Interviews de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, dans "El Païs" et à TV5 le 27 juin 1999, sur le maintien de la paix, l'aide et le statut du Kosovo, le rôle du G8, l'intervention d'Israel contre le Hezbollah au Liban, le sommet Europe - Amérique latine de Rio et le calendrier des prochaines négociations sur le commerce international.

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Média : El Pais - Presse étrangère - TV5

Texte intégral

ENTRETIEN DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE,
AVEC LE JOURNAL "EL PAIS"
(Madrid, 27 juin 1999)
Q - Vous êtes de retour du Kosovo à un moment où prolifèrent les vengeances. La création de tribunaux de justice n'est-elle pas urgente?
R - Au Kosovo, tout est urgent. La KFOR doit rétablir la sécurité et permettre le retour des réfugiés. L'administration civile internationale doit mettre sur pied une administration locale, avec une police et une justice démocratiques, évaluer les dommages, préparer la reconstruction Hier j'étais avec Sergio Vieira de Mello, le chef de l'administration intérimaire au Kosovo, et j'ai constaté qu'il faisait un travail remarquable. Ils vont étudier la situation, ville par ville, village par village, voir ce qui peut être remis en marche, en gardant à l'esprit qu'il faut rendre possible la coexistence des uns et des autres.
Q - Combien de Kosovars d'origine albanaise ont été transférés dans les prisons serbes?
R - Nous ne disposons pas de chiffres fiables, mais c'est un problème grave.
Q - Le cur sur la main, comme nous le disons en espagnol, dites-moi si vous auriez défendu la stratégie des bombardements si vous aviez su qu'elle allait accélérer l'expulsion de millions de personnes?
R - La question est : "y avait-il une autre stratégie ?" J'ai défendu la recherche d'une solution politique pendant une année entière jusqu'à ce que, à l'instar des autres représentants des dix-huit autres pays de l'Alliance atlantique et des gouvernements voisins de l'ex-Yougoslavie, je parvienne à la conclusion, fin mars, que nous avions épuisé tous les moyens. Nous avons décidé, ensemble, que nous ne pouvions rester passifs et qu'il fallait faire plier Milosevic. Je soutiens dès lors que la stratégie suivie, critiquée précipitamment, a été la plus adaptée possible.
Q - De toute façon
R - Je crois que même si nous avions su ce qui allait se passer avec les frappes aériennes nous n'aurions pas pour autant renoncé à intervenir. Les expulsions massives se sont ajoutées aux exactions tragiques. L'histoire tragique du Kosovo ne commence pas avec les bombardements, mais 10 ans avant quand Milosevic annule l'autonomie.
Q - Mais vous pensiez que la menace ou que les premières frappes suffiraient pour faire plier Milosevic.
R - Ce n'est pas exact. Nous espérions que la menace suffirait ; nous avons espéré que Milosevic accepterait les accords de Rambouillet. Lorsque nous avons dû commencer les frappes, nous espérions tous, y compris Javier Solana, que nous n'aurions pas à les poursuivre trop longtemps. Mais nous étions décidés à poursuivre, à le faire aussi longtemps que nécessaire.
Q - Pensez-vous que Milosevic sera jugé?
R - Ceci dépend de la persévérance du Tribunal pénal - dont je ne doute pas, et nous coopérons avec lui -, mais surtout de la façon dont le peuple serbe tirera les leçons de sa tragique histoire récente. Nous soutiendrons les forces de changement, l'idée que le peuple serbe est également une victime. Comme tout peuple, il a des intérêts légitimes. Ses intérêts ne peuvent être défendus par des procédés inhumains. Les Serbes doivent ouvrir les yeux, faire un bilan et voir où les a conduit la politique de Milosevic des dix dernières années.
Q - Combien coûtera la reconstruction du Kosovo?
R - Il faut attendre que l'administration civile internationale ait pu faire une évaluation économique. Les experts de l'Union européenne et d'organismes comme la Banque mondiale vont d'ores et déjà se réunir à ce sujet et les jours prochains.
Q - Et qui va payer le déploiement des troupes russes?
R - Il faudra s'inspirer des solutions que nous avons trouvées en Bosnie. Il faut que les Russes assument la plus grande partie de leurs dépenses. Mais, il faudra éviter qu'une question d'argent ne complique la mise en uvre d'une solution qui est bonne pour tous. La participation russe est utile. Quant à l'initiative unilatérale d'occuper l'aéroport de Pristina, c'est en définitive une mesure qui les aura conduit à s'insérer plus encore dans notre schéma. Oublions les méthodes et regardons les résultats.
Q - Après ce qui s'est passé, cela a-t-il un sens d'appliquer au Kosovo l'autonomie prévue à Rambouillet ?
R - L'indépendance reste exclue par la communauté internationale dans la mesure où elle provoquerait une partition du Kosovo et déclencherait, presque automatiquement, un processus de grande Albanie qui affecterait l'Albanie, une partie du Monténégro, une partie de la Macédoine et peut-être, même, une partie de la Grèce. Nous travaillons donc sur la base d'une autonomie substantielle sous contrôle international.
Q - Les pays européens devraient augmenter leurs budgets militaires?
R - Certains Européens ont redécouvert brusquement la suprématie aérienne militaire nord-américaine. Cette redécouverte tardive devrait stimuler l'intérêt, pour ce que nous français nous préconisons depuis longtemps, une Europe de la défense. Nous devons nous doter d'une capacité politique plus grande, faire converger les programmes industriels et les budgets. Cela ne signifie pas, nécessairement, que chaque pays européen doive augmenter ses dépenses militaires.
Q - Le G 8 n'a-t-il pas les apparences d'un gouvernement international à l'heure actuelle?
R - Je ne dirais pas cela, parce que, de fait, toute la gestion politique et diplomatique de l'affaire du Kosovo s'est faite au sein du Groupe de contact (Allemagne, Etats Unis, France, Grande Bretagne, Italie, Russie). Le G 8 n'a été utilisé par la suite que parce que les Russes ne voulaient pas du Groupe de contact. Cela ne signifie pas que le G 8 soit devenu un directoire. La réunion décisive que les ministres du G 8 ont tenue les 7,8,9,10 juin avait pour but de préparer la résolution du Conseil de sécurité. C'est donc plutôt le Conseil de sécurité qui a consolidé son rôle.
Q - La présence d'un pays hispanophone ne fait-elle-pas défaut au sein du G 8?
R - Le G 7 et le G 8 ont été constitués sur des critères économiques. Cela dit, les quatre Européens du Groupe de contact et du G 8 ont parlé du Kosovo à toutes les réunions des Quinze. Le G 8 n'a pas été inventé pour le Kosovo, c'est un organe de concertation existant et il n'y a jamais eu de volonté d'exclure qui que ce soit. Personnellement, j'ai toujours été en contact étroit avec Abel Matutes, et ses relations avec Ivanov ont été très utiles.
Q - La France a fini, en fin de compte, par accepter la proposition espagnole de commencer les négociations sur les aspects tarifaires avec le Mercosur et le Chili le premier juillet 2001. Pourquoi avez-vous tant de problèmes avec l'agriculture?
R - Il faut dédramatiser. Nous avons accepté une proposition espagnole nouvelle. Nous avons tous des intérêts légitimes à défendre. Avant de commencer à négocier, il fallait harmoniser les différents intérêts. La campagne contre la France, à propos de ces négociations était abusive. Il nous semblait totalement illogique de vouloir terminer les négociations Union européenne/Mercosur avant que ne soient finalisées celles qui vont être menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui sont plus importantes parce qu'elles vont fixer, pour de nombreuses années, le cadre des relations du commerce international.
Q - Au départ, vous proposiez de reporter le début des négociations à 2003?
R - Le premier mandat de la Commission ne permettait pas de nous mettre d'accord, ni d'ailleurs la première proposition espagnole, ni les exigences argentines. A force de discussion, et je veux ici rendre hommage à l'attitude constructive du ministre espagnol Abel Matutes, le Conseil Affaires générales du 21 juin a accepté que la négociation se termine après le cycle OMC. La date d'ouverture des négociations était dès lors moins importante. Nous allons commencer par les négociations non tarifaires pour passer, ensuite, en 2001 aux négociations tarifaires. L'important est que nous ayons trouvé une solution qui nous permet d'aborder le sommet de Rio dans de bonnes conditions.
Q - Est-ce la peur de la réaction de l'électorat qui a conduit le président Chirac à proposer par la suite que les négociations débutent le premier juillet 2002, une fois les élections présidentielles françaises passées?
R - La France a accepté que les négociations sur les réductions tarifaires qui sont les plus dures commencent le premier juillet 2001.
Q - Mais avant d'arriver à cela, la position française
R - La position française a pu évoluer parce que la position espagnole ainsi que celle de certains pays latino-américains a évolué, ce qui a permis à la présidence allemande de faire une nouvelle proposition.
Q - La peur de l'électorat n'a influé en rien?
R - Ni plus ni moins que dans les autres démocraties. N'est-il pas essentiel que nous soyons parvenus à un compromis?
Q - Qu'attend la France de ce premier sommet Amérique latine-Union européenne?
R - Une meilleure connaissance euro/latino-américaine. Un dialogue politique qui va s'ouvrir, des rencontres culturelles, une synthèse, des projets nouveaux.
Q - Pouvez-vous préciser les objectifs de la collaboration politique?
R - Pendant deux jours, nous allons aborder ensemble pour la première fois tous les problèmes de la planète, nous allons parler des relations bilatérales, du monde multipolaire, du rôle du Conseil de sécurité, des institutions internationales.
Q - Cette initiative peut-elle donner à l'Amérique du Sud plus de poids au plan international?
R - Sans aucun doute. Intensifier leurs relations avec l'Europe ne peut avoir pour elle que des effets positifs.
Q - La reconstruction du Kosovo ne va-t-elle pas limiter la coopération économique européenne avec l'Amérique latine.
R - Mais il n'y a pas à reconstruire l'Amérique Latine ! Il y aura des investissements à faire et des négociations commerciales à mener à bien. Ceci n'a rien à voir avec ce qu'il y a à faire au Kosovo. Il n'y a pas de concurrence .Vous pouvez être rassuré et confiant.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 1999)
ENTRETIEN DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE,
AVEC TV5
(Paris, 27 juin 1999)
Q - Vous êtes ministre français des Affaires étrangères. Ensemble, on va parler du Kosovo, bien sûr, et du sommet de Rio où vous serez en début de semaine prochaine. Mais tout d'abord une question d'actualité Israël : on vient de le voir, a très violemment bombardé la nuit dernière le Liban Sud en réaction à des attaques du Hezbollah. Cette réaction vous parait-elle appropriée :
R - L'ensemble est déplorable. Les actions du Hezbollah, naturellement, et ainsi que cette réaction israélienne, disproportionnée, de la part en plus d'un gouvernement sortant, au moment où le monde entier attend des Israéliens, des Syriens, des Libanais, des Palestiniens, qu'ils se réengagent ensemble sur le chemin de la paix. Tout cela est donc déplorable. Nous avons appelés avec beaucoup de fermeté les uns et les autres à la retenue, à s'abstenir de ce type d'acte à commencer par les provocations initiales, bien sûr, mais aussi, en ce qui concerne Israël, les réactions disproportionnées et à retrouver une autre approche. Le plus tôt sera le mieux. Ce serait conforme à des accords qui avaient d'ailleurs étaient passés en 1996, en grande partie à l'instigation de la France pour gérer cette situation.
Q - Comment voyez-vous l'avenir de la région après ces attaques. Est-ce que la tâche d'Ehud Barak, Premier ministre qui vient d'être élu, ne va pas maintenant être très compliquée maintenant ?
R - Oui. Mais enfin, il le sait, tout le monde le sait, c'est en connaissance de cause que les Israéliens l'ont élu et c'est une bonne chose. Plus tôt il commencera son travail pour réengager, en ce qui concerne Israël, les processus de paix, mieux cela vaudra.
Q - Comment vous interprétez cette réaction de Benyamin Netanyhaou, qui s'en va, et qui lance cette attaque avant de partir ?
R - C'est à lui qu'il faut demander, parce que là, il terminerait comme il aurait commencé.
Q - Le Kosovo, Hubert Védrine, c'est un autre grand dossier d'actualité, on l'a appris hier soir, les Etats-Unis offrent 5 millions de dollars, à quiconque va les aider à capturer le président yougoslave. Depuis hier soir, cette annonce à fait beaucoup de bruit dans le monde, et en particulier à Belgrade. Je vous propose de voir les réactions qui ont étaient recueillies sur place ce matin, et on en reparle :
R - Il faut un changement en Serbie : il faut un changement sur le plan démocratique, il faut un changement de mentalité, et il faut extirper ce nationalisme extrémiste, cruel et sans limite qui a fait tant de mal à la région depuis dix ans. Mais je crois que les meilleurs façons de tourner cette page et de recommencer un chapitre nouveau dans l'histoire de la Serbie et de la région c'est que ce soit les Serbes qui le fassent par les procédés qu'ils choisiront et notamment à travers des pressions politiques et une exigence politique. C'est à eux de se rendre compte, c'est à eux de faire le bilan.
Q - Donc l'initiative américaine, ça vous paraît une méthode contestée ?
R - Nous ne l'aurions pas proposée. Nous ne voyons pas des choses comme cela : il faut arriver à un changement qui vienne des profondeurs de la nation serbe, qu'elle se rende compte par elle-même et non par une intervention extérieure quelle qu'en soit la nature. Ce n'est plus possible à notre époque, et notamment en Europe, de défendre les intérêts, même si ils sont légitimes par des procédés qui ont été employés ces dernières années. Il faut que ce soit cette prise de conscience et nous espérons qu'elle va résulter de l'action que nous avons dû mener, de ce qu'on va faire au Kosovo et d'un regard peut-être neuf que les Serbes pourraient jeter sur l'Europe moderne. C'est cela notre objectif politique véritable.
Q - Les alliés de l'Otan ont fait déjà une distinction entre l'aide humanitaire et l'aide à la reconstruction du Kosovo. Quelle différence faites-vous réellement entre les deux ?
R - En fait il y a trois catégories :
Il y a l'action humanitaire qui correspond aux mêmes critères que partout : par définition, l'aide humanitaire ne peut jamais être conditionnée, elle s'impose. D'autre part il y a des investissements économiques pour l'avenir de la Serbie dans le cadre de notre politique d'ensemble pour l'avenir des Balkans et cela n'est pas possible avec un régime qui a fait ce qu'il a fait. Et, entre les deux, il y a la question de la reconstruction qui peut être discutée au cas par cas.
Q - Donc finalement vous conditionnez l'aide de la France à la reconstruction au départ de Milosevic ?
R - Ce n'est pas l'aide de la France. L'aide humanitaire n'est pas conditionnée.
Q - L'aide à la reconstruction ?
R - L'investissement économique d'avenir, lui, il est conditionné. La reconstruction, ça dépend des cas. On verra de quoi il s'agit parce que dans certains cas la reconstruction de tel ou tel équipement peut avoir un impact humanitaire direct. Donc on peut pas, dans la catégorie entre les deux, répondre en bloc. Nous verrons et nous procédons d'ailleurs par concertation. On n'a pas une vision française, une vision allemande, une vision britannique. Nous travaillons à avoir, comme nous l'avons fait depuis le début d'ailleurs, une même et seule politique.
Q - La presse anglo-saxonne a déjà critiqué assez ouvertement dans ses pages, la lenteur de la France à agir sur le terrain. Qu'est ce que vous répondait à ces critiques ?
R - Je crois que ce sont des critiques partiales, partielles, prématurées, non fondées et qu'il faut avoir une vision d'ensemble de ce qui se passe dans le Kosovo. La KFOR a commencé à s'implanter presque partout sur le territoire du Kosovo. Ils font un travail formidable, extrêmement difficile...
Q - Efficace ?
R - Qui commence à être efficace. Mais ils vont tomber sur des difficultés tout à fait importantes, soit avec des Serbes soit avec des Albanais du Kosovo. Avec l'UCK, ou avec d'autres organisations, il peut y avoir de nombreux problèmes que nous connaissons..
Q - On a déjà de sérieux problèmes de réconciliation. Est-ce que la purification ethnique n'est pas en train de continuer d'ailleurs ?
R - Non, on ne peut pas dire cela. Mais attendez, réconciliation c'est une autre étape, vous allez vite. Il faut d'abord que les uns et les autres puissent coexister en paix. Avant de pouvoir ensuite coexister, cohabiter, apprendre à travailler ensemble, un jour se réconcilier, certainement. Ce que je voulais dire à propos de la KFOR, c'est que tous les contingents de la KFOR vont avoir à faire face à des difficultés, plus ou moins aiguës. Ils vont les traiter ensemble, il n'y a pas une politique du secteur français, une politique du secteur britannique...
Q - Y a pas une politique du secteur russe non plus ? La Russie a annoncé aujourd'hui qu'elle enverra...
R - Non plus...
Q - .....3.600 hommes, mais qui n'arrêterons pas les criminels serbes.
R - Vous parlez de la Serbie, moi je vous parle du Kosovo. Il y a une seule politique dans le Kosovo, qui sera faite par la KFOR, avec un général - qui est le général Jackson - qui aura des adjoints de toutes les nationalités importantes présentes au Kosovo. Donc, il y aura une seule et même politique qui rencontrera des difficultés, mais ces difficultés seront traitées en commun. Il n'y a donc pas une politique qu'on puisse découper en tranche.
Q - Autre dossier que j'aimerais aborder avec vous, Hubert Védrine
R - Il faut que les commentateurs comprennent...
Q - .....je vous laisse terminer
R - Il faut que les commentateurs comprennent que c'est très difficile. Il faut plutôt qu'ils soutiennent et qu'ils accompagnent ce travail qui en cours. La zone où sont les Français est la plus éloignée de la zone d'entrée, elle est très étendue, il a énormément de Serbes, donc il y aura plus, proportionnellement, plus d'incidents à cette endroit qu'ailleurs.
Q - Hubert Védrine, vous serait dimanche à Rio avec le président Jacques Chirac pour assister au premier sommet entre les pays d'Amérique latine et l'Union européenne. Il y aura sur place 45 chef d'Etat et de gouvernement, c'est très important. Quelle importance vous-même accordez-vous à ce sommet ?
R - C'est une nouveauté importante, ce n'est jamais arrivé dans le passé. C'est la première rencontre donc Amérique latine - Union européenne. Cette idée franco-espagnole, va permettre à ces deux continents de parler de tout, de toutes les questions politiques, économiques, commerciales, culturelles et de l'euro dans le monde de demain que nous souhaitons varié, diversifié, multipolaire. Cela va s'engager d'autant mieux que nous avons trouvé une solution à une question qui nous préoccupait depuis des mois et des mois qui était de savoir comment nous pouvions engager une négociation commerciale entre l'Union européenne et les pays du Mercosur dans le respect de nos intérêts des uns et des autres.
Q - Est-ce que l'Europe n'a pas finalement envie de concurrencer les Etats-Unis qui sont déjà très forts sur place ?
R - Non, l'Europe a un dynamisme économique et commercial qu'elle porte le plus loin possible dans le monde chaque fois qu'elle le peut, comme les autres grands pôles commerciaux, comme les Etats-Unis. Mais le problème que nous avions avec l'Amérique latine à l'occasion de ce sommet, c'était de savoir sur quelle base nous allions engager cette négociation dans une perspective de libéralisation des échanges. Nous avons trouvé une formule, un calendrier, qui préservent les intérêts légitimes du Mercosur mais aussi des Européens, dont l'Espagne, dont la France, et qui va tenir compte intelligemment - je crois du calendrier des grandes négociations OMC qui commenceront en janvier 2000. Cette dimension commerciale sera une perspective positive, au lieu d'être un sujet de contentieux. Cela augure bien de ce sommet.
Q - Il y a une dimension politique à ce sommet également ? On sait que Jacques Chirac doit rencontrer Fidel Castro, notamment. Est-ce que vous espérez faire avancer le dossier des droits et libertés par exemple ?
R - Y a une dimension politique globale. Il y a plus d'une quarantaine de chefs d'états et de gouvernements donc cela veut dire un nombre incalculable de rencontre bilatérale...
Q - Mais vous parlez commerce, vous parlez de relations commerciales ?
R - Oui, parce que c'était là où il y avait la difficulté qui aurait pu faire en sorte que le sommet se déroule moins bien que prévu. Nous avons trouvé une façon de traiter le sujet. Ce qui fait qu'on va pouvoir, en effet, se consacrer complètement à la dimension politique, culturelle, aux échanges de civilisation, de cultures, de continents on va parler de toutes les grandes questions du monde d'aujourd'hui. Je pense que cette première rencontre aura un grand impact et beaucoup de suites sur tous les plans
Merci Hubert Védrine pour cet entretien.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 1999)