Déclaration de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le projet de charte pour la préparation des PME à l'euro, sur la reprise de la demande intérieure, sur la réduction du temps de travail et la création d'emplois, Paris le 18 novembre 1997.

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Circonstance : Congrès de l'Association française des banques (AFB) sur le thème "Les PME et l'Euro" à Paris le 18 novembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Poser la question des PME et de l'euro, c'est poser celle de trois objectifs fondamentaux de notre politique économique : réussir l'euro, réussir la croissance, réussir l'emploi. Et, dans chacun de ces défis, les PME et les banques jouent un rôle décisif.
1. Réussir l'euro.
L'euro sera notre monnaie le 1er janvier 1999. C'était, il y a quelques mois, une incantation. C'est aujourd'hui un simple constat. Le débat sur les virgules est désormais clos : la France sera dans la première vague de la monnaie unique et celle-ci comprendra un maximum de pays, probablement 11. Il est significatif de voir que le débat européen porte désormais sur la manière de vivre ensemble dans la monnaie unique et de faire vivre la monnaie unique, qu'il s'agisse du conseil de l'euro ou du choix des dirigeants de la banque centrale européenne.
L'euro sera un facteur puissant d'intégration. D'un point de vue politique, les propositions françaises pour une meilleure coordination des politiques économiques, pour une vraie stratégie en faveur de l'emploi y concourent. D'un point de vue financier, la place de Paris, au premier chef les banques, a entamé une action vigoureuse pour se préparer à cette échéance et pour occuper une place éminente en Europe. D'un point de vue économique, les récentes opérations de concentration apparues dans tous les secteurs montrent que les grandes entreprises ont le souci d'acquérir une taille critique compatible avec le marché européen. L'État veillera, dans son domaine de responsabilité, à ce que ces concentrations se fassent de manière équilibrée entre pays européens.
Les PME ont un rôle décisif à jouer dans le basculement de notre économie dans l'euro. La tentation est souvent de souligner les difficultés de cette opération. C'est oublier l'intérêt qu'elles y trouveront. L'euro va libérer les PME qui sont le fer de lance de notre commerce extérieur en Europe. En effet, aujourd'hui, les PME supportent le risque de change, ne sont pas toujours en mesure de gérer des trésoreries devises, subissent des coûts de transactions élevés et n'ont pas de succursales étrangères. De ce fait, la compétitivité de leurs exportations peut être mise en cause. L'euro va donc les protéger contre les dévaluations compétitives, simplifier leurs échanges et favoriser des taux d'intérêt aussi bas que possible. Le développement des jeunes entreprises de haute technologie pourra d'emblée s'envisager plus facilement au niveau de l'Europe, c'est-à-dire d'un marché intérieur potentiel comparable à celui des entreprises se créant aujourd'hui dans la zone dollar : le financement de l'innovation sera dans ces conditions facilité et les banques y prendront leur part. L'euro, c'est aussi l'innovation, la croissance et l'emploi.
Préparer cette échéance nécessite une vraie mobilisation collective. Celle-ci est nécessaire pour ne laisser personne sur le bord de la route. Elle est maintenant urgente :
les pouvoirs publics vont assumer leurs responsabilités par une campagne d'information et de sensibilisation sur le passage à l'euro à partir du 24 novembre, le dépôt début 1998 des projets de lois nécessaires (modification du code de commerce pour permettre la tenue de la comptabilité en euro dès 1999, règle sur les arrondis...), le paiement possible des impôts en euros dès 1999, sachant qu'un travail est en cours sur les déclarations fiscales.
mais il faut aller au-delà pour que les PME aient accès à l'information et aux conseils dont elles peuvent avoir besoin pour réussir l'euro. Leurs partenaires quotidiens peuvent les y aider : les banquiers, les experts-comptables, les chambres de commerce et des métiers, les syndicats professionnels ou les sociétés de services informatiques. C'est pourquoi je vous propose que nous concluions tous ensemble une charte pour la préparation des PME à l'euro. Je souhaite que l'élaboration de cette charte, que je suivrai en étroite liaison avec Marylise Lebranchu, débute très rapidement pour aboutir à la fin de l'année et qu'elle contienne les dispositions nécessaires en matière d'information et de formation. Je serai heureux de la signer au nom de l'État.
Le Gouvernement veut réussir l'Europe. Il met pour cela tout en oeuvre. Mais cette détermination implique une mobilisation de tous : c'est à cela que je vous appelle aujourd'hui.
2. Réussir la croissance
Le Gouvernement anticipe une croissance de 3% en 1998, supérieure à celle des États-Unis et, pour la première fois depuis longtemps, égale à la moyenne de l'Union européenne. Ceci devrait permettre la création de plus de 200 000 emplois, notamment dans les PME. La demande intérieure devrait ainsi prendre le relais de la demande externe.
Il faut conforter cette reprise : les PME jouent un rôle très important dans la reprise de l'investissement et dans la confiance des ménages, conditions fondamentales pour une croissance saine et durable. Conscient de leur place dans la création de richesses, j'ai, avec Marylise Lebranchu, Christian Pierret, Jacques Dondoux et Christian Sautter, défini une stratégie en faveur des PME, de la création d'entreprises et de l'innovation. D'où de nombreuses mesures prises depuis juin : exonération de la majoration d'impôt sur les sociétés pour les PME ; institution d'un crédit d'impôt pour les créations d'emplois ; bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises ; report d'imposition sur les plus values pour les créateurs qui réinvestissent dans une PME nouvelle ; lancement d'un chantier de simplification de l'environnement administratif, sur la base du rapport Baert ; action de la BDPME en faveur de la prise de risques et de l'investissement, aux côtés des banques ; maintien d'un avantage fiscal pour les produits d'assurance vie investis en capital risque ; constitution d'un fonds pour le capital risque de 600 MF à partir du produit de l'ouverture du capital de France Télécom...
J'ai confiance dans la solidité de la reprise. Les prévisions de croissance du Gouvernement ont d'ailleurs été récemment confirmées par le FMI. Les évolutions des marchés financiers ne doivent donc pas entamer la confiance.
3. Réussir la création d'emplois
L'économie française crée désormais des emplois dès que la croissance dépasse 1,5% et les PME jouent dans ce domaine un rôle essentiel. D'où les plus de 200 000 créations attendues en 1998, avant même prise en compte du plan emplois jeunes et de la réduction du temps de travail. Mais la croissance ne suffira pas pour réduire le chômage. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les initiatives du Gouvernement en faveur de l'innovation, du développement des PME, de la création de nouveaux emplois et de la réduction du temps de travail.
Le débat sur les 35 heures a suscité ces dernières semaines des commentaires divers. Au-delà des vaines polémiques, je note que l'AFB et les organisations syndicales du secteur bancaire ont fait preuve d'un sens remarquable des réalités et d'un vrai esprit de responsabilité en s'engageant avec détermination dans la voie de la négociation en faveur de la modernisation de la convention collective, pour réussir la réduction du temps de travail dans le secteur bancaire. Je ne méconnais pas la difficulté de l'exercice, mais les partenaires sociaux ont entre les mains les clefs du succès de cette négociation. C'est pourquoi le Gouvernement et moi-même seront très attentifs à son déroulement.
La réduction du temps de travail se fera dans des conditions respectueuses des réalités économiques, notamment dans les PME. C'est pourquoi le Gouvernement a fixé deux objectifs clairs : priorité à la création d'emplois ; exigence de maintien de la compétitivité. Ce sont ces préoccupations qui l'ont conduit à indiquer que les plus petites des entreprises ne se verront pas imposer la durée légale de 35 heures dès l'an 2000. C'est pourquoi également le Gouvernement a choisi la voie de la négociation collective pour que la diffusion de la réduction du temps de travail accompagne et soutienne le développement économique.
Le Président Freyche va conclure cette journée sur le thème " les banques s'engagent aux côtés des PME ". Qu'elles en soient remerciées, au nom du Gouvernement. Je souhaite pour ma part que l'euro, que nous avons voulu et préparé, soit un succès collectif.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2001)