Déclarations de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002, sur l'augmentation des licenciements collectifs, notamment chez Philips et Solectron, sur la situation des sinistrés de l'usine AZF, sur les bombardements américains en Afghanistan, et sur la préparation des élections présidentielle et législative, Bordeaux le 7 novembre, Le Mans le 9 novembre 2001.

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Circonstance : Meetings électoraux pour l'élection présidentielle de 2002 à Bordeaux, le 7 novembre, et au Mans, le 9 novembre 2001

Texte intégral


Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
La menace la plus grave contre le monde du travail est celle des licenciements collectifs et du chômage.
Cela était déjà le cas pendant ces années où le patronat et le gouvernement se disputaient le mérite de ce qu'ils appelaient la "croissance de l'économie". Même alors, c'étaient surtout les profits des entreprises et les bénéfices qui étaient en croissance, pas les salaires. Le nombre de chômeurs n'est jamais descendu en-dessous des 2 millions, chiffre considérable. La baisse du chômage dont se vantait alors le gouvernement était due, pour une large part, à des manipulations statistiques, comme celle appliquée depuis 1995 qui consiste à ne plus compter comme chômeurs ceux qui ont travaillé plus de 78 heures le mois précédent. On a rayé des statistiques du chômage tous les précaires, tous les intérimaires qui n'ont que des emplois partiels, occasionnels, avec des salaires qui permettent à peine de survivre. La baisse des statistiques du chômage cachait en réalité la généralisation de la précarité. Cette précarité, qui fait que plus de 4 millions de personnes dans ce pays ne sont certes plus comptés comme chômeurs, mais qui, sur l'année, gagnent moins que le SMIC.
Et qui ne se souvient de l'effarant cynisme de ces patrons qui, comme Michelin, annonçaient le même jour la hausse de leurs profits et des suppressions d'emplois ou, comme Danone, affirmaient que c'est lorsque les affaires vont bien qu'il faut licencier pour pouvoir payer des indemnités ?
Eh bien, toutes ces entreprises qui avaient annoncé des plans de suppressions d'emplois malgré des profits élevés continuent à licencier ! Danone, bien sûr, toujours déterminé à fermer ses usines de Calais et de Ris-Orangis. Et bien d'autres, d'Alsthom à Aventis ou, ici, à Bordeaux, Solectron qui non seulement fait des bénéfices, mais qui a aussi touché des subventions de l'Etat et des collectivités locales et qui réduit quand même ses effectifs.
Mais, depuis quelques mois, se multiplient les cas d'entreprises qui, pour justifier des licenciements et des fermetures d'usines, invoquent la dégradation de la situation économique.
Alcatel, qui avait déjà annoncé la suppression de 23.000 emplois dans le monde, en ajoute 10.000. Philips ferme son usine du Mans, Valéo, ses deux usines de Vire et de Cahors. Moulinex a mis la clé sous le paillasson et 3.700 de ses travailleurs à la porte. AOM-Air Liberté a déjà licencié une partie de ses effectifs, mais d'autres suivront.
Et à côté de ces grandes entreprises, combien d'autres, moyennes et petites, des sous-traitants qui, en réduisant leurs effectifs, accroissent le contingent de chômeurs ? Combien d'intérimaires, aussi, qu'on met à la porte, discrètement, y compris dans les grosses entreprises d'automobile dont pourtant les affaires sont florissantes.
Qu'elles tournent bien ou qu'elles subissent les aléas de leur économie, les entreprises capitalistes cherchent toutes à améliorer leur rentabilité en produisant plus avec moins de travailleurs. Pendant que les uns crèvent au travail, les autres sont poussés vers l'ANPE et leurs familles, à la gêne puis à la pauvreté. C'est intolérable et les travailleurs ne le toléreront pas indéfiniment !
Quand bien même l'économie serait en récession, est-ce aux travailleurs de payer les pots cassés ? Est-ce normal, est-ce acceptable que ceux qui n'ont en rien bénéficié de l'accroissement des profits perdent leurs salaires, leur unique source de revenu ?
Depuis plus de dix ans, les profits des grandes entreprises n'ont cessé de croître. Ces profits élevés ont été obtenus en aggravant l'exploitation des travailleurs, en abaissant les salaires réels, en remplaçant des emplois stables par des emplois précaires, plus mal payés, en accélérant le rythme du travail. Et même les 35 heures, vanté par le gouvernement comme sa grande loi sociale, a surtout donné aux patrons de plus larges possibilités pour accroître la flexibilité des horaires de travail et pour renforcer l'exploitation.
Pendant que les profits des entreprises s'envolaient, les travailleurs ne s'enrichissaient pas. Ils ont tout juste vécu en essayant de joindre les deux bouts avec leurs salaires stagnants. Mais les propriétaires de ces entreprises, mais leurs actionnaires, combien d'argent ont-ils donc encaissé ? Que sont devenus les milliards qu'ils se sont appropriés ? Dans quelles autres entreprises ont-ils été investis pour exploiter d'autres travailleurs ? Combien de propriétés ou de châteaux achetés avec cet argent ? Combien de bijoux, de tableaux de maître, de voitures de luxe ou d'avions privés ?
Les fortunes des grandes familles bourgeoises ont été doublées, triplées, pendant ces années de profits en croissance.
Eh bien, aujourd'hui, on explique à ceux de Moulinex jetés à la rue que c'est la faute à la concurrence et qu'on n'y peut rien ! On explique à ceux des usines fermées de Philips ou d'Alcatel que des téléphones portables, on en a trop fabriqué et que c'est la loi du marché.
Ces explications prouvent au moins que le marché est stupide et que cette économie, basée sur la concurrence et sur le profit, glorifiée par tous les hommes politiques, est une économie aussi inhumaine qu'irrationnelle et qu'il faudra y mettre fin un jour !
Mais il n'y a pas que cela. Car si, dans la débâcle d'une entreprise comme Moulinex, les travailleurs perdent leurs emplois, c'est à dire qu'ils perdent tout, ceux qui se sont enrichis du profit sué par les travailleurs peuvent conserver leurs fortunes accumulées. C'est aux travailleurs qu'on fait payer les aléas d'une économie démente mais pas aux actionnaires !
On enseigne dans les écoles que nous sommes tous égaux devant la loi. Mais la loi protège la propriété et les actionnaires, pas les travailleurs. Un actionnaire a le droit absolu de protéger son capital. Il peut le retirer d'une entreprise si celle-ci ne tient pas le coup dans la concurrence ou même seulement s'il rapporte moins là qu'ailleurs. On se souvient comment l'actionnaire majoritaire d'AOM-Air Liberté, le holding dirigé par Seillière, a retiré ses capitaux de la compagnie d'aviation pour les protéger de la faillite qui s'annonçait.
Un travailleur, lui, n'a aucun moyen légal de protéger son emploi.
Est-ce que c'est normal, est-ce que c'est acceptable que les bénéfices passent avant l'emploi, l'argent avant la vie des hommes et des femmes ? Est-ce que c'est normal, est-ce que c'est acceptable que le gouvernement, qui prétend représenter l'intérêt collectif, ne fasse rien pour empêcher une telle catastrophe sociale ?
La loi est la loi, nous dira-t-on, le gouvernement ne peut que l'appliquer. Mais s'il avait voulu, le gouvernement aurait pu changer ces lois injustes. Il en aurait eu le temps depuis qu'il est en place et qu'il a la majorité à l'Assemblée. Mais il ne l'a pas fait, parce qu'il est au service des actionnaires, des propriétaires et des riches, et pas au service des travailleurs !
Eh bien, oui, ce sont les actionnaires, présents ou passés, qui doivent être rendus responsables des difficultés de leurs entreprises ! Et pas seulement sur la part du capital qu'ils y ont conservée, mais sur toute leur fortune personnelle !
Alors, ce qu'un gouvernement, même de gauche, ne veut pas imposer au patronat et aux actionnaires, ce sera aux travailleurs de l'imposer par leur lutte collective !
Pendant que le gouvernement laisse les travailleurs sans défense face aux licenciements collectifs, il se montre généreux avec le grand patronat et plus généralement, avec les possédants. Je n'énumérerai pas tous les cadeaux fiscaux, toutes les dispenses de cotisations sociales dont bénéficient les grandes entreprises, ni les réductions d'impôt qui, comme la suppression de la tranche supérieure, ne concernent que les plus riches.
Mais regardons avec quelle servilité le gouvernement vient de céder aux injonctions des patrons des cliniques privées. Ce gouvernement qui fait lanterner le personnel hospitalier du public depuis des mois au sujet des 35 heures, vient de céder en une seule nuit de négociations une subvention de trois milliards aux patrons du privé !
Les patrons de cliniques privées ont eu le culot de mettre en avant le fait que les infirmières du secteur privé gagnent 1500 ou 2000 Francs de moins que leurs collègues des hôpitaux publics.
Mais pourquoi ces patrons de clinique ne payent-ils pas mieux leurs infirmières, eux qui savent faire un pont d'or aux chirurgiens et aux médecins spécialistes pour les débaucher des hôpitaux publics ? Car ces cliniques privées ne sont pas des organismes de charité. Ce n'est pas la santé de leurs malades, c'est le profit qui les intéresse. Quelques une d'entre elles dépendent de grands groupes comme Vivendi - ex-Général des Eaux, la Banque de Suez et sont côtés en bourse. Et même les autres constituent des affaires assez juteuses pour avoir alimenté, il n'y a pas si longtemps, une guerre des cliniques dans le Midi, dans la plus belle tradition du Milieu.
Ces patrons de clinique se moquent de l'insuffisance des salaires de leurs infirmières comme de leur premier Jaguar. Ce qui les gêne, c'est qu'elles risquent de quitter le privé pour rejoindre le public. Et sans infirmières, les cliniques ne peuvent pas fonctionner et rapporter gros. Elle est belle, leur libre entreprise, qui ne marche qu'à condition que l'Etat prenne en charge une partie des salaires, sans parler de la recherche et des investissements lourds, et que les propriétaires se contentent d'encaisser les profits !
Alors, l'argent de l'Etat ne doit pas servir à enrichir encore les propriétaires des cliniques privées ou les actionnaires des grands groupes qui y ont placé des capitaux. Pas de profit privé sur le dos des malades et du personnel hospitalier ! La santé devrait être un service public, assurant à tous des soins gratuits et de qualité. Au lieu de fermer des hôpitaux et des maternités de proximité, il faut en ouvrir en nombre suffisant et assurer une formation et un salaire correcte à tout le personnel hospitalier !
Et puis, regardez leur attitude à Toulouse ! Six semaines après l'explosion de l'usine AZF, qui a fait 30 morts et 2.000 blessés et qui a détruit ou endommagé 25.000 appartements, la situation des sinistrés reste catastrophique. 10.000 appartements sont dans un état qui ne permet pas d'aborder l'hiver, sans même que les travaux soient commencés. Un millier de foyers sont dans l'attente d'une solution même provisoire. Des milliers de travailleurs sont au chômage technique et dans l'incertitude de l'avenir : ceux D'AZF mais aussi ceux des entreprises, grandes et petites, des alentours. Pour combien de temps ?
C'est la solidarité privée qui permet à beaucoup de s'en sortir. Mais TotalFinaElf, propriétaire de l'usine, dont la responsabilité est entière, s'est contentée de jeter 20 millions de francs pour compenser des dommages qui sont évalués au bas mot à 8 milliards. N'est-ce pas ignoble, venant de la part d'un trust qui se vante d'avoir réalisé l'an dernier 57 milliards de bénéfices ? Les plus importants jamais réalisés
en France !
La justice sait faire saisir, sur le salaire d'un père de famille, de quoi rembourser les dégâts causés par ses enfants. Mais cette justice-là n'est pas appliquée aux trusts ! Elf est récidiviste pourtant, responsable déjà des dégâts causés par le naufrage du pétrolier Erika. Mais il a de l'argent pour mobiliser une armada d'avocats afin de nier sa responsabilité d'avoir affrété une poubelle flottante, interdite de navigation. Une grande partie des victimes de l'Erika ne sont toujours pas indemnisées.
Le gouvernement a pourtant les moyens de contraindre cette multinationale bien française, dont les sièges sociaux et une grande partie des biens sont ici. Ces biens devraient être mis sous séquestre pour obliger TotalFinaElf à rembourser l'intégralité des dégâts qu'il a causés et à assurer l'intégralité des salaires à ceux qu'il a mis au chômage technique !
Il y a 1.249 sites à risque officiellement recensés dans le pays. Ici, à Bordeaux, Juppé s'est servi de l'émotion créée par l'explosion d'AZF à Toulouse pour faire voter le déménagement de l'un d'entre eux, l'usine Soferti, parce que cela arrange ses projets d'un nouveau pont sur la Garonne. Mais que deviendront les travailleurs de l'usine ? Il n'est évidemment pas question, pour Juppé, d'obliger TotalFinaElf à continuer à payer leurs salaires aux travailleurs de l'entreprise jusqu'à ce qu'ils retrouvent un emploi équivalent.
Les partisans du déménagement de l'usine invoquent la sécurité. Mais, pour assurer la sécurité, il ne suffit pas d'éloigner des villes les usines à risques Il faut faire en sorte qu'elles ne soient pas dangereuses ! Car, si ces usines dangereuses peuvent être éloignées des zones habitées, elles ne peuvent pas être éloignées de leurs propres travailleurs. Il n'y aucune raison que ceux d'entre nous qui travaillent dans des usines chimiques, dans des raffineries, dans des poudreries, soient contraints de travailler la peur au ventre. Il faut imposer à toutes ces entreprises des contrôles draconiens ! Il faut obliger leurs propriétaires à dépenser l'argent qu'il faut pour que la sécurité soit assurée !
Et puis, à côté de ces sites considérés comme dangereux, combien d'autres où il n'y a ni matières explosives ni produits dangereux et ou des travailleurs meurent quand même d'accidents du travail parce qu'on fait des économies sur la sécurité, parce qu'on leur impose un rythme de travail trop élevé. 748 accidents du travail mortels l'année dernière, deux par jour !
Oui, cette organisation économique et sociale est aussi injuste que dangereuse. Une économie où la productivité croissante, au lieu d'améliorer la vie des travailleurs, la rend plus dangereuse ; où on fait crever de travail les uns pendant qu'on condamne les autres à l'inactivité ; où des minorités qui ne travaillent pas s'assurent des fortunes qu'on a peine à imaginer pendant que d'autres, même dans les pays dits riches comme la France, sont dans l'incertitude du lendemain.
Et puis, comment ne pas parler aujourd'hui de ce qui se passe en Afghanistan ?
Cela fait plus d'un mois que les avions américains soumettent ce pays à des bombardements intenses. Le terroriste Ben Laden n'a pas été arrêté, le pouvoir taliban n'a même pas été ébranlé, mais des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui ne sont pour rien dans les crimes de Ben Laden ont été tués ou blessés et des villages entiers détruits.
Les Etats-Unis continuent à présenter la guerre, qu'ils mènent contre l'Afghanistan avec l'aide et la complicité d'autres grandes puissances, dont la France, comme un acte de légitime défense. Mais en quoi l'horreur des attentats contre les tours du World Trade Center peut légitimer que l'on noie sous les bombes un des pays les plus pauvres du monde, qui subit depuis vingt ans des guerres successives, où trois millions de personnes sont menacées de famine et plus de deux millions contraintes de végéter dans les camps de réfugiés dans les pays voisins ?
Ce que les Etats-Unis font en Afghanistan est barbare et révoltant. L'attitude de ceux qui nous gouvernent et qui applaudissent les crimes américains ne vaut pas mieux. Ils osent présenter cette guerre comme une guerre de libération pour les Afghans eux-mêmes. Mais, pour quelques taliban tués, combien de femmes afghanes opprimées par les taliban meurent sous les bombes ? Combien de paysans pauvres sont contraints de subir, en plus de la dictature des taliban, les bombes américaines ?
En s'en prenant à des édifices qui étaient des symboles de la puissance américaine, Ben Laden prétendait venger les Palestiniens opprimés et pourchassés dans leur propre pays par un appareil militaire israélien supérieurement armé et soutenu par les Etats-Unis. Il prétend venger plus généralement le monde musulman dont la majorité vit dans la pauvreté et est opprimée par des régimes à la dévotion des Etats-Unis.
Toute cette démagogie est un mensonge car l'écroulement des tours du World Trade Center n'avance en rien le combat du peuple palestinien et parce que la mort des milliers de victimes des attentats-suicide, pour la plupart des employés, n'affaiblit en rien l'impérialisme américain. Au contraire. Cela permet aux dirigeants impérialistes de jouer sur l'émotion légitime de leurs peuples pour faire approuver aujourd'hui la guerre contre l'Afghanistan et demain on ne sait quelles autres guerres de brigandage.
Et puis, Ben Laden et ses semblables ne cherchent pas à libérer les peuples, pas même ceux qui se reconnaissent dans l'islam, mais, au contraire, à leur imposer des dictatures obscurantistes comme en témoigne le régime des taliban.
Oui, Ben Laden est un terroriste doublé d'une crapule réactionnaire. Mais Bush ne vaut pas mieux.
Les dirigeants américains recommencent la même politique criminelle qu'ils mènent depuis une décennie contre l'Irak. La guerre du Golfe, ils prétendaient la mener contre Saddam Hussein. Mais le dictateur est toujours là, son armée aussi, alors que les bombardements et le blocus économique ont fait plus d'un million de morts dans la population et c'est tous les jours encore que des enfants meurent faute de soins à cause du blocus.
Malgré la propagande des gouvernements occidentaux, il est de plus en plus visible que plus il y a de bombes sur l'Afghanistan, plus il y a de victimes innocentes, plus y augmente la haine dans les coeurs, et bien au-delà des pays bombardés.
Cette guerre ne fera que creuser encore plus le fossé de sang entre les grandes puissances impérialistes et la partie pauvre de la planète. Elle est en train de susciter de nouvelles vocations de terroristes qu'un Ben Laden ou un autre n'aura qu'à embaucher au profit de ses objectifs aussi réactionnaires que stériles.
Ben Laden, ce milliardaire saoudien, a beau se déguiser avec les vêtements traditionnels des pauvres, il a beau citer le Coran et appelé "sainte" la guerre qu'il mène, il est un sous-produit américain. Ce sont les Etats-Unis et leurs services secrets qui ont fabriqué ce personnage, à une époque où, pour contrer l'influence soviétique en Afghanistan, ils appuyaient les courants islamistes. Ce sont encore les Etats-Unis qui ont incité les rois réactionnaires d'Arabie saoudite et les dictateurs militaires du Pakistan à financer et armer les taliban et à les aider à s'emparer du pouvoir.
Mais la responsabilité de l'impérialisme américain et de ses alliés dans le développement du terrorisme islamiste est bien plus profonde encore. Parce que ce terrorisme et surtout la sympathie qu'il rencontre dans la partie sous-développée de la planète s'enracinent dans la pauvreté ; et parce que les masses pauvres sentent confusément ou savent d'expérience que le sort qui leur est imposé l'est en dernier ressort par ce système impérialiste dont les Etats-Unis constituent le principal pilier.
Le combat que mènent les puissances impérialistes coalisées n'est certainement pas le combat du camp de la liberté, de la démocratie contre le terrorisme et l'obscurantisme. Car, depuis toujours, pour assurer aux grands trusts le droit de piller la planète entière, les puissances impérialistes soutiennent des régimes oppressifs, des dictatures abjectes, s'appuient sur des forces réactionnaires, quand elles n'interviennent pas directement contre les peuples.
Ce n'est pas non plus le combat de l'avenir contre le passé, de la civilisation contre la barbarie, même si les taliban semblent sortir directement du Moyen-Âge et si les missiles et les avions envoyés contre eux contiennent le dernier cri de la technologie. Car le terreau de la barbarie, c'est l'impérialisme lui-même.
Et s'il y a une différence entre les Etats-Unis et les puissances impérialistes de seconde zone, dont la France, cette différence ne tient qu'à la disproportion des moyens, pas à la nature de leurs politiques respectives.
L'hypocrisie qui consiste à ne dénoncer, dans l'engagement de la France dans cette guerre, que le suivisme à l'égard des Etats-Unis est d'autant plus répugnante que, des bombardements de Sétif à la guerre d'Algérie, en passant par les bombardements de Madagascar et la guerre d'Indochine, une longue liste de méfaits montre que l'impérialisme français ne vaut pas mieux que l'impérialisme américain et que ses dirigeants, même ceux qui se prétendent socialistes, ne valent pas mieux que George Bush !
On ne peut que déplorer et s'attrister que certains jeunes des banlieues brandissent le portrait de ce milliardaire saoudien réactionnaire. Mais il ne s'agit pas seulement de déplorer. Pour convaincre les opprimés qui voient un espoir là où il n'y en a pas pour les classes populaires, il faudra que le mouvement ouvrier renaisse. Il faudra qu'il incarne de nouveau, aux yeux des opprimés du monde, l'espoir d'un changement social radical.
Oui, tout se tient. Cette économie, où une classe minoritaire capitaliste monopolise toutes les richesses, tous les moyens de les produire, pour lui permettre d'accumuler des fortunes extravagantes, sécrète la pauvreté partout sur la planète. Elle la sécrète même à l'intérieur des pays riches, même aux Etats-Unis.
Mais elle sécrète aussi l'inégalité entre pays. A côté de la douzaine de pays impérialistes et de quelques autres capables d'assurer à la majorité de leurs populations un niveau de vie acceptable, combien d'autres, une grande partie de la planète, où la simple survie quotidienne est un problème, où on ne dispose pas d'eau potable et où même un minimum de soins est un rêve inaccessible ?
Ceux qui nous gouvernent sont tous, pourtant, à plat ventre devant cette économie. Tous sont unanimes à proclamer que, hors l'économie de marché, il n'y a pas de salut pour l'Humanité. Mais le fait que cette économie soit organiquement incapable d'assurer la nourriture quotidienne à une partie importante de l'Humanité, la condamne irrémédiablement.
Mais qu'est-ce donc que cette organisation économique où il n'y a pas d'argent pour nourrir ceux qui meurent de faim, mais où il y en a cent fois plus pour les écraser sous les bombes ?
Qu'est-ce que cette économie où les conditions d'existence et la vie même de milliards d'êtres humains dépendent des sautes d'humeur de quelques milliers d'actionnaires et de leurs spéculations boursières ?
Qu'est-ce que c'est que cette organisation économique et sociale qui pousse en permanence des centaines de milliers d'hommes et de femmes sur le chemin de l'exil pour fuir l'oppression ou simplement la misère ? Des centaines de milliers d'êtres humains, contraints de courir le risque d'embarcations de fortune, des trafiquants d'hommes, pour essayer d'atteindre des pays où ils espèrent une vie à peu près humaine. Une vie que, bien souvent, ils ne trouvent pas parce que les grandes puissances impérialistes, responsables de cette misère et des ces oppressions, s'entourent de barbelés matériels ou juridiques. Combien de travailleurs immigrés sont-ils livrés ici, en France, à l'avidité de patrons, marchands d'esclaves, ou marchands de sommeil ? Tous ces margoulins profitent de la situation illégale de ceux que le gouvernement refuse de régulariser et maintient dans la situation de sans-papiers.
Eh bien, je tiens à marquer ici ma solidarité avec les sans-papiers et leurs revendications.
Et je suis, bien sûr, pour le droit à la libre circulation de tous les réfugiés, de tous les exilés et pour leur droit de choisir le pays où ils voudraient reconstruire une existence. C'est une simple question d'humanité.
Mais ne s'agit pas seulement de reconnaître les droits humains de ceux qui sont contraints d'émigrer. Il s'agit de mettre fin aux causes des émigrations forcées. Et le seul moyen, c'est de mettre fin à un système économique et social qui les provoque. L'avenir, c'est d'arracher le pouvoir économique et social à ces quelques centaines de groupes financiers et industriels qui dominent la planète et dont les intérêts s'opposent à ce que chaque être humain puisse avoir le droit à une existence digne de ce nom.
Prolétaires de tout pays et de toutes origines, c'est ensemble que nous y arriverons !
Camarades et amis,
L'actualité politique tourne de plus en plus autour des élections présidentielles et législatives à venir. Les deux candidats qui se feront face au deuxième tour de l'élection présidentielle, Chirac et Jospin, ne sont pas officiellement en campagne. Mais leurs partis respectifs le sont déjà pour eux, et depuis longtemps.
Les différents partis de la droite parlementaire ont tous, en fait, Chirac pour candidat. Mais ils sont en concurrence les uns avec les autres pour les places de députés aux législatives qui suivront la présidentielle. Chacun cherche à se mettre dans la meilleure position possible pour les législatives, mais aussi pour les marchandages qui les précèdent. La victoire de Chirac à la présidentielle favoriserait, aux législatives, globalement, les partis de droite face à ceux de gauche. Mais, les résultats au premier tour de leurs candidats respectifs compteront dans les négociations entre partis de droite. D'où la multiplicité des candidatures.
Les faux jumeaux Madelin et Bayrou ont cependant des ambitions personnelles qui vont au-delà des législatives. C'est à la présidentielle de 2002 qu'ils se présentent, mais leur regard est en réalité fixé sur la ligne bleue de l'élection présidentielle de 2007. A cette date, Chirac, élu ou pas en 2002, ne sera plus dans la course. Un créneau sera alors ouvert : celui du représentant de la droite au deuxième tour. La présidentielle de 2002, c'est en quelque sorte la primaire des seconds couteaux de la droite pour prendre la succession de Chirac. Mais, d'ici là, il y aura d'autres loups plus ou moins jeunes mais aux dents longues pour postuler à la même position, Sarkozy par exemple ou, qui sait, Juppé. Il peut espérer que ses déboires de 1995 seront oubliés d'ici là.
Le choc des ambitions de ces gens-là ne concerne en rien les travailleurs car, sur le plan social, ils sont, tous sans exception, ouvertement dans le camp de la bourgeoisie.
A côté de ces gens de droite rigoureusement interchangeables, il y a toujours le démagogue d'extrême droite. Il incarne toujours la même politique xénophobe, réactionnaire et violemment hostile à la classe ouvrière. Sa montée dans les sondages se nourrit de l'incapacité des autres à résoudre le problème du chômage et de toutes les conséquences qui en découlent, directement ou indirectement, comme l'insécurité dans les quartiers populaires. Elle se nourrit aussi de la concurrence entre la droite parlementaire et la gauche sur les thèmes sécuritaires.
A gauche, il y aura Jospin. Il dirige le gouvernement depuis cinq ans. Les travailleurs ont pu vérifier ce que vaut sa politique : sur le plan social, elle est fondamentalement semblable à celle de son prédécesseur de droite, Juppé, aussi hostile aux intérêts des classes populaires, aussi obséquieuse devant le patronat.
Et, en matière de politique internationale, bien que Chirac, président de la République, soit de droite et Jospin, Premier ministre, se prétende de gauche, "la France parle d'une seule voix", comme aiment à le dire l'un comme l'autre. Si la cohabitation a marché pendant cinq ans, c'est bien que les deux hommes avaient la même politique. Les rares couacs dans la cohabitation venaient des questions de prééminence, de coups bas et des chocs des ambitions qui, chez ces gens, tiennent lieu de combat politique.
A l'approche des élections, Jospin essaie de redorer son blason auprès de sa base électorale réformiste en reprenant à son compte quelques phrases creuses sur la "mondialisation et ses dangers". Il pousse même l'audace verbale jusqu'à promettre aux dirigeants complaisants du mouvement Attac de "discuter de certaines pistes de travail concernant la taxe Tobin". J'ignore si cela lui vaudra un peu plus de crédit auprès de quelques naïfs, mais cela ne fera pas oublier aux travailleurs que, pour ce qui est de la menace fondamentale qu'est la perte de leurs emplois, de leurs salaires, le gouvernement les laisse sans défense face au patronat.
Le gouvernement Jospin envoie des signaux autrement plus probants du côté des couches possédantes, au sens large, en multipliant les mesures qui leur sont favorables comme le cadeau fait cette nuit aux patrons des cliniques. Mais les actionnaires, les propriétaires, petits et grands, les classes dites moyennes ont beau être favorisés par ce gouvernement, ils continuent quand même à voter pour la droite car ils préfèrent encore les représentants ouverts de leurs intérêts à leurs représentants honteux. Jospin se trouve dans la situation paradoxale où plus il fait la cour à ceux qui constituent la base électorale de la droite, plus Chirac prend le pas sur lui dans les sondages.
A gauche encore, il y a évidemment le Parti communiste français. Il présentera la candidature de Robert Hue. Mais il a bien du mal à se sortir de sa pente descendante.
Le malheur pour le Parti communiste ou, du moins, pour ses militants qui se situent sincèrement dans le camp des travailleurs, c'est qu'en participant au gouvernement socialiste, en cautionnant sa politique pro-patronale, leur direction les oblige à s'identifier à cette politique. Et, si le congrès du Parti communiste s'est traduit par des modifications à sa direction, il n'a pas changé de politique. La désignation de Marie-George Buffet, au côté de Robert Hue à la direction suprême du Parti, est présentée comme le symbole d'un renouveau. Que la direction du PCF se donne pour secrétaire nationale du parti une ministre de Jospin qui, comme telle, est tenue à la solidarité gouvernementale est, en effet, tout un symbole. Mais ce n'est pas ce symbole-là qui peut satisfaire ceux des militants qui en ont assez de cautionner la politique anti-ouvrière du gouvernement socialiste !
A gauche encore, si l'on ose dire, il y a les Verts. Ils viennent de vivre une crise d'identité à travers le choix de leur candidat. En fait, ils sont surtout partagés par leur absence de programme politique. Car être écologiste n'est pas un programme politique. Oh, il y en a, parmi eux, qui souhaiteraient des réformes sociales, qui défendent les mal logés, s'opposent aux quartiers insalubres et veulent bien régulariser les sans-papiers. Ils sont, à tout prendre, les plus proches de ce qu'on peut appeler "la gauche" ! Mais ils sont engagés dans l'écologie qui est une impasse du point de vue des revendications sociales.
Et, il y a les autres, ceux qui n'ont pas d'objectif social, les écologistes purs, partisans du roller et du vélo, des usines polluantes à l'écart des villes, de l'eau pure, de l'agriculture biologique et du roquefort. Oh, de bonnes choses sans doute ! Mais, surtout, des choses auxquelles aspire une petite bourgeoisie ayant des moyens de vivre et voulant vivre selon ses moyens. La classe ouvrière, ce n'est vraiment pas leur préoccupation, si tant est qu'ils ne croient pas que les chaînes des usines d'automobiles ne sont peuplées que de robots luisant de propreté, dans une ambiance musicale, telle que vous pouvez l'entendre dans la publicité télévisée d'une certaine marque automobile, et où l'huile des machines est parfumée !
Ceux-là revendiquent, par exemple, sans état d'âme, que le prix de l'essence soit augmenté de façon telle qu'un certain nombre d'automobilistes soient contraints d'abandonner leurs véhicules. Ils ne se soucient certainement pas que ceux qui seraient alors interdits de voiture et obligés de s'entasser dans des transports publics insuffisants et mal adaptés sont ceux qui ont les revenus les plus modestes, en premier lieu les travailleurs.
Pendant ses quatre ans de gouvernement, Voynet, verte par l'étiquette et verte aussi des couleuvres avalées, a dû bien souvent cautionner des mesures sur la chasse, le nucléaire, les tunnels qui tuent, qui ont dû hérisser l'électorat de la base écologiste. Cela ne fait rien. Les Verts en redemandent car ils veulent avoir des députés, des ministres, des maires. Pour cela, ils veulent bien jouer, au premier tour, le rôle de rabatteur pour Jospin au second.
Enfin, il y a Chevènement, ancien ministre ayant battu le record des démissions. Son langage mêle la démagogie populiste de gauche et la démagogie nationaliste de droite pour essayer de plaire des deux côtés. Il joue sa carte personnelle, tout comme Bayrou et Madelin à droite, en visant la présidentielle de 2007.
En fait, les avancées ou le recul des uns et des autres dans les sondages ne concernent pas vraiment les travailleurs, pas plus que leurs résultats électoraux. Leur rôle à tous dans la présidentielle sera de ramasser au premier tour les voix que Jospin n'aurait pas obtenus, pour les lui offrir au second.
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis
Le monde du travail subit une offensive incessante de la part du patronat, aidé en cela par le gouvernement. Mais nous avons la force d'arrêter l'offensive patronale et de les faire reculer.
L'ensemble des travailleurs de ce pays, quelle que soit leur branche d'activité ; qu'ils travaillent dans le privé ou dans le public, ont les mêmes intérêts économiques, sociaux et politiques fondamentaux.
Ceux qui sont dans le camp du patronat véhiculent dans nos rangs bien des préjugés destinés à mettre l'accent sur ce qui divise les travailleurs pour faire oublier ce qui les unit. Et, malheureusement, bien souvent, les confédérations syndicales elles-mêmes propagent des préjugés corporatistes dont le résultat est que les travailleurs d'une branche, d'une profession ou d'une entreprise considèrent que leurs problèmes sont particuliers alors qu'ils ne sont que l'expression de problèmes qui concernent l'ensemble du monde du travail.
Divisés entre corporations ou entre ceux du public et ceux du privés, nous continuerons à subir les coups du grand patronat et du gouvernement. Mais tous ensemble, unis autour d'une politique qui correspond à nos intérêts de classe, nous pourrons non seulement nous défendre, mais passer à la contre-offensive.
Il faut que le gouvernement en place, quelle que soit son étiquette politique, soit en permanence sous la surveillance et sous la pression des travailleurs.
La pression de la bourgeoisie est, elle, permanente. Le moindre projet du gouvernement, comme d'ailleurs des institutions étatiques, au niveau de la région, du département, de la municipalité, est passé au crible par la bourgeoisie. Elle sait se faire entendre à tous ces niveaux-là pour obtenir des subventions, des avantages, des passe-droits, pour éliminer les rares mesures projetées qui lui déplaisent, pour en imposer d'autres qui sont à son avantage.
Eh bien, les travailleurs doivent exercer une pression dans l'autre sens, non seulement par leurs armes de classe, par des grèves et par des manifestations politiques, mais aussi, directement, en vérifiant eux-mêmes les comptes des entreprises, de leurs patrons et de leurs principaux actionnaires ! Au pouvoir de l'argent, les travailleurs doivent opposer leur nombre et leur rôle irremplaçable dans la vie économique, c'est-à-dire le pouvoir du monde du travail.
Ce que je souhaite, c'est que les travailleurs n'attendent rien d'autre des élections à venir que l'occasion d'affirmer qu'ils refusent la politique de la bourgeoisie, qu'elle soit présentée avec une sauce de droite ou avec une sauce de gauche.
Mais les élections constituent une occasion de se prononcer sur des objectifs qui pourront devenir ceux des luttes de demain.
Lors de l'élection présidentielle précédente, en 1995, nous étions les seuls à dire que, pour combattre le chômage, il faut interdire les licenciements sous peine de réquisition des entreprises qui s'en rendent coupables. Nous étions les seuls à défendre l'idée qu'il est nécessaire, indispensable, de l'intérêt des travailleurs comme de l'intérêt de toute la société, de contrôler les entreprises, de contrôler les capitaux et leur fonctionnement.
Certaines de ces idées commencent à faire leur chemin. Je suis confiante dans la capacité de la classe ouvrière. Ce sont les patrons par leur avidité et par leur cynisme ou les dirigeants politiques à leur service, qui feront la provocation de trop, celle qui fera exploser la colère du monde du travail.
Eh bien, quand cela arrivera, les idées propagées aujourd'hui deviendront une force. Et, alors, travailleuses, travailleurs, tous ensemble, nous imposerons des objectifs qui changeront le rapport des forces entre le monde du travail et le monde patronal !

(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 8 novembre 2001)