la complicité objective des services de l'Etat. D'un main vous disent on va dépolluer, et de l'autre donne des subventions pour polluer. Vous demandez, par exemple, ce qu'elle en pense, à la Direction de l'Equipement.
Et vous dites en tout cas pollueurs-payeurs.
NM : Bien sûr, pollueurs-payeurs, oui, il n'y a pas que les agriculteurs qui soient pollueurs , il y a aussi des industries. Demandez à EDF ce qu'elle fait avec sa centrale thermique. Vous savez cette centrale thermique au-dessus de laquelle on va construire un lycée, et qui va les prendre
Oui, mais il faut bien
NM : Voilà, qui va les prendre, encore les plus pauvres. Ca, c'est ce que j'appelle la double peine. Eux, qui sont déjà victimes d'injustice sociale, ils sont aussi victimes des pires injustices environnementales.
Vous parliez de la prise de conscience des populations, mais au-delà de la prise de conscience, c'est une chose, mais la traduction, par exemple, sous la forme d'une voix candidat des Verts, vous y croyez ?
NM : Oui, je crois à l'action politique, autrement je continuerai à faire du journalisme. J'ai souvent pensé que là où j'étais je pouvais changer le monde. Quand j'étais journaliste et que je faisais résistance, que j'allais à côté de chez vous, à Saint Domingue, voir les réfugiés haïtiens, exploités dans les bateils, ou que j'allais en Haïti voir ce qu'était la misère et comment elle était organisée ; ou à Madagascar, où en ce moment il y a des évènements sanglants, parce qu'il y a des dictateurs comme RATZIRAKA qui n'accepte pas le résultat des élections et qui sont en train de réveiller des luttes tribales et qui ont complètement asséché ce que l'on appelait le grenier de l'Océan Indien ; eh bien je pense, que aujourd'hui, là où je suis, à faire de la politique, à Bègle comme au plan national, au global comme au local j'essaie de changer le monde et changer le monde c'est faire en sorte que la vie des gens soit moins mauvaise et que nous ayons les mains un peu moins sales.
Je crois savoir que c'est le 17 février que vous allez lancer officiellement
NM : Le 17 janvier, c'est la semaine prochaine. Eh oui, parce que vous savez il ne nous reste plus que moins de 100 jours maintenant avant l'échéance du 21 avril et je crois que les Verts doivent être très présents dans cette campagne. J'essaie de l'être aujourd'hui devant votre micro et en Martinique. Je le serai aussi sur le reste du territoire et nous avons choisi Toulouse pour démarrer la campagne parce que Toulouse c'est une catastrophe que chacun connaît et qui a été absolument dramatique. C'est la question du risque, du risque en général et du risque industriel en particulier et donc, derrière la question du risque, c'est la question de la démocratie. Car moi je suis désolé, mais je ne fais pas partie de ces gens qui pensent que c'est à M. CHAPIREAU, le patron de MONSANTO de décider si je vais manger des patates ou des tomates OGM et ce n'est à M. DESMARET, le patron de TOTAL-FINA-ELF, celui-là même qui fait passer des pipe-line en Birmanie où l'on fait travailler des enfants et où l'on enferme un prix Nobel de la paix, avec une junte qui vit du narcotrafiquant, qui vit de la drogue ; ce n'est pas à M. DESMARET de décider que je vais vivre avec le risque considérable d'une usine à côté de chez moi. D'ailleurs on s'est aperçu, après la catastrophe de Toulouse, en regardant de plus près ce qui se passait en Martinique, que vous êtes dotés de très nombreux sites de risques industriels très très dangereux. Et là aussi, entre les risques sismiques, les cyclones et les risques industriels, vous êtes servis si je puis dire.
Vous seriez pour le candidat de l'exigence de la morale en politique, à travers de ce que vous venez de dire ?
NM : Ecoutez, la morale c'est une question d'ordre privé. Je préfère le mot d'éthique pas celui de morale en politique. Oui je suis dans l'ordre des choses de ce qui a été défini, pour parler comme un pédant, par certains grands sociologues, notamment je crois beaucoup, je ne suis pas protestant, je crois beaucoup à l'éthique protestante, je crois beaucoup à l'éthique en général
Notamment celle de Jacques ELULL.
NM : Oui, notamment celle de Jacques ELLUL dont je me revendique comme s'en revendique José BOVE, mon ami.
Une chose encore concernant cette campagne, vous disiez le 17 janvier donc, ouverture officielle à Toulouse ; Est-ce que vous aurez un programme où l'on verra, vous savez les candidats sortent des programmes, on verra quelques notes avec des éléments. Qu'est-ce qu'on y verra ?
NM : Eh bien on y verra ce que je viens de vous dire pendant ces vingt-cinq minutes. On y verra la question de la réparation, la question de la décentralisation, la question de l'autonomie ; Je pense que la Martinique doit pouvoir bénéficier d'un statut identique à celui de la Corse. On y verra la question de l'autodétermination.
Vous dites décentralisation, je vous reprends au mot parce que effectivement il y a un débat politique qui attire beaucoup ici, qui préoccupe en tout cas, c'est la question de la réforme institutionnelle avec la perspective ouverte, notamment par la loi d'orientation sur l'outre-mer. Vous en avez certainement entendu parler ; quelle est votre opinion en la matière ?
NM : Ecoutez, pour moi la loi d'orientation sur l'Outre-Mer c'est un pas, qui n'est pas suffisant, mais qui est un pas important. Je crois qu'il faut que l'on regarde de beaucoup plus près le processus de Matignon qui s'applique à la Corse et il pourrait je crois, dans une version transitoire, en attendant l'autodétermination du peuple martiniquais, servir de très bon support et de très bon exemple pour réviser, repeindre et retoiletter de manière très forte les institutions martiniquaise ; mais ça ne peut pas se faire si cela ne s'adosse pas de la même manière sur la question de la réparation.
Peut-être un dernier mot sur l'actualité nationale. Il se trouve qu'aujourd'hui il y a eu un échec à nouveau sur le dossier des médecins. Vous savez ils se manifestent depuis quelques jours déjà maintenant. Quelle réaction avez-vous ?
NM : Je regrette qu'il n'y ait pas eu d'accord possible et je pense que les médecins sont traités dans ce pays, dans notre pays comme des sortes de soutiers de la santé. Il faut revoir totalement la politique de la santé dans notre pays. Il n'est pas normal que, par exemple, le ministre de la santé dépende du ministre des affaires sociales. Nous sommes face à une gestion comptable de la santé ; donc c'est tout le problème de la prévention, c'est tout le problème de la question de la revalorisation des actes, c'est aussi la question des prescriptions ; Donc je crois qu'il faut qu'on se décide enfin, si l'on veut revaloriser les fonctions de la santé qui ne , des infirmières. IL faut lancer un grand débat public sur la santé. Je vous rappelle que les élections à la sécurité sociale n'ont pas eu lieu depuis 1983 et que c'est sans doute cette crise à laquelle nous sommes confrontée une opportunité pour revenir d'une manière très forte sur la politique de la santé dans notre pays et ouvrir un grand débat national sur la santé. Je crois que les médecins, dont on dit qu'ils gagnent beaucoup d'argent, ce n'est pas vrai : ils gagnent en moyenne 26 000 F par mois pour travailler 70 heures par semaine. Il y a beaucoup de problèmes de prévention, beaucoup de problèmes qui sont liés aux urgences qui sont accomplis sans aucune contrepartie. On pourrait très bien renforcer la médecine de proximité avec des maisons des urgences dans lesquelles il y aurait pas seulement des médecins mais aussi des infirmières et des psychiatres. Ca n'existe toujours pas, donc je crois qu'il faut savoir que la société et le Gouvernement doit savoir écouter les médecins qui ne sont pas là simplement pour revendiquer un peu plus d'argent mais revendiquer un véritable statut dans la société française.
Noël MAMERE je vous remercie. Je rappelle que vous êtes le candidat des verts à l'Elysée. Merci d'avoir été en direct avec nous.
(Source http://www.les-verts.org, le 8 février 2002)
NM : Bonjour
Candidat des Verts à l'Elysée, vous êtes, si ma mémoire est bonne, le premier candidat à l'élection présidentielle à venir en Martinique. D'autres bien sûr suivront, on parle de M. CHEVENEMENT notamment et d'autres certainement encore.
Quelle importance accordez-vous à ce déplacement ici, aux Antilles et de savoir que vous êtes le premier ?
NM : Je suis très honoré d'être le premier des candidats à l'élection présidentielle à avoir choisi la Martinique pour première étape de mon périple de campagne et c'est vrai que pour les Verts, c'est quelque chose de très important. La Martinique, les Antilles font partie d'une République qui doit être ouverte, plurielle, acceptant ses différences et ses identités, et je crois beaucoup, moi, aux particularismes qui ne sont pas une manière de se regarder le nombril et de se replier sur soi mais de s'affirmer contre le rouleau compresseur de la mondialisation dont on voit les effets dévastateurs en Martinique. Depuis ce matin, sept heures, je n'arrête pas d'être sur le terrain, je suis un homme de terrain, je suis maire d'une commune en Métropole depuis treize ans maintenant ; j'ai été
Bègles
NM : Tout-à-fait. Accompagné de Garcin MALSAT et de quelques autres amis j'ai pu voir la réalité des inégalités en matière de partage de terres par exemple, en matière d'habitat. J'ai pu voir la dévastation à laquelle se livrent les grands producteurs de bananes qui sont en train de complètement empoisonnés à la fois les eaux, les rivières qui sont très nombreuses en Martinique, beaucoup plus qu'ailleurs, il y en a plus de soixante-dix, et qui sont en train aussi de nous empoisonner de vous empoisonner puisque non seulement l'épandage se fait à l'air libre mais que les eaux polluées c'est aussi les eaux que l'on boit et des études ont été faites par l'INSERM qui vont sans doute sortir dans quelques semaines, et qui montrent qu'il y a un lien direct entre la détérioration de l'environnement liée aux produits phytosanitaires que l'on emploie pour produire encore plus de bananes et la stérilité des hommes.
Est-ce que ça veut dire que la loi sur l'eau, par exemple, qui est en discussion au Parlement
NM : Une loi sur l'eau est éminemment importante pour la Martinique, le seul reproche que l'on puisse faire à ce Gouvernement, et il y en a quelques-uns à lui adresser, c'est d'avoir cédé aux lobbies avicoles et industriels qui ne voulaient pas cette loi sur l'eau parce qu'elle fixait d'une manière forte le principe pollueur-payeur, parce qu'elle régissait d'une autre manière la gestion de l'eau, parce qu'elle introduisait de la transparence, de la démocratie et du contrôle, mais aussi une plus grande justice sociale. J'ai tenu à participer au début de la discussion parlementaire avant-hier, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu aller en Guadeloupe comme je le souhaitais mais je vais y revenir, et j'ai eu tout-à-l'heure au téléphone mon ami Luc REINETTE et nous sommes convenus que je revienne ici, je revienne aux Antilles et que j'aille en Guadeloupe parce qu'il s'y pose aussi beaucoup de problèmes. J'ai tenu à participer à cette discussion parce qu'il faut que nous défendions un certain nombre de principes, malheureusement nous savons pertinemment que cette loi qui est étudiée aujourd'hui par le Parlement, elle n'aura pas de seconde lecture parce que la session parlementaire sera interrompue entre temps. C'est la raison pour laquelle je crois pouvoir dire ici qu'il ne pourra pas y avoir d'accord sérieux entre les socialistes et les Verts si nous ne trouvons pas une formule pour remettre sur pied la loi sur l'eau dans de bonnes conditions avec des principes et des moyens technique pour la mettre en uvre et avec un calendrier de réalisation.
J'ai envie de vous dire première critique dans cette interview du Gouvernement, et à cet égard je lisais récemment un article dans le Figaro de M. Roger Gérard SWARTZENBERG, qui est membre du PRG, qui disait en substance que vous faisiez partie vous, Noël MAMERE, du trio de candidats, avec HUE et CHEVENEMENT, plus plaintif que créatif.
NM : Oui, c'est une manière de dire les choses Roger Gérard SWARTZENBERG pour lequel j'ai beaucoup de respect et d'estime, ferait bien déjà de s'occuper avec plus de vigilance de la question du brevetage du vivant ; Je vais même lui donner un conseil à SWARTZENBERG, s'il le souhaite, le 15 janvier
Au Secrétaire d'Etat à la Recherche vous voulez dire.
NN : Oui, il est Secrétaire d'Etat à la Recherche, donc c'est lui qui, par exemple, est le patron de l'I.N.R.A. Il faut savoir que l'institut de la recherche agronomique en France est un des alliés les plus objectif de groupe comme MONSANTO, comme AVANTIS qui sont en train de faire des dégâts considérables sur l'ensemble de la planète et en particulier en Martinique avec l'agriculture productiviste et M. SWARTZENBERG serait bien avisé dans la révision de la loi sur la bioéthique que nous allons être appelés à voter à partir du 15 janvier, c'est-à-dire à partir de la semaine prochaine de regarder de plus près l'article 5 de la directive européenne qui concerne justement le brevetage du vivant et qui comme par hasard a oublié dans son application, parce qu'elle a subi beaucoup de pressions cette directive a oublié la question du brevetage des végétaux et vous savez que c'est à partir du brevetage des végétaux que l'on peut aller vers le clonage donc pour nous il n'est pas question qu'on accepte cela. Si M. SWARTZENBERG est d'accord là-dessus, au moins il aura fait son boulot. Pour les commentaires qu'il peut nous apporter que déjà il soit derrière, je n'ai pas le sentiment qu'il la soutienne avec beaucoup d'efficacité, en tout cas il la soutient comme le pendu qui s'accroche à sa corde, je crois qu'il n'a pas d'atomes très crochus avec Christiane TAUBIRA-DELANON, la candidate du PRG.
Alors justement je voulais vous posez une question tout-à-l'heure avec l'histoire de Mme Christiane TAUBIRA. Il se trouve que vous avez saisi, si mes renseignements sont exacts, avec elle, au Parlement européen
NM : tout à fait j'étais sur la liste conduite par Bernard TAPIE, ce que l'on m'a beaucoup reproché, Christiane TAUBLIRA-DELANON était en effet en quatrième position, moi j'étais en cinquième position , il y avait aussi Catherine LALUMIERE, Pierre PRADIER, un certain nombre de gens tout à fait estimables ; j'ai beaucoup de respect pour Christiane TAUBIRA qui a accepté d'être la candidate du PRG, maintenant le parti radical de gauche, c'est quoi
Bienvenue au Club des candidats, dites-vous quand même
Oui bienvenue au Club mais j'espère que Christiane TAUBIRA, si elle vient ici, voir ses frères, ira un peu plus loin que ce que nous avons voté avec elle . Je pense qu'il était indispensable que l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants de l'ensemble du peuple reconnaissent l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Christiane TAUBIRA a fait cette proposition de loi, nous l'avions faite aussi au nom des Verts, nous l'avons voté avec elle et en Martinique ce n'est pas simplement le problème de la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité, c'est aussi le problème de la réparation ; Ici, il y a une énorme traçabilité, si je puis dire, de ce qu'a été le colonialisme et de ce qu'a été l'esclavage
Mais quelle réparation ? Vous savez qu'il y a tout un débat là-dessus : certains considèrent par exemple que demander une réparation pour un crime de cette nature c'est irréparable
NM : Le crime de toute façon sera irréparable. Est-ce que l'on va accepter la fatalité du côté irréparable, est ce que l'on va laissé une quinzaine de grandes familles continuées à exercer leur hégémonie économique et sociale sur cette île qu'est la Martinique et permettre que l'on habite par exemple dans des ravines et permettre, lorsqu'il y a un cyclone, que toutes les maisons s'en aillent, qu'il y ait des morts, qu'il y ait des blessés ; permettre et continuer à accepter que des conditions indécentes soient imposées à ceux que l'on appelait les nègres. Moi je ne suis pas d'accord avec ça.
C'est-à-dire que le candidat à la présidentielle que vous êtes
NM : Le candidat à l'élection présidentielle des Verts vous dit trois choses : la première chose c'est qu'il faut reconnaître le peuple martiniquais et le peuple guadeloupéens. De la même manière que la loi de 1991, votée par l'Assemblée Nationale à l'instigation de Pierre JOXE a reconnu l'existence du peuple corse, il y a un contexte particulier
Contestée quand même un peu par le Conseil constitutionnel.
NM : Il y a un peuple martiniquais, il y a un peuple guadeloupéen, ça c'est la première chose. Deuxième chose, ce peuple a le droit à son auto détermination, c'est à lui de décider de son destin ; ce n'est pas à moi, l'homme blanc, de décider ce qu'il doit devenir dans le giron européen ou dans le giron de la République, ce sera son choix. Troisièmement, il faut mettre en uvre cette réparation, il n'y a pas de fatalité au côté, vous dites, inéluctable de l'irréparabilité ; Réparation ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut mettre en place, y compris d'ailleurs avec les bekés, ceux qui sont les premiers concernés puisqu'ils ont construit leur richesse sur l'appropriation de terres complètement arbitraire et sur l'esclavagisme et ça, à un moment donné, ça doit quand même se payer d'une certaine manière ; Alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut mettre en place un Comité National pour la réparation dans lequel il y ait les békés, toutes les forces qui sont constitutives du peuple martiniquais et de la Martinique et de la Guadeloupe puisqu'il faut parler des deux ; et là on regarde d'une manière très claire comment pourrait se traduire cette réparation. Et cette réparation, ce'est pas simplement des moyens matériels, la réparation, ça passe par l'éducation, la réparation, ça passe par la santé, la réparation, ça passe par le développement durable, la réparation, ça passe par une autre gestion de l'eau.
Mais puisque vous parlez des békés vous avez l'intention d'en rencontrer durant votre court séjour à la Martinique ?
NM : Et pourquoi je ne les rencontrais pas. Je n'ai pas d'ennemis vous savez. Moi, je n'ai qu'un ennemi, c'est le Front National parce que c'est l'ennemi de la démocratie.
Non, attendez, parce qu'il y a un programme des fois : on trouve rencontre avec tel ou tel. C'est prévu ça ?
NM : Ecoutez pour l'instant je n'ai pas d'opposition à rencontrer des békés. Je pense que j'aurai l'occasion de rencontrer des responsables économiques au court de mon petit séjour en Martinique.
Je voudrais revenir quand même sur la Guadeloupe, vous avez dit effectivement que c'est à cause de l'examen de la loi sur l'eau que vous n'avez pu vous y rendre ; Alors les mauvaises langues disent en Guadeloupe qu'ils avaient plutôt voté : la Fédération de la Guadeloupe, les Verts pour Alain LIPIETZ lors de
NM : Oui, oui c'est dans les chiffres, il n'y a pas de doutes entre le premier tour où ils avaient voté massivement pour moi et le deuxième tour où ils ont fait un autre choix. Je pense que maintenant
Il n'y a pas de problème avec eux
NM : Les pendules sont à l'heure ; Donc
Ils vous reconnaissent comme le candidat des Verts ?
NM : Je ne vois pas au nom de quoi ils ne me reconnaîtraient pas comme le candidat des Verts, j'ai beaucoup hésité avant d'accepter de l'être parce que je considère que ce que nous avons montré aux Français, ce n'est pas ce qu'il y a de particulièrement honorable pour les Verts et ça ne nous grandi pas
Et certains ne vous ont pas compris vous-même.
NM : Oui, oui, oui le mot irrévocable est à la mode, il a été un des mots qui a eu du succès durant la fin de l'année, mais vous savez mes convictions, vous les connaissez depuis longtemps pour avoir été un de mes étudiants, vous savez parfaitement que mon attachement à la question des droits de la personne et des droits de l'homme ne date pas d'aujourd'hui et que sur ces sujets-là qui sont des sujets d'ordre social et du respect je n'ai jamais varié, je Donc, on peut avoir des doutes personnels, je fais sans doute partie des rares hommes politiques un peu atypiques qui expriment publiquement leurs doutes plutôt que les garder pour eux ou pour leurs appareils et leurs aparatchik. J'ai hésité, oui c'est vrai, parce que je pense que ce parti est encore trop divisé et qu'il faut le construire. J'ai décidé d'y mettre toute ma volonté politique et tout ce que j'ai de meilleur en moi, si j'ai encore quelque chose de bon, aux côtés de Dominique VOYNET pour construire ce Parti pour en faire un grand parti qui ne soit pas simplement condamné à voter une loi sur l'eau dans les conditions que l'on sait ou à être obligé d'accepter des compromis qui sont plus des compromissions qu'autre chose. Il est inéluctable, il est incontournable le Parti Verts et il faut qu'on le sache bien et il faut qu'on sache qu'on n'est pas là simplement pour fonctionner dans l'ordre de l'incantation mais pour contribuer à être utile à notre pays.
Puisque vous parliez de votre amie Dominique VOYNET, il se trouve que mardi dernier, elle a eu l'occasion d'évoquer la question des promesses de signatures en disant que le compte n'y était pas encore, aujourd'hui qu'est-ce que ça donne ?
NM : Ecoutez, elle a dit cela cette semaine sur LCI lundi soir, nous sommes jeudi, alors le chemin est en train de s'accomplir. Nous aurons les signatures et je compte bien sur des signatures et des parrainages d'élus de la Martinique et de la Guadeloupe parce que pendant ma campagne, je veux être le porteur de cette voix des Antilles et vous n'entendrez pas beaucoup à cette table de candidats et de candidates à l'élection présidentielle, vous parlez de réparation, vous parlez de peuple martiniquais, vous parlez d'autodétermination. Vous n'en entendrez pas beaucoup vous dire aujourd'hui il y a une injuste répartition des richesses dans ce pays.
D'aucuns vous diront que c'est peut-être le privilège des petits candidats. Vous me direz si je vous choque en disant ça mais les derniers sondages font état d'un peu plus de 5 % pour le candidat des Verts.
NM : Non, d'abord vous réduisez la donne, je n'ai jamais été donné à 5 %, le chiffre le plus bas qui m'a été donné depuis que je suis candidat c'est 6 %. Donc je suis entre 7 et 8 % dans les sondages, je trouve que c'est plutôt bien, j'en suis même étonné vu l'été pourri que nous avons traversé. Donc maintenant j'espère que ce ne sera pas l'hiver des cyclones mais que ce sera l'hiver des alizés, et qu'avec ces alizés nous irons un peu plus loin que ce que nous donnent les sondages d'aujourd'hui.
Alors, autre chose, j'ai vérifié les chiffres ; premier tour de la présidentielle en 95, le candidat des Verts, votre amie Dominique VOYNET faisait 1162 voix soit 1,27 % des suffrages exprimés, alors comment entendez-vous aujourd'hui convaincre les Martiniquais pour que les suffrages qui se portent sur votre nom soient bien plus nombreux.
NM : Ecoutez, il y a un grand fossé entre 1995 et 2002, en 1995, les Verts n'étaient pas au Gouvernement, les Verts n'avaient pas encore fait le choix d'une alliance avec l'ensemble de la gauche, en particulier le Parti Socialiste, pour construire la majorité plurielle. Cinq ans de Gouvernement se sont écoulés au cours desquels nous avons eu des acquis et au cours desquels nous avons eu des déconvenues. Nous avons beaucoup travaillé au Parlement. Je crois avoir fait partie de ceux qui ne se sont pas tus, pendant ces cinq années, pour porter la parole des Verts ; Je crois qu'aujourd'hui nos idées sont dans la société, la Parisien, le Béké ou l'habitant de Fort-de-France, quand il se lève le matin, il se demande quel air il va respirer, il se demande ce qu'il va avoir dans son assiette et il se demande si ses enfants ne vont pas être empoisonnés par telle ou telle chose ; il est contraint et inquiet de voir quels sont les effets dévastateurs du réchauffement de la planète et vous le voyez ici avec des bouleversements climatiques qui touchent aussi les Antilles. Je pense que les Français aujourd'hui sont parfaitement conscients de la réalité des problèmes que nous posons ; ils savent que le développement durable n'est pas simplement un mot de politicien mais ça peut devenir une réalité. Et si on veut que ça devienne une réalité, alors il faut se battre contre un certain nombre de lobbies et contre un certain nombre de tabous. J'avance encore, en particulier chez vous, à la question de l'eau, le Nord-Atlantique est devenu le château d'eau de la Martinique, pour faire quoi ? Pour pouvoir permettre à quelques lobbies puissants, riches et qui vous font passer des hélicoptères au ras de la tête, comme c'est arrivé tout-à-l'heure, pour moi, pour me faire impression, pour me dire c'est pas ta place ici.
À ce point là ?
NM :Oui, bien sûr, pour quoi faire ? Pour faire des bananes qui de toute façon ne seront même pas mangées par les Martiniquais, qui sont subventionnées. On a l'impression qu'on est dans une économie sous perfusion, pour enrichir encore un peu plus les plus riches. Eh bien moi, ça ne me convient pas.
Alors quelles sont vos propositions justement, s'agissant de l'agriculture visiblement, puisque vous évoquez la question. La Martinique s'est tournée vers l'exportation avec la banane, qui lui rapporte quand même un certain nombre de
NM : À qui rapporte-t-elle ?
À ceux qui produisent, les planteurs et ils sont nombreux et diversifiés me semble-t-il.
NM : Et ils utilisent beaucoup d'espace qui ont détruit beaucoup de forêts, qui sont en train de polluer les rivières ; il y a plein de poissons qui ont disparu. Tout ça, ça a des conséquences dramatiques sur l'économie locale, notamment sur les pécheurs, sur ceux qui sont en rivières, sur les agriculteurs.
Au-delà des conséquences, Noël MAMERE, sur ces propositions
NM : Mais non, mais les propositions, c'est d'aller vers un autre type d'agriculture, parce que ça coûte beaucoup plus cher de subventionner ce type d'agriculture là, qui est de l'agriculture intensive qui détruit, il faut réparer les dégâts. Et donc réparer les dégâts ça coûte beaucoup plus cher que d'entrer dans une autre logique agricole que celle que l'on connaît aujourd'hui. La Martinique c'est un gisement considérable en terme de tourisme écologique, en terme d'économie écologique, c'est un gisement considérable en tant que savoir-faire, en terme d'agriculture dés intensifiée, pourquoi se livrer seulement au monopole de la banane ? Il y a d'autres voies à trouver, il y a des agriculteurs que j'ai rencontrés, des pécheurs que j'ai rencontrés, des responsables économiques, des élus qui vous diront qu'aujourd'hui la coupe est pleine, le danger est grand parce que ça fait cinquante ans qu'on laisse la Martinique à vau-l'eau sans aucun contrôle, avec la complicité objective des services de l'Etat. D'un main vous disent on va dépolluer, et de l'autre donne des subventions pour polluer. Vous demandez, par exemple, ce qu'elle en pense, à la Direction de l'Equipement.
Et vous dites en tout cas pollueurs-payeurs.
NM : Bien sûr, pollueurs-payeurs, oui, il n'y a pas que les agriculteurs qui soient pollueurs , il y a aussi des industries. Demandez à EDF ce qu'elle fait avec sa centrale thermique. Vous savez cette centrale thermique au-dessus de laquelle on va construire un lycée, et qui va les prendre
Oui, mais il faut bien
NM : Voilà, qui va les prendre, encore les plus pauvres. Ca, c'est ce que j'appelle la double peine. Eux, qui sont déjà victimes d'injustice sociale, ils sont aussi victimes des pires injustices environnementales.
Vous parliez de la prise de conscience des populations, mais au-delà de la prise de conscience, c'est une chose, mais la traduction, par exemple, sous la forme d'une voix candidat des Verts, vous y croyez ?
NM : Oui, je crois à l'action politique, autrement je continuerai à faire du journalisme. J'ai souvent pensé que là où j'étais je pouvais changer le monde. Quand j'étais journaliste et que je faisais résistance, que j'allais à côté de chez vous, à Saint Domingue, voir les réfugiés haïtiens, exploités dans les bateils, ou que j'allais en Haïti voir ce qu'était la misère et comment elle était organisée ; ou à Madagascar, où en ce moment il y a des évènements sanglants, parce qu'il y a des dictateurs comme RATZIRAKA qui n'accepte pas le résultat des élections et qui sont en train de réveiller des luttes tribales et qui ont complètement asséché ce que l'on appelait le grenier de l'Océan Indien ; eh bien je pense, que aujourd'hui, là où je suis, à faire de la politique, à Bègle comme au plan national, au global comme au local j'essaie de changer le monde et changer le monde c'est faire en sorte que la vie des gens soit moins mauvaise et que nous ayons les mains un peu moins sales.
Je crois savoir que c'est le 17 février que vous allez lancer officiellement
NM : Le 17 janvier, c'est la semaine prochaine. Eh oui, parce que vous savez il ne nous reste plus que moins de 100 jours maintenant avant l'échéance du 21 avril et je crois que les Verts doivent être très présents dans cette campagne. J'essaie de l'être aujourd'hui devant votre micro et en Martinique. Je le serai aussi sur le reste du territoire et nous avons choisi Toulouse pour démarrer la campagne parce que Toulouse c'est une catastrophe que chacun connaît et qui a été absolument dramatique. C'est la question du risque, du risque en général et du risque industriel en particulier et donc, derrière la question du risque, c'est la question de la démocratie. Car moi je suis désolé, mais je ne fais pas partie de ces gens qui pensent que c'est à M. CHAPIREAU, le patron de MONSANTO de décider si je vais manger des patates ou des tomates OGM et ce n'est à M. DESMARET, le patron de TOTAL-FINA-ELF, celui-là même qui fait passer des pipe-line en Birmanie où l'on fait travailler des enfants et où l'on enferme un prix Nobel de la paix, avec une junte qui vit du narcotrafiquant, qui vit de la drogue ; ce n'est pas à M. DESMARET de décider que je vais vivre avec le risque considérable d'une usine à côté de chez moi. D'ailleurs on s'est aperçu, après la catastrophe de Toulouse, en regardant de plus près ce qui se passait en Martinique, que vous êtes dotés de très nombreux sites de risques industriels très très dangereux. Et là aussi, entre les risques sismiques, les cyclones et les risques industriels, vous êtes servis si je puis dire.
Vous seriez pour le candidat de l'exigence de la morale en politique, à travers de ce que vous venez de dire ?
NM : Ecoutez, la morale c'est une question d'ordre privé. Je préfère le mot d'éthique pas celui de morale en politique. Oui je suis dans l'ordre des choses de ce qui a été défini, pour parler comme un pédant, par certains grands sociologues, notamment je crois beaucoup, je ne suis pas protestant, je crois beaucoup à l'éthique protestante, je crois beaucoup à l'éthique en général
Notamment celle de Jacques ELULL.
NM : Oui, notamment celle de Jacques ELLUL dont je me revendique comme s'en revendique José BOVE, mon ami.
Une chose encore concernant cette campagne, vous disiez le 17 janvier donc, ouverture officielle à Toulouse ; Est-ce que vous aurez un programme où l'on verra, vous savez les candidats sortent des programmes, on verra quelques notes avec des éléments. Qu'est-ce qu'on y verra ?
NM : Eh bien on y verra ce que je viens de vous dire pendant ces vingt-cinq minutes. On y verra la question de la réparation, la question de la décentralisation, la question de l'autonomie ; Je pense que la Martinique doit pouvoir bénéficier d'un statut identique à celui de la Corse. On y verra la question de l'autodétermination.
Vous dites décentralisation, je vous reprends au mot parce que effectivement il y a un débat politique qui attire beaucoup ici, qui préoccupe en tout cas, c'est la question de la réforme institutionnelle avec la perspective ouverte, notamment par la loi d'orientation sur l'outre-mer. Vous en avez certainement entendu parler ; quelle est votre opinion en la matière ?
NM : Ecoutez, pour moi la loi d'orientation sur l'Outre-Mer c'est un pas, qui n'est pas suffisant, mais qui est un pas important. Je crois qu'il faut que l'on regarde de beaucoup plus près le processus de Matignon qui s'applique à la Corse et il pourrait je crois, dans une version transitoire, en attendant l'autodétermination du peuple martiniquais, servir de très bon support et de très bon exemple pour réviser, repeindre et retoiletter de manière très forte les institutions martiniquaise ; mais ça ne peut pas se faire si cela ne s'adosse pas de la même manière sur la question de la réparation.
Peut-être un dernier mot sur l'actualité nationale. Il se trouve qu'aujourd'hui il y a eu un échec à nouveau sur le dossier des médecins. Vous savez ils se manifestent depuis quelques jours déjà maintenant. Quelle réaction avez-vous ?
NM : Je regrette qu'il n'y ait pas eu d'accord possible et je pense que les médecins sont traités dans ce pays, dans notre pays comme des sortes de soutiers de la santé. Il faut revoir totalement la politique de la santé dans notre pays. Il n'est pas normal que, par exemple, le ministre de la santé dépende du ministre des affaires sociales. Nous sommes face à une gestion comptable de la santé ; donc c'est tout le problème de la prévention, c'est tout le problème de la question de la revalorisation des actes, c'est aussi la question des prescriptions ; Donc je crois qu'il faut qu'on se décide enfin, si l'on veut revaloriser les fonctions de la santé qui ne , des infirmières. IL faut lancer un grand débat public sur la santé. Je vous rappelle que les élections à la sécurité sociale n'ont pas eu lieu depuis 1983 et que c'est sans doute cette crise à laquelle nous sommes confrontée une opportunité pour revenir d'une manière très forte sur la politique de la santé dans notre pays et ouvrir un grand débat national sur la santé. Je crois que les médecins, dont on dit qu'ils gagnent beaucoup d'argent, ce n'est pas vrai : ils gagnent en moyenne 26 000 F par mois pour travailler 70 heures par semaine. Il y a beaucoup de problèmes de prévention, beaucoup de problèmes qui sont liés aux urgences qui sont accomplis sans aucune contrepartie. On pourrait très bien renforcer la médecine de proximité avec des maisons des urgences dans lesquelles il y aurait pas seulement des médecins mais aussi des infirmières et des psychiatres. Ca n'existe toujours pas, donc je crois qu'il faut savoir que la société et le Gouvernement doit savoir écouter les médecins qui ne sont pas là simplement pour revendiquer un peu plus d'argent mais revendiquer un véritable statut dans la société française.
Noël MAMERE je vous remercie. Je rappelle que vous êtes le candidat des verts à l'Elysée. Merci d'avoir été en direct avec nous.
(Source http://www.les-verts.org, le 8 février 2002)