Texte intégral
R. Elkrief - Franchement, avez-vous été très surpris par l'annonce de la candidature, hier, de J. Chirac ?
- "Surpris par le fait qu'il était candidat, non. Aucun Français n'a pu d'ailleurs en faire la découverte. Surpris par le jour : sans doute, puisqu'il nous avait annoncé que ce ne serait pas ce jour-là. Quand quelqu'un vous dit : "Je ne vais pas m'annoncer lundi" et qu'il s'annonce malgré tout ce jour-là, vous pouvez être surpris. Mais j'aurai dû me méfier, parce qu'avec J. Chirac, on sait bien que ce qu'il dit, il ne le fait pas toujours."
Néanmoins, cela change la donne et cela vous déstabilise un petit peu aujourd'hui ?
- "Avions-nous des doutes sur sa candidature ? Non. Est-ce que cela va nous obliger à faire autrement ? Pas le moins du monde puisque nous avons, nous, des règles. Nous avons souhaité que cette question de la candidature de L. Jospin, parlons clair, ne puisse venir qu'après la fin de la session parlementaire, parce que L. Jospin est Premier ministre et qu'il doit achever le programme législatif. A partir de là, cela ne peut venir qu'à la fin du mois de février. Rien n'est changé en ce qui nous concerne."
Quelle date précisément ?
- "Je ne suis pas moi-même candidat..."
Alors, L. Jospin va nous faire aussi le coup du "demain", "on n'est pas sûr" ?
- "La fin de la session est le 22 février. La fin de la procédure de candidature pour le Parti socialiste - pardon de parler de cette formation politique, mais dans la vie politique, il y a aussi des règles - c'est à la fin du mois de février. Vous voyez que cela ne fait pas beaucoup."
Comment le Premier ministre a-t-il réagi en écoutant cette candidature de J. Chirac ?
- "Ce n'est pas à moi de vous le dire. Vous lui poserez la question, mais je crois qu'il n'était pas surpris. Ni surpris par le coup de communication, parce qu'on est quand même plutôt maintenant prévenu. Il y a maintenant cinq ans, c'était la dissolution. "Bien joué", nous disait-on. "On est pris par surprise", "on est déstabilisé". Et puis il s'est passé le résultat que vous connaissez. Ce qui m'a frappé pour ce qui me concerne, c'est qu'il y avait sans doute une volonté de faire acte de prise en contre-pied - comme on dit en football -, mais le soir il y avait plutôt un labeur difficile. Car pour J. Chirac, la seule question qui est compliquée est : candidat pour quoi faire ? Candidat toujours, on le sait. Mais candidat pourquoi ? Hier, il a été à la peine - je dois le dire - pour justifier sa quatrième candidature. Après un septennat raté qui n'a duré que deux ans et qu'il a d'ailleurs justifié. C'est peut-être la première fois que J. Chirac, par une espèce de sursaut d'émotion, a dit finalement : "Ce qui s'est passé pendant deux ans avec A. Juppé, je le revendique. C'est ce qu'il fallait faire. C'est ce qui a néanmoins échoué". De la même manière, il a eu beaucoup de difficultés à expliquer la dissolution."
Néanmoins, il l'a revendiquée...
- "Il a dit que cela était tout près des élections. Alors pourquoi dissoudre si ce n'est pour expliquer qu'il y avait un conflit social grave dans le pays? Il a dit finalement que son septennat avait échoué, qu'il a tenu deux ans, qu'il a été sanctionné par une dissolution et pourtant, il veut être de nouveau candidat pour cinq ans. C'était là toute la difficulté. Je peux comprendre qu'il ait été tenté de faire un coup de communication pour masquer cette difficulté d'entrée en campagne."
Sur les thèmes de sa campagne, quand il dit que la France tourne au ralenti, prend du retard, lorsqu'il veut restaurer l'autorité de l'Etat, réhabiliter le respect : ce sont des mots qui font écho dans l'opinion.
- "Prenons ces trois points. L'économie tourne au ralenti ? La France tournerait au ralenti ? La croissance n'a jamais été aussi forte depuis cinq ans. Elle est plus forte dans notre pays que chez tous nos voisins et notamment les Allemands. Dans une certaine mesure, s'il y a eu accélération, c'est bien après la dissolution."
Mais est-ce qu'elle a été bien utilisée ? C'est la question que pose le candidat-Président...
- "Elle a été utilisée pour créer des emplois, pour baisser des impôts et pour précisément faire ce qui n'avait pas été fait précédemment. Deuxièmement, il a dit : autorité de l'Etat ? C'est un thème qui mérite toute notre attention. Mais pour les Français et pour nous-mêmes : qui est à la tête de l'Etat depuis maintenant sept ans ? Et s'il y a dégradation de l'autorité même de l'Etat, qui en porterait la responsabilité ?"
Je ne vais pas vous expliquer la cohabitation, mais l'autorité est partagée aussi...
- "Alors si elle est partagée, c'est qu'il en a une part, je suppose. Ou alors comment venir devant les Français pour justifier d'un septennat ? Le troisième mot est celui de respect. Mais le premier respect que l'on doit quand on a été soi-même candidat et élu président de la République, en 1995, c'est de respecter sa parole. Précisément, tel n'a pas été le cas. C'est ce qui a fait sans doute rupture dans son septennat avec les Français."
J. Chirac a répété qu'il ne souhaitait pas polémiquer avec les autres candidats. Est-ce que vous allez observer la même réserve ? Et est-ce que L. Jospin, candidat, observera la même réserve ?
- "Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Il ne s'agit pas là d'avoir une espèce de protection ou une espèce de distance. Mais en revanche, le fait de respecter les personnes me paraît être la règle de base dans une démocratie. Nous avons suffisamment à commenter les actes ou même l'inaction de J. Chirac pour ne pas s'en prendre à la personne même."
Sur les affaires : puisque cela était un des thèmes abordés, les déclarations de J. Chirac est de dire qu'il n'y a pas "chez les hommes politiques français d'un côté les corrompus et de l'autre les vertueux. Nous étions tous finalement un petit peu rangés à la même enseignes avant les lois sur le financement des partis politiques".
- "Ce serait d'abord trop simple de dire qu'en définitive, selon la formule commune, "tous les mêmes". Non, ce n'est pas vrai. On pouvait effectivement avancer l'argument - et je le partage - que jusqu'à une certaine période, avant la loi sur le financement des partis politiques, il y avait finalement un non-dit."
Le parti socialiste a également été épinglé pour un financement illégal, dans l'affaire Urba par exemple.
- "A tel point que le parti socialiste, par la personne de son trésorier, a été condamné. A l'époque même J. Chirac avait des mots féroces. Rappelez-vous la polémique sur Urba. Des mots féroces par rapport au Parti socialiste. Il aurait été mieux inspiré d'avoir cette précaution au moment où il y avait la révélation de ces absences de règles qui ont justifié le vote des lois Rocard, qui ont permis maintenant d'avoir des financements publics des partis politiques. Mais les affaires dont il est question, pour ce qui concerne le RPR, ou qui peut éventuellement le concerner, porte sur la période après 1990, après le vote des lois sur le financement des partis politiques."
Cette réponse n'est pas satisfaisante pour vous ?
- "Je ne veux pas - car je connais finalement trop le jeu politique - ne pas en parler, car cela donnerait l'impression de protéger les uns et les autres. En parler donnerait le sentiment de vouloir l'atteindre. Il y a des procédures. La justice est saisie. Il a lui-même reconnu qu'elle était indépendante. Je l'en remercie, car depuis cinq ans, c'est vrai. Laissons la justice faire. Mais il y a un moment où ces questions lui seront nécessairement posées. J'ai trouvé que de ce point de vue, dans l'interview, cela n'avait pas été facile pour lui dans cette première partie d'entretien."
Comment cela va-t-il se passer entre les deux hommes maintenant ?
- "Cela doit se passer entre deux responsables publics au sommet de l'Etat, qui doivent faire leur campagne et en même temps défendre les intérêts de la France quand ils sont à l'étranger et faire vivre les institutions, comme ils le font d'ailleurs depuis cinq ans. De ce point de vue, je n'ai pas d'inquiétude. Je ne voudrais pas qu'il y en ait qui soient protégés, notamment l'un, et puis les autres qui soient des candidats qui devraient se débattre dans la banalité."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 février 2002)
- "Surpris par le fait qu'il était candidat, non. Aucun Français n'a pu d'ailleurs en faire la découverte. Surpris par le jour : sans doute, puisqu'il nous avait annoncé que ce ne serait pas ce jour-là. Quand quelqu'un vous dit : "Je ne vais pas m'annoncer lundi" et qu'il s'annonce malgré tout ce jour-là, vous pouvez être surpris. Mais j'aurai dû me méfier, parce qu'avec J. Chirac, on sait bien que ce qu'il dit, il ne le fait pas toujours."
Néanmoins, cela change la donne et cela vous déstabilise un petit peu aujourd'hui ?
- "Avions-nous des doutes sur sa candidature ? Non. Est-ce que cela va nous obliger à faire autrement ? Pas le moins du monde puisque nous avons, nous, des règles. Nous avons souhaité que cette question de la candidature de L. Jospin, parlons clair, ne puisse venir qu'après la fin de la session parlementaire, parce que L. Jospin est Premier ministre et qu'il doit achever le programme législatif. A partir de là, cela ne peut venir qu'à la fin du mois de février. Rien n'est changé en ce qui nous concerne."
Quelle date précisément ?
- "Je ne suis pas moi-même candidat..."
Alors, L. Jospin va nous faire aussi le coup du "demain", "on n'est pas sûr" ?
- "La fin de la session est le 22 février. La fin de la procédure de candidature pour le Parti socialiste - pardon de parler de cette formation politique, mais dans la vie politique, il y a aussi des règles - c'est à la fin du mois de février. Vous voyez que cela ne fait pas beaucoup."
Comment le Premier ministre a-t-il réagi en écoutant cette candidature de J. Chirac ?
- "Ce n'est pas à moi de vous le dire. Vous lui poserez la question, mais je crois qu'il n'était pas surpris. Ni surpris par le coup de communication, parce qu'on est quand même plutôt maintenant prévenu. Il y a maintenant cinq ans, c'était la dissolution. "Bien joué", nous disait-on. "On est pris par surprise", "on est déstabilisé". Et puis il s'est passé le résultat que vous connaissez. Ce qui m'a frappé pour ce qui me concerne, c'est qu'il y avait sans doute une volonté de faire acte de prise en contre-pied - comme on dit en football -, mais le soir il y avait plutôt un labeur difficile. Car pour J. Chirac, la seule question qui est compliquée est : candidat pour quoi faire ? Candidat toujours, on le sait. Mais candidat pourquoi ? Hier, il a été à la peine - je dois le dire - pour justifier sa quatrième candidature. Après un septennat raté qui n'a duré que deux ans et qu'il a d'ailleurs justifié. C'est peut-être la première fois que J. Chirac, par une espèce de sursaut d'émotion, a dit finalement : "Ce qui s'est passé pendant deux ans avec A. Juppé, je le revendique. C'est ce qu'il fallait faire. C'est ce qui a néanmoins échoué". De la même manière, il a eu beaucoup de difficultés à expliquer la dissolution."
Néanmoins, il l'a revendiquée...
- "Il a dit que cela était tout près des élections. Alors pourquoi dissoudre si ce n'est pour expliquer qu'il y avait un conflit social grave dans le pays? Il a dit finalement que son septennat avait échoué, qu'il a tenu deux ans, qu'il a été sanctionné par une dissolution et pourtant, il veut être de nouveau candidat pour cinq ans. C'était là toute la difficulté. Je peux comprendre qu'il ait été tenté de faire un coup de communication pour masquer cette difficulté d'entrée en campagne."
Sur les thèmes de sa campagne, quand il dit que la France tourne au ralenti, prend du retard, lorsqu'il veut restaurer l'autorité de l'Etat, réhabiliter le respect : ce sont des mots qui font écho dans l'opinion.
- "Prenons ces trois points. L'économie tourne au ralenti ? La France tournerait au ralenti ? La croissance n'a jamais été aussi forte depuis cinq ans. Elle est plus forte dans notre pays que chez tous nos voisins et notamment les Allemands. Dans une certaine mesure, s'il y a eu accélération, c'est bien après la dissolution."
Mais est-ce qu'elle a été bien utilisée ? C'est la question que pose le candidat-Président...
- "Elle a été utilisée pour créer des emplois, pour baisser des impôts et pour précisément faire ce qui n'avait pas été fait précédemment. Deuxièmement, il a dit : autorité de l'Etat ? C'est un thème qui mérite toute notre attention. Mais pour les Français et pour nous-mêmes : qui est à la tête de l'Etat depuis maintenant sept ans ? Et s'il y a dégradation de l'autorité même de l'Etat, qui en porterait la responsabilité ?"
Je ne vais pas vous expliquer la cohabitation, mais l'autorité est partagée aussi...
- "Alors si elle est partagée, c'est qu'il en a une part, je suppose. Ou alors comment venir devant les Français pour justifier d'un septennat ? Le troisième mot est celui de respect. Mais le premier respect que l'on doit quand on a été soi-même candidat et élu président de la République, en 1995, c'est de respecter sa parole. Précisément, tel n'a pas été le cas. C'est ce qui a fait sans doute rupture dans son septennat avec les Français."
J. Chirac a répété qu'il ne souhaitait pas polémiquer avec les autres candidats. Est-ce que vous allez observer la même réserve ? Et est-ce que L. Jospin, candidat, observera la même réserve ?
- "Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Il ne s'agit pas là d'avoir une espèce de protection ou une espèce de distance. Mais en revanche, le fait de respecter les personnes me paraît être la règle de base dans une démocratie. Nous avons suffisamment à commenter les actes ou même l'inaction de J. Chirac pour ne pas s'en prendre à la personne même."
Sur les affaires : puisque cela était un des thèmes abordés, les déclarations de J. Chirac est de dire qu'il n'y a pas "chez les hommes politiques français d'un côté les corrompus et de l'autre les vertueux. Nous étions tous finalement un petit peu rangés à la même enseignes avant les lois sur le financement des partis politiques".
- "Ce serait d'abord trop simple de dire qu'en définitive, selon la formule commune, "tous les mêmes". Non, ce n'est pas vrai. On pouvait effectivement avancer l'argument - et je le partage - que jusqu'à une certaine période, avant la loi sur le financement des partis politiques, il y avait finalement un non-dit."
Le parti socialiste a également été épinglé pour un financement illégal, dans l'affaire Urba par exemple.
- "A tel point que le parti socialiste, par la personne de son trésorier, a été condamné. A l'époque même J. Chirac avait des mots féroces. Rappelez-vous la polémique sur Urba. Des mots féroces par rapport au Parti socialiste. Il aurait été mieux inspiré d'avoir cette précaution au moment où il y avait la révélation de ces absences de règles qui ont justifié le vote des lois Rocard, qui ont permis maintenant d'avoir des financements publics des partis politiques. Mais les affaires dont il est question, pour ce qui concerne le RPR, ou qui peut éventuellement le concerner, porte sur la période après 1990, après le vote des lois sur le financement des partis politiques."
Cette réponse n'est pas satisfaisante pour vous ?
- "Je ne veux pas - car je connais finalement trop le jeu politique - ne pas en parler, car cela donnerait l'impression de protéger les uns et les autres. En parler donnerait le sentiment de vouloir l'atteindre. Il y a des procédures. La justice est saisie. Il a lui-même reconnu qu'elle était indépendante. Je l'en remercie, car depuis cinq ans, c'est vrai. Laissons la justice faire. Mais il y a un moment où ces questions lui seront nécessairement posées. J'ai trouvé que de ce point de vue, dans l'interview, cela n'avait pas été facile pour lui dans cette première partie d'entretien."
Comment cela va-t-il se passer entre les deux hommes maintenant ?
- "Cela doit se passer entre deux responsables publics au sommet de l'Etat, qui doivent faire leur campagne et en même temps défendre les intérêts de la France quand ils sont à l'étranger et faire vivre les institutions, comme ils le font d'ailleurs depuis cinq ans. De ce point de vue, je n'ai pas d'inquiétude. Je ne voudrais pas qu'il y en ait qui soient protégés, notamment l'un, et puis les autres qui soient des candidats qui devraient se débattre dans la banalité."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 février 2002)