Interview de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à RMC le 11 décembre 2001, sur les risques industriels et sa position en faveur du déplacement de l'usine AZF.

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Texte intégral

Ce matin, à Toulouse, des centaines de salariés de l'usine AZF ont manifesté pour le maintien du pôle chimique, théâtre de la terrible explosion du 21 septembre. Un défilé organisé le jour où se tient à Paris le débat national sur les risques industriels. Sur cette question, L. Jospin, le Premier ministre, interviendra en fin d'après-midi après avoir reçu des représentants du Collectif "Plus jamais ça." Quelles mesures le Chef du Gouvernement va-t-il annoncer ? Le pôle chimique toulousain va-t-il rouvrir ?
Vous êtes ministre de l'Environnement, vous avez effectué un véritable tour des provinces et des sites à risques, participé à des tables-rondes. Vous accueillez le débat national cet après-midi. Première question directe : l'usine AZF va-t-elle rouvrir ?
- "Pour moi, je ne vois pas comment elle pourrait rouvrir. Je l'ai déjà dit d'ailleurs dès le 21 septembre, lorsque je suis allé voir la dévastation qui était sur place, et je ne cesse de le dire. Simplement, nous attendons de la part du groupe TotalFinaElf des propositions. Il semble que monsieur Desmarest, qui est quand même un peu absent de tout ce débat, ne veuille pas non plus le rouvrir. La question se pose plutôt pour le reste du pôle chimique."
Monsieur Desmarest est absent du débat, mais n'avez-vous pas eu du tout affaire soit à monsieur Desmarest ou à des conseillers ou à des gens du groupe ?
- "Je l'ai rencontré. Simplement vous vous souvenez qu'au débat à Toulouse, le 30 novembre dernier, il n'était malheureusement pas présent. Donc, on n'a pas eu la parole industrielle du groupe à ce moment-là. Il est présent aujourd'hui, non pas monsieur Desmarest mais des représentants du groupe, donc on espère bien qu'ils feront des propositions. Mais, moi, mon sentiment personnel, c'est qu'il ne faut pas rouvrir l'usine AZF à Toulouse."
Quelles mesures le Gouvernement va-t-il annoncer cet après-midi lors du débat ?
- "C'est plutôt des mesures d'ordre organisationnel, réglementaire ou législatif. Nous préparons un projet de loi qui sera issu de l'ensemble des débats régionaux et nationaux - celui d'aujourd'hui - et qui, dès le mois de février, j'espère, sera sur le bureau de l'Assemblée nationale et examinée en séance publique."
Question de Gilles, un habitant de Haute-Garonne : Je vous téléphone pour vous poser une question qui est assez générale : pensez-vous encore que le pouvoir politique puisse imposer sa volonté au pouvoir économique ?
- "Bien sûr. Il y a quand même des différences d'ordre : le pouvoir économique a des capacités d'initiative pour proposer une implantation de telle ou telle usine, mais le pouvoir politique, notamment les directions régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement sont là pour contrôler, expertiser et éventuellement suspendre ou interdire des fabrications qui seraient trop risquées. Le fait que des usines à risques ferment - il y en a entre deux et quatre par an dont les pouvoirs publics disent : vous ne pouvez plus continuer votre activité dans la mesure où elle est trop risquée pour les populations. Evidemment, c'est exceptionnel. Mais cela existe."
Ce matin, je le disais, il y a eu une manifestation de salariés de la chimie du côté de Toulouse. Ils ont donné les chiffres et c'est vrai que c'est important du point de vue économique : 1800 emplois directs, 25 000 personnes qui vivent de l'usine AZF. Donc, il faut tenir compte du poids économique local. Est-ce que c'est difficile de concilier les deux ?
- "Il y a également, comme vous le savez, d'autres PME et PMI qui sont moins liées au pôle chimique de Toulouse et qui, elles, au contraire, disent : nous, nous ne souhaitons pas continuer nos activités s'il y a une réouverture quelconque du pôle chimique de Toulouse. Donc, nous sommes obligés de tenir compte de tout le monde et, bien sûr, de la volonté de la population. C'est en ce sens-là que le Premier ministre, dans les jours qui vont venir - avant la fin de l'année en tout cas - donnera, de la part du Gouvernement, une position définitive sur le pôle chimique de Toulouse. Ceci étant dit, bien entendu, il n'est pas question que cela soit un fait général : soit qu'on ferme les usines - évidemment, l'industrie notamment chimique doit continuer en France - et d'autre part qu'on envisage de délocaliser toutes les industries à risques. Il faut renforcer la sécurité, et ceci se fait non seulement avec les industriels, les syndicats, les élus, mais avec la population elle-même."
Question de Patrice, un auditeur : Et si on essayait de supprimer les consommations qui nécessitent des installations sources de risques ?
- "Bien entendu, il faut s'interroger - c'est un véritable débat de société - sur quels produits on fabrique, pour quel usage social, et si l'on peut avoir des substitutions à des produits qui seraient moins dangereux pour le même usage. C'est dans le débat."
Est-ce que ce sont les villes qui se sont rapprochées des usines ou ce sont des usines qui se sont rapprochées des villes ?
- "Il y a les deux cas, puisqu'à Toulouse, c'est plutôt la ville qui s'est rapprochée du pôle chimique, mais à Dunkerque, c'est le contraire, c'est plutôt l'industrie pétrochimique qui a encerclé un petit village, celui de Mardoc."
Est-ce possible, aujourd'hui, de revoir les plans d'urbanisation et ce genre de choses en concertation avec les industriels chimiques qui, nous ont-ils dit juste après Toulouse, sont prêts à étudier toutes les possibilités ?
- "Oui. D'ailleurs, un des trois volets du projet de loi que nous préparons porte précisément sur cette problématique "urbanisation et proximité avec des usines à risques", et nous essayerons de voir comment il peut y avoir des possibilités de minimiser les risques, éventuellement même de proposer aux gens qui seraient volontaires d'être indemnisés pour partir un peu plus loin."
(Source http://Sig.premierministre.gouv.fr, le 14 décembre 2001)