Texte intégral
Monsieur le Président, cher Denis Verdier,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'être à Perpignan ce soir pour assister au dîner de clôture de votre congrès annuel qui constitue l'un des temps forts de la vie viticole et agricole française. Je regrette de vous rejoindre si tard et de ne pas avoir pu participer personnellement à vos travaux mais je devais être présent cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Je voulais néanmoins assister à la fin de votre congrès pour saluer l'un des secteurs phares de notre agriculture et retrouver l'atmosphère chaleureuse qui caractérise à merveille votre profession.
En réponse aux propos du président Verdier, je souhaite faire le point sur les grands dossiers du moment et tracer les voies de mon action pour les mois à venir.
Avant tout, je souhaite remercier nos hôtes qui nous accueillent de façon si exceptionnelle conformément aux traditions catalanes. Je sais les difficultés qu'ont connues les vignerons de cette région à la suite d'une crise durable du secteur des vins doux naturels et d'une série d'accidents climatiques graves.
Sur le premier point, je considère que vous bénéficiez ici d'un terroir exceptionnel ; il convient que nous adoptions maintenant les modalités du plan d'adaptation de la viticulture catalane afin de retrouver une bonne valorisation de vins doux naturels de qualité recentrés sur leur aire d'origine et de poursuivre l'essor de la production de vins de qualité et notamment de l'appellation " Côtes du Roussillon ". Pour pouvoir conduire efficacement ce plan, il importe que vous puissiez mettre rapidement en place une interprofession avec laquelle nous pourrions faire ensemble dès septembre le point de l'état d 'avancement de ce dossier.
Compte tenu des qualités de ce terroir et du savoir-faire des hommes, je suis confiant dans l'avenir de ce secteur.
En ce qui concerne les accidents climatiques, je suis venu sitôt après le sinistre à l'invitation du président Bourquin afin d'assurer les viticulteurs touchés à plusieurs reprises par des accidents climatiques de la solidarité de la nation. Les services de l'Etat en étroite liaison avec ceux du Conseil général ont commencé un travail au cas par cas afin d'identifier au mieux les difficultés des exploitations et de mettre en oeuvre les instruments nécessaires dès que les déclarations de récolte seront connues. Tous les instruments seront utilisés : aides au redressement de l'ONIVINS, prise en charge des cotisations sociales, voire mise en oeuvre du FAC. Sur ce dossier dont j'ai bien conscience de l'ampleur, deux principes doivent guider l'action des pouvoirs publics : rapidité de l'intervention et travail au cas par cas afin de cibler au mieux les soutiens publics. Des solutions ont été trouvées l'an dernier pour faire face au problème du gel qui a durablement frappé le Languedoc-Roussillon ; j'entends que la solidarité nationale puisse être aussi efficace dans ce cas.
Quelques mots sur l'importance du secteur viticole pour répondre aux interrogations du Président VERDIER.
Je souhaite, en premier lieu, souligner l'importance que revêt à mes yeux le secteur de la vigne et du vin. Ayant été le député du Madiran, je sais le rôle d'entraînement que cette filière joue dans l'économie locale. Après huit mois au ministère de l'agriculture au cours desquels j'ai pu parcourir nos campagnes et appréhender leur diversité, je considère que votre secteur représente parfaitement la multifonctionnalité de l'agriculture que le gouvernement veut promouvoir dans le cadre de la loi d'orientation.
Secteur économique performant, créateur de valeur ajoutée et de richesses au travers de produits de qualité, enracinés dans leur territoire, la viticulture contribue à un aménagement du territoire harmonieux et participe à l'entretien - et pas seulement à l 'entretien, à la valorisation - de paysages qui sont souvent parmi les plus beaux du monde. En outre, elle s'appuie sur un grand nombre de petites et moyennes exploitations au caractère familial, créatrices d'emplois.
Au total, ce secteur démontre que la performance économique n'est en rien antinomique d'une bonne gestion de l'espace rural et de l'emploi. Il est donc exemplaire de ce que veut le gouvernement pour l'agriculture française.
A ce titre, le monde vigneron doit s'inscrire de façon active et dynamique dans la réflexion sur les contrats territoriaux d'exploitation, pierre angulaire de la loi d'orientation agricole que vient d'adopter le Parlement. Des expériences passionnantes sont en cours, notamment en Languedoc, et je souhaite qu'elles puissent être menées à leur terme.
Sur ce sujet, je souhaite confirmer ici la prise en compte du rôle joué par les coopératives pour favoriser des approches collectives, que ce soit en terme économique comme pour ce qui concerne l'aménagement d'un territoire ou la protection de l'environnement.
Je souhaite rappeler que la modulation - c'est à dire le plafonnement des aides directes de la PAC - permettra de financer les Contrats territoriaux d'exploitation à parité avec les crédits nationaux. Cette disposition permettra ainsi de rémunérer de façon plus harmonieuse l'ensemble des fonctions que l'agriculture remplit pour la société et de procéder ainsi à un certain rééquilibrage des soutiens entre régions. Il s'agit d'un élément fort de la politique agricole du gouvernement, qui au rééquilibrage des soutiens entre les régions, ajoutera une véritable réorientation de ces soutiens. Une réorientation vers ce que vous appelé, Monsieur le Président, le nouveau deuxième pilier de la PAC, le développement rural.
J'en viens aux résultats des négociations au niveau européen sur l'organisation commune du marché du vin.
Aujourd'hui, je considère que les succès obtenus permettent à votre secteur de disposer à présent d'un cadre réglementaire rénové pour tenir son rang dans le monde et relever les défis de demain.
Nous avons en particulier pu faire reconnaître notre conception du vin. Le vin n'est pas la matière première standardisée d'une industrie de masse ; le vin, c'est autre chose, c'est un produit de culture qui exprime les potentialités d'un terroir et les spécificités des cépages grâce au travail et au savoir-faire des hommes.
Ce combat contre l'autorisation de vinifier des moûts issus de pays tiers a été difficile car nous étions seuls et la Commission européenne ne nous a pas aidés ; nous avons néanmoins gagné. Cela dit, nous devrons à nouveau mener le combat lors des prochaines négociations internationales et il ne faut pas se le cacher, il sera rude.
Nous avons également obtenu un droit à la croissance maîtrisée de notre vignoble pour répondre à la demande des marchés et éviter que la hausse de la consommation bénéficie uniquement à nos concurrents des nouveaux pays producteurs.
Dans le cadre du dernier paquet-prix, j'ai obtenu que 20 % des droits obtenus soit 2700 hectares de droit nouveaux soient accordés par anticipation pour la prochaine campagne. Contrairement aux craintes émises ici ou là, vous n'aurez pas à pâtir d'une année blanche pour l 'an 2000 et vous pourrez commencer le millénaire dans les meilleures conditions.
Par la suite, de nouveaux droits pourront être mobilisés par les Etats membres dont les vignobles ont des marchés en expansion tout en prévenant l'apparition de nouvelles crises de marché.
Pour l'attribution de ces nouveaux droits au plan national, je partage tout à fait votre orientation : ces droits nouveaux doivent bénéficier de façon privilégiée aux jeunes agriculteurs et aux viticulteurs bénéficiant d'un plan d'amélioration matérielle.
Un régime souple de reconversion du vignoble sera mis en place et permettra d'assurer l'accélération du régime actuellement mis en uvre au plan national, en primant plus de 14000 hectares par an dans la limite de 32000 francs par hectare. Ces montants pourront être majorés de 15000 francs par hectare pour compenser les pertes de recettes des viticulteurs qui replantent la même parcelle. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Monsieur le Président, mais si j'étais vigneron, je préférerai attendre la mise en uvre du régime communautaire de restructuration qui est plus attractif que le régime actuel. Cette réflexion de bon sens est de nature à régler certaines inquiétudes qui se posent aujourd'hui.
Le fonctionnement des outils actuels de gestion du marché est préservé avec le maintien de la distillation des sous produits, une modulation dégressive du prix des vins destinés à la distillation " alcool de bouche ", la possibilité de fixer des rendements maximaux pour les vins de table, éléments essentiels d'une politique de qualité. Je suis disposé à vous recevoir en septembre pour que nous examinions le conteste de la prochaine campagne.
Nous avons donc obtenu un beau résultat de négociation et je suis particulièrement heureux d'avoir contribué à ce succès. Je dois dire qu'il n'est pas le fruit du hasard mais d'un travail et d'une concertation étroite entre les professionnels et l'Etat. Je souhaite saluer ici le président Verdier et le président Feneuil qui ont également été les artisans de ce résultat, en élaborant ensemble une position commune de la profession, tâche ardue compte tenu de la diversité de la viticulture française. Ce travail commun, entre professionnels et pouvoirs publics, nous a permis de parler tous d'une seule voix. Nous pouvons constater une fois encore, et ce ne sera pas une surprise pour vous, les représentants des valeurs de la coopération, que le combat collectif est plus porteur que le combat individuel, même s'il est plus exigeant.
Je considère que nous devons poursuivre la concertation sur les points sur lesquels des décisions nationales ou communautaires doivent encore intervenir. C'est notamment le cas des aides à l'utilisation de moûts concentrés rectifiés pour l'enrichissement des vins. La Commission s'est engagée à éviter de créer des distorsions de concurrence et à maintenir les débouchés existants. Je peux vous assurer de notre détermination sur ce dossier car nous ne pourrons accepter ni la fin de l'auto enrichissement des vins, ni la perte de l'outil de maîtrise des rendements que constitue cette aide pour les vins de tables et les vins de pays.
Enfin, les aides à la transformation des produits agricoles et alimentaires relèveront désormais du règlement " développement rural ". Je peux vous assurer que les efforts en faveur des investissements de transformation, notamment dans les coopératives viticoles, continueront à être prioritaires pour le ministère de l'agriculture.
J'aborde maintenant les perspectives et les défis à venir.
La filière viti-vinicole connaît aujourd'hui une certaine prospérité et notre position au plan mondial m'apparaît aujourd'hui incontestée. J'ai pu m'en assurer en participant à l'inauguration la semaine dernière de VINEXPO.
Je me garderai néanmoins de tout triomphalisme. Les succès sont fragiles. Nous devons préparer l'avenir quand le contexte est favorable. Il est indispensable que nous poursuivions nos efforts qualitatifs pour rester conformes à l'image que le monde a des vins français.
Cette image a longtemps été dominée par de grandes appellations qui continuent à jouer un rôle actif dans le paysage viticole français mais je souhaite saluer les efforts réalisés par d'autres pour faire émerger de nouveaux champions rivalisant parfois avec les plus grands. Il est possible de produire de très grands vins dans de nombreuses régions, il faut pour cela marier les bons cépages avec les meilleurs terroirs et l'excellence des savoir-faire.
La production de vin doit demeurer centrée sur le vigneron. Son rôle est de participer à l'expression du terroir sur lequel il se trouve et non pas de s'inscrire dans une démarche de nature plus industrielle. Nous ne pourrons pas être plus forts que nos partenaires du Nouveau Monde en utilisant leurs armes. Nous devons compter sur nos propres atouts.
Cependant, cela ne signifie pas que nous devons faire preuve d'immobilisme. Certes, les grandes appellations doivent inscrire leur typicité dans le cadre d'une tradition sans cesse renouvelée pour rester les meilleures. Les autres doivent trouver leur chemin propre et ne pas copier un modèle qui ne leur est pas nécessairement adapté.
Parallèlement, nous devons renforcer les bases techniques et scientifiques qui nous permettront de mieux comprendre les liens qui existent entre le terroir et les produits. Ainsi, nous pourrons mieux défendre nos conceptions dans les négociations internationales.
Les vins de pays et les vins de cépage ont également engagé des efforts qualitatifs considérables et occupent une place nouvelle dans l'offre française. Ils permettent d'élargir notre gamme et de répondre aux attentes de consommateurs qui recherchent des vins plus simples et plus faciles à mémoriser. Les efforts entrepris en Languedoc-Roussillon notamment ont été remarquables, et couronnés de succès. Il est important de ne pas abandonner ce segment de marché. Toutefois, face à une concurrence toujours plus vive, notre principal atout demeure, à mes yeux, la valorisation de nos spécificités. Sachons notamment faire en sorte qu'aux vins français restent attachée une image de haute qualité et de contribution positive à la protection de notre environnement.
Par ailleurs, il est très important de poursuivre et d'intensifier nos efforts de promotion afin de conforter la position de nos vins. Nous devons, dès maintenant, expliquer nos produits et notre démarche et faire des efforts de lisibilité et de clarté pour les consommateurs étrangers, parfois perdus dans les raffinements de nos dénominations.
En outre, nous devons pourvoir défendre nos appellations contre les usurpations, ainsi que nous avons su le faire dans le cadre de la négociation avec la Suisse.
Dans les négociations commerciales internationales qui vont débuter à l'automne, j'entends être offensif et ne pas perdre de vue l'importance du secteur viti-vinicole dans l'économie française.
Le dernier point que j'évoquerai concernera la place du vin dans la société, à partir de débats d'actualité.
Ce sujet suscite toujours des passions et il me paraît indispensable de ramener les choses à leurs justes proportions. La position du gouvernement est très claire : la lutte contre la drogue reste l'objectif premier et la hiérarchie des interdits n'est en rien modifiée. La drogue est un poison. La loi en interdit la consommation, la détention, la production et bien sûr le commerce. Il faut amplifier la lutte contre ce fléau et être plus efficace. C'est l'objectif premier du gouvernement.
Toutefois, nous assistons à un phénomène nouveau dans la jeunesse avec la conjugaison de prise de drogues, de tabac, de médicaments psychotropes et d'alcool. C'est contre cette dérive à la scandinave, étrangère à notre culture que le gouvernement entend lutter en cherchant à disposer d'éléments scientifiques irréfutables, en informant les jeunes des conséquences d'un abus d'alcool, et de la dépendance qui peut en résulter, en coordonnant des actions aujourd'hui dispersées. Lutter contre ces comportements, par la prévention, l'éducation, la politique sanitaire, est de notre responsabilité politique. Mais je le répète, il s'agit de lutter contre des comportements pas contre des produits et, en particulier, sûrement pas contre le vin !
D'ailleurs, je souhaite que vous, les partisans d'une consommation festive et raisonnée de vin, vous soyez associés aux campagnes de prévention. En tant qu'élu local, je constate les dégâts causés par l'alcoolisme sur la jeunesse. Mais le vin n'est pas en cause. Ce sont les alcools blancs, les bières riches en alcool et les premix qui sont visés.
Vous n'avez donc rien à craindre et même, si j'ose dire, tout à gagner à une meilleure information sur ces sujets. Apprendre aux jeunes à bien boire, en bien mangeant ne peut que vous aider en les aidant. Je n'ai aucune hésitation sur le sujet.
Bernard Kouchner a reçu, à ma demande, les représentants de votre interprofession conduit par le Président Verdier. Madame Maestracci, la présidente de la MILDT a fait de même et je suis certain que nous saurons trouver les voies d'un dialogue constructif.
Je vous invite donc à participer activement aux travaux qui vont commencer afin que, dans le dialogue, nous puissions définir ensemble des solutions aux problèmes de société graves auxquels le gouvernement veut s'attaquer.
Ne favorisons pas l'amalgame et ne jouons pas à nous faire peur. L'objectif du gouvernement est simple et unique : protéger notre jeunesse.
Avant de conclure, je voudrais vous dire l'attachement que je porte aux valeurs de la coopération agricole, particulièrement dans le secteur viticole. J'ai eu l'occasion de les évoquer à plusieurs reprises et en particulier lorsque j'ai inauguré les nouvelles installations de la cave de Tain l'Hermitage.
Je considère que l'esprit que la coopération a su insuffler a joué un grand rôle dans la formidable mutation qu'a connue la filière viti-vinicole française. Vous pouvez compter sur moi pour rappeler cela à mes collègues de Bercy pour éviter que de nouvelles dispositions fiscales ne viennent remettre en cause l'équilibre entre les différents maillons de la filière.
En conclusion, je souhaiterais insister sur l'importance du secteur viticole aux yeux du gouvernement. A bien des titres, il est exemplaire car il résume à merveille l'association de la performance économique et de la multifonctionnalité de l'agriculture. Vous disposez aujourd'hui d'une OCM adaptée à la réalité d'aujourd'hui et d'un nouvel outil, le contrat territorial d'exploitation qui me paraît présenter de belles opportunités pour vos exploitations. Je suis donc certain que vous saurez rester les meilleurs dans un combat mondial toujours plus stimulant.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 1er juillet 1999)
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'être à Perpignan ce soir pour assister au dîner de clôture de votre congrès annuel qui constitue l'un des temps forts de la vie viticole et agricole française. Je regrette de vous rejoindre si tard et de ne pas avoir pu participer personnellement à vos travaux mais je devais être présent cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Je voulais néanmoins assister à la fin de votre congrès pour saluer l'un des secteurs phares de notre agriculture et retrouver l'atmosphère chaleureuse qui caractérise à merveille votre profession.
En réponse aux propos du président Verdier, je souhaite faire le point sur les grands dossiers du moment et tracer les voies de mon action pour les mois à venir.
Avant tout, je souhaite remercier nos hôtes qui nous accueillent de façon si exceptionnelle conformément aux traditions catalanes. Je sais les difficultés qu'ont connues les vignerons de cette région à la suite d'une crise durable du secteur des vins doux naturels et d'une série d'accidents climatiques graves.
Sur le premier point, je considère que vous bénéficiez ici d'un terroir exceptionnel ; il convient que nous adoptions maintenant les modalités du plan d'adaptation de la viticulture catalane afin de retrouver une bonne valorisation de vins doux naturels de qualité recentrés sur leur aire d'origine et de poursuivre l'essor de la production de vins de qualité et notamment de l'appellation " Côtes du Roussillon ". Pour pouvoir conduire efficacement ce plan, il importe que vous puissiez mettre rapidement en place une interprofession avec laquelle nous pourrions faire ensemble dès septembre le point de l'état d 'avancement de ce dossier.
Compte tenu des qualités de ce terroir et du savoir-faire des hommes, je suis confiant dans l'avenir de ce secteur.
En ce qui concerne les accidents climatiques, je suis venu sitôt après le sinistre à l'invitation du président Bourquin afin d'assurer les viticulteurs touchés à plusieurs reprises par des accidents climatiques de la solidarité de la nation. Les services de l'Etat en étroite liaison avec ceux du Conseil général ont commencé un travail au cas par cas afin d'identifier au mieux les difficultés des exploitations et de mettre en oeuvre les instruments nécessaires dès que les déclarations de récolte seront connues. Tous les instruments seront utilisés : aides au redressement de l'ONIVINS, prise en charge des cotisations sociales, voire mise en oeuvre du FAC. Sur ce dossier dont j'ai bien conscience de l'ampleur, deux principes doivent guider l'action des pouvoirs publics : rapidité de l'intervention et travail au cas par cas afin de cibler au mieux les soutiens publics. Des solutions ont été trouvées l'an dernier pour faire face au problème du gel qui a durablement frappé le Languedoc-Roussillon ; j'entends que la solidarité nationale puisse être aussi efficace dans ce cas.
Quelques mots sur l'importance du secteur viticole pour répondre aux interrogations du Président VERDIER.
Je souhaite, en premier lieu, souligner l'importance que revêt à mes yeux le secteur de la vigne et du vin. Ayant été le député du Madiran, je sais le rôle d'entraînement que cette filière joue dans l'économie locale. Après huit mois au ministère de l'agriculture au cours desquels j'ai pu parcourir nos campagnes et appréhender leur diversité, je considère que votre secteur représente parfaitement la multifonctionnalité de l'agriculture que le gouvernement veut promouvoir dans le cadre de la loi d'orientation.
Secteur économique performant, créateur de valeur ajoutée et de richesses au travers de produits de qualité, enracinés dans leur territoire, la viticulture contribue à un aménagement du territoire harmonieux et participe à l'entretien - et pas seulement à l 'entretien, à la valorisation - de paysages qui sont souvent parmi les plus beaux du monde. En outre, elle s'appuie sur un grand nombre de petites et moyennes exploitations au caractère familial, créatrices d'emplois.
Au total, ce secteur démontre que la performance économique n'est en rien antinomique d'une bonne gestion de l'espace rural et de l'emploi. Il est donc exemplaire de ce que veut le gouvernement pour l'agriculture française.
A ce titre, le monde vigneron doit s'inscrire de façon active et dynamique dans la réflexion sur les contrats territoriaux d'exploitation, pierre angulaire de la loi d'orientation agricole que vient d'adopter le Parlement. Des expériences passionnantes sont en cours, notamment en Languedoc, et je souhaite qu'elles puissent être menées à leur terme.
Sur ce sujet, je souhaite confirmer ici la prise en compte du rôle joué par les coopératives pour favoriser des approches collectives, que ce soit en terme économique comme pour ce qui concerne l'aménagement d'un territoire ou la protection de l'environnement.
Je souhaite rappeler que la modulation - c'est à dire le plafonnement des aides directes de la PAC - permettra de financer les Contrats territoriaux d'exploitation à parité avec les crédits nationaux. Cette disposition permettra ainsi de rémunérer de façon plus harmonieuse l'ensemble des fonctions que l'agriculture remplit pour la société et de procéder ainsi à un certain rééquilibrage des soutiens entre régions. Il s'agit d'un élément fort de la politique agricole du gouvernement, qui au rééquilibrage des soutiens entre les régions, ajoutera une véritable réorientation de ces soutiens. Une réorientation vers ce que vous appelé, Monsieur le Président, le nouveau deuxième pilier de la PAC, le développement rural.
J'en viens aux résultats des négociations au niveau européen sur l'organisation commune du marché du vin.
Aujourd'hui, je considère que les succès obtenus permettent à votre secteur de disposer à présent d'un cadre réglementaire rénové pour tenir son rang dans le monde et relever les défis de demain.
Nous avons en particulier pu faire reconnaître notre conception du vin. Le vin n'est pas la matière première standardisée d'une industrie de masse ; le vin, c'est autre chose, c'est un produit de culture qui exprime les potentialités d'un terroir et les spécificités des cépages grâce au travail et au savoir-faire des hommes.
Ce combat contre l'autorisation de vinifier des moûts issus de pays tiers a été difficile car nous étions seuls et la Commission européenne ne nous a pas aidés ; nous avons néanmoins gagné. Cela dit, nous devrons à nouveau mener le combat lors des prochaines négociations internationales et il ne faut pas se le cacher, il sera rude.
Nous avons également obtenu un droit à la croissance maîtrisée de notre vignoble pour répondre à la demande des marchés et éviter que la hausse de la consommation bénéficie uniquement à nos concurrents des nouveaux pays producteurs.
Dans le cadre du dernier paquet-prix, j'ai obtenu que 20 % des droits obtenus soit 2700 hectares de droit nouveaux soient accordés par anticipation pour la prochaine campagne. Contrairement aux craintes émises ici ou là, vous n'aurez pas à pâtir d'une année blanche pour l 'an 2000 et vous pourrez commencer le millénaire dans les meilleures conditions.
Par la suite, de nouveaux droits pourront être mobilisés par les Etats membres dont les vignobles ont des marchés en expansion tout en prévenant l'apparition de nouvelles crises de marché.
Pour l'attribution de ces nouveaux droits au plan national, je partage tout à fait votre orientation : ces droits nouveaux doivent bénéficier de façon privilégiée aux jeunes agriculteurs et aux viticulteurs bénéficiant d'un plan d'amélioration matérielle.
Un régime souple de reconversion du vignoble sera mis en place et permettra d'assurer l'accélération du régime actuellement mis en uvre au plan national, en primant plus de 14000 hectares par an dans la limite de 32000 francs par hectare. Ces montants pourront être majorés de 15000 francs par hectare pour compenser les pertes de recettes des viticulteurs qui replantent la même parcelle. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Monsieur le Président, mais si j'étais vigneron, je préférerai attendre la mise en uvre du régime communautaire de restructuration qui est plus attractif que le régime actuel. Cette réflexion de bon sens est de nature à régler certaines inquiétudes qui se posent aujourd'hui.
Le fonctionnement des outils actuels de gestion du marché est préservé avec le maintien de la distillation des sous produits, une modulation dégressive du prix des vins destinés à la distillation " alcool de bouche ", la possibilité de fixer des rendements maximaux pour les vins de table, éléments essentiels d'une politique de qualité. Je suis disposé à vous recevoir en septembre pour que nous examinions le conteste de la prochaine campagne.
Nous avons donc obtenu un beau résultat de négociation et je suis particulièrement heureux d'avoir contribué à ce succès. Je dois dire qu'il n'est pas le fruit du hasard mais d'un travail et d'une concertation étroite entre les professionnels et l'Etat. Je souhaite saluer ici le président Verdier et le président Feneuil qui ont également été les artisans de ce résultat, en élaborant ensemble une position commune de la profession, tâche ardue compte tenu de la diversité de la viticulture française. Ce travail commun, entre professionnels et pouvoirs publics, nous a permis de parler tous d'une seule voix. Nous pouvons constater une fois encore, et ce ne sera pas une surprise pour vous, les représentants des valeurs de la coopération, que le combat collectif est plus porteur que le combat individuel, même s'il est plus exigeant.
Je considère que nous devons poursuivre la concertation sur les points sur lesquels des décisions nationales ou communautaires doivent encore intervenir. C'est notamment le cas des aides à l'utilisation de moûts concentrés rectifiés pour l'enrichissement des vins. La Commission s'est engagée à éviter de créer des distorsions de concurrence et à maintenir les débouchés existants. Je peux vous assurer de notre détermination sur ce dossier car nous ne pourrons accepter ni la fin de l'auto enrichissement des vins, ni la perte de l'outil de maîtrise des rendements que constitue cette aide pour les vins de tables et les vins de pays.
Enfin, les aides à la transformation des produits agricoles et alimentaires relèveront désormais du règlement " développement rural ". Je peux vous assurer que les efforts en faveur des investissements de transformation, notamment dans les coopératives viticoles, continueront à être prioritaires pour le ministère de l'agriculture.
J'aborde maintenant les perspectives et les défis à venir.
La filière viti-vinicole connaît aujourd'hui une certaine prospérité et notre position au plan mondial m'apparaît aujourd'hui incontestée. J'ai pu m'en assurer en participant à l'inauguration la semaine dernière de VINEXPO.
Je me garderai néanmoins de tout triomphalisme. Les succès sont fragiles. Nous devons préparer l'avenir quand le contexte est favorable. Il est indispensable que nous poursuivions nos efforts qualitatifs pour rester conformes à l'image que le monde a des vins français.
Cette image a longtemps été dominée par de grandes appellations qui continuent à jouer un rôle actif dans le paysage viticole français mais je souhaite saluer les efforts réalisés par d'autres pour faire émerger de nouveaux champions rivalisant parfois avec les plus grands. Il est possible de produire de très grands vins dans de nombreuses régions, il faut pour cela marier les bons cépages avec les meilleurs terroirs et l'excellence des savoir-faire.
La production de vin doit demeurer centrée sur le vigneron. Son rôle est de participer à l'expression du terroir sur lequel il se trouve et non pas de s'inscrire dans une démarche de nature plus industrielle. Nous ne pourrons pas être plus forts que nos partenaires du Nouveau Monde en utilisant leurs armes. Nous devons compter sur nos propres atouts.
Cependant, cela ne signifie pas que nous devons faire preuve d'immobilisme. Certes, les grandes appellations doivent inscrire leur typicité dans le cadre d'une tradition sans cesse renouvelée pour rester les meilleures. Les autres doivent trouver leur chemin propre et ne pas copier un modèle qui ne leur est pas nécessairement adapté.
Parallèlement, nous devons renforcer les bases techniques et scientifiques qui nous permettront de mieux comprendre les liens qui existent entre le terroir et les produits. Ainsi, nous pourrons mieux défendre nos conceptions dans les négociations internationales.
Les vins de pays et les vins de cépage ont également engagé des efforts qualitatifs considérables et occupent une place nouvelle dans l'offre française. Ils permettent d'élargir notre gamme et de répondre aux attentes de consommateurs qui recherchent des vins plus simples et plus faciles à mémoriser. Les efforts entrepris en Languedoc-Roussillon notamment ont été remarquables, et couronnés de succès. Il est important de ne pas abandonner ce segment de marché. Toutefois, face à une concurrence toujours plus vive, notre principal atout demeure, à mes yeux, la valorisation de nos spécificités. Sachons notamment faire en sorte qu'aux vins français restent attachée une image de haute qualité et de contribution positive à la protection de notre environnement.
Par ailleurs, il est très important de poursuivre et d'intensifier nos efforts de promotion afin de conforter la position de nos vins. Nous devons, dès maintenant, expliquer nos produits et notre démarche et faire des efforts de lisibilité et de clarté pour les consommateurs étrangers, parfois perdus dans les raffinements de nos dénominations.
En outre, nous devons pourvoir défendre nos appellations contre les usurpations, ainsi que nous avons su le faire dans le cadre de la négociation avec la Suisse.
Dans les négociations commerciales internationales qui vont débuter à l'automne, j'entends être offensif et ne pas perdre de vue l'importance du secteur viti-vinicole dans l'économie française.
Le dernier point que j'évoquerai concernera la place du vin dans la société, à partir de débats d'actualité.
Ce sujet suscite toujours des passions et il me paraît indispensable de ramener les choses à leurs justes proportions. La position du gouvernement est très claire : la lutte contre la drogue reste l'objectif premier et la hiérarchie des interdits n'est en rien modifiée. La drogue est un poison. La loi en interdit la consommation, la détention, la production et bien sûr le commerce. Il faut amplifier la lutte contre ce fléau et être plus efficace. C'est l'objectif premier du gouvernement.
Toutefois, nous assistons à un phénomène nouveau dans la jeunesse avec la conjugaison de prise de drogues, de tabac, de médicaments psychotropes et d'alcool. C'est contre cette dérive à la scandinave, étrangère à notre culture que le gouvernement entend lutter en cherchant à disposer d'éléments scientifiques irréfutables, en informant les jeunes des conséquences d'un abus d'alcool, et de la dépendance qui peut en résulter, en coordonnant des actions aujourd'hui dispersées. Lutter contre ces comportements, par la prévention, l'éducation, la politique sanitaire, est de notre responsabilité politique. Mais je le répète, il s'agit de lutter contre des comportements pas contre des produits et, en particulier, sûrement pas contre le vin !
D'ailleurs, je souhaite que vous, les partisans d'une consommation festive et raisonnée de vin, vous soyez associés aux campagnes de prévention. En tant qu'élu local, je constate les dégâts causés par l'alcoolisme sur la jeunesse. Mais le vin n'est pas en cause. Ce sont les alcools blancs, les bières riches en alcool et les premix qui sont visés.
Vous n'avez donc rien à craindre et même, si j'ose dire, tout à gagner à une meilleure information sur ces sujets. Apprendre aux jeunes à bien boire, en bien mangeant ne peut que vous aider en les aidant. Je n'ai aucune hésitation sur le sujet.
Bernard Kouchner a reçu, à ma demande, les représentants de votre interprofession conduit par le Président Verdier. Madame Maestracci, la présidente de la MILDT a fait de même et je suis certain que nous saurons trouver les voies d'un dialogue constructif.
Je vous invite donc à participer activement aux travaux qui vont commencer afin que, dans le dialogue, nous puissions définir ensemble des solutions aux problèmes de société graves auxquels le gouvernement veut s'attaquer.
Ne favorisons pas l'amalgame et ne jouons pas à nous faire peur. L'objectif du gouvernement est simple et unique : protéger notre jeunesse.
Avant de conclure, je voudrais vous dire l'attachement que je porte aux valeurs de la coopération agricole, particulièrement dans le secteur viticole. J'ai eu l'occasion de les évoquer à plusieurs reprises et en particulier lorsque j'ai inauguré les nouvelles installations de la cave de Tain l'Hermitage.
Je considère que l'esprit que la coopération a su insuffler a joué un grand rôle dans la formidable mutation qu'a connue la filière viti-vinicole française. Vous pouvez compter sur moi pour rappeler cela à mes collègues de Bercy pour éviter que de nouvelles dispositions fiscales ne viennent remettre en cause l'équilibre entre les différents maillons de la filière.
En conclusion, je souhaiterais insister sur l'importance du secteur viticole aux yeux du gouvernement. A bien des titres, il est exemplaire car il résume à merveille l'association de la performance économique et de la multifonctionnalité de l'agriculture. Vous disposez aujourd'hui d'une OCM adaptée à la réalité d'aujourd'hui et d'un nouvel outil, le contrat territorial d'exploitation qui me paraît présenter de belles opportunités pour vos exploitations. Je suis donc certain que vous saurez rester les meilleurs dans un combat mondial toujours plus stimulant.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 1er juillet 1999)