Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les réformes statutaires des personnels du ministère des affaires étrangères, sur les méthodes de travail du ministère et sur l'adaptation du réseau diplomatique consulaire et culturel à l'étranger, Paris le 22 juin 1999.

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Circonstance : Ouverture du comité technique paritaire interministériel du ministère des affaires étrangères, le 22 juin 1999

Texte intégral

J'ai souhaité, avec Charles Josselin, ouvrir moi-même ce Comité technique paritaire pour plusieurs raisons :
- d'abord parce que je m'étais engagé, dès ma prise de fonction, dans le cadre du dialogue social que je souhaite développer avec les représentants du personnel, à être présent au début des travaux de chaque Comité technique paritaire, moment important dans la vie administrative du ministère ;
- ensuite parce que l'ordre du jour de ce Comité technique paritaire est particulièrement important et a donné lieu à d'intenses débats depuis plusieurs mois, notamment sur les réformes des textes statutaires inscris à l'ordre du jour ;
- enfin, parce qu'il s'agit de premier véritable Comité technique paritaire traduisant dans sa composition la fusion Affaires étrangères/Coopération. J'ajoute que ce CTP se réunit à la suite des élections syndicales du 11 mars dernier dont je tiens à remercier les services du Département pour les excellentes conditions dans lesquelles elles se sont déroulées.
Depuis le dernier Comité technique paritaire qui s'est tenu en juin dernier (il n'y a pas eu de Comité technique paritaire en décembre 1998, compte tenu de l'annulation par le Conseil d'Etat des textes réglementaires ayant fixé la composition du précédent Comité technique paritaire), des changements cruciaux sont intervenus dans l'organisation et le fonctionnement du Département :
- la fusion des services Affaires étrangères/Coopération, effective depuis la publication du décret du 10 décembre 1998 portant nouvelle organisation de l'administration centrale. Je tiens à souligner en particulier le défi qu'a représenté la constitution de la nouvelle DGCID dont j'ai voulu que son organisation interne, radicalement novatrice par rapport au dispositif de l'ex-DG et des services de l'ex-Coopération, en fasse un instrument fort d'expertise et de compétence en matière de politique culturelle extérieure et d'aide au développement. J'ai bien conscience de l'ampleur de la tâche qu'a représentée la mise en place de la DGCID, compliquée en outre par les opérations de déménagement entre les différents sites parisiens et les mutations correspondantes pour les agents.
- la fusion des budgets, réalisée depuis le budget 1999. Je vous informe à cet égard que je suis en ce moment pleinement mobilisé par la préparation des arbitrages budgétaires pour 2000, dans le contexte d'une négociation très difficile toujours marquée par un a priori négatif des services de Bercy sur les moyens du réseau diplomatique et sur la légitimité d'un effort budgétaire de l'Etat en faveur de l'action culturelle extérieure. J'insiste d'ailleurs auprès de vous sur l'importance que revêtent les efforts de modernisation que j'ai engagés depuis 2 ans, notamment dans le domaine de la gestion et des méthodes de travail, afin que soit projetée à l'extérieur du ministère des Affaires étrangères l'image d'une administration, certes dépositaire d'une fonction régalienne prestigieuse, mais également réformatrice, capable de s'adapter, de s'ouvrir, de se placer dans le mouvement de la réforme de l'Etat.
La fusion des personnels, point central de l'ordre du jour de ce Comité technique paritaire et sur lequel je vais revenir plus longuement par la suite. Je suis convaincu du caractère central de la politique du personnel dans le processus de modernisation du Département. C'est la raison pour laquelle j'ai privilégié une approche globale des questions de personnels, portant à la fois sur les aspects statutaires, sur la gestion des carrières et des affectations, sur la problématique de la formation. C'est cette volonté d'appréhender globalement la politique du personnel qui m'a conduit à écrire à l'ensemble des agents, le 31 décembre dernier, en leur présentant mes objectifs, mes orientations (professionnalisation, ouverture et mobilité) et un plan d'action indicatif comportant "51 mesures pour une nouvelle politique du personnel". J'ai noté, de la part des syndicats, un accueil intéressé tant sur la démarche que sur le contenu du document. J'ai demandé au directeur général de l'Administration et au directeur des Ressources humaines d'intensifier la mise en oeuvre de cette nouvelle politique du personnel. Je souligne une nouvelle fois auprès de vous l'importance particulière que j'attache au volet mobilité de ce dispositif, élément essentiel pour valoriser le rôle du Quai d'Orsay dans l'administration française.
Je souhaite maintenant intervenir sur quelques uns des points les plus importants figurant à l'ordre du jour de ce Comité technique paritaire :
1.- Les réformes statutaires
Je vous rappelle que l'intégration des personnels de la Coopération dans les différents corps des Affaires étrangères constituait l'un des volets essentiels de la réforme de la coopération annoncée par le gouvernement début 1998. J'avais souhaité qu'à cette occasion, et je vous en avais fait part au Comité technique paritaire de juin 1998, cette intégration des personnels des ex-services de la Coopération soit accompagnée d'une réflexion plus vaste sur l'évolution des statuts des agents du ministère des Affaires étrangères. Je considère, en effet, plus que jamais, que les corps de cette maison doivent s'adapter aux exigences de professionnalisation des carrières, de diversité des fonctions diplomatiques que les agents exercent, de fluidité dans l'organisation et la gestion des statuts. C'est dans cette perspective que je vous avais annoncé la mise à l'étude, dans un premier temps, d'un nouveau corps ayant vocation à regrouper les secrétaires adjoints, les attachés d'Administration centrale, des Affaires étrangères et de la Coopération ainsi que les agents contractuels relevant de la loi Le Pors et souhaitant être titularisés.
Ce projet de nouveau corps a donné lieu à un travail très approfondi au cours des douze derniers mois. Il est aujourd'hui soumis à votre avis. Je souhaite que vous l'adoptiez car je pense qu'il réalise un bon compromis entre les nécessités de l'adaptation et les aspirations ou les préoccupations que plusieurs syndicats ont exprimées. J'ajoute, et c'est là une condition que j'avais mise dans les négociations conduites avec le ministère des Finances et celui de la Fonction publique, que ce projet de nouveau corps s'accompagne de contreparties au bénéfice des agents concernés : nouvelle dénomination du corps, réforme du principalat dans le sens souhaité par les agents eux-mêmes, extension des possibilités de promotion au tour extérieur dans le corps supérieur ; aucune de ces avancées n'est négligeable.
J'ai bien évidemment entendu les réactions des représentants des personnels, qu'il s'agisse de ceux des attachés d'Administration ou de ceux des secrétaires adjoints. J'ai veillé, et c'est le sens des instructions que j'avais données au directeur général de l'Administration, à ce que les observations légitimes des uns et des autres soient dûment prises en considération. Le maintien au sein de ce futur corps unique de trois cadres spécifiques (cadre d'orient, cadre général, cadre d'administration) garantissant l'autonomie et la pérennité des modes de recrutement par les différents concours existants répond au souci que vos représentants, et notamment l'Organisation des secrétaires adjoints dont je salue l'esprit constructif, ont exprimé. J'ajoute, et c'est là un engagement solennel que je prends devant vous, qu'il sera bien entendu tenu compte dans la gestion des affectations à Paris ou à l'étranger et dans l'organisation de la carrière des agents de ce nouveau corps, de leur formation et de leurs domaines de compétences. Je souhaite que l'avis que vous allez rendre tout à l'heure tienne compte de ces différents équilibres qui m'apparaissent très satisfaisants.
Cette importante réforme statutaire portant sur la catégorie A s'accompagne également d'un dispositif d'intégration des agents B et C de la Coopération dans les corps homologues des Affaires étrangères. C'est là le second point important de votre ordre du jour. Faut-il considérer cette intégration des agents B et C de la Coopération dans les corps d'Administration centrale des Affaires étrangères comme un aboutissement ou comme une simple étape ? Je mesure bien la sensibilité que revêt cette question pour vous, les aspirations des personnels de la Coopération ne rencontrant pas nécessairement celle des représentants des syndicats des Affaires étrangères. Je ne souhaite pas définitivement trancher, dès maintenant, ce débat, ni dans le sens du statut quo, ni dans celui de la poursuite de la réforme. Procédons donc avec pragmatisme, prudence et réalisme. Trois options peuvent s'ouvrir à nous :
- celle d'une consolidation durable de l'intégration des agents B et C de la Coopération dans les corps homologues des Affaires étrangères;
- celle d'une réforme d'une autre nature, poursuivant, pour les agents B et C, la réforme du nouveau corps entreprise pour les agents de catégorie A en veillant à obtenir les mêmes contreparties et garanties ;
- celle d'une approche médiane conservant les corps actuels pour les agents en fonction et proposant un nouveau corps unique pour ceux qui en exprimeraient le souhait et pour ceux qui rejoindront les cadres B et C du ministère des Affaires étrangères dans les années à venir.
Chacune de ces options a ses avantages et ses inconvénients. Elles doivent donc être expertisées avec précision. Je demande en conséquence au directeur général de l'Administration d'évaluer dans les mois qui viennent les potentialités et la faisabilité de chacune de ces solutions. Il veillera à vous associer très étroitement à cette étude approfondie. Au vu du bilan qui pourra être dressé et qui me sera transmis dans les prochains mois, je déciderai alors s'il convient ou non d'aller plus loin dans l'adaptation des statuts des agents B et C du Département.
2.- J'en viens maintenant à quelques commentaires sur plusieurs points d'information dont vous êtes saisis.
Un mot sur les méthodes de travail. Dès mon arrivée à la tête du ministère, j'ai estimé qu'il fallait corriger en profondeur nos méthodes de travail : encore trop de formalisme excessif ; une capacité de réaction des services encore insuffisante ; une répartition des fonctions et des tâches entre l'administration centrale et les postes insuffisamment complémentaire. J'ai donc demandé au Secrétaire général, dès sa nomination, de proposer les changements nécessaires. Qu'il s'agisse de la réforme de la correspondance télégraphique, de la constitution des dossiers, de la préparation des visites, de l'organisation du travail quotidien au sein des directions et des ambassades, un véritable changement d'état d'esprit doit intervenir. Il faut, dans ce domaine, comme dans tant d'autres de la vie de ce ministère, privilégier l'ouverture, la diffusion extérieure de nos compétences et de nos informations. Je n'insiste pas sur ce point, car ce n'est pas l'objet central de ce comité technique, mais je vous indique simplement que ces changements indispensables de nos modes internes de fonctionnement ne pourront être seulement dictés par la hiérarchie. Ils supposent l'adhésion de chaque agent, quels que soient sa place et son rôle. J'ajoute que le domaine des relations sociales au sein de ce ministère ne doit pas échapper non plus à cet exercice d'analyse. De ce point de vue, je note avec satisfaction que vous débattrez tout à l'heure de la question du dialogue social dans les postes, initiative que je souhaite encourager car il ne me paraît pas sain que le dialogue social ne soit que le monopole de quelques uns à Paris.
Un point sur l'adaptation du réseau diplomatique, consulaire et culturel à l'étranger. J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de dire que la carte de nos implantations à l'étranger ne saurait rester figée tout simplement parce que le monde bouge, parce que nos intérêts, nos entreprises, nos compatriotes évoluent. En outre, nos contraintes en termes d'effectifs doivent nous conduire à nous interroger en permanence sur la pertinence de telle ou telle implantation. C'est dans cet esprit que je viens de présenter au président de la République et au Premier ministre un plan d'adaptation de notre réseau. Ce plan sera mis en oeuvre dans les prochaines semaines. Ses dispositions sont pratiquement arrêtées. Elles porteront sur la fermeture ou la transformation d'une douzaine de postes consulaires. En revanche, j'exclus toute fermeture d'ambassades, au moment où nous devons défendre partout nos intérêts et où chaque Etat compte dans le système multilatéral. Dès que ces mesures auront été définitivement formalisées et que les chefs de poste concernés en auront été avisés, elles seront aussitôt portées à votre connaissance.
Ces mesures sont toujours difficiles à prendre ; elles sont également délicates à mettre en oeuvre. Je demande au directeur général de l'Administration d'être particulièrement attentif aux conséquences de ces mesures pour les agents concernés, qu'ils soient titulaires, contractuels ou recrutés locaux.
Quelques mots pour terminer sur deux sujets que vous évoquerez durant vos travaux d'aujourd'hui :
- la situation des personnels locaux. Je sais que ce dossier vous préoccupe à juste titre, compte tenu du nombre et de la place occupée par les personnels locaux dans notre outil diplomatique. J'avais demandé, l'an dernier, qu'un état des lieux complet des problèmes posés par le recrutement local soit dressé et que des propositions me soient présentées. Ce rapport, effectué par M. Amiot, m'a été adressé il y a quelques semaines. Vous en débattrez tout à l'heure. Je souhaite que, sur cette base, un véritable plan d'action me soit soumis, d'ici l'automne prochain, par la direction générale de l'Administration.
- Un mot enfin sur la formation. J'accorde une très grande importance à la politique de formation mise en oeuvre au sein du Département. D'importants moyens financiers lui sont d'ores et déjà consacrés. J'ai proposé, dans le document recensant les mesures pour une nouvelle politique du personnel que je vous ai fait parvenir, fin décembre dernier, plusieurs dispositions dans ce domaine : meilleure articulation entre formation et affectations, élévation du niveau linguistique général des agents du Département, formation aux nouvelles technologies de l'information, etc... Je ne reviens pas sur le détail de ces mesures sinon pour souhaiter à nouveau devant vous qu'elles servent d'orientations pour les actions de formation qui seront mises en oeuvre.
CONCLUSION :
Vous êtes réunis aujourd'hui pour un Comité technique paritaire particulièrement important et dont chacun mesure les enjeux pour la poursuite des actions de modernisation qui doivent continuer à être résolument mises en oeuvre au sein du ministère des Affaires étrangères.
A vous tous, et à travers vous, à l'ensemble des personnels de cette grande administration que vous représentez, je vous souhaite bon travail dans un esprit positif et constructif au bénéfice des agents eux-mêmes et au bénéfice de notre action diplomatique, consulaire et de coopération.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 1999)