Texte intégral
J'adresse tous mes remerciements aux organisateurs de ce colloque pour m'avoir invité, mais surtout je tiens à les féliciter d'avoir pris l'initiative d'une telle manifestation.
Si j'ai aussi volontiers répondu à votre invitation, Monsieur Marc BOEUF, c'est pour une raison simple. Depuis bientôt une année se déroule ce qu'il est convenu d'appeler "l'Année Internationale des personnes handicapées".
Ce genre d'initiative est une chose redoutable car elle court le risque d'être oubliée l'année finie. Or, s'il est un domaine qui mérite justement de ne pas sombrer dans l'ombre c'est bien celui-là.
Il faut que votre initiative, à ma connaissance unique en France, soit considérée comme un début et non pas comme une fin, dans les derniers mois de cette année consacrée aux personnes handicapées.
Le problème des personnes handicapées est un problème permanent, douloureux, difficile que l'on traite trop souvent en fin de discours parce qu'il faut bien ajouter trois lignes : je suis tout à fait opposé à cette conception et j'affirme ici hautement que le Gouvernement a le devoir; mais il en a aussi l'intention, de mettre en uvre une politique de loisirs pour les personnes handicapées.
Considérons donc que notre réflexion d'aujourd'hui sera particulièrement utile pour la définition et la recherche de cette politique.
Le Ministère du Temps Libre est particulièrement sensible aux problèmes des personnes handicapées. J'ai déjà reçu dans les derniers mois cinq ou six associations et il m'en reste encore quelques-unes unes à recevoir.
Je le ferai volontiers puisque toutes les associations de handicapés qui ont demandé et obtenu leur agrément auprès du Ministère du Temps Libre sont rattachées du point de vue de la tutelle administrative, il en faut bien une, à la Direction du Loisir Social, de l'Education Populaire et des Activités de Pleine Nature, c'est-à-dire qu'elles sont placées sous ma responsabilité directe.
C'est pourquoi je veux apporter des réponses aussi concrètes que possible à des problèmes clairs et précis. Et si je dis que le Ministère du Temps Libre est particulièrement sensible aux problèmes des handicapés, c'est parce qu'il y a, pour beaucoup de handicapés au plan du travail, une difficulté très grave, un manque important alors que la notion même de temps libre représente une possibilité d'intégration dans la vie sociale, un temps privilégié, non pas conçu comme un temps d'évasion, de compensation mais comme un temps d'épanouissement, un temps de socialisation.
On pourrait presque ajouter que le temps libre est toujours un temps d'échanges et de découvertes mutuelles. Et si ces idées sont vraies pour tout le monde, elles le sont plus encore, dans leur application, pour les personnes handicapées.
Si j'ai commencé par évoquer le travail, c'est qu'il n'y a pas de politique du temps libre qui soit coupée des réalités économiques et sociales et encore moins de la vie. On ne peut donc pas dissocier artificiellement le temps libre du temps de travail sinon le temps libre ne serait vécu que comme une évasion, un exécutoire.
Toute la politique du Ministère du Temps Libre implique une recherche d'équilibre entre les temps de travail, les temps de repos et les temps de loisirs.
Poser un certain nombre de problèmes con-cernant le temps libre implique de prendre en compte les conditions de travail, les conditions de logement, les conditions de transport pour tout le monde mais aussi, et sous des conditions particulières, des personnes handicapées.
Il est donc évident que tous les problèmes des handicapés se retrouvent directement posés quand il s'agit de tourisme, de loisirs et de mieux vivre.
Vous avez bien voulu dire, Monsieur le Président, que le Ministère du Temps Libre était un Ministère d'avenir, je le crois profondément. Et c'est justement pour cela qu'il ne peut pas se contenter d'idées générales, qui seraient lancées et rassemblées dans des recueils.
C'est aussi un Ministère au présent qui doit convaincre les gens que le loisir ce n'est pas l'oisiveté. Ce n'est pas si simple que cela.
Et je vous suis très reconnaissant d'avoir dit avec beaucoup de force une idée que je développe souvent après le droit au travail conquis il y a plus d'un siècle, après le droit à l'éducation (dont nous fêterons le centenaire cette année), après le droit à la santé qui ne date que de quelques décennies, le droit aux loisirs reste un droit à conquérir.
Il n'y a qu'un français sur deux qui part en vacances, c'est-à-dire que 25 millions de français aspirent à partir en vacances. Onze français sur douze seulement bénéficient des vacances de neige. La généralisation du loisir de neige est encore à conquérir. Autant dire que notre problème est à la fois un problème d'action, de crédits et de réalisations.
Et si vous me voyez à chaque fois élargir les questions au plan général, c'est parce que j'estime que ce qui concerne les handicapés doit d'abord se traiter au plan général et jamais d'une manière spécifique, trop spécifique ou d'une manière marginalisée, trop marginalisée.
Nous avons les mêmes préoccupations, les mêmes idéaux à mettre en avant, ce sont les mêmes réalisations que nous devons programmer.
Le nombre des personnes handicapées est, je crois, estimé à 2, 5 millions dont la moitié sont des enfants et adolescents. Autrement dit, une famille sur dix se trouve concernée dans sa vie quotidienne par les problèmes des personnes handicapées.
Ceci exige par conséquent que soit développé un vaste effort de solidarité nationale pour le loisir et pour les vacances des personnes handicapées et que ce vaste effort de solidarité nationale soit développé à partir des réalisations qui existent déjà dans les associations, les nombreux comités d'entreprise et les collectivités locales, départementales ou régionales.
Or, il faut bien remarquer que malgré la loi de 1975, malgré la commission interministérielle "Loisirs des handicapés" créée en 1973, l'action publique dans ce domaine est loin d'être à la hauteur des problèmes posés et des exigences.
Le régime précédent avait petit à petit introduit dans les esprits la fatalité de l'inégalité, je ne dis pas qu'on encourageait à la désespérance, mais on arrivait presque à accepter une sorte de climat de désespérance en particulier dans le domaine des personnes dont on a dit longtemps, par exemple, qu'elles étaient inadaptées, car, avant de parler d'enfants handicapés on a parlé d'enfants inadaptés.
Et je me souviens m'être insurgé contre l'expression, inadaptés à quoi ? A qui ? A quel moule ? et je crois qu'à partir de ce simple mot, on n'a jamais voulu mettre en uvre une véritable politique qui tienne compte du handicap, qui y réponde ou qui essaye de l'intégrer et de le faire accepter.
Les problèmes qui se posent sont multiples, vous allez les développer aujourd'hui. Je voudrais simplement mettre l'accent sur deux points.
Principalement celui des équipements, l'architecture des bâtiments, dans le domaine sportif, celui du loisir, parmi beaucoup d'autres qui, trop souvent encore aujourd'hui malgré les efforts importants qui ont été fait, il faut le souligner, ne permettent pas toujours l'accueil dans de bonnes conditions des personnes handicapées.
Souvent les locaux ne sont adaptés qu'à certains types de handicaps et problèmes matériels, par l'absence de personnels spécialisés pour l'animation par exemple, pour l'encadrement, l'accueil, l'accompagnement des personnes handicapées.
D'autre part ce qui me paraît le plus important, c'est le problème psychologique général. Il y a dans notre pays malheureusement un phénomène de racisme latent qui prend des formes étonnantes. Le racisme n'est rien d'autre que le refus de l'autre, c'est-à-dire, le refus des différences.
Et on a vu naître au cours de ces dernières années bien des protestations publiques de gens fort honorables, parfois même de conseils municipaux entiers qui étaient tout à fait prêts à voter des motions révolutionnaires pour aider les handicapés à condition que ce ne soit pas chez eux.
On a même vu quelques scandales retentissants, rares heureusement, car les protestations se font de plus en plus fortes dans le pays.
Il existe un grand nombre d'organisations et pas seulement des organisations de handicapés bien sûr, qui depuis une quinzaine d'années mènent une bataille en profondeur, d'abord difficile, discrète, mais petit à petit, elles ont fini par faire admettre un certain nombre d'idées.
Si je dis cela c'est parce qu'il y a sans doute dans notre pays au niveau de l'éducation permanente un énorme effort à faire à propos de ce respect de l'autre, de cette acceptation de la différence et de cette idée de communication, d'échanges, de compréhension, qui est fondamentale ; ce sont là des idées essentielles et sans lesquelles on ne comprendra pas, on ne mettra pas en uvre une grande politique pour les handicapés.
Je crois qu'il faut agir par l'éducation et non d'une manière coercitive, avec conviction, dynamisme.
Il m'est arrivé de dire, par principe, que quel que soit le handicap, tout enfant est éducable même s'il n'y a qu'une toute petite parcelle de chance d'apporter un petit peu plus de bonheur dans sa vie.
Il y a là un acte éducatif qu'il faut mettre en uvre sans le négliger si l'on ne veut pas justement tomber dans le piège de la séparation qui conduit très vite à la ségrégation. C'est, je crois, essentiel parce que l'on touche à un état d'esprit : le refus de la ségrégation, le refus de la séparation, ce qui ne veut pas dire la banalisation systématique.
A partir de là, je revendique le droit à la dignité pour toutes les personnes handicapées. Et je revendique les plus hautes ambitions pour les jeunes handicapés.
Je crois qu'il faut surtout sortir des situations de mise à l'écart et qu'il faut vouloir l'égalité des droits, la proclamer, l'affirmer et la traduire dans les faits, dans les actes, par une intégration prudente, réfléchie, résolue et progressive.
Ne serait-ce que le cinéma avec un certain nombre de rangées de fauteuils, avec des appareils spéciaux pour que les handicapés, les malentendants par exemple puissent aller voir des films normalement. Il y a beaucoup de petites choses comme cela qui ne mettent pas en cause seulement les pouvoirs publics, mais aussi beaucoup d'autres professionnels du spectacle, du tourisme ou de la culture.
Cette réflexion, nous l'avons engagée et si je suis venu ici aujourd'hui c'est parce que votre colloque m'intéresse de ce point de vue.
J'aurai besoin de tirer de vos réflexions, des exposés qui seront faits un certain nombre de conclusions d'autant plus que le programme correspond tout à fait à nos préoccupations et à nos recherches.
Voilà une première direction d'actions que nous espérons faire aboutir très vite, dans les prochains mois, de façon à ce que toutes les actions nouvelles qui seront menées intègrent les idées que je viens de développer dans la réglementation.
Soutien particulier aussi au plan des personnels. C'est un problème qui exige une très grande sensibilisation des adultes. Il nous faut former des personnes d'animation pour les loisirs des handicapés et des personnels d'accueil, d'accompagnement des personnes handicapées.
Cette question de la formation des animateurs est une question qui préoccupe le Ministère du Temps Libre dans son ensemble.
Nous n'allons pas faire une politique spécifique pour les handicapés mais nous allons intégrer dans la politique de formation des animateurs, la "dimension handicap" et les problèmes particuliers du handicap pour essayer d'apporter des réponses concrètes, c'est-à-dire recruter des gens que l'on forme pour des responsabilités précises.
Nous le ferons en liaison avec les associations de handicapés après les avoir entendues. J'envisage en particulier de consacrer des postes de conseillers techniques et pédagogiques, à des actions d'innovation dans "le domaine du handicap" dès le 1er janvier 1982.
C'est avec les associations que nous définirons leur mission. Quatre ou cinq postes pour commencer, pour voir ce qu'il sera possible de faire au niveau d'une action de coordination sur le plan de la formation de tous ces personnels d'accompagnement, de soutien et d'animation en direction de ces personnes handicapées. Il s'agit d'impulser une nouvelle politique en liaison avec les principaux intéressés.
Dès le 1er janvier 1982, ces actions seront mises en uvre avec des personnels de l'Etat, peut-être à titre expérimental ou à titre de lancement, mais ces actions devront ensuite se multiplier au niveau des collectivités locales, départementales et régionales.
Mais cette politique dont j'ai développé tout à l'heure quelques-unes unes des grandes idées suppose que l'on prenne en compte toutes les composantes du Temps Libre.
Les personnes handicapées, selon le type de handicaps bien sûr, ont souvent beaucoup de temps libre et il faut donc essayer d'apporter des réponses au problème du temps libre à la maison, à l'extérieur de l'habitation, à l'hôpital même quelquefois, dans le domaine du sport, dans le domaine des vacances, dans le domaine des voyages.
Je voudrais mettre l'accent, compte tenu du sujet du colloque, sur trois de ces points que je soumets à votre réflexion.
D'abord dans le domaine du sport, je suis tout à fait convaincu comme tout le monde, que le sport est capital pour l'épanouissement physique et psychologique des individus. Je crois qu'il l'est avec une dimension supplémentaire pour les handicapés.
Et je pense même que cette notion d'activité sportive peut très bien avoir pour objectif la compétition, la performance ou l'exploit mais peut aussi vouloir viser des objectifs d'activités physiques de pleine nature. Ces activités sportives peuvent également être conçues comme pour l'ensemble des travailleurs dans le cadre du temps de travail.
Améliorer les conditions de travail dans une entreprise, pour une personne handicapée ou pour une personne qui ne l'est pas, peut consister aussi dans l'octroi d'un certain nombre de moments pour des activités physiques. Je crois que pour les personnes handicapées, il faut concevoir les activités sportives, le plus souvent possible, dans le cadre d'activités communes.
Je sais que ce n'est pas toujours facile mais je sais aussi que c'est souvent possible. Alors, qu'il y ait des championnats de handicapés, c'est une possibilité ; qu'il y ait des épreuves pour handicapés dans le championnat général c'est déjà mieux, mais que les handicapés participent à des épreuves, à certaines épreuves du moins d'ensemble, c'est encore bien mieux.
Il y a toute une recherche à faire, mais cela implique le respect de l'autre et l'acceptation de toutes les différences. La facilité se traduit toujours par la mise à l'écart, parfois à l'aide de grands moyens, parfois d'une manière somptueuse, mais la mise à l'écart quand même. Chaque fois que l'on peut l'éviter, évitons-le. Dans le domaine des sports c'est possible. Dans le domaine des voyages, je crois qu'il y a tout un secteur à développer pour les personnes handicapées.
Le tourisme, la découverte des régions françaises, la découverte des arts ou des traditions populaires, la découverte des coutumes, des langues, la découverte des peuples, nous concernent tous.
Je crois que les municipalités se grandiront chaque fois qu'elles organiseront des voyages touristiques, de découverte, mêlant tout le monde y compris des handicapés.
Nous allons le dire publiquement et le favoriser dans le cadre de la grande campagne "Découverte de la France" que nous préparons actuellement et qui sera mise en uvre courant mars 1982.
Elle a été annoncée officiellement. Il faut maintenant en définir les modalités précises en liaison avec les régions puisqu'il s'agit de favoriser l'étalement des vacances dans l'espace, expliquer aux françaises et aux français que le bronzage n'est pas forcément l'idéal ni une fatalité et que l'on peut passer de bonnes vacances sans être entassé sur quelques kilomètres de plage.
Par conséquent, redécouvrir la France, se dépayser dans ses propres racines, c'est tout aussi vrai pour les personnes handicapées que pour les autres.
Mais chaque fois que des associations, des municipalités organiseront ces vacances, aideront des handicapés à le faire, nous les aiderons. Cette grande campagne "Découverte de la France" implique effectivement qu'il y ait toute cette dimension incluse, que ces handicapés, les associations de handicapés y participent et fassent entendre leur voix.
Nous les relaierons, nous les appuierons, non seulement pour la France mais également pour les pays étrangers. Il y a par exemple l'O.F.A.J. (l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse), l'O.F.Q.J. (l'Office Franco-Québécois pour la Jeunesse).
Là encore, je crois qu'il faut faciliter l'intégration des handicapés dans les échanges, dans les voyages et non pas forcément organiser un séjour Québec-France des handicapés. On peut le faire à condition que les autres l'acceptent.
On en revient toujours à cette idée. C'est pourquoi cette politique passe par le changement des mentalités. Le Ministère du Temps Libre va organiser, au niveau de l'Europe, toute l'Europe, y compris l'Europe des pays communistes, mais aussi tout autour du bassin méditerranéen, des échanges sur le thème de l'éducation populaire.
Dès 1982, nous financerons des échanges, pas des échanges d'experts, mais des échanges de jeunes, de moins jeunes, de handicapés, de telle sorte que ces échanges ne soient pas seulement un échange touristique des sites, des paysages, mais un tourisme fondé sur la découverte des gens. C'est facile à dire, moins facile à réaliser si l'on dit algérien, marocain, tunisien, israélien. Encore moins facile si l'on dit "handicap".
Et nous allons prévoir ces échanges dans la préparation de notre budget, c'est-à-dire en aidant les associations qui les prendront en charge. Ce n'est pas le Ministère qui va l'organiser.
Nous n'allons pas étatiser, nous aiderons les associations qui vont se lancer dans de pareilles actions et les municipalités qui les accueilleront, petites ou grandes, sur le thème de l'éducation populaire, sur la découverte des arts, des traditions et des coutumes. Quel fantastique moyen de lutter contre le racisme par le loisir et par la rencontre entre les gens.
Et puis enfin, je dirai un mot sur les vacances. Je crois qu'il faut que les grandes associations de vacances, de loisirs - c'est un peu un appel que je leur lance - intègrent de plus en plus la dimension handicap et qu'elles prennent des dispositions pour que dans leurs locaux ou dans leurs villages de vacances, dans leurs villages de toile, soient prévus expressément les moyens matériels et humains d'accueil convenables des personnes handicapées.
C'est une grande ambition que le loisir social pour le Ministère du Temps Libre. Et nous voulons justement qu'autour des grandes concentrations de vacanciers, nous essayions de créer des structures qui humanisent un peu tout cela, pour que les vacanciers ne vivent pas en étranger dans la région où ils passent trois semaines, mais qu'ils apprennent à y vivre, c'est-à-dire à y découvrir les gens.
Cela veut dire qu'autour, il faut mettre des gardes éducatives pour les enfants, peut-être des petites caravanes laboratoires photographiques pour inciter les vacanciers au développement de la photographie - pour qu'il y ait des animations, des fêtes et pour que les gens parlent, discutent, échangent, à commencer par les handicapés qui vont pouvoir discuter, parler, se rassembler, intéresser d'autres personnes.
Je ne dis pas de banaliser "le handicap" mais de le rendre accessible, de le faire admettre. Faire partager nos différences, c'est peut-être favoriser l'enrichissement mutuel car on ne s'enrichit jamais que de l'originalité des autres.
Alors, il y a là des petites choses peu perceptibles et qui ne peuvent se fonder que sur le militantisme, sur l'action, sur le renouveau des associations. C'est pourquoi d'ailleurs la politique du Ministère du Temps Libre s'appuiera sur deux relais fondamentaux : les collectivités et les associations, puisque ce sont elles qui vont être maîtres d'uvre si j'ose dire.
A nous de relayer financièrement, à nous d'aiguiller, de coordonner, mais pas d'étatiser et de régenter depuis Paris. On ne régente pas le loisir des gens, pas plus celui des handicapés que les autres.
En définitive, je crois que pour les personnes handicapées et comme pour nous tous, la notion de temps libre, de loisirs, de tourisme implique une exigence de choix et par conséquent l'exigence d'offrir un éventail de solutions de façon à ne jamais se laisser piéger par des filières réservées, c'est-à-dire des camps de concentration déguisés.
Cette liberté de choix, cette possibilité de choix est encore plus importante, plus essentielle, plus capitale pour les personnes handicapées parce qu'il faut offrir ces choix en fonction de différents types de handicaps, mais à ce sujet les grandes associations ont depuis longtemps fait des propositions qu'il est inutile de développer. Il suffit de les reprendre et d'essayer de les traduire.
Cela nécessite aussi sans doute des campagnes permanentes d'information et je dirai d'éducation. Et c'est pourquoi un colloque comme le vôtre est particulièrement intéressant et peut prendre une très grande résonance, peut-être une résonance nationale. Je le souhaite.
La région Aquitaine est suffisamment importante, vaste pour que cela soit une grande partie de la Nation. Surtout que dans quelques années, Paris ne sera plus que la région Ile-de-France, moins grande en surface que la vôtre. Le rôle du Ministère du Temps Libre devra être aussi de vous relayer au plan de l'information, auprès des différentes structures professionnelles.
Il faut encore aller plus loin et répéter ces affirmations pour qu'on ne les oublie pas mais aussi vous relayer auprès des grandes associations de loisirs, culturelles ou sportives.
Déjà beaucoup d'entre elles ont intégré, beaucoup ont fait des choses très intéressantes, je pense au CECOREL, dont le délégué régional Yves RAYNOUARD est présent à ce colloque et à d'autres, mais je cite le CECOREL parce qu'il les regroupe pratiquement toutes et il y a là une mise en commun des moyens qui peuvent être fantastique pour que des réponses précises soient faites aux handicapés et pour que l'on n'oublie plus jamais cette dimension.
Question de persuasion d'hommes et de femmes dans tous les relais sensibles où l'on construit, où l'on imagine et puis campagne d'information si j'ose dire auprès des médias. Informer les journalistes, voilà un travail auquel il faut s'attacher. Je n'hésite pas à le dire, je crois qu'il faut informer, je ne dirai pas former car cela serait mal compris, mais informer les journalistes.
Il y a tant à faire de ce point de vue là et on a si peu de moyens pour faire bouger les traditions, les habitudes qu'il faut, je crois, qu'ensemble nous affirmions cette volonté politique et nous la fassions traduire dans les faits.
C'est par exemple une des choses que j'ai demandées à Georges FILLIOUD qui prépare cette grande loi sur la communication et que nous intégrerons dans le projet de loi que le Gouvernement m'a chargé de préparer sur les associations, l'accès aux médias pour tous, y compris pour les personnes handicapées, parce que cela fait partie des choses naturelles et normales.
"Tout commence sur les bancs de l'école" comme le disait Romain ROLLAND. C'est vrai qu'il y a en dehors de l'information et de la formation une immense part d'éducation, d'éducation des jeunes ou handicapés, ce qui implique une politique d'intégration au niveau de l'école, prudente, intelligente, mais également une action d'éducation permanente des adultes qui doit être menée par l'école et par les parents d'élèves et par toutes les associations pour que l'école soit relayée avec les médias, l'école mais peut-être aussi l'armée, le service militaire. Une année, pendant laquelle les jeunes garçons se trouvent dans des conditions particulières de vie et une année pendant laquelle on pourrait très bien sensibiliser au handicap, aider certains jeunes à trouver une voie, un métier dans l'animation à propos des handicapés.
Par exemple le Gouvernement a mis en uvre les contrats de solidarité nationale, le service civil volontaire qu'il soit pour les filles ou pour les garçons et pourquoi les grandes associations de handicapés ne bénéficieraient-elles pas de ce service civil volontaire ? Pourquoi ne pousserions-nous pas les jeunes pendant une année, à travailler dans ce secteur, chercher une voie, par exemple celle de personnel spécialisé ?
En conclusion, je vous dirai que le loisir des handicapés ne saurait être posé comme un problème marginal, sinon on marginaliserait le handicap et les handicapés. C'est en définitif un état d'esprit que, je répète, il faut changer et une approche plus humaine qu'il faut susciter.
Il ne s'agit pas surtout de faire preuve d'esprit de charité ou de prendre en pitié des hommes et des femmes qui souffrent certainement de leur handicap. Sans commisération, sans apitoiement, il s'agit de mettre en uvre une politique de solidarité qui s'appuie sur l'intelligence du cur. Le loisir Social, l'Éducation Populaire, les Activités de Pleine Nature que nous devons réhabiliter.
Trois idées centrales de ce nouveau Ministère du Temps Libre qui sont des droits pour tous et je puis vous affirmer que le Ministère du Temps Libre impulsera, dans ce domaine, une politique qui prendra en compte autant qu'il pourra le faire les problèmes spécifiques des handicapés.
Si j'ai aussi volontiers répondu à votre invitation, Monsieur Marc BOEUF, c'est pour une raison simple. Depuis bientôt une année se déroule ce qu'il est convenu d'appeler "l'Année Internationale des personnes handicapées".
Ce genre d'initiative est une chose redoutable car elle court le risque d'être oubliée l'année finie. Or, s'il est un domaine qui mérite justement de ne pas sombrer dans l'ombre c'est bien celui-là.
Il faut que votre initiative, à ma connaissance unique en France, soit considérée comme un début et non pas comme une fin, dans les derniers mois de cette année consacrée aux personnes handicapées.
Le problème des personnes handicapées est un problème permanent, douloureux, difficile que l'on traite trop souvent en fin de discours parce qu'il faut bien ajouter trois lignes : je suis tout à fait opposé à cette conception et j'affirme ici hautement que le Gouvernement a le devoir; mais il en a aussi l'intention, de mettre en uvre une politique de loisirs pour les personnes handicapées.
Considérons donc que notre réflexion d'aujourd'hui sera particulièrement utile pour la définition et la recherche de cette politique.
Le Ministère du Temps Libre est particulièrement sensible aux problèmes des personnes handicapées. J'ai déjà reçu dans les derniers mois cinq ou six associations et il m'en reste encore quelques-unes unes à recevoir.
Je le ferai volontiers puisque toutes les associations de handicapés qui ont demandé et obtenu leur agrément auprès du Ministère du Temps Libre sont rattachées du point de vue de la tutelle administrative, il en faut bien une, à la Direction du Loisir Social, de l'Education Populaire et des Activités de Pleine Nature, c'est-à-dire qu'elles sont placées sous ma responsabilité directe.
C'est pourquoi je veux apporter des réponses aussi concrètes que possible à des problèmes clairs et précis. Et si je dis que le Ministère du Temps Libre est particulièrement sensible aux problèmes des handicapés, c'est parce qu'il y a, pour beaucoup de handicapés au plan du travail, une difficulté très grave, un manque important alors que la notion même de temps libre représente une possibilité d'intégration dans la vie sociale, un temps privilégié, non pas conçu comme un temps d'évasion, de compensation mais comme un temps d'épanouissement, un temps de socialisation.
On pourrait presque ajouter que le temps libre est toujours un temps d'échanges et de découvertes mutuelles. Et si ces idées sont vraies pour tout le monde, elles le sont plus encore, dans leur application, pour les personnes handicapées.
Si j'ai commencé par évoquer le travail, c'est qu'il n'y a pas de politique du temps libre qui soit coupée des réalités économiques et sociales et encore moins de la vie. On ne peut donc pas dissocier artificiellement le temps libre du temps de travail sinon le temps libre ne serait vécu que comme une évasion, un exécutoire.
Toute la politique du Ministère du Temps Libre implique une recherche d'équilibre entre les temps de travail, les temps de repos et les temps de loisirs.
Poser un certain nombre de problèmes con-cernant le temps libre implique de prendre en compte les conditions de travail, les conditions de logement, les conditions de transport pour tout le monde mais aussi, et sous des conditions particulières, des personnes handicapées.
Il est donc évident que tous les problèmes des handicapés se retrouvent directement posés quand il s'agit de tourisme, de loisirs et de mieux vivre.
Vous avez bien voulu dire, Monsieur le Président, que le Ministère du Temps Libre était un Ministère d'avenir, je le crois profondément. Et c'est justement pour cela qu'il ne peut pas se contenter d'idées générales, qui seraient lancées et rassemblées dans des recueils.
C'est aussi un Ministère au présent qui doit convaincre les gens que le loisir ce n'est pas l'oisiveté. Ce n'est pas si simple que cela.
Et je vous suis très reconnaissant d'avoir dit avec beaucoup de force une idée que je développe souvent après le droit au travail conquis il y a plus d'un siècle, après le droit à l'éducation (dont nous fêterons le centenaire cette année), après le droit à la santé qui ne date que de quelques décennies, le droit aux loisirs reste un droit à conquérir.
Il n'y a qu'un français sur deux qui part en vacances, c'est-à-dire que 25 millions de français aspirent à partir en vacances. Onze français sur douze seulement bénéficient des vacances de neige. La généralisation du loisir de neige est encore à conquérir. Autant dire que notre problème est à la fois un problème d'action, de crédits et de réalisations.
Et si vous me voyez à chaque fois élargir les questions au plan général, c'est parce que j'estime que ce qui concerne les handicapés doit d'abord se traiter au plan général et jamais d'une manière spécifique, trop spécifique ou d'une manière marginalisée, trop marginalisée.
Nous avons les mêmes préoccupations, les mêmes idéaux à mettre en avant, ce sont les mêmes réalisations que nous devons programmer.
Le nombre des personnes handicapées est, je crois, estimé à 2, 5 millions dont la moitié sont des enfants et adolescents. Autrement dit, une famille sur dix se trouve concernée dans sa vie quotidienne par les problèmes des personnes handicapées.
Ceci exige par conséquent que soit développé un vaste effort de solidarité nationale pour le loisir et pour les vacances des personnes handicapées et que ce vaste effort de solidarité nationale soit développé à partir des réalisations qui existent déjà dans les associations, les nombreux comités d'entreprise et les collectivités locales, départementales ou régionales.
Or, il faut bien remarquer que malgré la loi de 1975, malgré la commission interministérielle "Loisirs des handicapés" créée en 1973, l'action publique dans ce domaine est loin d'être à la hauteur des problèmes posés et des exigences.
Le régime précédent avait petit à petit introduit dans les esprits la fatalité de l'inégalité, je ne dis pas qu'on encourageait à la désespérance, mais on arrivait presque à accepter une sorte de climat de désespérance en particulier dans le domaine des personnes dont on a dit longtemps, par exemple, qu'elles étaient inadaptées, car, avant de parler d'enfants handicapés on a parlé d'enfants inadaptés.
Et je me souviens m'être insurgé contre l'expression, inadaptés à quoi ? A qui ? A quel moule ? et je crois qu'à partir de ce simple mot, on n'a jamais voulu mettre en uvre une véritable politique qui tienne compte du handicap, qui y réponde ou qui essaye de l'intégrer et de le faire accepter.
Les problèmes qui se posent sont multiples, vous allez les développer aujourd'hui. Je voudrais simplement mettre l'accent sur deux points.
Principalement celui des équipements, l'architecture des bâtiments, dans le domaine sportif, celui du loisir, parmi beaucoup d'autres qui, trop souvent encore aujourd'hui malgré les efforts importants qui ont été fait, il faut le souligner, ne permettent pas toujours l'accueil dans de bonnes conditions des personnes handicapées.
Souvent les locaux ne sont adaptés qu'à certains types de handicaps et problèmes matériels, par l'absence de personnels spécialisés pour l'animation par exemple, pour l'encadrement, l'accueil, l'accompagnement des personnes handicapées.
D'autre part ce qui me paraît le plus important, c'est le problème psychologique général. Il y a dans notre pays malheureusement un phénomène de racisme latent qui prend des formes étonnantes. Le racisme n'est rien d'autre que le refus de l'autre, c'est-à-dire, le refus des différences.
Et on a vu naître au cours de ces dernières années bien des protestations publiques de gens fort honorables, parfois même de conseils municipaux entiers qui étaient tout à fait prêts à voter des motions révolutionnaires pour aider les handicapés à condition que ce ne soit pas chez eux.
On a même vu quelques scandales retentissants, rares heureusement, car les protestations se font de plus en plus fortes dans le pays.
Il existe un grand nombre d'organisations et pas seulement des organisations de handicapés bien sûr, qui depuis une quinzaine d'années mènent une bataille en profondeur, d'abord difficile, discrète, mais petit à petit, elles ont fini par faire admettre un certain nombre d'idées.
Si je dis cela c'est parce qu'il y a sans doute dans notre pays au niveau de l'éducation permanente un énorme effort à faire à propos de ce respect de l'autre, de cette acceptation de la différence et de cette idée de communication, d'échanges, de compréhension, qui est fondamentale ; ce sont là des idées essentielles et sans lesquelles on ne comprendra pas, on ne mettra pas en uvre une grande politique pour les handicapés.
Je crois qu'il faut agir par l'éducation et non d'une manière coercitive, avec conviction, dynamisme.
Il m'est arrivé de dire, par principe, que quel que soit le handicap, tout enfant est éducable même s'il n'y a qu'une toute petite parcelle de chance d'apporter un petit peu plus de bonheur dans sa vie.
Il y a là un acte éducatif qu'il faut mettre en uvre sans le négliger si l'on ne veut pas justement tomber dans le piège de la séparation qui conduit très vite à la ségrégation. C'est, je crois, essentiel parce que l'on touche à un état d'esprit : le refus de la ségrégation, le refus de la séparation, ce qui ne veut pas dire la banalisation systématique.
A partir de là, je revendique le droit à la dignité pour toutes les personnes handicapées. Et je revendique les plus hautes ambitions pour les jeunes handicapés.
Je crois qu'il faut surtout sortir des situations de mise à l'écart et qu'il faut vouloir l'égalité des droits, la proclamer, l'affirmer et la traduire dans les faits, dans les actes, par une intégration prudente, réfléchie, résolue et progressive.
Ne serait-ce que le cinéma avec un certain nombre de rangées de fauteuils, avec des appareils spéciaux pour que les handicapés, les malentendants par exemple puissent aller voir des films normalement. Il y a beaucoup de petites choses comme cela qui ne mettent pas en cause seulement les pouvoirs publics, mais aussi beaucoup d'autres professionnels du spectacle, du tourisme ou de la culture.
Cette réflexion, nous l'avons engagée et si je suis venu ici aujourd'hui c'est parce que votre colloque m'intéresse de ce point de vue.
J'aurai besoin de tirer de vos réflexions, des exposés qui seront faits un certain nombre de conclusions d'autant plus que le programme correspond tout à fait à nos préoccupations et à nos recherches.
Voilà une première direction d'actions que nous espérons faire aboutir très vite, dans les prochains mois, de façon à ce que toutes les actions nouvelles qui seront menées intègrent les idées que je viens de développer dans la réglementation.
Soutien particulier aussi au plan des personnels. C'est un problème qui exige une très grande sensibilisation des adultes. Il nous faut former des personnes d'animation pour les loisirs des handicapés et des personnels d'accueil, d'accompagnement des personnes handicapées.
Cette question de la formation des animateurs est une question qui préoccupe le Ministère du Temps Libre dans son ensemble.
Nous n'allons pas faire une politique spécifique pour les handicapés mais nous allons intégrer dans la politique de formation des animateurs, la "dimension handicap" et les problèmes particuliers du handicap pour essayer d'apporter des réponses concrètes, c'est-à-dire recruter des gens que l'on forme pour des responsabilités précises.
Nous le ferons en liaison avec les associations de handicapés après les avoir entendues. J'envisage en particulier de consacrer des postes de conseillers techniques et pédagogiques, à des actions d'innovation dans "le domaine du handicap" dès le 1er janvier 1982.
C'est avec les associations que nous définirons leur mission. Quatre ou cinq postes pour commencer, pour voir ce qu'il sera possible de faire au niveau d'une action de coordination sur le plan de la formation de tous ces personnels d'accompagnement, de soutien et d'animation en direction de ces personnes handicapées. Il s'agit d'impulser une nouvelle politique en liaison avec les principaux intéressés.
Dès le 1er janvier 1982, ces actions seront mises en uvre avec des personnels de l'Etat, peut-être à titre expérimental ou à titre de lancement, mais ces actions devront ensuite se multiplier au niveau des collectivités locales, départementales et régionales.
Mais cette politique dont j'ai développé tout à l'heure quelques-unes unes des grandes idées suppose que l'on prenne en compte toutes les composantes du Temps Libre.
Les personnes handicapées, selon le type de handicaps bien sûr, ont souvent beaucoup de temps libre et il faut donc essayer d'apporter des réponses au problème du temps libre à la maison, à l'extérieur de l'habitation, à l'hôpital même quelquefois, dans le domaine du sport, dans le domaine des vacances, dans le domaine des voyages.
Je voudrais mettre l'accent, compte tenu du sujet du colloque, sur trois de ces points que je soumets à votre réflexion.
D'abord dans le domaine du sport, je suis tout à fait convaincu comme tout le monde, que le sport est capital pour l'épanouissement physique et psychologique des individus. Je crois qu'il l'est avec une dimension supplémentaire pour les handicapés.
Et je pense même que cette notion d'activité sportive peut très bien avoir pour objectif la compétition, la performance ou l'exploit mais peut aussi vouloir viser des objectifs d'activités physiques de pleine nature. Ces activités sportives peuvent également être conçues comme pour l'ensemble des travailleurs dans le cadre du temps de travail.
Améliorer les conditions de travail dans une entreprise, pour une personne handicapée ou pour une personne qui ne l'est pas, peut consister aussi dans l'octroi d'un certain nombre de moments pour des activités physiques. Je crois que pour les personnes handicapées, il faut concevoir les activités sportives, le plus souvent possible, dans le cadre d'activités communes.
Je sais que ce n'est pas toujours facile mais je sais aussi que c'est souvent possible. Alors, qu'il y ait des championnats de handicapés, c'est une possibilité ; qu'il y ait des épreuves pour handicapés dans le championnat général c'est déjà mieux, mais que les handicapés participent à des épreuves, à certaines épreuves du moins d'ensemble, c'est encore bien mieux.
Il y a toute une recherche à faire, mais cela implique le respect de l'autre et l'acceptation de toutes les différences. La facilité se traduit toujours par la mise à l'écart, parfois à l'aide de grands moyens, parfois d'une manière somptueuse, mais la mise à l'écart quand même. Chaque fois que l'on peut l'éviter, évitons-le. Dans le domaine des sports c'est possible. Dans le domaine des voyages, je crois qu'il y a tout un secteur à développer pour les personnes handicapées.
Le tourisme, la découverte des régions françaises, la découverte des arts ou des traditions populaires, la découverte des coutumes, des langues, la découverte des peuples, nous concernent tous.
Je crois que les municipalités se grandiront chaque fois qu'elles organiseront des voyages touristiques, de découverte, mêlant tout le monde y compris des handicapés.
Nous allons le dire publiquement et le favoriser dans le cadre de la grande campagne "Découverte de la France" que nous préparons actuellement et qui sera mise en uvre courant mars 1982.
Elle a été annoncée officiellement. Il faut maintenant en définir les modalités précises en liaison avec les régions puisqu'il s'agit de favoriser l'étalement des vacances dans l'espace, expliquer aux françaises et aux français que le bronzage n'est pas forcément l'idéal ni une fatalité et que l'on peut passer de bonnes vacances sans être entassé sur quelques kilomètres de plage.
Par conséquent, redécouvrir la France, se dépayser dans ses propres racines, c'est tout aussi vrai pour les personnes handicapées que pour les autres.
Mais chaque fois que des associations, des municipalités organiseront ces vacances, aideront des handicapés à le faire, nous les aiderons. Cette grande campagne "Découverte de la France" implique effectivement qu'il y ait toute cette dimension incluse, que ces handicapés, les associations de handicapés y participent et fassent entendre leur voix.
Nous les relaierons, nous les appuierons, non seulement pour la France mais également pour les pays étrangers. Il y a par exemple l'O.F.A.J. (l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse), l'O.F.Q.J. (l'Office Franco-Québécois pour la Jeunesse).
Là encore, je crois qu'il faut faciliter l'intégration des handicapés dans les échanges, dans les voyages et non pas forcément organiser un séjour Québec-France des handicapés. On peut le faire à condition que les autres l'acceptent.
On en revient toujours à cette idée. C'est pourquoi cette politique passe par le changement des mentalités. Le Ministère du Temps Libre va organiser, au niveau de l'Europe, toute l'Europe, y compris l'Europe des pays communistes, mais aussi tout autour du bassin méditerranéen, des échanges sur le thème de l'éducation populaire.
Dès 1982, nous financerons des échanges, pas des échanges d'experts, mais des échanges de jeunes, de moins jeunes, de handicapés, de telle sorte que ces échanges ne soient pas seulement un échange touristique des sites, des paysages, mais un tourisme fondé sur la découverte des gens. C'est facile à dire, moins facile à réaliser si l'on dit algérien, marocain, tunisien, israélien. Encore moins facile si l'on dit "handicap".
Et nous allons prévoir ces échanges dans la préparation de notre budget, c'est-à-dire en aidant les associations qui les prendront en charge. Ce n'est pas le Ministère qui va l'organiser.
Nous n'allons pas étatiser, nous aiderons les associations qui vont se lancer dans de pareilles actions et les municipalités qui les accueilleront, petites ou grandes, sur le thème de l'éducation populaire, sur la découverte des arts, des traditions et des coutumes. Quel fantastique moyen de lutter contre le racisme par le loisir et par la rencontre entre les gens.
Et puis enfin, je dirai un mot sur les vacances. Je crois qu'il faut que les grandes associations de vacances, de loisirs - c'est un peu un appel que je leur lance - intègrent de plus en plus la dimension handicap et qu'elles prennent des dispositions pour que dans leurs locaux ou dans leurs villages de vacances, dans leurs villages de toile, soient prévus expressément les moyens matériels et humains d'accueil convenables des personnes handicapées.
C'est une grande ambition que le loisir social pour le Ministère du Temps Libre. Et nous voulons justement qu'autour des grandes concentrations de vacanciers, nous essayions de créer des structures qui humanisent un peu tout cela, pour que les vacanciers ne vivent pas en étranger dans la région où ils passent trois semaines, mais qu'ils apprennent à y vivre, c'est-à-dire à y découvrir les gens.
Cela veut dire qu'autour, il faut mettre des gardes éducatives pour les enfants, peut-être des petites caravanes laboratoires photographiques pour inciter les vacanciers au développement de la photographie - pour qu'il y ait des animations, des fêtes et pour que les gens parlent, discutent, échangent, à commencer par les handicapés qui vont pouvoir discuter, parler, se rassembler, intéresser d'autres personnes.
Je ne dis pas de banaliser "le handicap" mais de le rendre accessible, de le faire admettre. Faire partager nos différences, c'est peut-être favoriser l'enrichissement mutuel car on ne s'enrichit jamais que de l'originalité des autres.
Alors, il y a là des petites choses peu perceptibles et qui ne peuvent se fonder que sur le militantisme, sur l'action, sur le renouveau des associations. C'est pourquoi d'ailleurs la politique du Ministère du Temps Libre s'appuiera sur deux relais fondamentaux : les collectivités et les associations, puisque ce sont elles qui vont être maîtres d'uvre si j'ose dire.
A nous de relayer financièrement, à nous d'aiguiller, de coordonner, mais pas d'étatiser et de régenter depuis Paris. On ne régente pas le loisir des gens, pas plus celui des handicapés que les autres.
En définitive, je crois que pour les personnes handicapées et comme pour nous tous, la notion de temps libre, de loisirs, de tourisme implique une exigence de choix et par conséquent l'exigence d'offrir un éventail de solutions de façon à ne jamais se laisser piéger par des filières réservées, c'est-à-dire des camps de concentration déguisés.
Cette liberté de choix, cette possibilité de choix est encore plus importante, plus essentielle, plus capitale pour les personnes handicapées parce qu'il faut offrir ces choix en fonction de différents types de handicaps, mais à ce sujet les grandes associations ont depuis longtemps fait des propositions qu'il est inutile de développer. Il suffit de les reprendre et d'essayer de les traduire.
Cela nécessite aussi sans doute des campagnes permanentes d'information et je dirai d'éducation. Et c'est pourquoi un colloque comme le vôtre est particulièrement intéressant et peut prendre une très grande résonance, peut-être une résonance nationale. Je le souhaite.
La région Aquitaine est suffisamment importante, vaste pour que cela soit une grande partie de la Nation. Surtout que dans quelques années, Paris ne sera plus que la région Ile-de-France, moins grande en surface que la vôtre. Le rôle du Ministère du Temps Libre devra être aussi de vous relayer au plan de l'information, auprès des différentes structures professionnelles.
Il faut encore aller plus loin et répéter ces affirmations pour qu'on ne les oublie pas mais aussi vous relayer auprès des grandes associations de loisirs, culturelles ou sportives.
Déjà beaucoup d'entre elles ont intégré, beaucoup ont fait des choses très intéressantes, je pense au CECOREL, dont le délégué régional Yves RAYNOUARD est présent à ce colloque et à d'autres, mais je cite le CECOREL parce qu'il les regroupe pratiquement toutes et il y a là une mise en commun des moyens qui peuvent être fantastique pour que des réponses précises soient faites aux handicapés et pour que l'on n'oublie plus jamais cette dimension.
Question de persuasion d'hommes et de femmes dans tous les relais sensibles où l'on construit, où l'on imagine et puis campagne d'information si j'ose dire auprès des médias. Informer les journalistes, voilà un travail auquel il faut s'attacher. Je n'hésite pas à le dire, je crois qu'il faut informer, je ne dirai pas former car cela serait mal compris, mais informer les journalistes.
Il y a tant à faire de ce point de vue là et on a si peu de moyens pour faire bouger les traditions, les habitudes qu'il faut, je crois, qu'ensemble nous affirmions cette volonté politique et nous la fassions traduire dans les faits.
C'est par exemple une des choses que j'ai demandées à Georges FILLIOUD qui prépare cette grande loi sur la communication et que nous intégrerons dans le projet de loi que le Gouvernement m'a chargé de préparer sur les associations, l'accès aux médias pour tous, y compris pour les personnes handicapées, parce que cela fait partie des choses naturelles et normales.
"Tout commence sur les bancs de l'école" comme le disait Romain ROLLAND. C'est vrai qu'il y a en dehors de l'information et de la formation une immense part d'éducation, d'éducation des jeunes ou handicapés, ce qui implique une politique d'intégration au niveau de l'école, prudente, intelligente, mais également une action d'éducation permanente des adultes qui doit être menée par l'école et par les parents d'élèves et par toutes les associations pour que l'école soit relayée avec les médias, l'école mais peut-être aussi l'armée, le service militaire. Une année, pendant laquelle les jeunes garçons se trouvent dans des conditions particulières de vie et une année pendant laquelle on pourrait très bien sensibiliser au handicap, aider certains jeunes à trouver une voie, un métier dans l'animation à propos des handicapés.
Par exemple le Gouvernement a mis en uvre les contrats de solidarité nationale, le service civil volontaire qu'il soit pour les filles ou pour les garçons et pourquoi les grandes associations de handicapés ne bénéficieraient-elles pas de ce service civil volontaire ? Pourquoi ne pousserions-nous pas les jeunes pendant une année, à travailler dans ce secteur, chercher une voie, par exemple celle de personnel spécialisé ?
En conclusion, je vous dirai que le loisir des handicapés ne saurait être posé comme un problème marginal, sinon on marginaliserait le handicap et les handicapés. C'est en définitif un état d'esprit que, je répète, il faut changer et une approche plus humaine qu'il faut susciter.
Il ne s'agit pas surtout de faire preuve d'esprit de charité ou de prendre en pitié des hommes et des femmes qui souffrent certainement de leur handicap. Sans commisération, sans apitoiement, il s'agit de mettre en uvre une politique de solidarité qui s'appuie sur l'intelligence du cur. Le loisir Social, l'Éducation Populaire, les Activités de Pleine Nature que nous devons réhabiliter.
Trois idées centrales de ce nouveau Ministère du Temps Libre qui sont des droits pour tous et je puis vous affirmer que le Ministère du Temps Libre impulsera, dans ce domaine, une politique qui prendra en compte autant qu'il pourra le faire les problèmes spécifiques des handicapés.