Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur le crash de l'Airbus A300 d'American Airlines à New York et sur la création d'un troisième aéroport en région parisienne, à Paris le 13 novembre 2001.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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R. Elkrief Un tout petit mot, avant de revenir sur le crash d'hier à New York, sur l'arrivée des troupes de l'Alliance du Nord à Kaboul. Est-ce une bonne nouvelle ?
- "Dès lors que les taliban subissent une défaite, c'est une bonne nouvelle, puisque ce système est horrible. Ce sont des fanatiques et des pourvoyeurs de terrorisme. Mais le problème est de savoir quelle est la solution. Est-ce que la solution politique apparaît aujourd'hui ? Pas encore. Il faut réussir un rassemblement dans un pays où la tradition, malheureusement, est plutôt la violence et la guerre. A chaque fois, ce sont les populations qui dérouillent et qui subissent cette violence. D'une part, il y a ce problème de réussir cette coalition politique. Cela n'est pas fait. A l'extérieur aussi, il y a des problèmes avec les pays concernés tout autour. Là encore, c'est une situation qui n'est pas simple à régler. En tout cas, le fait que les taliban soient obligés de céder le terrain est évidemment une bonne nouvelle."
On revient sur ce crash de l'avion, l'Airbus A300, d'American Airlines. Etes-vous sûr que ce soit un accident ?
- "Non. On ne peut pas dire cela. La thèse de l'accident est privilégiée par les autorités américaines. Le fait même que les Américains aient décidé de confier l'enquête à leur bureau national des transports, c'est-à-dire à l'aviation civile et non pas à la CIA, est un élément qui va dans ce sens. J'ai tout de suite bien entendu pris des contacts avec les Etats-Unis, nous avons dépêché tout de suite des experts du bureau d'enquêtes accidents qui vont travailler avec les Américains. Parce que c'est la règle internationale : du moment que cet avion est européen - Airbus -, les experts européens vont sur place et participent à l'enquête."
Dans combien de temps aurons-nous des résultats ?
- "Une première boîte noire a été trouvée. Je pense que la deuxième sera rapidement trouvée. Cela se passe au sol. Ce n'est pas comme quand un avion s'écrase en mer, où elles sont des fois plus longues à récupérer. Les boîtes noires, en général, parlent beaucoup. Mais je veux dire une chose : hier, il s'est dit un petit tout et son contraire. Cet avion était récent. Il a été mis en service en 1988."
L'Airbus A 300 est en service depuis 1984.
- "Depuis 1984, c'est la génération des Boeings 737 notamment, donc, ce ne sont pas des appareils dépassés. Mais celui-là, cet Airbus A 300, a été mis en service, je crois, en 1988. C'est donc un avion relativement jeune. Selon American Airlines, la révision du moteur gauche a été faite il y a 900 heures de vol ; l'autre, par contre, c'était depuis un temps plus important. On va travailler sur ces questions, notamment celle de savoir quelle thèse doit prévaloir finalement. L'accident sûrement, mais bien évidemment, aujourd'hui, on ne peut pas dire avec une totale certitude qu'on évacue totalement la thèse de l'attentat."
La semaine dernière, vous preniez le Concorde pour redonner confiance dans cet avion. Aujourd'hui, l'euphorie est un peu retombée et on peut s'attendre à ce que les voyageurs s'inquiètent de nouveau et n'aient plus très envie de reprendre l'avion ?
- "Bien évidemment, quand il arrive un crash, c'est toujours un moment difficile pour les compagnies. C'est un moment difficile pour le transport aérien. Mais les personnels des compagnies aériennes sont mobilisés aujourd'hui pour dire : "Réfléchissez : quand vous allez prendre l'avion à Orly, vous avez plus de risques d'avoir un accident, d'être blessé ou d'être tué, en partant avec votre voiture, que lorsque vous montez dans l'avion." L'avion est toujours est toujours un des moyens les plus sûrs. C'est toujours, malheureusement, très spectaculaire quand il y a un crash. Les compagnies aériennes sont très affectées. Elles avaient été déjà affectées par le recul de l'activité économique aux Etats-Unis, puis par cet horrible attentat du 11 septembre qui a porté un nouveau coup. Je crois au transport aérien. Je crois que la crise que connaît le transport aérien est conjoncturelle, l'avenir ne peut pas se passer du développement du transport aérien. J'ai donc tout fait pour que des éléments de confiance réapparaissent. C'est vrai avec le Concorde. C'est vrai aussi quand j'ai été à Doubaï, au salon, où il y a eu cette commande formidable."
Justement, sur Airbus : vous avez peut-être eu N. Forgeard au téléphone, après ce crash, vous en avez parlé avec lui. Qu'est-ce qu'il envisage ? Il vient d'annoncer un plan de réduction des coûts. Il était question qu'il réduise la production et qu'il passe de 375 à 330 appareils, et peut-être même à 300 appareils. Est-ce que c'est confirmé ? Est-ce qu'il va y voir des réductions d'effectifs ?
- "Pour l'instant, je veux saluer la sagesse à la fois d'ADS et d'Airbus. Nous avons un carnet de commandes qui est important. Bien sûr, il y a des reports de commandes par des compagnies, qui font qu'il faut absolument revoir les cadences. L'objectif est de ne pas réduire les effectifs."
Il vous l'a confirmé ?
- "Absolument. D'autant que parallèlement, nous lançons le fameux A 380. Il faut le réaliser maintenant. Ce sont 140.000 emplois concernés à l'échelle de l'Europe, rien que pour cet appareil."
C'est jeudi que l'on doit annoncer le troisième aéroport dans la région parisienne. Baisse du transport aérien, crise : est-ce que cet aéroport est toujours aussi nécessaire ? C'est la question que pose ce matin encore Y. Cochet, votre collègue Vert à l'Environnement ?
- "Y. Cochet le disait avant le 11 septembre et il le dit après. Il est fidèle à lui-même."
Dans le même Gouvernement, ce sont deux avis très différents quand même...
- "Ce sont des sensibilités différentes qui s'expriment. Moi, au nom du Gouvernement, ce que je sais, c'est que la décision d'opportunité de réaliser un troisième aéroport a été prise il y a plus d'un an maintenant. Je sais que les experts, y compris les experts extérieurs, disent qu'il y a peut-être une crise conjoncturelle, mais qu'elle n'est pas structurelle. Il y aura le développement des transports aériens. Je sais qu'on a besoin de cette troisième plate-forme sinon, dans dix ou quinze ans, on nous reprochera de ne pas avoir pris cette décision. D'ailleurs, la troisième plate-forme est une plate-forme pour l'environnement et pour qu'il y ait moins de nuisance, y compris à Orly et Roissy."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 novembre 2001)