Texte intégral
Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs,
Nous avions en principe, dans les semaines qui viennent, deux échéances importantes, le sommet de la FAO, à Rome, cinq ans après celui de 1996 et la réunion de l'OMC, à Doha. Les événements des dernières semaines modifient le contexte de ces deux réunions. Il y a d'ailleurs une incertitude sur la tenue du sommet de la FAO, le Directeur Général, M. DIOUF, devrait donner demain (le 16 octobre) le résultat de ses consultations avec les Etats membres. Mais dans les deux cas, ce qui ne change pas, au contraire, c'est le caractère central pour ces deux échéances du sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Je voudrais profiter de cette occasion pour faire deux choses en parallèle : donner une première réaction au compte rendu qu'à fait Jean-Louis Bianco des travaux conduits au sein du Haut Conseil pour la Coopération Internationale, et en même temps tracer quelques pistes pour l'avenir. Il est clair, d'abord, que je partage le constat fait par le Haut Conseil, s'agissant du bilan. Nous nous étions fixés des objectifs précis, en 1996, pour la lutte contre la faim dans le monde, ils n'ont pas été remplis. Il y a, dans le rapport du HCCI, un chiffre qui se suffit à lui-même : le nombre de personnes mal nourries dans les PMA a doublé en 30 ans, passant de 116 à 235 millions de personnes. Je note aussi qu'on annonçait, lors de la conclusion des derniers accords commerciaux un surcroît de croissance pour les pays en développement qui devait découler de l'ouverture des frontières. La préparation de la réunion de l'OMC montre bien que les PVD font en réalité un état des lieux très sévère : ils n'ont pas tiré les bénéfices annoncés de la libéralisation des échanges agricoles. Parce que somme toute, la survivance de la faim dans le monde est la manifestation la plus brutale d'un problème plus global, de déséquilibre croissant entre Nord et Sud. La question qui nous est posée, par conséquent, ce n'est pas celle de l'aide alimentaire, même s'il faut savoir répondre aux situations d'urgence, c'est de savoir comment faire face, durablement, aux difficultés des agricultures des pays du Sud, à la pression sur l'environnement et les ressources en eau, au sentiment que le Sud est le laissé pour compte de la globalisation économique.
Je ne dis pas qu'aucun de nos efforts n'aient porté leurs fruits. Je pense :
- au travail de terrain effectué, au quotidien, par nos coopérants, les spécialistes de la FAO, de la Banque mondiale et de toutes les ONG qui se mobilisent en faveur du développement.
- aux accords de Cotonou, qui succèdent aux accords de LOME, et dans lesquels nous avons, avec les pays ACP, renouvelé la réflexion sur l'avenir de notre coopération.
- à la décision d'ouvrir le marché européen à tous les produits des PMA sauf les armes. C'est un progrès important, qui prolonge en réalité une tradition d'ouverture qui est ancienne, puisque l'Europe déja 6 fois plus de produits des PMA que les Etats-Unis, par exemple, mais c'est un nouveau signal important, qui répond à une attente très forte des pays concernés, et qui aura, j'espère, un effet d'entraînement pour nos partenaires développés.
Mais ce constat n'empêche pas qui faille redonner une impulsion nouvelle à la réflexion et à l'action internationale.
Bien entendu les négociations multilatérales ne sont qu'une partie de la réponse. Le précédent sommet de la FAO avait rappelé ce qui est peut-être une évidence, mais qui doit être en tout cas notre point de départ : la sécurité alimentaire est avant tout la responsabilité de chacun des Etats concernés. Cela vaut d'ailleurs pour les Etats européens et nous devons avoir en tête les enjeux de la solidarité internationale lorsque nous discutons, entre nous, des réformes à venir de la PAC.
Mais au-delà il faut s'interroger sur la pertinence des politiques de développement agricole des années passées, et l'avis du HCCI, de ce point de vue, pose bien les problèmes. Si je peux résumer à l'excès un débat naturellement complexe, je crois qu'il faut accepter de dire clairement aujourd'hui que nous avons trop négligé l'agriculture locale, les cultures vivrières, l'agriculteur et le rôle qu'il joue dans le tissu social et économique des zones rurales des pays du sud.
Ce constat fait, il faut en tirer les conséquences. Sur les politiques de développement rural, la coopération et le rôle de la FAO, naturellement, j'y reviendrais dans un instant. Mais aussi pour les négociations commerciales : nous avons, à Doha, une échéance très proche
Il ne s'agit encore que du lancement du nouveau cycle de négociation, et pas de prendre des engagements nouveaux. Mais il faut que nous partions sur des bases nouvelles. Nous ne devons plus avoir comme priorité la défense d'une libéralisation incontrôlée. Il ne s'agit pas non plus de négliger ce qu'il y a de positif dans le développement des échanges. Le cadre multilatéral doit aider à la formation de marchés intérieurs élargis, dans lesquels les cultures traditionnelles pourront se développer.
C'est dans ce cadre que l'on dispose des bons atouts pour développer de réelles politiques agricoles régionales, protégées le cas échéant par des barrières tarifaires lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer un revenu suffisant aux agriculteurs.
Cela se traduit par des objectifs précis pour la négociation :
Nous devons faire en sorte que les règles de l'OMC s'imposent de manière plus stricte aux pays riches qu'aux pays en développement.
La mise en uvre des accords passés doit être adaptée lorsque c'est nécessaire : ce débat sur la " mise en uvre " ne me semble pas mal engagé à Genève.
Les règles du " traitement spécial et différencié " doivent être plus qu'une addition de dérogations et de périodes transitoires : elles doivent permettre, encourager des politiques de développement cohérentes sur le plan commercial avec les efforts engagés par ailleurs.
Les pays riches - et je crois aussi les plus grands pays émergents - doivent s'ouvrir largement aux produits de leurs voisins les plus pauvres. Sur ce point, je l'ai dit, l'Europe montre l'exemple. C'est un point sur lesquels je m'écarte de l'analyse du HCCI : je ne crois pas qu'il y ait une contradiction entre l'encouragement à la constitution de zones régionales, et une plus grande ouverture des pays du Nord aux produits du Sud.
Enfin, plus largement, nous lancerons un cycle, qui devra être un cycle de régulation autant que de libéralisation, et je crois que les pays en développement ont bien compris qu'il était dans leur intérêt d'avoir, à l'OMC, une règle du jeu et un arbitre. Je note, par exemple, que s'agissant des appellations d'origine, un outil essentiel pour protéger le patrimoine des agriculteurs du monde entier, des producteurs de Roquefort aux cultivateurs de thé Darjeeling ou de riz Basmati, il y a déjà un début de consensus avec les pays en développement sur la discussion à venir.
Ensuite, si notre volonté est de remettre au centre des objectifs de nos politiques de développement l'agriculteur, et les différents rôles qu'il est amené à jouer, comme producteur, mais aussi pour l'environnement, la maîtrise des flux de population des zones rurales vers les villes, ou encore comme premier maillon de la chaîne responsable de la sécurité sanitaire des aliments, il faut en tirer les conséquences, et promouvoir une véritable politique de développement rural, dans toutes ses dimensions.
Je vois en particulier trois sujets qui devront être au centre de nos préoccupations :
La lutte contre la pauvreté : parce que la pauvreté est la première des barrières pour l'accès à la nourriture, c'est une dimension essentielle pour assurer la sécurité alimentaire. De ce point de vue, les programmes mis en place pour faire le lien entre les fonds dégagés par l'allègement de la dette, les " cadres stratégiques de réduction de la pauvreté ", seront un instrument nouveau, et espérons-le, efficace. A la condition, naturellement, que le FMI et la Banque Mondiale, responsables de la mise en place de ces programmes, intègrent bien l'objectif d'amélioration de la sécurité alimentaire.
La sécurité sanitaire : il est de notre responsabilité collective de faire en sorte que la sécurité alimentaire du Sud ne soit pas mise en opposition avec la sécurité des aliments au Nord. Le relèvement des normes en Europe est une exigence des consommateurs et un devoir pour les responsables publiques, et naturellement ce mouvement se poursuivra. Les pays du Sud peuvent craindre qu'il y ait là une nouvelle barrière non tarifaire. Ils le disent souvent. Pourtant, je ne pense pas qu'il puisse y avoir une sécurité alimentaire au Nord et des conceptions beaucoup plus laxistes au Sud. Nous devons avoir comme objectif de garantir la santé de tous. Et nous, pays développés, devons en tirer les conséquences lorsque nous fixons les priorités de nos efforts de coopération, qui doivent être renforcés dans ce domaine de la sécurité sanitaire des aliments.
Les technologies nouvelles : c'est un sujet particulièrement important pour la France, qui a gardé dans ce domaine, contrairement à beaucoup de nos partenaires, des infrastructures de recherche publique importantes, dotées de moyens significatifs, 2 milliards de francs environ. Ces ressources, notre responsabilité est de les orienter dans une direction cohérente avec les efforts que nous engageons par ailleurs. La révolution " deux fois verte ", qui privilégie la valorisation des espèces vivrières, la bio-diversité, les ressources naturelles, dont les petites exploitations familiales doivent tirer un bénéfice tangible, est à l'évidence une direction privilégiée.
Pour le reste, évitons de nous poser en donneurs de leçon aux pays du Sud sur l'attitude à avoir à l'égard des OGM. Si la recherche permet des avancées utiles pour le développement, on ne voit pas bien pourquoi on en rejetterait a priori les résultats. Mais à l'inverse, il ne serait pas acceptable que les pays concernés, faute de transparence ou d'accès aux résultats de la recherche, n'aient pas la possibilité de débattre et de choisir, et d'appliquer le principe de grande précaution qui s'impose pour toutes ces techniques de manipulation du vivant. De ce point de vue, le protocole de Carthagène fixe la règle du jeu, encore faut-il qu'il puisse être appliqué.
S'agissant en particulier de l'accès aux résultats de la recherche, il ne faut pas sous estimer les difficultés. Il y a là un sujet majeur pour la FAO, qui devra s'efforcer, en partenariat avec les instituts de recherche publics des pays du Nord, à mieux assurer la protection des ressources génétiques du Sud, pour éviter qu'elles ne soient " captées " par quelques grandes entreprises.
Pour conclure, je voudrais faire une dernière remarque concernant la méthode de travail qui devra être la nôtre à l'avenir.
Nous avons, pour le développement agricole, des objectifs clairement identifiés. L'agriculture doit jouer un rôle essentiel dans les politiques de développement, au plan économique, mais aussi social ou environnemental. Tout le reste - l'ouverture de marchés des pays riches, l'intégration régionale au sud, les priorités de notre coopération, doivent être des outils pour aider à la mise en place de véritable politiques agricoles de développement.
Mais pour que ces efforts soient efficaces, toutes les institutions doivent travailler dans le même sens, la FAO, le PNUD, l'OMC, la Banque Mondiale ou le FMI, pour ne citer que celles-là. La cohérence entre les doctrines et les programmes des différentes institutions internationales devient un objectif central. Il faudra, à l'avenir, trouver le moyen d'assurer une meilleure coordination entre les institutions internationales. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons améliorer significativement la bonne " gouvernance " mondiale en matière de sécurité alimentaire.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
Nous avions en principe, dans les semaines qui viennent, deux échéances importantes, le sommet de la FAO, à Rome, cinq ans après celui de 1996 et la réunion de l'OMC, à Doha. Les événements des dernières semaines modifient le contexte de ces deux réunions. Il y a d'ailleurs une incertitude sur la tenue du sommet de la FAO, le Directeur Général, M. DIOUF, devrait donner demain (le 16 octobre) le résultat de ses consultations avec les Etats membres. Mais dans les deux cas, ce qui ne change pas, au contraire, c'est le caractère central pour ces deux échéances du sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Je voudrais profiter de cette occasion pour faire deux choses en parallèle : donner une première réaction au compte rendu qu'à fait Jean-Louis Bianco des travaux conduits au sein du Haut Conseil pour la Coopération Internationale, et en même temps tracer quelques pistes pour l'avenir. Il est clair, d'abord, que je partage le constat fait par le Haut Conseil, s'agissant du bilan. Nous nous étions fixés des objectifs précis, en 1996, pour la lutte contre la faim dans le monde, ils n'ont pas été remplis. Il y a, dans le rapport du HCCI, un chiffre qui se suffit à lui-même : le nombre de personnes mal nourries dans les PMA a doublé en 30 ans, passant de 116 à 235 millions de personnes. Je note aussi qu'on annonçait, lors de la conclusion des derniers accords commerciaux un surcroît de croissance pour les pays en développement qui devait découler de l'ouverture des frontières. La préparation de la réunion de l'OMC montre bien que les PVD font en réalité un état des lieux très sévère : ils n'ont pas tiré les bénéfices annoncés de la libéralisation des échanges agricoles. Parce que somme toute, la survivance de la faim dans le monde est la manifestation la plus brutale d'un problème plus global, de déséquilibre croissant entre Nord et Sud. La question qui nous est posée, par conséquent, ce n'est pas celle de l'aide alimentaire, même s'il faut savoir répondre aux situations d'urgence, c'est de savoir comment faire face, durablement, aux difficultés des agricultures des pays du Sud, à la pression sur l'environnement et les ressources en eau, au sentiment que le Sud est le laissé pour compte de la globalisation économique.
Je ne dis pas qu'aucun de nos efforts n'aient porté leurs fruits. Je pense :
- au travail de terrain effectué, au quotidien, par nos coopérants, les spécialistes de la FAO, de la Banque mondiale et de toutes les ONG qui se mobilisent en faveur du développement.
- aux accords de Cotonou, qui succèdent aux accords de LOME, et dans lesquels nous avons, avec les pays ACP, renouvelé la réflexion sur l'avenir de notre coopération.
- à la décision d'ouvrir le marché européen à tous les produits des PMA sauf les armes. C'est un progrès important, qui prolonge en réalité une tradition d'ouverture qui est ancienne, puisque l'Europe déja 6 fois plus de produits des PMA que les Etats-Unis, par exemple, mais c'est un nouveau signal important, qui répond à une attente très forte des pays concernés, et qui aura, j'espère, un effet d'entraînement pour nos partenaires développés.
Mais ce constat n'empêche pas qui faille redonner une impulsion nouvelle à la réflexion et à l'action internationale.
Bien entendu les négociations multilatérales ne sont qu'une partie de la réponse. Le précédent sommet de la FAO avait rappelé ce qui est peut-être une évidence, mais qui doit être en tout cas notre point de départ : la sécurité alimentaire est avant tout la responsabilité de chacun des Etats concernés. Cela vaut d'ailleurs pour les Etats européens et nous devons avoir en tête les enjeux de la solidarité internationale lorsque nous discutons, entre nous, des réformes à venir de la PAC.
Mais au-delà il faut s'interroger sur la pertinence des politiques de développement agricole des années passées, et l'avis du HCCI, de ce point de vue, pose bien les problèmes. Si je peux résumer à l'excès un débat naturellement complexe, je crois qu'il faut accepter de dire clairement aujourd'hui que nous avons trop négligé l'agriculture locale, les cultures vivrières, l'agriculteur et le rôle qu'il joue dans le tissu social et économique des zones rurales des pays du sud.
Ce constat fait, il faut en tirer les conséquences. Sur les politiques de développement rural, la coopération et le rôle de la FAO, naturellement, j'y reviendrais dans un instant. Mais aussi pour les négociations commerciales : nous avons, à Doha, une échéance très proche
Il ne s'agit encore que du lancement du nouveau cycle de négociation, et pas de prendre des engagements nouveaux. Mais il faut que nous partions sur des bases nouvelles. Nous ne devons plus avoir comme priorité la défense d'une libéralisation incontrôlée. Il ne s'agit pas non plus de négliger ce qu'il y a de positif dans le développement des échanges. Le cadre multilatéral doit aider à la formation de marchés intérieurs élargis, dans lesquels les cultures traditionnelles pourront se développer.
C'est dans ce cadre que l'on dispose des bons atouts pour développer de réelles politiques agricoles régionales, protégées le cas échéant par des barrières tarifaires lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer un revenu suffisant aux agriculteurs.
Cela se traduit par des objectifs précis pour la négociation :
Nous devons faire en sorte que les règles de l'OMC s'imposent de manière plus stricte aux pays riches qu'aux pays en développement.
La mise en uvre des accords passés doit être adaptée lorsque c'est nécessaire : ce débat sur la " mise en uvre " ne me semble pas mal engagé à Genève.
Les règles du " traitement spécial et différencié " doivent être plus qu'une addition de dérogations et de périodes transitoires : elles doivent permettre, encourager des politiques de développement cohérentes sur le plan commercial avec les efforts engagés par ailleurs.
Les pays riches - et je crois aussi les plus grands pays émergents - doivent s'ouvrir largement aux produits de leurs voisins les plus pauvres. Sur ce point, je l'ai dit, l'Europe montre l'exemple. C'est un point sur lesquels je m'écarte de l'analyse du HCCI : je ne crois pas qu'il y ait une contradiction entre l'encouragement à la constitution de zones régionales, et une plus grande ouverture des pays du Nord aux produits du Sud.
Enfin, plus largement, nous lancerons un cycle, qui devra être un cycle de régulation autant que de libéralisation, et je crois que les pays en développement ont bien compris qu'il était dans leur intérêt d'avoir, à l'OMC, une règle du jeu et un arbitre. Je note, par exemple, que s'agissant des appellations d'origine, un outil essentiel pour protéger le patrimoine des agriculteurs du monde entier, des producteurs de Roquefort aux cultivateurs de thé Darjeeling ou de riz Basmati, il y a déjà un début de consensus avec les pays en développement sur la discussion à venir.
Ensuite, si notre volonté est de remettre au centre des objectifs de nos politiques de développement l'agriculteur, et les différents rôles qu'il est amené à jouer, comme producteur, mais aussi pour l'environnement, la maîtrise des flux de population des zones rurales vers les villes, ou encore comme premier maillon de la chaîne responsable de la sécurité sanitaire des aliments, il faut en tirer les conséquences, et promouvoir une véritable politique de développement rural, dans toutes ses dimensions.
Je vois en particulier trois sujets qui devront être au centre de nos préoccupations :
La lutte contre la pauvreté : parce que la pauvreté est la première des barrières pour l'accès à la nourriture, c'est une dimension essentielle pour assurer la sécurité alimentaire. De ce point de vue, les programmes mis en place pour faire le lien entre les fonds dégagés par l'allègement de la dette, les " cadres stratégiques de réduction de la pauvreté ", seront un instrument nouveau, et espérons-le, efficace. A la condition, naturellement, que le FMI et la Banque Mondiale, responsables de la mise en place de ces programmes, intègrent bien l'objectif d'amélioration de la sécurité alimentaire.
La sécurité sanitaire : il est de notre responsabilité collective de faire en sorte que la sécurité alimentaire du Sud ne soit pas mise en opposition avec la sécurité des aliments au Nord. Le relèvement des normes en Europe est une exigence des consommateurs et un devoir pour les responsables publiques, et naturellement ce mouvement se poursuivra. Les pays du Sud peuvent craindre qu'il y ait là une nouvelle barrière non tarifaire. Ils le disent souvent. Pourtant, je ne pense pas qu'il puisse y avoir une sécurité alimentaire au Nord et des conceptions beaucoup plus laxistes au Sud. Nous devons avoir comme objectif de garantir la santé de tous. Et nous, pays développés, devons en tirer les conséquences lorsque nous fixons les priorités de nos efforts de coopération, qui doivent être renforcés dans ce domaine de la sécurité sanitaire des aliments.
Les technologies nouvelles : c'est un sujet particulièrement important pour la France, qui a gardé dans ce domaine, contrairement à beaucoup de nos partenaires, des infrastructures de recherche publique importantes, dotées de moyens significatifs, 2 milliards de francs environ. Ces ressources, notre responsabilité est de les orienter dans une direction cohérente avec les efforts que nous engageons par ailleurs. La révolution " deux fois verte ", qui privilégie la valorisation des espèces vivrières, la bio-diversité, les ressources naturelles, dont les petites exploitations familiales doivent tirer un bénéfice tangible, est à l'évidence une direction privilégiée.
Pour le reste, évitons de nous poser en donneurs de leçon aux pays du Sud sur l'attitude à avoir à l'égard des OGM. Si la recherche permet des avancées utiles pour le développement, on ne voit pas bien pourquoi on en rejetterait a priori les résultats. Mais à l'inverse, il ne serait pas acceptable que les pays concernés, faute de transparence ou d'accès aux résultats de la recherche, n'aient pas la possibilité de débattre et de choisir, et d'appliquer le principe de grande précaution qui s'impose pour toutes ces techniques de manipulation du vivant. De ce point de vue, le protocole de Carthagène fixe la règle du jeu, encore faut-il qu'il puisse être appliqué.
S'agissant en particulier de l'accès aux résultats de la recherche, il ne faut pas sous estimer les difficultés. Il y a là un sujet majeur pour la FAO, qui devra s'efforcer, en partenariat avec les instituts de recherche publics des pays du Nord, à mieux assurer la protection des ressources génétiques du Sud, pour éviter qu'elles ne soient " captées " par quelques grandes entreprises.
Pour conclure, je voudrais faire une dernière remarque concernant la méthode de travail qui devra être la nôtre à l'avenir.
Nous avons, pour le développement agricole, des objectifs clairement identifiés. L'agriculture doit jouer un rôle essentiel dans les politiques de développement, au plan économique, mais aussi social ou environnemental. Tout le reste - l'ouverture de marchés des pays riches, l'intégration régionale au sud, les priorités de notre coopération, doivent être des outils pour aider à la mise en place de véritable politiques agricoles de développement.
Mais pour que ces efforts soient efficaces, toutes les institutions doivent travailler dans le même sens, la FAO, le PNUD, l'OMC, la Banque Mondiale ou le FMI, pour ne citer que celles-là. La cohérence entre les doctrines et les programmes des différentes institutions internationales devient un objectif central. Il faudra, à l'avenir, trouver le moyen d'assurer une meilleure coordination entre les institutions internationales. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons améliorer significativement la bonne " gouvernance " mondiale en matière de sécurité alimentaire.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 octobre 2001)