Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur la formation de jeunes artistes et sur la création artistique, Le Fresnoy le 20 octobre 2001.

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Circonstance : Inauguration du musée d'art et d'industrie de Roubaix (Nord) le 20 octobre 2001 et visite du Studio national des arts contemporains du Fresnoy

Texte intégral

Je vais quand même répondre de quelques mots à ce discours, j'avais d'ailleurs un discours tout prêt mais au fond j'ai envie de réagir à chaud au parcours que nous venons de faire tous ensemble. Je veux d'abord vous remercier, monsieur le président, cher Ivan Renar, vous remercier monsieur le directeur, vous remercier de tout cur, monsieur le président du conseil régional, très cher Daniel Percheron, et également les parlementaires qui nous entourent et surtout monsieur le Député-Maire, d'être à mes côtés pendant cette visite, car je n'ignore pas que vos parcours du samedi sont très chargés, donc je suis sensible à votre présence comme j'étais sensible tout à l'heure à celle de Pierre Mauroy que nous retrouverons.
J'ai eu envie de réagir assez simplement à ce que nous venons de visiter. J'ai vu beaucoup de choses sur la naissance du Fresnoy, Alain Fleischer m'a fait une formation accélérée pendant le parcours, je crois comprendre que cette entreprise n'a pas été un choix facile pour tous, pour l'Etat et surtout pour les collectivités territoriales mais quand on voit ce qui existe aujourd'hui, je pense qu'on peut y lire une vraie légitimité, la vraie justesse de ce choix, on peut y lire aussi beaucoup de possibles, beaucoup de promesses pour l'avenir. Pour ce qui existe aujourd'hui, je pense que l'objectif premier est présent puisque vous réunissez chaque année une promotion de 25 étudiants venant du monde entier qui passe ici deux ans, dans un cadre, il faut le dire, tout à fait exceptionnel, tout à fait privilégié, pas seulement par son architecture mais par tous les moyens de travail qui sont mis en uvre ici, et je sais que ces étudiants trouvent une entrée dans la vie active, dans la vie artistique, tout naturellement, au sortir du Fresnoy. J'ai eu moi-même le plaisir de découvrir le travail de trois d'entre eux il y a quelques semaines à Montréal, en visitant une exposition où ils présentaient leurs uvres, donc ce premier objectif que vous avez baptisé " pôle d'excellence " dans le réseau de la formation internationale, est en marche, vous en recueillez déjà les fruits. Un autre objectif atteint et qui à mes yeux est très important c'est la venue ici d'artistes de disciplines très diverses qui bien sûr apportent leur savoir-faire, leur talent, à ces jeunes artistes en formation, mais qui en plus à l'évidence se nourrissent eux-mêmes d'un lieu comme celui-ci. Ils trouvent, je le répète, des conditions techniques tout à fait exceptionnelles, ils trouvent une communauté de jeunes artistes, ce qui je crois est un élément stimulant et même indispensable à tout artiste qui s'interroge sur son art, ils y trouvent les conditions de la transmission et sans doute du renouvellement de leur création. C'est donc là aussi une réalisation à la hauteur des ambitions qui étaient les vôtres à tous en créant ce lieu.
Pour l'existant je veux aussi saluer publiquement l'uvre architecturale qui nous est offerte ici. Vous le savez, ce sera aussi un thème que j'évoquerai tout à l'heure en inaugurant le musée de Roubaix, le ministère de la Culture attache une très grande importance, pas seulement au patrimoine monumental, au patrimoine des lieux voués à l'art, mais aussi à ce patrimoine du vécu d'une population. Que ce soit le patrimoine industriel ou le patrimoine des loisirs populaires. Et un lieu comme celui-ci, dont j'ai découvert la vocation historique, déjà d'une certaine manière pluridisciplinaire, puisqu'on passait du patin à roulettes au bassin, de la piscine et à la piste de danse, eh bien ce lieu représente, j'en suis sûre, pour cette commune, sa population, mais aussi pour toute la région, mieux qu'un souvenir, la preuve tangible de la capacité de vivre ensemble, de faire vivre ensemble diverses générations, des milieux qui ici étaient beaucoup liés au travail ouvrier et de leur donner des moments de détente, des moments de loisirs partagés. Et je crois que cette architecture, qui a su préserver entièrement la mémoire physique de ces lieux, et se poser sur elle avec un geste architectural contemporain tout à fait remarquable, je tiens à le dire, mais se poser sur elle sans l'écraser, sans la gommer, sans la détourner, et en créant néanmoins un usage nouveau, des circulations nouvelles, est tout ce que je souhaite pouvoir soutenir dans ce lien entre le patrimoine et l'architecture contemporaine, la création contemporaine.
C'est donc mieux qu'un plaisir de visiter ce lieu, c'est la confirmation que l'on touche là à quelque chose de très juste, sur le plan de la création mais aussi sur le plan de l'évolution de notre société. Ne pas gommer, ne pas effacer, ne pas défigurer, respecter et en même temps se tourner complètement vers l'avenir et offrir aux générations d'aujourd'hui un outil de projection de leur imaginaire, de leur capacité de création vers l'avenir. C'est donc un très beau lieu en ce double sens. Parce que c'est un grand geste architectural mais aussi parce qu'il est fondé sur l'histoire véritable d'un territoire, d'une population.
Alors pour ce qui est des promesses d'avenir et de tout ce que peut receler un tel lieu, je voudrais dire à la fois à Alain Fleischer, à tous les créateurs qui passent ici, mais aussi aux étudiants et aux habitants de cette région, qu'au fond c'est un outil dont il faut que le plus grand nombre puisse se saisir. Chacun où il est, chacun à sa manière et chacun avec ses propres talents, ses propres instruments, je crois que dans ce côtoiement de la création au plus haut niveau, ce côtoiement des disciplines, et ça Alain Fleischer y a beaucoup insisté autour de ce pôle images, vous avez su recréer véritablement la chaîne de toutes les expressions depuis les plus traditionnelles jusqu'à celles qui sont en train de s'inventer par ce côtoiement, donc, par le côtoiement aussi de gens de nationalités diverses, ce qui est sans doute aujourd'hui un enjeu très important du projet de société que nous partageons, par l'interface entre une vie locale dont je sais qu'elle a été dans les dernières décennies ô combien difficile, mais qu'elle redémarre par la volonté de ses élus et par la présence d'équipes de création très dynamiques. Il y a donc là un creuset pour contribuer à donner du sens à l'avenir d'un territoire comme celui-ci, d'une région comme celle-ci. Et cet avenir, pour moi, passe beaucoup par le projet culturel à tous ses degrés d'expression, avec toutes ses composantes. Le vu que je forme c'est qu'un lieu d'excellence comme celui-ci, d'où partiront vers, je l'espère, un grand avenir, des artistes et des professionnels accomplis, soit, peut-être mieux qu'il ne l'est aujourd'hui, adopté, reconnu par la population de cette région, dans un rapport de confiance réciproque, comme pivot aussi de notre réflexion commune sur la formation aux métiers artistiques, qui est un très beau sujet que vous partagez avec d'autres centres d'excellence, en Allemagne, en Corée, aux Etats-Unis, et peut-être aussi comme point de repère et par moment comme point d'accrochage pour tous les lieux de la formation artistique dans ces domaines qui passionnent tellement les nouvelles générations, de l'appareil photo à la caméra vidéo, en allant vers tout ce multimédia qui fascine véritablement les jeunes générations et que tous ceux qui rêvent autour de l'image dans cette région puissent à un moment venir voir le travail magnifique qui se fait ici, au Fresnoy, et prendre appui sur vos audaces, sur vos créations, pour eux-mêmes faire monter leurs ambitions et trouver les instruments appropriés à des expressions qui ne seront pas toutes d'ordre professionnel mais qui contribuent à bâtir une société cultivée, à tous ces niveaux, dans toutes ces composantes.
Je le dis, comme l'a dit Ivan Renar, nous sommes aujourd'hui interpellés, troublés, inquiétés par des événements dans le monde, dont je suis convaincue qu'une des racines est l'inégalité de l'accès à la culture, toutes les inégalités bien sûr, mais en particulier celle-là, dont l'une des racines est aussi souvent la négation de l'importance de la création, nous pensons tous à la destruction des grandes statues afghanes par les Talibans, beaucoup de nos maux viennent de ce que aujourd'hui encore, même dans un pays comme celui-ci où les politiques, aussi bien au plan national que dans les collectivités territoriales, ont un réel engagement dans les politiques culturelles, ont investi considérablement, malgré tout ça l'inégalité de l'accès à la culture demeure. Je pense que des lieux comme celui-ci, d'abord dans ce qu'ils ont d'exaltant, de tout simplement beau et surprenant, mais aussi par le travail de fond qu'ils mènent auprès de ces jeunes en formation, sont des lieux de référence, des lieux d'exemplarité et je souhaite que le Fresnoy sème beaucoup de petits ruisseaux dans le territoire de cette région et aussi au-delà de nos frontières. Je suis sûre en tout cas que tous les atouts sont réunis ici pour réaliser cette ambition et je renouvelle vraiment toutes mes félicitations aux concepteurs de l'architecture, à Alain Fleischer et tous ceux qui l'entourent pour faire vivre ce lieu et à tous les élus qui, je veux le dire ici, n'ont pas tous les jours la tâche aisée pour faire comprendre que des entreprises de cette nature font partie de nos priorités et sont à mettre en balance parfois avec des choix dans d'autres domaines qui requièrent aussi de gros efforts. Donc je ne peux que vous encourager à poursuivre la tâche qui est menée ici et à la porter le plus largement possible à la connaissance et aussi à la disposition des populations de notre pays.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 octobre 2001)