Texte intégral
Monsieur le Commissaire européen,
Monsieur le député,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'ouvrir le premier colloque organisé par le nouvel Institut de la Gestion Publique et du Développement Économique. Cet Institut, j'ai voulu le créer dès mon arrivée au Minéfi, convaincu que la formation et l'ouverture de l'Administration sont fondamentales et que le CFPP pouvait servir d'assise à de nouvelles missions. L'Institut est et sera au cur de la réforme-modernisation de Bercy et il traduit la volonté des pouvoirs publics de favoriser notre insertion dans la société de la connaissance. Diffusion d'Internet, mutations économiques et financières, réorganisation des temps de vie, démocratisation de l'accès aux nouveaux outils, toute avancée technologique majeure contribue à transformer la société et fait rarement machine arrière. L'État ne peut pas rester à l'écart du mouvement qui anime la société. Pour une large part, dans ce ministère, l'administration du futur est déjà notre présent.
1) La création de l'Institut de la Gestion Publique et du Développement Économique. (IGPDE) s'inscrit dans une certaine vision de la société de la connaissance. Réformer, c'est, me semble-t-il, d'abord comprendre le réel. La convergence entre audiovisuel, informatique et télécommunications accroît l'offre et la demande de connaissance. Elle démultiplie les besoins, elle universalise les informations dont chacun exige désormais qu'elles soient disponibles partout et tout le temps. Face à cette révolution technologique, plus que jamais réformer doit signifier prévoir. A quoi bon les réseaux sans les contenus ? A quoi bon les outils sans les usages ? A quoi bon les savoirs sans l'accès aux savoirs ?
Car à l'âge global, le savoir, les savoirs constituent évidemment la première des richesses. L'éducation, la formation, la transmission doivent donc être notre priorité. Cela implique un effort général du pays et des agents économiques, sur plusieurs années. Les pouvoirs publics ont un rôle d'impulsion. Il leur revient de garantir à tous les Français un égal accès aux nouveaux services. C'est le sens du Programme d'action gouvernemental pour la société de l'information lancé par le Premier ministre en août 1997 qui a, notamment, déjà permis la connexion de 100 % de nos collèges et lycées, d'une école sur deux, l'installation de bornes publiques Internet, le développement des contenus français pour le multimédia, la cession gratuite de micro-ordinateurs à des associations ainsi que le début de mise en uvre de l'administration électronique.
Le Minéfi est le ministère du développement économique et de l'innovation technologique. Il doit être pionnier en ces domaines. Ses missions stratégiques le placent au cur de l'action de l'État Leur dimension transversale doit nous permettre d'offrir un service public plus performant et plus proche, plus réactif et plus simple. Il s'agit moins de remporter la palme d'or de l'e-administration que d'aider à faire figurer au palmarès l'ensemble de la gestion publique. L'objectif d'e-administration ne se limite pas à une évolution sectorielle, il concerne l'avenir même du service public. Par le courrier, le rail, l'électricité - réseaux bien matériels -, nos administrations ont tissé dans le pays un maillage visible, qui structure les échanges et les communications. Le rôle de l'État est aussi de faire en sorte que, pour lui-même et pour nos concitoyens, l'avènement de l'immatériel ne casse pas une certaine vision de l'intérêt général. Parce que chez nous l'État a forgé la nation, nous devons être encore plus vigilants car, à certains égards, le développement des réseaux virtuels pourrait entraîner des effets plus déstabilisateurs que pour d'autres pays en Europe. Le développement du " gouvernement électronique " n'est donc pas une simple question technique, mais un véritable enjeu politique. Égalité des chances entre les territoires, justice et sécurité, protection sociale et culturelle, moderniser l'État et ses moyens d'action, c'est garantir la pérennité de ses missions indispensables.
Dans ce contexte, réformer c'est former. C'est une mission de l'IGPDE. C'est une tradition et un atout de notre ministère. C'est aussi une urgence. Dans les prochaines décennies, les métiers du Minéfi vont connaître des bouleversements technologiques, et des évolutions structurelles - je pense notamment à l'harmonisation et à l'intégration européennes - ainsi que des mutations démographiques avec des flux massifs de départs et de recrutements. Dans ce contexte, la formation doit être au service d'une stratégie globale et durable : meilleure adaptation des compétences, gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, diversification des missions, démultiplication des tâches, modernisation des procédures. Pour nos publics, pour les agents en place, pour ceux qui seront recrutés, investir dans la formation, c'est investir dans le service public, c'est renforcer son action. C'est aussi une garantie de progression individuelle et d'épanouissement personnel pour ceux qui le servent.
Quelques mots, plus particulièrement, sur la formation en gestion publique. Concrètement, il s'agit, par exemple, de préparer au contrôle de gestion, à la conduite de projet, à l'évaluation, à la gestion des ressources humaines, au marketing public et à la communication, à l'achat public. Davantage de formation, c'est aussi l'assurance que - nous sommes à J-22 du passage concret à la monnaie unique - chaque euro confié par le contribuable à l'administration sera utilisé au mieux. " E-administration ", cela veut dire aussi " efficace administration ". Et " entrepreneuriale administration ", c'est-à-dire administration tournée notamment vers les entreprises et d'une façon plus générale vers notre environnement.
Notre Institut doit en effet faciliter l'ouverture du Minéfi vers l'extérieur, pour aider à mieux percevoir les changements de notre environnement, pour être plus attentif aux besoins de nos usagers et partenaires, pour être plus ouvert à d'autres approches et à d'autres savoirs. A travers les échanges avec des chefs d'entreprises, des élus, des responsables associatifs, des universitaires, des chercheurs, des journalistes, devront ici se développer les liens entre la gestion publique et le développement économique. Ici doivent se confronter - sans nécessairement s'affronter - les logiques spécifiques des politiques publiques et les réalités du monde de la production et de l'échange, ici doivent être approfondies les réflexions sur les enjeux des régulations publiques et du gouvernement de la globalisation.
Formation, adaptation, ouverture, prospective, tels sont donc les objectifs assignés à l'IGPDE. Il a été doté en juillet dernier d'un statut et d'un positionnement particuliers au sein de notre maison, correspondant à sa feuille de route. Il est désormais en état de marche : il a d'ores et déjà commencé à remplir ses missions ainsi qu'en témoignent les actions de sensibilisation organisées au printemps et pendant l'été sur le nouveau code des marchés publics, qui ont permis de toucher directement plus de 40 000 fonctionnaires et élus locaux. L'organisation du colloque qui nous réunit aujourd'hui, les thèmes abordés, les intervenants qui vont s'exprimer que je remercie, témoignent de la qualité et de l'utilité de l'Institut. J'adresse mes encouragements à ses équipes pour que, avec leurs partenaires, elles répondent avec succès à ce défi: contribuer à l'accompagnement culturel de la modernisation de notre administration.
2) Comme je l'ai souvent dit depuis maintenant 20 mois que je dirige cette maison, il ne peut y avoir d'état moderne et efficace sans une profonde mutation du Minéfi, qui doit être en situation d'accompagner, de favoriser, d'humaniser les évolutions auxquelles la société et l'économie sont confrontées, en France comme chez nos voisins. Pour y parvenir, nous avons engagé en avril 2000 une démarche fondée sur l'expérimentation, la concertation et la transparence qui commence à porter ses fruits. Elle s'appuie notamment sur 3 leviers :
- le décloisonnement et la coopération entre les services déconcentrés du ministère pour une information mieux partagée et une action plus efficace ;
- le développement d'un accueil et de services adaptés aux besoins des différents publics ;
- la généralisation de l'usage des technologies de l'information et de la communication et le développement de l'administration électronique.
Dans le cadre de la réforme-modernisation du Minéfi, j'ai lancé le 5 juillet le projet d'e-ministère, qui offre une illustration, de l'administration du futur et correspond à une projection de l'ensemble de nos missions dans la société de l'information. Ce projet place l'usager au centre des préoccupations de l'administration avec l'objectif d'offrir aux usagers de nouveaux services interactifs ; de proposer aux agents de nouvelles formes de travail coopératif ; avec tous, de construire une relation nouvelle, sécurisée, partenariale.
Le Minéfi s'engage ainsi résolument dans la voie d'une administration électronique citoyenne, telle que la définit le rapport du député Carcenac, dont je salue la participation à nos tables rondes. Il s'inscrit pleinement dans le cadre du plan d'action e-Europe, approuvé par les états membres en juin 2000, qui a fait l'objet, voici quelques jours à Bruxelles, d'un relevé d'orientations pour l'après 2002. Le commissaire Liikanen nous en parlera.
L'administration électronique représente un grand atout pour mener les principaux chantiers de la réforme-modernisation. Qu'il s'agisse du compte fiscal simplifié, de la direction des grandes entreprises qui ouvrira le mois prochain, de l'accueil coopératif entre les services de la DGI et ceux de la DGCP ou encore de MINinfo (notre réseau d'appui aux entreprises dans le domaine économique), tous ces projets reposent sur un recours massif aux nouvelles technologies.
C'est pourquoi l'e-ministère, c'est aussi aujourd'hui un portail résolument tourné vers l'usager - minefi.gouv.fr - qui vient d'être désigné " site public exemplaire " par un panel d'experts indépendants. Notre site est le premier site public consulté en France, il offre l'accès à 50 000 documents, à 500 000 pages, à près de 400 formulaires en ligne et à de nombreux services. A titre d'exemple, pour les citoyens, un nouveau site complet sur l'euro et un " espace impôts " avec des formulaires fiscaux, des conseils et des outils de simulation ; pour les élus, une entrée " collectivités locales " qui doit simplifier à terme la vie des municipalités, des hôpitaux, des administrations ou organismes publics ; pour près de 110 000 agents déjà, pour tous nos personnels à la mi-2002, un accès à la messagerie et aux intranets-métiers, de véritables outils de travail partagé, une formation systématique.
L'e-ministère, c'est aussi l'offre de nouveaux services accessibles 7 jours sur 7, 24 h sur 24, de nouvelles téléprocédures. Je pense à téléTVA, à téléIR, aux premières consultations par les contribuables de leur situation fiscale qui interviendront l'an prochain et préfigureront le compte fiscal simplifié. Demain, il favorisera le traitement en ligne des demandes et réclamations des consommateurs, la possibilité que j'ai lancée de créer son entreprise en 30 minutes ou encore la dématérialisation complète de l'achat public. La transparence de l'information devra progresser : mise à disposition de bases de données, accessibilité aux sources de droit, aux rapports administratifs, ouverture de forums et de débats, dans le strict respect de la vie privée et des libertés. L'interactivité est l'horizon d'une véritable administration électronique. C'est le sens des 5 engagements que nous prenons avec l'e-ministère : la réactivité - la réponse à toute demande d'information d'actualité n'excèdera pas au maximum 72 heures -, la déontologie, l'équité, l'écoute et la transparence.
Mesdames et Messieurs, la réforme de l'État est essentielle. L'action conduite au sein du Minéfi montre qu'elle est également possible. L'e-ministère et la mise en uvre de l'administration numérique en sont des jalons essentiels. Ils vont contribuer à nous faire passer d'un fonctionnement centralisé et vertical à un modèle fondé sur la continuité et la réactivité du service, l'humanisation et l'action en réseaux. D'autres avancées récentes, silencieuses mais substantielles, parfois même 1 historiques ", sont à mettre au crédit de cette maison. Je pense à l'adoption cette année d'une nouvelle constitution budgétaire, grâce au vote du Parlement, dont l'objectif est de mettre en place une logique de projets et de résultats au cur de la dépense publique pour redonner leur lisibilité aux priorités choisies et aux ministères. Je pense à l'adoption cette année du nouveau code des marchés publics accueilli très positivement par les élus qui, dans la gestion quotidienne de leurs collectivités, devaient affronter un maquis de textes hyper-complexes et de procédures obscures. Je pense à la loi sur l'épargne salariale qui, par ses effets positifs concrets pour les salariés et les entreprises, promet d'être une des plus importantes de cette législature. Je pense enfin au passage à l'euro concret dans 22 jours, qualifié de " réforme économique et monétaire la plus importante depuis 50 ans ". Les amateurs d'effets de manche sont peut-être déçus. Les vrais réformateurs y trouveront leur compte.
Mais beaucoup reste à faire dans les mois et les années qui viennent pour que " l'e-administration "signifie non seulement électronique mais, je le disais administration efficace, européenne et entrepreneuriale : décentralisation, rapidité et simplicité, affectation plus efficiente des moyens dans la fonction publique, gestion et mobilité des carrières, actualisation des compétences - les chantiers ne manquent pas. Pour les mener à bien, au moins deux convictions doivent nous guider.
La première relève du principe de réalité : si l'État n'est pas une entreprise et n'a pas vocation à le devenir, il ne peut évidemment pas et ne doit pas être indifférent à la façon dont sont gérées ses finances et son administration. Il doit être, au contraire, exemplaire en ce domaine. Il en va de la crédibilité de la puissance publique qui doit savoir expliquer, que lorsque des dépenses publiques nouvelles indispensables sont engagées, elles signifient soit une hausse des impôts et charges, soit le renoncement à d'autres dépenses engagées ou envisagées, puisqu'il n'existe pas de trésor caché. La seconde conviction, c'est que, pour que la modernisation de l'état et de son fonctionnement réussisse, elle doit respecter des principes forts : préserver le socle des valeurs du service public ; associer les acteurs - personnels, usagers, citoyens - au changement en développant la culture du dialogue et de la négociation, qui est le contraire même du chantage ; adapter nos méthodes de travail, en donnant une plus grande place à nos partenaires dans le processus d'expertise et d'analyse ; respecter les équilibres d'une société démocratique en réaffirmant l'exigence d'égalité entre les individus, entre les générations et entre les territoires. C'est ainsi qu'on réaffirmera la nécessaire autorité de l'État. Défricher et innover, c'est l'ambition de l'Institut de la Gestion Publique et du Développement Économique. C'est le sens de ce colloque.
Merci.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 12 décembre 2001)