Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Comment ne pas partager l'indignation et la colère des travailleurs de Moulinex ? On les a lanterné pendant plusieurs années, de repreneur en repreneur, pour finir par leur annoncer que 3.744 d'entre eux sont jetés à la porte et que quatre usines, celles d'Alençon, Cormelles-le-Royal, Bayeux et Falaise seront fermées.
Le gouvernement avait alors promis un "plan social exemplaire". Et, depuis, rien ! Exemplaire, elle l'est, l'attitude de ce gouvernement. Exemplaire de son mépris pour les travailleurs, pour leurs problèmes. Il a fallu que les Moulinex piquent un coup de colère pour se faire entendre.
A Alençon, ils ont décidé de jeter dans la rivière, chaque jour, un des moules industriels coûteux qui sont dans l'usine. A Cormelles-le-Royal, un des entrepôts de l'usine a été incendié et plusieurs fûts de produits chimiques pouvant servir d'explosifs ont été placés sur les toits de l'entreprise.
Et hier soir, ceux d'Alençon ont tenté d'entrer au siège local du Medef, en s'affrontant à la police qui a fait plusieurs blessés.
Les travailleurs réclament qu'on leur accorde 80.000 F de plus que les dérisoires indemnités légales de licenciement. Et voilà que, même sur cette somme, on mégote, on marchande et, aux dernières nouvelles, il serait question de ne lâcher que 50.000 F. Pourtant la revendication des Moulinex est on ne peut plus modeste, s'agissant de travailleurs qui ont passé vingt, trente ans, voire toute leur vie, dans cette entreprise, à enrichir les actionnaires et qui se retrouvent dehors aujourd'hui. Oui, que seraient donc même 80.000 F pour des femmes et des hommes qui savent qu'ils n'ont pratiquement aucune chance de retrouver du travail dans une région, la Basse-Normandie, que les fermetures d'usines, de Moulinex et d'autres, sont en train de transformer en zone sinistrée !
Alors oui, la colère des travailleurs de Moulinex de Cormelles et d'Alençon est d'autant plus légitime qu'ils constatent, comme tout le monde, avec quelle facilité le gouvernement a débloqué des milliards pour les patrons, grassement payés, des cliniques privés alors qu'il mégote sur cette dérisoire indemnité supplémentaire que réclament des travailleurs qui gagnaient à peine le SMIC avant de perdre leurs emplois.
On nous dit aujourd'hui que l'entreprise n'est plus rentable. Mais, rentable, elle l'a été, cette entreprise, pendant des dizaines d'années. Elle a produit des milliards et des milliards de profits.
Pendant que les actionnaires de Moulinex empochaient leur part de profit, les travailleurs de Moulinex, eux, ne s'enrichissaient pas ! Ils ont tout juste vécu en essayant de joindre les deux bouts avec leurs salaires stagnants. Mais les propriétaires de ces entreprises, mais leurs actionnaires, combien d'argent ont-ils donc encaissé ? Que sont devenus les milliards qu'ils se sont appropriés ? Dans quelles autres entreprises ont-ils été investis pour exploiter d'autres travailleurs ? Combien de propriétés ou de châteaux achetés avec cet argent ? Combien de bijoux, de tableaux de maître, de voitures de luxe ou d'avions privés ?
Alors oui, c'est sur ces fortunes accumulées qu'il faut prendre non pas pour faire taire les licenciés par une indemnité dérisoire, mais pour leur assurer leur salaire jusqu'à la retraite s'il le faut !
Les travailleurs de Moulinex se battent aujourd'hui le dos au mur. Ils ne peuvent pas, à eux seuls, renverser le rapport de force et imposer que ce ne soit pas les travailleurs mais les actionnaires qui paient pour les aléas de leur économie. Ce qui leur arrive concerne tous les travailleurs car, aujourd'hui, déjà bien d'autres entreprises invoquent la dégradation de la situation économique pour justifier des licenciements et des fermetures d'usines ! Nous sommes tous des Moulinex en puissance. Nous sommes tous menacés par les soubresauts d'une organisation économique démente. Nous sommes tous menacés par l'avidité de ces actionnaires, de ces propriétaires d'entreprises, qui trouvent tout naturel que, même lorsque leurs affaires vont moins bien, leur argent reste intouchable et que ce soit aux travailleurs de perdre leurs emplois.
Eh bien, la réaction désespérée de ceux de Moulinex montre comment les travailleurs sont poussés à bout. Mais c'est ensemble qu'il faudra réagir ; c'est ensemble qu'il faudra les faire reculer !
Qui, parmi les travailleurs, ne se souvient que, même lorsque le patronat et le gouvernement se disputaient le mérite de ce qu'ils ont appelé "la croissance économique", les grandes entreprises licenciaient quand même ? Michelin annonçait cyniquement le même jour une hausse de ses profits et des suppressions d'emplois ! Le patron de Danone osait affirmer que c'est lorsque les affaires vont bien qu'il faut licencier pour pouvoir payer des indemnités !
Voilà pourquoi même lorsqu'on nous parlait de croissance, le nombre de chômeurs n'est jamais descendu en-dessous des deux millions ! La baisse du chômage dont se vantait le gouvernement était surtout due à cette manipulation statistique qui consiste à rayer des listes de chômeurs ceux qui ont travaillé plus de 78 heures le mois précédent. On a rayé des statistiques du chômage tous les précaires, tous les intérimaires qui n'ont que des emplois partiels, occasionnels, avec des salaires qui permettent à peine de survivre. La baisse des statistiques du chômage cachait en réalité la généralisation de la précarité. Cette précarité, qui fait que plus de 4 millions de personnes dans ce pays ne sont certes plus comptés comme chômeurs, mais sur l'année, gagnent moins que le SMIC.
Mais, aujourd'hui, les licenciements s'accélèrent. Philips ferme son usine du Mans, Valéo, ses deux usines de Vire et Cahors. AOM-Air Liberté a déjà licencié une partie de ses effectifs, et d'autres suivront. Alstom continue son plan de licenciements à Belfort, en se débarrassant par la même occasion des militants syndicaux et des délégués qui le gênent.
Et à côté de ces grandes entreprises, combien d'autres, moyennes et petites, des sous-traitants qui, en réduisant leurs effectifs, accroissent le contingent de chômeurs ? Combien d'intérimaires, aussi, qu'on met à la porte, discrètement ?
Moulinex, Philips, Valéo, Bata et bien d'autres nous parlent aujourd'hui de récession. Mais, quand bien même l'économie serait en récession, est-ce aux travailleurs de payer les pots cassés ? Est-ce normal, est-ce acceptable que ceux qui n'ont en rien bénéficié de l'accroissement des profits perdent leurs salaires, leur unique source de revenu ?
Depuis plus de dix ans, les profits des grandes entreprises n'ont cessé de croître. Ces profits élevés ont été obtenus en aggravant l'exploitation des travailleurs, en abaissant les salaires réels, en remplaçant des emplois stables par des emplois précaires, plus mal payés, en accélérant le rythme du travail. Et même les 35 heures, vanté par le gouvernement comme sa grande loi sociale, a surtout donné aux patrons de plus larges possibilités pour accroître la flexibilité des horaires de travail et pour renforcer l'exploitation.
Alors, il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que ceux qui se sont enrichis du profit sué par les travailleurs puissent, eux, conserver leurs fortunes accumulées pendant que ceux qui les ont enrichis soient poussés au chômage !
On enseigne dans les écoles que nous sommes tous égaux devant la loi. Mais la loi protège la propriété et les actionnaires, pas les travailleurs. Un actionnaire a le droit absolu de protéger son capital. Il peut le retirer d'une entreprise si celle-ci ne tient pas le coup dans la concurrence ou même seulement si son capital rapporte moins là qu'ailleurs. On se souvient comment l'actionnaire majoritaire d'AOM-Air Liberté, le holding dirigé par Seillière, a retiré ses capitaux de la compagnie d'aviation pour les protéger de la faillite qui s'annonçait.
Un travailleur, lui, n'a aucun moyen légal de protéger son emploi.
La loi est la loi, nous dira-t-on, le gouvernement ne peut que l'appliquer. Mais s'il avait voulu, le gouvernement aurait pu changer ces lois injustes. Il en aurait eu le temps depuis qu'il est en place et qu'il a la majorité à l'Assemblée. Mais il ne l'a pas fait, parce qu'il est au service des actionnaires, des propriétaires et des riches, et pas au service des travailleurs !
Eh bien, oui, ce sont les actionnaires, présents ou passés, qui doivent être rendus responsables des difficultés de leurs entreprises ! Et pas seulement sur la part du capital qu'ils y ont conservée, mais sur toute leur fortune personnelle !
Pendant que le gouvernement laisse les travailleurs sans défense face aux licenciements collectifs, il se montre généreux avec le grand patronat et plus généralement, avec les possédants. Je n'énumérerai pas tous les cadeaux fiscaux, toutes les dispenses de cotisations sociales dont bénéficient les grandes entreprises, ni les réductions d'impôt qui, comme la suppression de la tranche supérieure, ne concernent que les plus riches.
Mais parlons donc du cadeau fait par le gouvernement aux patrons des cliniques privées ! Le gouvernement fait lanterner depuis des mois le personnel des hôpitaux publics pour éviter d'embaucher autant qu'il serait nécessaire pour compenser le passage aux 35 heures, alors que l'insuffisance des effectifs est déjà dramatique. Mais il a craqué en deux jours devant les exigences des patrons des cliniques privées et leur a accordé 1,7 milliard de rallonge, venant s'ajouter au 1,4 milliard que l'Etat avait déjà promis. Et c'est dans la caisse de la Sécurité sociale que l'Etat prendra l'argent !
Ces patrons ont eu le culot de mettre en avant le fait que les infirmières de leurs cliniques gagnent 1500 ou 2000 Francs de moins que leurs collègues des hôpitaux publics.
Mais un cinquième de l'argent débloqué par l'Etat est officiellement destiné à un "fonds de modernisation des cliniques privées", donc non pas à augmenter les salaires des infirmières, mais à améliorer la valeur marchande des cliniques ! Et quel contrôle y aura-t-il que le reste ira au personnel hospitalier mal payé une fois que les patrons des cliniques auront encaissé la somme ?
Pour augmenter les infirmières et le petit personnel des cliniques, pourquoi ne pas prendre sur les revenus des médecins, sur les profits des actionnaires de ces cliniques, dont certaines appartiennent à des sociétés cotées en Bourse, dont une ex-filiale de Vivendi ? Ces cliniques privées ne sont pas des organismes de charité. Ce n'est pas la santé de leurs malades, c'est le profit qui les intéresse.
Leurs patrons se moquent de l'insuffisance des salaires de leurs infirmières comme du prix de leur premier Jaguar. Ce qui les gêne, c'est qu'elles risquent de quitter le privé pour rejoindre le public. Et sans infirmières, les cliniques ne peuvent pas fonctionner et rapporter gros. Elle est belle, leur libre entreprise, qui ne marche qu'à condition que l'Etat prenne en charge une partie des salaires, sans parler de la recherche et des investissements lourds, et que les propriétaires se contentent d'encaisser les profits !
Le gouvernement ne manifeste pas la même complaisance lorsqu'il s'agit des travailleurs ou des chômeurs. Quand ces derniers manifestaient pour réclamer le relèvement des minima-sociaux, c'était porte close. Jospin les accusait même de vouloir casser la croissance.
On nous répète que la Sécu a du mal à boucler ses comptes, en grande partie parce que la part patronale se réduit sans cesse. On en prend prétexte pour rogner sur les remboursements des soins, réduisant les moyens pour les plus démunis de se soigner. On ferme des hôpitaux et des maternités de proximité. La Sécurité sociale est utilisée moins pour la santé des cotisants que comme vache à lait au service des cliniques privées. Pourquoi faudrait-il que l'argent public, que l'argent des travailleurs, serve à enrichir les actionnaires des cliniques privées et certains médecins spécialistes qui, après avoir été formés dans les hôpitaux publics, opèrent dans des cliniques privées ? Cet argent devrait aller aux hôpitaux publics pour augmenter leurs capacités d'accueil au lieu de les réduire, pour financer des équipements permettant la meilleure qualité de soins possible, pour embaucher des infirmières et du personnel en nombre suffisant et pour les payer correctement. La santé devrait être un service public, au service de tous, et pas un moyen pour quelques-uns de s'enrichir.
Et puis, regardez, à Toulouse, l'attitude du trust pétrolier TotalFinaElf, responsable de l'explosion de l'usine AZF, qui a fait 30 morts et 2.000 blessés et qui a détruit ou endommagé 25.000 appartements.
Regardez aussi l'attitude du gouvernement. Les habitants des cités endommagées ont dû manifester dimanche dernier pour protester contre le fait que, près de deux mois après l'explosion, les carreaux des fenêtres des appartements encore habitables ne sont pas réparés alors que l'hiver est là.
Il ne serait pourtant pas compliqué de trouver dans la région ou au-delà des artisans disponibles pour faire le travail. Mais il faudrait qu'ils soient payés le travail fait, et pas dans six mois ou un an lorsque les assureurs voudront bien rembourser. Pourquoi l'Etat ne débloque-t-il pas tout de suite la somme et ne prend-il pas en charge de faire payer les assureurs, au lieu de laisser chacun des sinistrés seul face à ses problèmes ?
Mais, bien au-delà de cette mesure d'urgence, il y a tout le reste. Les nombreux logements complètement inhabitables. Les destructions. Le chômage technique pour ceux d'AZF, mais aussi ceux des entreprises grandes et petites des alentours. L'incertitude de l'avenir.
TotalFinaElf, propriétaire de l'usine, dont la responsabilité est entière, s'est contentée de jeter 20 millions de francs pour compenser des dommages qui sont évalués au bas mot à 8 milliards. C'est ignoble, venant de la part d'un trust qui se vante d'avoir réalisé l'an dernier 57 milliards de bénéfices.
La justice sait faire saisir, sur le salaire d'un père de famille, de quoi rembourser les dégâts causés par ses enfants. Mais cette justice-là n'est pas appliquée aux trusts ! Elf est récidiviste pourtant, responsable déjà des dégâts causés par le naufrage du pétrolier Erika. Mais il a de l'argent pour mobiliser une armada d'avocats afin de nier sa responsabilité d'avoir affrété une poubelle flottante, interdite de navigation. Une grande partie des victimes de l'Erika ne sont toujours pas indemnisées.
Le gouvernement a pourtant les moyens de contraindre cette multinationale bien française, dont les sièges sociaux et une grande partie des biens sont ici. Ces biens devraient être mis sous séquestre pour obliger TotalFinaElf à rembourser l'intégralité des dégâts qu'il a causés et à assurer l'intégralité des salaires à ceux qu'il a mis au chômage technique !
Il y a 1.249 sites à risque officiellement recensés dans le pays. Il y en a qui veulent les installer à la campagne au nom de la sécurité. Mais, pour assurer la sécurité, il ne suffit pas d'éloigner des villes les usines à risques. Il faut faire en sorte qu'elles ne soient pas dangereuses ! Car, si ces usines dangereuses peuvent être éloignées des zones habitées, elles ne peuvent pas être éloignées de leurs propres travailleurs. Il n'y aucune raison que ceux d'entre nous qui travaillent dans des usines chimiques, comme ceux de Solvay dans la région, dans des raffineries, dans des poudreries, soient contraints de travailler la peur au ventre. Il faut imposer à toutes ces entreprises des contrôles draconiens ! Il faut obliger leurs propriétaires à dépenser l'argent qu'il faut pour que la sécurité soit assurée !
Oui, cette organisation économique et sociale est aussi injuste que dangereuse. Une économie où la productivité croissante, au lieu d'améliorer la vie des travailleurs, la rend plus dangereuse ; où on fait crever de travail les uns pendant qu'on condamne les autres à l'inactivité ; où des minorités qui ne travaillent pas s'assurent des fortunes qu'on a peine à imaginer pendant que d'autres, même dans les pays dits riches comme la France, sont dans l'incertitude du lendemain.
Et puis, comment ne pas parler de ce qui se passe en Afghanistan ?
Les chefs de guerre pro-américains ont pris hier Kaboul et, d'après les médias, ils continuent leur marche victorieuse vers d'autres régions du pays encore sous la coupe des talibans. Nous n'avons évidemment aucun moyen de savoir si cela indique la fin proche de la guerre. Pour le moment, les bombardements américains se poursuivent et s'accroît le nombre des victimes parmi les paysans pauvres, les femmes opprimées par les talibans, s'accroissent aussi le nombre d'adultes civils ou d'enfants handicapés à vie et celui des villages détruits alors que la population de l'Afghanistan n'est pour rien dans les crimes du terroriste Ben Laden.
Rien ne dit pour le moment que les talibans ne se livreront pas à une longue guérilla et que la stabilité revienne de sitôt en Afghanistan. D'autant que les chefs de guerre que les Américains ont appuyé sont rivaux pour le pouvoir, opposés les uns aux autres par l'ambition et que la plupart d'entre eux ne sont ni moins obscurantistes ni moins féroces que les talibans. Ils ont d'ailleurs été au pouvoir il y a une dizaine d'années et si les talibans sont parvenus à prendre leur place avec la complicité, à l'époque, des services secrets américains et pakistanais, c'est bien parce que ces chefs de guerre s'étaient mutuellement affaiblis, s'étaient déconsidérés en laissant leurs troupes piller, violer et massacrer. Le fait qu'ils aient réussi à s'installer à Kaboul sous la protection de l'aviation américaine ne les rend pas meilleurs.
La télévision a montré aujourd'hui des images rassurantes de Kaboul, avec des jeunes qui jouent de la musique, que les talibans avaient prohibé ; des hommes se faisant raser la barbe, imposée par les talibans. Elle a montré quelques rares femmes dans la rue qui, cependant, portent toujours cette infamie qu'est la burka, cette prison en tissu. Rien que la fin des bombardements a de quoi soulager le petit peuple de Kaboul, la fin de la mainmise talibans sur la ville aussi. Mais la population afghane n'a rien à attendre de la victoire des Etats-Unis et de leurs alliés, ni la liberté, ni la démocratie et encore moins une amélioration de son sort.
Les Etats-Unis ne seraient nullement gênés que le régime issu du renversement des talibans soit aussi anti-populaire que celui qui l'a précédé. Que l'on souvienne seulement que les deux grands alliés des Etats-Unis dans la région sont la dictature militaire au Pakistan et le régime islamiste, moyenâgeux, en Arabie saoudite qui, en matière de conservatisme social et de barbarie humaine, n'ont pas grand chose à envier à l'Afghanistan des talibans.
Ce qui, dans la situation actuelle, gêne les Américains, c'est que la rivalité entre les chefs de guerre puisse conduire à une situation d'anarchie armée incontrôlable.
Voilà pourquoi l'Organisation des nations unies, cette institution destinée à donner à la mainmise impérialiste sur le monde une sorte de caution internationale est en train de chercher fébrilement une solution politique susceptible de tenir au moins quelque temps.
Voilà pourquoi elle envisage d'envoyer des troupes au nom de l'ONU, car les dirigeants américains n'ont pas envie d'envoyer en nombre des soldats américains dans ce guêpier. Il serait question de troupes de pays musulmans, comme la Turquie, l'Indonésie ou le Bangladesh. Ce ne sera pas la première fois que des soldats de pays pauvres sont envoyés sur le terrain pour protéger l'ordre impérialiste mondial.
Alors, si les talibans sont chassés, ce qui n'est pas encore le cas, Bush pourra prétendre devant son peuple qu'il a vengé les victimes du World Trade Center et qu'il a porté un coup au terrorisme. Ce qui est un double mensonge, parce que les civils afghans innocents, morts sous les bombes américaines ne rachètent ni ne compensent les victimes innocentes américaines, mortes dans le World Trade Center. L'acte barbare des terroristes islamistes a été simplement prolongé par la barbarie moderne de la principale puissance impérialiste du monde.
Et ni les bombardements sur l'Afghanistan ni le changement de régime à Kaboul ne mettront fin au terrorisme. Et pas seulement parce que, si des milliers d'Afghans sont morts, Ben Laden, lui, court encore. Mais surtout parce que le terrorisme se nourrit des agissements de l'impérialisme lui-même.
Ben Laden est un milliardaire dont la famille a été, il y a quelque vingt ans, en affaire dans le pétrole avec la famille de cet autre milliardaire qu'est le président américain Bush. Ni la situation sociale de cet homme, ni ses choix politiques réactionnaires n'en font un représentant des pauvres et des opprimés de la planète. Si ses actes terroristes ont cependant trouvé un écho favorable dans bien des endroits de la partie pauvre de la planète, c'est en raison de la haine que suscite la domination impérialiste.
Oui, le système impérialiste, basé sur des inégalités de classe à l'intérieur même des grandes puissances riches, signifie aussi la mise en coupe réglée de toute la planète par quelques centaines de grands trusts. Il se traduit par le maintien de centaines de millions d'êtres humains dans une misère que rien ne justifie en ce XXIe siècle, où les capacités productives de l'Humanité pourraient permettre à tout un chacun de se nourrir, de se vêtir, de se soigner, de s'éduquer, de se cultiver, c'est-à-dire tout simplement de vivre une vie digne de l'être humain.
Pour protéger la domination de leurs trusts sur le monde, les puissances impérialistes soutiennent des régimes oppressifs, des dictatures infâmes, pour qu'ils soient favorables à leurs intérêts. Ils foulent aux pieds le droit d'une multitude de peuples à l'existence nationale, comme ils le font dans le cas du peuple palestinien, livré à l'oppression d'un Etat d'Israël supérieurement armé. Tout cela a toujours suscité des réactions et des résistances.
Les grandes puissances ont beau avoir mené des actions terroristes à grande échelle depuis un demi-siècle, comme les bombes atomiques sur un Japon déjà vaincu, comme la guerre du Vietnam, sur lequel les Etats-Unis avaient déversé en quelques années plus de bombes qu'il n'en avait été utilisé pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Elles ont beau avoir fait un million de victimes en Irak, par les bombardements aussi bien que par le blocus économique, sans même avoir chassé Saddam Hussein. Et, pour ce qui est de notre propre impérialisme, l'impérialisme français, il a beau avoir bombardé Sétif ou Madagascar au lendemain de la guerre, mené une guerre coloniale féroce au Vietnam puis en Algérie. Eh bien, toutes ces guerres, tous ces massacres n'ont pas empêché que des soulèvements, des révoltes, des guerres d'émancipation nationale se succèdent depuis un demi-siècle.
On n'arrête pas un fleuve avec les mains, ni même avec des missiles ou des bombardiers B52.
Alors, bien sûr, lorsque les haines, les frustrations, les réactions contre l'oppression sont canalisées par des forces réactionnaires car elles n'apportent aucune alternative à la société, c'est dramatique. Mais, là encore, la responsabilité majeure en appartient à l'impérialisme. Car les courants islamistes ont été à leurs origines encouragés, financé, aidé, de bien des manières, par les puissances impérialistes et leurs services secrets pour contrebalancer le mouvement ouvrier, voire des formes de nationalisme qui les gênaient, notamment dans les pays arabes.
Même lorsqu'ils sont en conflit, en général avec la peau des autres, l'impérialisme et l'islamisme s'appuient finalement mutuellement. La seule alternative pour l'Humanité, c'est la renaissance du mouvement ouvrier. L'alternative, c'est que la classe ouvrière retrouve ses traditions d'organisation et ses perspectives de transformation sociale radicale. Rien ne peut améliorer le système impérialiste mais la classe ouvrière mondiale a la possibilité de changer l'ordre social sur lequel repose le système impérialiste.
Qu'est-ce donc cette organisation économique où la simple survie quotidienne est un problème sur une grande partie de la planète, voire même dans les quartiers pauvres des métropoles riches ?
Qu'est-ce donc que cette organisation économique où il n'y a pas d'argent pour nourrir ceux qui meurent de faim, mais où il y en a, et cent fois plus, pour les écraser sous les bombes ?
Qu'est-ce que cette économie où les conditions d'existence et la vie même de milliards d'êtres humains dépendent des sautes d'humeur de quelques milliers d'actionnaires et de leurs spéculations boursières ?
Qu'est-ce que c'est que cette organisation économique et sociale qui pousse en permanence des centaines de milliers d'hommes et de femmes sur le chemin de l'exil pour fuir l'oppression ou simplement la misère ? Des centaines de milliers d'êtres humains, contraints de courir le risque d'embarcations de fortune, des trafiquants d'hommes, pour essayer d'atteindre des pays où ils espèrent une vie à peu près humaine. Une vie que, bien souvent, ils ne trouvent pas parce que les grandes puissances impérialistes, responsables de cette misère et des ces oppressions, s'entourent de barbelés matériels ou juridiques. Combien de travailleurs immigrés sont-ils livrés ici, en France, à l'avidité de patrons, marchands d'esclaves, ou marchands de sommeil ? Tous ces margoulins profitent de la situation illégale de ceux que le gouvernement refuse de régulariser et maintient dans la situation de sans-papiers.
Eh bien, je tiens à marquer ici ma solidarité avec les sans-papiers et leurs revendications.
Et je suis, bien sûr, pour le droit à la libre circulation de tous les réfugiés, de tous les exilés et pour leur droit de choisir le pays où ils voudraient reconstruire une existence. C'est une simple question d'humanité.
Mais ne s'agit pas seulement de reconnaître les droits humains de ceux qui sont contraints d'émigrer. Il s'agit de mettre fin aux causes des émigrations forcées. Et le seul moyen, c'est de mettre fin à un système économique et social qui les provoque. L'avenir, c'est d'arracher le pouvoir économique et social à ces quelques centaines de groupes financiers et industriels qui dominent la planète et dont les intérêts s'opposent à ce que chaque être humain puisse avoir le droit à une existence digne de ce nom. Prolétaires de tout pays et de toutes origines, c'est ensemble que nous y arriverons !
Camarades et amis,
L'actualité politique tourne de plus en plus autour des élections présidentielles et législatives à venir. Les deux candidats qui se feront face au deuxième tour de l'élection présidentielle, Chirac et Jospin, ne sont pas officiellement en campagne. Mais leurs partis respectifs le sont déjà pour eux, et depuis longtemps.
Les différents partis de la droite parlementaire ont tous, en fait, Chirac pour candidat. La victoire de Chirac à la présidentielle favoriserait, aux législatives la droite face à la gauche Mais les partis de droite sont en concurrence les uns avec les autres pour les places de députés. Chacun cherche à se mettre dans la meilleure position possible pour les législatives et pour les marchandages qui les précèdent. D'où la multiplicité des candidatures au premier tour.
Les faux jumeaux Madelin et Bayrou ont cependant aussi des ambitions personnelles qui vont au-delà des législatives. Leur regard est en réalité fixé sur la ligne bleue de l'élection présidentielle de 2007. A cette date, Chirac, élu ou pas en 2002, ne sera plus dans la course. Un créneau sera alors ouvert : celui du représentant de la droite au deuxième tour. La présidentielle de 2002, c'est en quelque sorte la primaire des seconds couteaux de la droite pour prendre la succession de Chirac. Mais, d'ici là, il y aura d'autres loups plus ou moins jeunes mais aux dents longues pour postuler à la même position, Sarkozy par exemple ou, qui sait, Juppé.
Le choc des ambitions de ces gens-là ne concerne en rien les travailleurs car, sur le plan social, ils sont, tous sans exception, ouvertement dans le camp de la bourgeoisie.
A côté de ces gens de droite rigoureusement interchangeables, il y a toujours le démagogue d'extrême droite. Il incarne toujours la même politique xénophobe, réactionnaire et violemment hostile à la classe ouvrière. Sa montée dans les sondages se nourrit de l'incapacité des autres à résoudre le problème du chômage et de toutes les conséquences qui en découlent, directement ou indirectement, comme l'insécurité dans les quartiers populaires. Et plus la droite et la gauche font de la surenchère sur les thèmes sécuritaires, plus Le Pen en profite !
A gauche, il y aura Jospin. Il dirige le gouvernement depuis bientôt cinq ans. Les travailleurs ont pu vérifier ce que vaut sa politique : sur le plan social, elle est fondamentalement semblable à celle de son prédécesseur de droite, Juppé, aussi hostile aux intérêts des classes populaires, aussi obséquieuse devant le patronat.
Si la cohabitation a marché pendant presque cinq ans, c'est bien que les deux hommes avaient la même politique.
A l'approche des élections, Jospin essaie de redorer son blason auprès de sa base électorale réformiste en reprenant à son compte quelques phrases creuses sur la "mondialisation et ses dangers". Il pousse même l'audace verbale jusqu'à promettre aux dirigeants complaisants du mouvement Attac de "discuter de certaines pistes de travail concernant la taxe Tobin". J'ignore si cela lui vaudra un peu plus de crédit auprès de quelques naïfs, mais cela ne fera pas oublier aux travailleurs que, pour ce qui est de la menace fondamentale qu'est la perte de leurs emplois, de leurs salaires, le gouvernement les laisse sans défense face au patronat.
Le gouvernement Jospin envoie des signaux autrement plus probants du côté des couches possédantes, en multipliant les mesures qui leur sont favorables. Mais les actionnaires, les propriétaires, petits et grands, les classes dites moyennes ont beau être favorisés par ce gouvernement, ils continuent quand même à voter pour la droite car ils préfèrent encore les représentants ouverts de leurs intérêts à leurs représentants honteux. Jospin se trouve dans la situation paradoxale où plus il fait la cour à ceux qui constituent la base électorale de la droite, plus Chirac prend le pas sur lui dans les sondages.
A gauche encore, il y a évidemment le Parti communiste français. Il présentera la candidature de Robert Hue. Mais il a bien du mal à se sortir de sa pente descendante.
Le malheur pour le Parti communiste ou, du moins, pour ses militants qui se situent sincèrement dans le camp des travailleurs, c'est qu'en participant au gouvernement socialiste, en cautionnant sa politique pro-patronale, leur direction les oblige à s'identifier à cette politique. Et, si le congrès du Parti communiste s'est traduit par des modifications à sa direction, il n'a pas changé de politique. La désignation de Marie-George Buffet, au côté de Robert Hue à la direction suprême du Parti, est présentée comme le symbole d'un renouveau. Que la direction du PCF se donne pour secrétaire nationale du parti une ministre de Jospin qui, comme telle, est tenue à la solidarité gouvernementale est, en effet, tout un symbole. Mais ce n'est pas ce symbole-là qui peut satisfaire ceux des militants qui en ont assez de cautionner la politique anti-ouvrière du gouvernement socialiste !
A gauche encore, si l'on ose dire, il y a les Verts. Ils viennent de vivre une crise d'identité à travers le choix de leur candidat. En fait, ils sont surtout partagés par leur absence de programme politique. Car être écologiste n'est pas un programme politique. Oh, il y en a, parmi eux, qui souhaiteraient des réformes sociales, qui défendent les mal logés, s'opposent aux quartiers insalubres et veulent bien régulariser les sans-papiers. Ils sont, à tout prendre, les plus proches de ce qu'on peut appeler "la gauche" ! Mais ils sont engagés dans l'écologie qui est une impasse du point de vue des revendications sociales.
Et, il y a les autres, ceux qui n'ont pas d'objectif social, les écologistes purs, partisans du roller et du vélo, des usines polluantes à l'écart des villes, de l'eau pure, de l'agriculture biologique et du roquefort. Oh, de bonnes choses sans doute ! Mais, surtout, des choses auxquelles aspire une petite bourgeoisie ayant des moyens de vivre et voulant vivre selon ses moyens. La classe ouvrière, ce n'est vraiment pas leur préoccupation, si tant est qu'ils ne croient pas que les chaînes des usines d'automobiles ne sont peuplées que de robots luisant de propreté, dans une ambiance musicale, telle que vous pouvez l'entendre
dans la publicité télévisée d'une certaine marque automobile, et où l'huile des machines est parfumée !
Ceux-là revendiquent, par exemple, sans état d'âme, que le prix de l'essence soit augmenté de façon qu'une partie des automobilistes soient contraints d'abandonner leurs véhicules. Ceux qui seraient alors interdits de voiture et obligés de s'entasser dans des transports publics insuffisants et mal adaptés sont ceux qui ont les revenus les plus modestes, en premier lieu les travailleurs. Mais cette discrimination par l'argent ne gêne pas les Verts.
Pendant ses quatre ans de gouvernement, Voynet, verte par l'étiquette et verte aussi des couleuvres avalées, a dû bien souvent cautionner des mesures sur la chasse, le nucléaire, les tunnels qui tuent, qui ont dû hérisser l'électorat de la base écologiste. Cela ne fait rien. Les Verts en redemandent car ils veulent avoir des députés, des ministres, des maires. Pour cela, ils veulent bien jouer, au premier tour, le rôle de rabatteur pour Jospin au second.
Enfin, il y a Chevènement, ancien ministre ayant battu le record des démissions. Il joue, lui aussi sa carte personnelle. Il se dit de gauche, mais il louche en même temps vers la droite. Pour essayer de plaire des deux côtés, il voltige entre la démagogie populiste et la démagogie nationaliste, entre l'invocation de la république et la fermeté sécuritaire.
En fait, les résultats électoraux de ces gens ne concernent pas vraiment les travailleurs.
Leur rôle à tous dans la présidentielle sera de ramasser au premier tour les voix que Jospin n'aurait pas obtenus, pour les lui offrir au second.
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis
Le monde du travail subit une offensive incessante de la part du patronat, aidé en cela par le gouvernement. Mais nous avons la force d'arrêter l'offensive patronale et de les faire reculer.
L'ensemble des travailleurs de ce pays, quelle que soit leur branche d'activité ; qu'ils travaillent dans le privé ou dans le public, ont les mêmes intérêts économiques, sociaux et politiques fondamentaux.
Ceux qui sont dans le camp du patronat véhiculent dans nos rangs bien des préjugés destinés à mettre l'accent sur ce qui divise les travailleurs pour faire oublier ce qui les unit. Et, malheureusement, bien souvent, les confédérations syndicales elles-mêmes propagent des préjugés corporatistes dont le résultat est que les travailleurs d'une branche, d'une profession ou d'une entreprise considèrent que leurs problèmes sont particuliers alors qu'ils ne sont que l'expression de problèmes qui concernent l'ensemble du monde du travail.
Divisés entre corporations ou entre ceux du public et ceux du privés, nous continuerons à subir les coups du grand patronat et du gouvernement. Mais tous ensemble, unis autour d'une politique qui correspond à nos intérêts de classe, nous pourrons non seulement nous défendre, mais passer à la contre-offensive.
Il faut que le gouvernement en place, quelle que soit son étiquette politique, soit en permanence sous la surveillance et sous la pression des travailleurs.
La pression de la bourgeoisie est, elle, permanente. Le moindre projet du gouvernement, comme d'ailleurs des institutions étatiques, au niveau de la région, du département, de la municipalité, est passé au crible par la bourgeoisie. Elle sait se faire entendre à tous ces niveaux-là pour obtenir des subventions, des avantages, des passe-droits, pour éliminer les rares mesures projetées qui lui déplaisent, pour en imposer d'autres qui sont à son avantage.
Eh bien, les travailleurs doivent exercer une pression dans l'autre sens, non seulement par leurs armes de classe, par des grèves et par des manifestations politiques, mais aussi, directement, en vérifiant eux-mêmes les comptes des entreprises, de leurs patrons et de leurs principaux actionnaires ! Au pouvoir de l'argent, les travailleurs doivent opposer leur nombre et leur rôle irremplaçable dans la vie économique, c'est-à-dire le pouvoir du monde du travail.
Ce que je souhaite, c'est que les travailleurs n'attendent rien d'autre des élections à venir que l'occasion d'affirmer qu'ils refusent la politique de la bourgeoisie, qu'elle soit présentée avec une sauce de droite ou avec une sauce de gauche.
Mais les élections constituent une occasion de se prononcer sur des objectifs qui pourront devenir ceux des luttes de demain.
Lors de l'élection présidentielle précédente, en 1995, nous étions les seuls à dire que, pour combattre le chômage, il faut interdire les licenciements sous peine de réquisition des entreprises qui s'en rendent coupables. Nous étions les seuls à défendre l'idée qu'il est nécessaire, indispensable, de l'intérêt des travailleurs comme de l'intérêt de toute la société, de contrôler les entreprises, de contrôler les capitaux et leur fonctionnement.
Certaines de ces idées commencent à faire leur chemin. Je suis confiante dans la capacité de la classe ouvrière. Ce sont les patrons par leur avidité et par leur cynisme ou les dirigeants politiques à leur service, qui feront la provocation de trop, celle qui fera exploser la colère du monde du travail.
Eh bien, quand cela arrivera, les idées propagées aujourd'hui deviendront une force. Et, alors, travailleuses, travailleurs, tous ensemble, nous imposerons des objectifs qui changeront le rapport des forces entre le monde du travail et le monde patronal !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 15 novembre 2001)