Texte intégral
POUR UN MODELE EDUCATIF UNIVERSEL DE PROFESSIONNALISATION DURABLE
Un contexte globalisant
Le capitalisme de notre époque accomplit des mutations décisives. A constater leur ampleur , on peut dire qu'il est entré dans un nouvel âge. Le passage d'un capitalisme industriel et national à une domination du capitalisme financier et transnational modifie en effet profondément la dynamique d'ensemble de nos économies et de nos sociétés.
La dérégulation généralisée des marchés opérée ces vingt dernières années a bouleversé l'environnement politique du capitalisme. La révolution des technologies de l'information en a transformé les bases techniques. Ainsi, la voie a été ouverte pour une domination croissante de la sphère financière sur l'économie, qui va jusqu'à régir indirectement l'ensemble des rapports sociaux.
Les exigences de la finance s'imposent en effet progressivement à tous les secteurs de la production. Celles-ci sont entre autres, l'obsession de la liquidité et le refus de toute régulation extérieure, l'accélération des échanges, la dictature du rendement pour l'actionnaire et donc du court-terme.
Aujourd'hui comme aux étapes précédentes de son histoire, le développement du capitalisme repose sur l'élargissement de ses marchés. Dans un monde où une part sans cesse croissante de l'humanité est mise à contribution pour produire mais se trouve privée de la possibilité de consommer, celui-ci repose principalement sur la marchandisation de nouveau secteurs de l'activité humaine. C'est la raison de l'insistance des libéraux à obtenir, partout sur la planète, la privatisation des services publics et l'ouverture de l'éducation et de la santé à la " libre concurrence ".
Mais l'application des exigences du nouvel âge du capitalisme à un secteur comme celui de l'éducation fait surgir des contradictions nouvelles. Elle menace la construction même des sociétés démocratiques et des Nations, en déniant aux collectivités nationales la maîtrise de l'éducation de leur jeunesse. Elle contredit le droit à la qualification, construit dans l'après-guerre à travers le développement de services publics, au moment où celle-ci représente plus que jamais un facteur déterminant d'intégration et d'évolution professionnelle. Elle entre également en conflit avec la nécessité croissante de formation caractéristique de nos économies des technologies et de la connaissance. Former les futurs travailleurs à des compétences à l'obsolescence de plus en plus rapide, c'est en effet remettre en cause les bases futures du progrès économique et social.
On retrouve donc sur le terrain éducatif le caractère prédateur de la croissance dans le nouvel âge du capitalisme, largement dénoncé sur le plan écologique à travers la notion de développement durable ou sur le plan de la dégradation massive de la force de travail par le chômage et le développement du sous-emploi.
L'éducation est donc l'un des fronts de résistance décisifs face aux déréglementations et à la marchandisation généralisée de ce nouvel âge du capitalisme ; d'autant que les systèmes éducatifs publics portent aussi en germe la contestation et la transformation de l'ordre établi. C'est en tout cas la conviction que nous retirons de l'exemple du système français d'éducation, construit sur le triptyque éduquer-former-qualifier. A partir de ses succès, nous proposons de dégager quelques points d'appui utiles à tous ceux qui se dressent dans le monde contre la marchandisation de l'éducation et ses conséquences.
- 1 - Les dangers de la marchandisation !
La marchandisation de l'éducation est impulsée fortement par un certain nombre d'institutions au niveau international, au premier rang desquelles l'Organisation Mondiale du Commerce. L'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), qui fait partie de l'agenda incorporé des négociations de l'OMC, inclut en effet tous les services à l'exception de ceux " fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ", c'est-à-dire " ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ". L'existence même d'établissements privés offrant des formations " concurrentes " de celles offertes par les établissements publics fait donc de l'éducation un service commercial.
Le " libre commerce des services " appliqué à l'éducation signifierait concrètement le droit pour des établissements privés étrangers de s'implanter dans un pays ou de fournir des formations à distance et de réclamer la même certification pour les formations qu'ils proposent que celle accordée aux formations délivrées par les établissements publics.
Ainsi, La banque mondiale considère que l'enseignement supérieur est un bien privé et que par conséquent son organisation optimale doit être obtenue par un marché mettant en rapport des demandes privées (individus, entreprises) avec des offres émanant d'opérateurs privés et publics. Pour elle, une orientation vers le marché implique donc :
- La rentabilité des produits de formation (imposition de frais de scolarité et vente des produits de recherche et de formation aux entreprises.)
- L'intervention d'opérateurs privés concurrents des universités publiques
- La décentralisation régionale et l'autonomie des établissements
Seuls quelques pays, parmi lesquels les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, se rapprochent d'un tel modèle éducatif. Mais partout ailleurs, les systèmes publics de formation sont déjà en concurrence avec des dispositifs privés de toutes sortes.
En France, la certification des diplômes relève d'un monopole public, ce qui constitue une garantie fondamentale pour faire prévaloir l'intérêt général face aux logiques de court terme des intérêts privés qui investissent le domaine éducatif. On y constate en revanche que le service public lui-même est invité à intégrer la logique marchande. Les établissements publics, particulièrement dans l'enseignement supérieur, seraient poussés à adopter la logique et le fonctionnement d'une entreprise. Ils sont placés en situation de concurrence, et contraints à chercher toujours plus de ressources propres, en général auprès d'opérateurs privés.
Dans cette logique, les établissements les plus prestigieux tendraient à capter le plus de financements privés, à attirer les meilleurs chercheurs, les meilleurs enseignants, tandis que les établissements moins prestigieux, situés dans des zones géographiques moins centrales, deviendraient des établissements de relégation.
Cette gestion dite " manageriale " des établissements scolaires et universitaires n'est pas sans conséquence sur le statut et la gestion des personnels enseignants ou non-enseignants (précarité accrue, embauche de vacataires et d'intérimaires, salaires individualisés).
La tendance à l'autonomie de ces établissements ne peut être valorisée qu'au mépris de tout effort de régulation démocratique. Les étudiants tendent à être considérés comme des clients, qui doivent " acheter " leur formation. Ce qui entraîne dans le monde, une multiplication des mesures visant à faire payer par les étudiants une part croissante du coût de cette formation, ainsi que le retour en force de la sélection à l'entrée des universités, là où elle n'existait pas.
Une autre dimension inquiétante de cette marchandisation est le contrôle de la production des outils pédagogiques par des firmes transnationales. Une politique publique d'éducation ne peut se concevoir sans un opérateur public garantissant à la fois la conformité des outils pédagogiques à l'esprit de la politique publique engagée, l'indépendance et la pérennité d'une recherche pédagogique innovante, ainsi que des conditions d'accès démocratiques à ces productions.
Ces évolutions mèneraient à un basculement fondamental : on passe progressivement de l'éducation, droit garanti et transmis gratuitement en héritage à chacun par l'Etat, à un investissement personnel, relevant de la responsabilité individuelle. Comme dans beaucoup d'autres domaines (la protection sociale contre la maladie, les retraites), il s'agit de remplacer un système de répartition collective et solidaire par un système de capitalisation individuelle, nécessairement inégalitaire. Cette conception est à l'origine des réformes des systèmes d'aides financières aux étudiants dans un certain nombre de pays, notamment du remplacement des bourses d'Etat par des prêts bancaires.
Cet exemple montre que l'introduction de la logique marchande, même fortement contrôlée, dans l'éducation remet en cause les finalités progressistes des systèmes éducatifs.
Refuser la marchandisation de l'éducation est donc une nécessité pour continuer à défendre la démocratisation des études et l'élévation du niveau général de formation. L'impératif de rentabilité conduit en effet à se désintéresser de la partie la plus défavorisée de la jeunesse et à concentrer la formation sur des secteurs étroits répondant soit à des besoins immédiats, soit à des publics capables d'investir massivement dans leur formation.
C'est aussi une nécessité sur le plan pédagogique. L'engouement pour le " e-learning " le reflète de façon très symbolique. L'illusion que l'enseignement à distance, par le biais de fournisseurs de services éducatifs -pour lesquels il s'agit d'un marché potentiel gigantesque- serait la solution réglant le problème de l'accès au savoir et permettant de réduire à la portion congrue les systèmes éducatifs, est savamment développée par les tenants de la marchandisation de l'éducation. C'est considérer le savoir uniquement comme une information, qu'il s'agit de se procurer, au besoin dans le cadre d'un échange marchand, passant sous silence la dimension éminemment sociale de tout apprentissage, le rôle de "passeur" de l'enseignant et de l'équipe éducative, et plus généralement les multiples fonctions socialisantes que remplit l'acte pédagogique d'éducation.
D'une façon plus générale, il est inconcevable qu'une pédagogie réellement innovante ayant pour ambition une émancipation à la fois culturelle, sociale et citoyenne de l'élève, et départie du caractère " bancaire " de la transmission traditionnelle des savoirs, puisse se construire en l'absence d'une cohérence assurée par la puissance publique.
Refuser la marchandisation de l'éducation, c'est enfin refuser de nouvelles inégalités entre pays. Alors qu'une partie de la population mondiale n'a toujours pas accès à " l'éducation de bas ", les efforts éducatifs des pays du Sud sont captés par certains pays du Nord, qui profitent de leur position dominante. Ceci prend la forme d'un véritable " pillage des cerveaux ", qui consiste pour les pays développés à pratiquer une immigration sélective, en faisant venir travailler chez eux des personnes hautement qualifiées formées dans les pays du Sud, au prix de sacrifices considérables. Pillage à court terme, cette méthode ne peut qu'aggraver les déséquilibres de développements et fragilise d'avantage la stabilité et la paix internationale.
Il n'est donc pas possible de s'accommoder de la marchandisation de l'éducation ou de composer avec elle. Il nous faut au contraire lui opposer une alternative.
- 2 - Pour une professionnalisation durable
Dans la bataille mondiale qui s'annonce sur le terrain de l'éducation, les progressistes doivent chercher à recenser tous les points d'appui et à unifier les propositions permettant d'offrir un contre modèle au libéralisme. La difficulté est de taille car dans ce domaine comme dans d'autres, le libéralisme profite pleinement des écarts existants dans le niveau de développement économique des différents pays. Pour contribuer à l'élaboration d'une alternative éducative à la marchandisation de l'éducation à l'échelle internationale, les progressistes doivent proposer le modèle de la professionnalisation durable.
Depuis quelques années, la notion de développement durable s'est imposée dans tous les débats internationaux comme le contre-modèle face au pillage libéral des richesses de la planète. Il s'agit de mettre en cohérence la nécessaire croissance des forces productives et la préservation de l'environnement et des ressources pour les générations futures.
Dans le même ordre d'idée, la notion de professionnalisation durable doit s'imposer comme la réponse à un double impératif de progrès : l'accompagnement de l'évolution rapide des techniques et une garantie sociale pour le travailleur. Ce sont deux mouvements liés, car l'élévation du niveau général de qualification et la poursuite du rythme du progrès technologique sont devenus à long terme indissociables. A notre époque, les métiers sont devenus de véritables " sciences pratiques " dans les systèmes productifs techniquement avancés. Ils exigent une élévation du niveau des connaissances des populations qui est un objectif historique de l'humanisme progressiste.
Ce constat ouvre un large espace de convergence sociale, non seulement entre les syndicats ouvriers, les associations de parents d'élèves et les syndicats professionnels des personnels de l'éducation, mais également avec les branches patronales des secteurs dans lesquels s'imposent le recours aux savoirs et techniques avancées. Cette convergence des productifs est une base puissante de résistance et d'offensive face aux exigences à courte vue des partisans de la marchandisation.
La prise de conscience que la formation est devenue un élément clé de la compétitivité économique est très forte en Europe. Elle s'est traduite par l'accent mis par les instances de l'Union Européenne sur la " formation tout au long de la vie ". Mais ce nouvel espace s'est trouvé réclamé par les libéraux, immédiatement et avec insistance. Ils veulent en faire un terrain privilégié de la marchandisation de l'éducation. La formation continue constitue en effet un secteur plus facile à investir pour les systèmes privés qu'une formation initiale dominée par le principe de gratuité.
Les libéraux défendent ainsi un système de capitalisation individuel de droit à la formation -au-delà d'un tronc commun initial acquis à l'école- sous la forme d'un compte épargne-éducation alimenté par le salarié lui-même. A cela, nous opposons un système de répartition garantie par un dispositif public de requalification permanente du salarié garanti comme un droit individuel, qui constitue le seul moyen de réussir ce grand chantier de progrès économique et social.
Il s'agit d'abord de garantir, à travers le contenu même des diplômes nationaux et des formations qui y mènent, la possibilité pour chaque individu de s'insérer professionnellement dans de bonnes conditions et de poursuivre ou de reprendre ultérieurement des études pour s'élever au niveau de qualification suivant.
Ce droit est aujourd'hui menacé par une nouvelle gestion des ressources humaines fondée sur la référence aux " compétences " ou par la " gestion par les compétences " censée, selon certain secteur du patronat, mieux répondre à la nécessité d'une responsabilisation accrue du salarié dans ses activités au travail. L'organisation du patronat français a exprimé récemment ses objectifs d'une manière on ne peut plus explicite. Pour lui, " la compétence est une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et comportements, s'exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de sa mise en uvre en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable. C'est donc à l'entreprise qu'il appartient de la repérer, de l'évaluer, de la valider et de la faire évoluer " (journées internationales de Deauville organisées par le MEDEF en 1998).
Comme toute marchandise, le travail contient une valeur d'usage et une valeur d'échange. La valeur d'usage du travail est liée à la formation acquise par le salarié, c'est à dire aux savoirs et savoirs-faire qu'il maîtrise et mobilise dans son activité salariée. La valeur d'échange est le résultat d'un rapport social entre celui qui vend sa capacité de travail et celui qui l'achète. Dans ce rapport de force social, ce sont les qualifications, et les diplômes nationaux, qui garantissent collectivement la valeur d'échange du travail salarié. Substituer les compétences aux qualifications, c'est remettre en cause le point de repère de la qualification pour fixer la valeur salariale du travail.
Dans chaque pays, des organisations patronales puissantes réclament la possibilité de fabriquer et d'étendre leurs propres certificats de compétence, et de les faire reconnaître en les installant, au même titre que les diplômes nationaux, comme titres de reconnaissance des qualifications. C'est la porte grande ouverte à la marchandisation des certifications professionnelles.
Une telle évolution entraînerait également une dégradation de la valeur d'usage du travail par une baisse générale du niveau de formation. Les compétences sont en effet des savoir-faire étroits, rapidement dépassés par une évolution technique incessante. Jeter l'ouvrier en même temps que la machine est un désastre social et humain, c'est aussi s'interdire une croissance économique soutenable à long terme.
La professionnalisation durable est donc un modèle qui répond à l'intérêt général. A ce titre, il est normal que l'Etat en ait la responsabilité. En exerçant le monopole de la certification des diplômes et titres, l'Etat assure la " bonne monnaie diplômante ". C'est une garantie de liberté pour le salarié qui n'est pas attaché à un poste de travail ou à une entreprise, et qui peut négocier sa qualification sur le marché du travail. C'est une garantie de fiabilité pour l'employeur qui connaît ainsi les qualifications et les compétences de celui qu'il embauche. Ils est donc légitime et nécessaire que le patronat ne puisse pas battre sa propre monnaie diplômante. Exiger l'inverse de l'Etat reviendrait à exiger d'une Banque Centrale le droit de protéger de la fausse monnaie.
En France, c'est le système éducatif républicain qui assure le primat de l'intérêt général. C'est un sérieux point d'appui par l'articulation cohérente de la formation initiale et de la formation continue. D'autres pays ont développé d'autres systèmes de référent légitime de qualification. La professionnalisation durable permet de défendre cette légitimité sociale des qualifications professionnelles.
Protégeant le principe de gratuité de l'éducation et de la formation contre la marchandisation des savoirs, celui de la répartition contre la capitalisation, celui du système de qualifications et des diplômes nationaux contre les certificats de compétences d'entreprise, le modèle de la professionnalisation durable s'inscrit dans la continuité de plus d'un siècle de luttes sociales pour la qualification et l'émancipation du travail salarié et représente une perspective déterminante dans la construction d'une alternative au nouvel âge du capitalisme dans tous les pays, quel que soit le niveau de développement de leur système éducatif.
- 3 - Démocratisation des savoirs, autonomie de la jeunesse
S'opposer à la déréglementation libérale de l'accès aux savoirs est un enjeu démocratique de premier plan. A la logique d'individualisation de l'éducation et de la formation, exprimée dans les pays industrialisés par la notion " d'égalité des chances ", qui masque un système d'inégalité d'accès et de ségrégation sociale, l'alternative progressiste internationale doit opposer l'exigence démocratique du droit fondamental et garanti à l'éducation, et donc des moyens concrets pour l'exercer.
Au-delà du projet humaniste contenu dans le droit à l'éducation, celui-ci répond également au besoin d'une main d'uvre avec un haut niveau de formation, polyvalente et dotée des moyens de s'adapter. Cela implique la poursuite de l'élévation de la durée de la scolarité, qui a déjà entraîné une massification considérable de l'éducation depuis l'après-guerre dans les pays développés. Mais la prolongation de ce mouvement impose de régler la question devenue déterminante du statut social des jeunes en formation.
Dans le cadre d'une économie développée comme celle de la France, la massification de l'éducation (près de 5 millions d'élèves dans le secondaire, 2 millions d'étudiants dans le supérieur), ne résout pas la question de sa démocratisation. Les familles modestes ou pauvres sont amenées à assumer plus longtemps la charge d'enfants majeurs qui poursuivent des études ou qui, du fait de la faiblesse de leur niveau de qualification, ne parviennent pas à intégrer dans des conditions satisfaisantes le marché du travail. Ces transformations produisent des effets différents selon les classes sociales : elles renforcent les situations d'inégalités face aux études.
Notre système d'aide aux jeunes en formation ne répond plus à la situation actuelle. Il s'obstine à considérer le jeune comme un enfant à charge et se trouve dépassé par les évolutions de la société qui font qu'aujourd'hui que la jeunesse n'est plus seulement un état transitoire d'une courte durée, mais constitue une séquence sociale spécifique du parcours de vie auquel il faut faire correspondre la garantie d'un statut.
Le défi auquel il s'agit de répondre est là : offrir à chaque jeune la possibilité d'accéder à l'autonomie lui donnant ainsi les moyens de suivre la formation de son choix. Cela implique que les jeunes ne subissent plus, sans contrepoids, les contingences matérielles ou les facteurs discriminants dus à leur origine sociale.
Il est primordial pour un jeune de pouvoir accéder à la meilleure formation initiale possible afin d'être préparé à s'insérer dans la vie active, dans sa vie de citoyen. Le développement de la formation continue est également à ce prix, seule une formation initiale suffisante donnant une formation générale et polyvalente permet de s'adapter aux évolutions techniques, économiques et sociales à venir.
C'est la logique libérale, cherchant à imposer un système de capitalisation de l'éducation, qui tend à réduire à la portion congrue la durée de formation initiale au profit d'une promesse de formation continue. Cela amènerait sur le marché du travail une main d'uvre certes peu formée et peu coûteuse, mais surtout avec de faible chance d'évolution, vouée à l'obsolescence de ses connaissances. A cette logique, les progressistes doivent opposer le principe de redistribution des richesses du savoir et de l'éducation. Elle affirme l'objectif de la démocratisation réelle du système éducatif qui ne saurait être atteint sans la définition d'un véritable statut social du jeune travailleur en formation, lui garantissant les moyens de son autonomie.
- 4 - Le co-développement éducatif
Face aux enjeux éducatifs globalisés et au développement inégalitaire, il est indispensable de réagir par une coopération éducative mondiale.
L'aide économique et l'aide au développement doivent être accompagnées d'une aide au développement de la scolarisation et des systèmes éducatifs. Pourquoi ne pas imaginer un fonds d'aide mondial pour le développement éducatif, abondé par les pays riches, et servant à aider les pays pauvres qui investissent dans leur système éducatif ? Pourquoi ne pas imaginer des critères de convergence mondiaux en matière de scolarisation et d'accès aux qualifications, conditionnant l'aide au développement à des efforts en ce domaine ?
Une telle orientation s'oppose à la politique opiniâtre suivie par le FMI et la Banque Mondiale qui conduit à la réduction et à la privatisation des services publics d'éducation, en premier lieu dans les pays économiquement les plus fragiles. Elle est illusoire sans la mise en uvre d'un nouvel ordre économique mondial donnant les moyens aux pays du Sud d'investir dans l'éducation.
Le co-développement éducatif implique également la levée des restrictions imposées par les pays du Nord à la venue sur leur territoire de jeunes issus des pays du Sud pour y étudier. Les tracasseries administratives et les mille et une difficultés faites aux étudiants étrangers dans les pays du Nord empêchent bien souvent des jeunes désireux de retourner contribuer au développement de leur pays de venir parfaire leur formation dans un pays " développé ".
L'Internet, les supports multimédia, sont également des outils au service du co-développement, à condition de tourner résolument le dos à la conception marchande. Ils fournissent une opportunité sans précédent de mise en commun, de partage des contenus et des pratiques d'enseignement. L'édition de ces supports doit impliquer la puissance publique à laquelle il revient également de proposer des guides et scénarios d'utilisation de ces ressources éducatives.
Tout doit être mis en uvre pour permettre la mutualisation, l'échange des " bonnes pratiques ": c'est l'occasion d'une évolution à l'initiative des acteurs eux-mêmes, d'avancées collectives affranchies des limitations géographiques. Le développement d'outils logiciels adaptés aux besoins du monde de l'Education, y compris par les utilisateurs eux-mêmes, apparaît comme la seule solution viable et satisfaisante. Cette mutualisation des connaissances et des pratiques ne peut être soumise au seul bon vouloir de la politique commerciale de tel ou tel éditeur de logiciels. Le recours au " logiciel libre " (open source), en particulier pour les serveurs informatiques, doit être promu et développé (en veillant à éviter de le réduire à une affaire de spécialistes ou d'initiés). Il combine nombre d'avantages potentiels : efficacité, moindre sensibilité à l'obsolescence, limitation substantielle des coûts, adaptabilité aux besoins, liberté de duplication, logique d'échange et de partage.
Conclusion
Les systèmes éducatifs jouent un rôle central au plan social, national et démocratique dans la construction des sociétés modernes. C'est pourquoi ils se doivent d'exercer une résistance particulièrement forte à la marchandisation de l'éducation. D'autant qu'ils disposent de moyens puissants et concrets d'attraction, par la gratuité, le nombre immense de ses usagers face auquel le secteur privé est dans l'immédiat incapable de rivaliser, l'amélioration permanente de ses techniques pédagogiques.
La bataille contre la marchandisation de l'éducation peut donc être gagnée. Mais il nous faut pour cela porter une alternative positive qui réponde aux besoins de formation nouveaux de notre époque. L'exemple français montre qu'il ne suffit pas de massifier l'accès à l'éducation pour garantir sa démocratisation , même si cela est une condition indispensable qui mobilise une forte volonté politique. L'accès des enfants des couches populaires à des formations qualifiantes jusqu'aux plus hauts niveaux, procède nécessairement d'une volonté politique assumée et mise en uvre par la puissance publique. Sinon, le risque est grand de voir s'accroître les inégalités et s'instaurer un partage d'autant plus illusoire qu'il concéderait au privé les formations les plus rentables et les plus prestigieuses , réservant au secteur public la responsabilité de l'éducation de base, tout en le soumettant à la logique marchande.
La professionnalisation durable constitue à notre sens cette alternative. Elle répond en effet au nécessaire développement des forces éducatives, tout en permettant une croissance économique respectueuse des droits et de l'avenir des travailleurs. Appuyée sur un statut social pour la jeunesse, elle peut satisfaire la revendication progressiste de la démocratisation de l'enseignement et de la société elle-même. Le concept de professionnalisation durable cristallise l'ensemble des enjeux qui motivent notre résistance à la marchandisation de l'éducation. C'est pourquoi nous le proposons comme mot d'ordre au mouvement international de lutte contre la mondialisation libérale.
Discours de clôture prononcé par Jean-Luc MELENCHON,
ministre délégué à l'Enseignement professionnel.
Je voudrais d'abord remercier
Tarso GENRO, Maire de Porto Alegre
Olivio DUTRA, Gouverneur de l'Etat de Rio Grande do Sul
Eliezer PACHECO, Secrétaire Général du Forum
Les camarades organisateurs,
Les participants,
Les délégués au Forum,
Les éducatrices et éducateurs du monde entier.
C'est un grand motif de fierté d'être appelé par les organisateurs de notre forum à m'exprimer devant vous au moment de la clôture de nos travaux et de l'adoption de la Charte que les débats de ces quatre jours ont élaboré.
Bien sûr l'honneur de prendre la parole ne m'est pas accordé à titre personnel. Je pense que vous avez voulu associer à ce moment d'utopie réaliste l'image de ma patrie laïque, universaliste et républicaine, la France.
La France bénéficie de l'avantage des luttes émancipatrices de son peuple. Nous disposons d'un puissant service public d'éducation qui accueille 90 % de ses enfants à partir de l'âge de trois ans, et scolarise 100 % de chaque génération.
A ceux qui considèrent que l'investissement éducatif est une dépense peu productive quand elle est accomplie par le service public, nous n'hésitons pas à répondre sur le même terrain d'efficacité.
Voici nos résultats : nous sommes 60 millions, c'est peu. Nous n'avons aucune richesse naturelle. Et pourtant, nous sommes la 4ème puissance mondiale et le 2ème exportateur par tête du monde. Voilà quel est le rendement productif de l'investissement public dans l'éducation. L'utopie de Porto Alegre est aussi la voie du réalisme économique. Elle l'est parce qu'elle mise sur l'intelligence humaine, le développement complet de la personne humaine. Notre chemin est celui qui affirme que le progrès social conditionne le progrès économique.
Chers amis, je veux vous dire combien j'ai été heureux et fier de reconnaître parmi vous comme participants ou comme conférenciers tant de mes compatriotes français parmi les plus brillants et les plus influents du monde éducatif.
Je crois pouvoir m'exprimer en leur nom à tous pour vous dire ceci : nous vous sommes infiniment reconnaissant pour avoir eu l'énergie, la volonté et la lucidité d'initier et de réaliser le processus des forums mondiaux contre la globalisation libérale ! Sa signification parle au cur de chaque homme, chaque femme, de chaque pays, qui veut agir concrètement pour un autre futur. Un futur débarrassé des logiques cruelles, mutilantes, inhumaines et prédatrices de l'idéologie du libéralisme global.
Porto Alegre est une référence mondiale de l'alternative de l'humanisme progressiste pour le nord comme pour le sud.
Chers amis, comme militant de base, j'ai participé à vos travaux, j'ai déposé ma contribution écrite et j'ai participé à la commission de rédaction de la Charte. Comme chacun d'entre vous, j'ai reçu ici une grande bouffée d'énergie et d'enthousiasme. Je rentre chez moi, comme vous, fatigué mais plus fort.
Comme ministre, j'ai signé un accord de coopération pour l'enseignement professionnel ave l'Etat de Rio Grande del Sul qui exprime notre communauté de vue sur les moyens concrets de progrès éducatif.
J'ai initié le même processus avec la ville de Porto Alegre et son maire Tarso Genro.
Cet accord traduit la convergence de nos points de vue sur les moyens concrets du progrès éducatif. Il fait vivre notre conception de co-développement éducatif.
Comme dirigeant du Parti Socialiste Français, il me reste à achever ma mission. Je transmets à votre assemblée le salut cordial et fraternel du premier ministre du gouvernement de gauche de mon pays, Lionel Jospin.
Mes derniers mots seront destinés à saluer l'événement qu'est la proclamation de la Charte issue des travaux de ce forum.
Parmi les idées que nous avons dorénavant en commun, je veux signaler l'importance à mes yeux de l'adoption du concept de professionnalisation durable. Il a un contenu concret, technique. Mais il a aussi une signification sociale profonde.
Nous affirmons notre foi dans le travail humain pour réaliser l'émancipation de l'Humanité face à tout ce qui limite ses potentialités créatrices.
Nous affirmons que le chemin du progrès est principalement ouvert et accompli par l'immense classe sociale qui réalise ce travail intellectuel et technique.
Nous affirmons que tout ce qui participe à son élévation intellectuelle et matérielle et sociale profite à l'humanité toute entière.
Vive le forum de Porto Alegre !
Vive l'humanisme universaliste !
Vive notre enthousiasme, notre engagement civique, notre force de changement radical du futur !
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 9 janvier 2002)
Un contexte globalisant
Le capitalisme de notre époque accomplit des mutations décisives. A constater leur ampleur , on peut dire qu'il est entré dans un nouvel âge. Le passage d'un capitalisme industriel et national à une domination du capitalisme financier et transnational modifie en effet profondément la dynamique d'ensemble de nos économies et de nos sociétés.
La dérégulation généralisée des marchés opérée ces vingt dernières années a bouleversé l'environnement politique du capitalisme. La révolution des technologies de l'information en a transformé les bases techniques. Ainsi, la voie a été ouverte pour une domination croissante de la sphère financière sur l'économie, qui va jusqu'à régir indirectement l'ensemble des rapports sociaux.
Les exigences de la finance s'imposent en effet progressivement à tous les secteurs de la production. Celles-ci sont entre autres, l'obsession de la liquidité et le refus de toute régulation extérieure, l'accélération des échanges, la dictature du rendement pour l'actionnaire et donc du court-terme.
Aujourd'hui comme aux étapes précédentes de son histoire, le développement du capitalisme repose sur l'élargissement de ses marchés. Dans un monde où une part sans cesse croissante de l'humanité est mise à contribution pour produire mais se trouve privée de la possibilité de consommer, celui-ci repose principalement sur la marchandisation de nouveau secteurs de l'activité humaine. C'est la raison de l'insistance des libéraux à obtenir, partout sur la planète, la privatisation des services publics et l'ouverture de l'éducation et de la santé à la " libre concurrence ".
Mais l'application des exigences du nouvel âge du capitalisme à un secteur comme celui de l'éducation fait surgir des contradictions nouvelles. Elle menace la construction même des sociétés démocratiques et des Nations, en déniant aux collectivités nationales la maîtrise de l'éducation de leur jeunesse. Elle contredit le droit à la qualification, construit dans l'après-guerre à travers le développement de services publics, au moment où celle-ci représente plus que jamais un facteur déterminant d'intégration et d'évolution professionnelle. Elle entre également en conflit avec la nécessité croissante de formation caractéristique de nos économies des technologies et de la connaissance. Former les futurs travailleurs à des compétences à l'obsolescence de plus en plus rapide, c'est en effet remettre en cause les bases futures du progrès économique et social.
On retrouve donc sur le terrain éducatif le caractère prédateur de la croissance dans le nouvel âge du capitalisme, largement dénoncé sur le plan écologique à travers la notion de développement durable ou sur le plan de la dégradation massive de la force de travail par le chômage et le développement du sous-emploi.
L'éducation est donc l'un des fronts de résistance décisifs face aux déréglementations et à la marchandisation généralisée de ce nouvel âge du capitalisme ; d'autant que les systèmes éducatifs publics portent aussi en germe la contestation et la transformation de l'ordre établi. C'est en tout cas la conviction que nous retirons de l'exemple du système français d'éducation, construit sur le triptyque éduquer-former-qualifier. A partir de ses succès, nous proposons de dégager quelques points d'appui utiles à tous ceux qui se dressent dans le monde contre la marchandisation de l'éducation et ses conséquences.
- 1 - Les dangers de la marchandisation !
La marchandisation de l'éducation est impulsée fortement par un certain nombre d'institutions au niveau international, au premier rang desquelles l'Organisation Mondiale du Commerce. L'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), qui fait partie de l'agenda incorporé des négociations de l'OMC, inclut en effet tous les services à l'exception de ceux " fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ", c'est-à-dire " ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ". L'existence même d'établissements privés offrant des formations " concurrentes " de celles offertes par les établissements publics fait donc de l'éducation un service commercial.
Le " libre commerce des services " appliqué à l'éducation signifierait concrètement le droit pour des établissements privés étrangers de s'implanter dans un pays ou de fournir des formations à distance et de réclamer la même certification pour les formations qu'ils proposent que celle accordée aux formations délivrées par les établissements publics.
Ainsi, La banque mondiale considère que l'enseignement supérieur est un bien privé et que par conséquent son organisation optimale doit être obtenue par un marché mettant en rapport des demandes privées (individus, entreprises) avec des offres émanant d'opérateurs privés et publics. Pour elle, une orientation vers le marché implique donc :
- La rentabilité des produits de formation (imposition de frais de scolarité et vente des produits de recherche et de formation aux entreprises.)
- L'intervention d'opérateurs privés concurrents des universités publiques
- La décentralisation régionale et l'autonomie des établissements
Seuls quelques pays, parmi lesquels les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, se rapprochent d'un tel modèle éducatif. Mais partout ailleurs, les systèmes publics de formation sont déjà en concurrence avec des dispositifs privés de toutes sortes.
En France, la certification des diplômes relève d'un monopole public, ce qui constitue une garantie fondamentale pour faire prévaloir l'intérêt général face aux logiques de court terme des intérêts privés qui investissent le domaine éducatif. On y constate en revanche que le service public lui-même est invité à intégrer la logique marchande. Les établissements publics, particulièrement dans l'enseignement supérieur, seraient poussés à adopter la logique et le fonctionnement d'une entreprise. Ils sont placés en situation de concurrence, et contraints à chercher toujours plus de ressources propres, en général auprès d'opérateurs privés.
Dans cette logique, les établissements les plus prestigieux tendraient à capter le plus de financements privés, à attirer les meilleurs chercheurs, les meilleurs enseignants, tandis que les établissements moins prestigieux, situés dans des zones géographiques moins centrales, deviendraient des établissements de relégation.
Cette gestion dite " manageriale " des établissements scolaires et universitaires n'est pas sans conséquence sur le statut et la gestion des personnels enseignants ou non-enseignants (précarité accrue, embauche de vacataires et d'intérimaires, salaires individualisés).
La tendance à l'autonomie de ces établissements ne peut être valorisée qu'au mépris de tout effort de régulation démocratique. Les étudiants tendent à être considérés comme des clients, qui doivent " acheter " leur formation. Ce qui entraîne dans le monde, une multiplication des mesures visant à faire payer par les étudiants une part croissante du coût de cette formation, ainsi que le retour en force de la sélection à l'entrée des universités, là où elle n'existait pas.
Une autre dimension inquiétante de cette marchandisation est le contrôle de la production des outils pédagogiques par des firmes transnationales. Une politique publique d'éducation ne peut se concevoir sans un opérateur public garantissant à la fois la conformité des outils pédagogiques à l'esprit de la politique publique engagée, l'indépendance et la pérennité d'une recherche pédagogique innovante, ainsi que des conditions d'accès démocratiques à ces productions.
Ces évolutions mèneraient à un basculement fondamental : on passe progressivement de l'éducation, droit garanti et transmis gratuitement en héritage à chacun par l'Etat, à un investissement personnel, relevant de la responsabilité individuelle. Comme dans beaucoup d'autres domaines (la protection sociale contre la maladie, les retraites), il s'agit de remplacer un système de répartition collective et solidaire par un système de capitalisation individuelle, nécessairement inégalitaire. Cette conception est à l'origine des réformes des systèmes d'aides financières aux étudiants dans un certain nombre de pays, notamment du remplacement des bourses d'Etat par des prêts bancaires.
Cet exemple montre que l'introduction de la logique marchande, même fortement contrôlée, dans l'éducation remet en cause les finalités progressistes des systèmes éducatifs.
Refuser la marchandisation de l'éducation est donc une nécessité pour continuer à défendre la démocratisation des études et l'élévation du niveau général de formation. L'impératif de rentabilité conduit en effet à se désintéresser de la partie la plus défavorisée de la jeunesse et à concentrer la formation sur des secteurs étroits répondant soit à des besoins immédiats, soit à des publics capables d'investir massivement dans leur formation.
C'est aussi une nécessité sur le plan pédagogique. L'engouement pour le " e-learning " le reflète de façon très symbolique. L'illusion que l'enseignement à distance, par le biais de fournisseurs de services éducatifs -pour lesquels il s'agit d'un marché potentiel gigantesque- serait la solution réglant le problème de l'accès au savoir et permettant de réduire à la portion congrue les systèmes éducatifs, est savamment développée par les tenants de la marchandisation de l'éducation. C'est considérer le savoir uniquement comme une information, qu'il s'agit de se procurer, au besoin dans le cadre d'un échange marchand, passant sous silence la dimension éminemment sociale de tout apprentissage, le rôle de "passeur" de l'enseignant et de l'équipe éducative, et plus généralement les multiples fonctions socialisantes que remplit l'acte pédagogique d'éducation.
D'une façon plus générale, il est inconcevable qu'une pédagogie réellement innovante ayant pour ambition une émancipation à la fois culturelle, sociale et citoyenne de l'élève, et départie du caractère " bancaire " de la transmission traditionnelle des savoirs, puisse se construire en l'absence d'une cohérence assurée par la puissance publique.
Refuser la marchandisation de l'éducation, c'est enfin refuser de nouvelles inégalités entre pays. Alors qu'une partie de la population mondiale n'a toujours pas accès à " l'éducation de bas ", les efforts éducatifs des pays du Sud sont captés par certains pays du Nord, qui profitent de leur position dominante. Ceci prend la forme d'un véritable " pillage des cerveaux ", qui consiste pour les pays développés à pratiquer une immigration sélective, en faisant venir travailler chez eux des personnes hautement qualifiées formées dans les pays du Sud, au prix de sacrifices considérables. Pillage à court terme, cette méthode ne peut qu'aggraver les déséquilibres de développements et fragilise d'avantage la stabilité et la paix internationale.
Il n'est donc pas possible de s'accommoder de la marchandisation de l'éducation ou de composer avec elle. Il nous faut au contraire lui opposer une alternative.
- 2 - Pour une professionnalisation durable
Dans la bataille mondiale qui s'annonce sur le terrain de l'éducation, les progressistes doivent chercher à recenser tous les points d'appui et à unifier les propositions permettant d'offrir un contre modèle au libéralisme. La difficulté est de taille car dans ce domaine comme dans d'autres, le libéralisme profite pleinement des écarts existants dans le niveau de développement économique des différents pays. Pour contribuer à l'élaboration d'une alternative éducative à la marchandisation de l'éducation à l'échelle internationale, les progressistes doivent proposer le modèle de la professionnalisation durable.
Depuis quelques années, la notion de développement durable s'est imposée dans tous les débats internationaux comme le contre-modèle face au pillage libéral des richesses de la planète. Il s'agit de mettre en cohérence la nécessaire croissance des forces productives et la préservation de l'environnement et des ressources pour les générations futures.
Dans le même ordre d'idée, la notion de professionnalisation durable doit s'imposer comme la réponse à un double impératif de progrès : l'accompagnement de l'évolution rapide des techniques et une garantie sociale pour le travailleur. Ce sont deux mouvements liés, car l'élévation du niveau général de qualification et la poursuite du rythme du progrès technologique sont devenus à long terme indissociables. A notre époque, les métiers sont devenus de véritables " sciences pratiques " dans les systèmes productifs techniquement avancés. Ils exigent une élévation du niveau des connaissances des populations qui est un objectif historique de l'humanisme progressiste.
Ce constat ouvre un large espace de convergence sociale, non seulement entre les syndicats ouvriers, les associations de parents d'élèves et les syndicats professionnels des personnels de l'éducation, mais également avec les branches patronales des secteurs dans lesquels s'imposent le recours aux savoirs et techniques avancées. Cette convergence des productifs est une base puissante de résistance et d'offensive face aux exigences à courte vue des partisans de la marchandisation.
La prise de conscience que la formation est devenue un élément clé de la compétitivité économique est très forte en Europe. Elle s'est traduite par l'accent mis par les instances de l'Union Européenne sur la " formation tout au long de la vie ". Mais ce nouvel espace s'est trouvé réclamé par les libéraux, immédiatement et avec insistance. Ils veulent en faire un terrain privilégié de la marchandisation de l'éducation. La formation continue constitue en effet un secteur plus facile à investir pour les systèmes privés qu'une formation initiale dominée par le principe de gratuité.
Les libéraux défendent ainsi un système de capitalisation individuel de droit à la formation -au-delà d'un tronc commun initial acquis à l'école- sous la forme d'un compte épargne-éducation alimenté par le salarié lui-même. A cela, nous opposons un système de répartition garantie par un dispositif public de requalification permanente du salarié garanti comme un droit individuel, qui constitue le seul moyen de réussir ce grand chantier de progrès économique et social.
Il s'agit d'abord de garantir, à travers le contenu même des diplômes nationaux et des formations qui y mènent, la possibilité pour chaque individu de s'insérer professionnellement dans de bonnes conditions et de poursuivre ou de reprendre ultérieurement des études pour s'élever au niveau de qualification suivant.
Ce droit est aujourd'hui menacé par une nouvelle gestion des ressources humaines fondée sur la référence aux " compétences " ou par la " gestion par les compétences " censée, selon certain secteur du patronat, mieux répondre à la nécessité d'une responsabilisation accrue du salarié dans ses activités au travail. L'organisation du patronat français a exprimé récemment ses objectifs d'une manière on ne peut plus explicite. Pour lui, " la compétence est une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et comportements, s'exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de sa mise en uvre en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable. C'est donc à l'entreprise qu'il appartient de la repérer, de l'évaluer, de la valider et de la faire évoluer " (journées internationales de Deauville organisées par le MEDEF en 1998).
Comme toute marchandise, le travail contient une valeur d'usage et une valeur d'échange. La valeur d'usage du travail est liée à la formation acquise par le salarié, c'est à dire aux savoirs et savoirs-faire qu'il maîtrise et mobilise dans son activité salariée. La valeur d'échange est le résultat d'un rapport social entre celui qui vend sa capacité de travail et celui qui l'achète. Dans ce rapport de force social, ce sont les qualifications, et les diplômes nationaux, qui garantissent collectivement la valeur d'échange du travail salarié. Substituer les compétences aux qualifications, c'est remettre en cause le point de repère de la qualification pour fixer la valeur salariale du travail.
Dans chaque pays, des organisations patronales puissantes réclament la possibilité de fabriquer et d'étendre leurs propres certificats de compétence, et de les faire reconnaître en les installant, au même titre que les diplômes nationaux, comme titres de reconnaissance des qualifications. C'est la porte grande ouverte à la marchandisation des certifications professionnelles.
Une telle évolution entraînerait également une dégradation de la valeur d'usage du travail par une baisse générale du niveau de formation. Les compétences sont en effet des savoir-faire étroits, rapidement dépassés par une évolution technique incessante. Jeter l'ouvrier en même temps que la machine est un désastre social et humain, c'est aussi s'interdire une croissance économique soutenable à long terme.
La professionnalisation durable est donc un modèle qui répond à l'intérêt général. A ce titre, il est normal que l'Etat en ait la responsabilité. En exerçant le monopole de la certification des diplômes et titres, l'Etat assure la " bonne monnaie diplômante ". C'est une garantie de liberté pour le salarié qui n'est pas attaché à un poste de travail ou à une entreprise, et qui peut négocier sa qualification sur le marché du travail. C'est une garantie de fiabilité pour l'employeur qui connaît ainsi les qualifications et les compétences de celui qu'il embauche. Ils est donc légitime et nécessaire que le patronat ne puisse pas battre sa propre monnaie diplômante. Exiger l'inverse de l'Etat reviendrait à exiger d'une Banque Centrale le droit de protéger de la fausse monnaie.
En France, c'est le système éducatif républicain qui assure le primat de l'intérêt général. C'est un sérieux point d'appui par l'articulation cohérente de la formation initiale et de la formation continue. D'autres pays ont développé d'autres systèmes de référent légitime de qualification. La professionnalisation durable permet de défendre cette légitimité sociale des qualifications professionnelles.
Protégeant le principe de gratuité de l'éducation et de la formation contre la marchandisation des savoirs, celui de la répartition contre la capitalisation, celui du système de qualifications et des diplômes nationaux contre les certificats de compétences d'entreprise, le modèle de la professionnalisation durable s'inscrit dans la continuité de plus d'un siècle de luttes sociales pour la qualification et l'émancipation du travail salarié et représente une perspective déterminante dans la construction d'une alternative au nouvel âge du capitalisme dans tous les pays, quel que soit le niveau de développement de leur système éducatif.
- 3 - Démocratisation des savoirs, autonomie de la jeunesse
S'opposer à la déréglementation libérale de l'accès aux savoirs est un enjeu démocratique de premier plan. A la logique d'individualisation de l'éducation et de la formation, exprimée dans les pays industrialisés par la notion " d'égalité des chances ", qui masque un système d'inégalité d'accès et de ségrégation sociale, l'alternative progressiste internationale doit opposer l'exigence démocratique du droit fondamental et garanti à l'éducation, et donc des moyens concrets pour l'exercer.
Au-delà du projet humaniste contenu dans le droit à l'éducation, celui-ci répond également au besoin d'une main d'uvre avec un haut niveau de formation, polyvalente et dotée des moyens de s'adapter. Cela implique la poursuite de l'élévation de la durée de la scolarité, qui a déjà entraîné une massification considérable de l'éducation depuis l'après-guerre dans les pays développés. Mais la prolongation de ce mouvement impose de régler la question devenue déterminante du statut social des jeunes en formation.
Dans le cadre d'une économie développée comme celle de la France, la massification de l'éducation (près de 5 millions d'élèves dans le secondaire, 2 millions d'étudiants dans le supérieur), ne résout pas la question de sa démocratisation. Les familles modestes ou pauvres sont amenées à assumer plus longtemps la charge d'enfants majeurs qui poursuivent des études ou qui, du fait de la faiblesse de leur niveau de qualification, ne parviennent pas à intégrer dans des conditions satisfaisantes le marché du travail. Ces transformations produisent des effets différents selon les classes sociales : elles renforcent les situations d'inégalités face aux études.
Notre système d'aide aux jeunes en formation ne répond plus à la situation actuelle. Il s'obstine à considérer le jeune comme un enfant à charge et se trouve dépassé par les évolutions de la société qui font qu'aujourd'hui que la jeunesse n'est plus seulement un état transitoire d'une courte durée, mais constitue une séquence sociale spécifique du parcours de vie auquel il faut faire correspondre la garantie d'un statut.
Le défi auquel il s'agit de répondre est là : offrir à chaque jeune la possibilité d'accéder à l'autonomie lui donnant ainsi les moyens de suivre la formation de son choix. Cela implique que les jeunes ne subissent plus, sans contrepoids, les contingences matérielles ou les facteurs discriminants dus à leur origine sociale.
Il est primordial pour un jeune de pouvoir accéder à la meilleure formation initiale possible afin d'être préparé à s'insérer dans la vie active, dans sa vie de citoyen. Le développement de la formation continue est également à ce prix, seule une formation initiale suffisante donnant une formation générale et polyvalente permet de s'adapter aux évolutions techniques, économiques et sociales à venir.
C'est la logique libérale, cherchant à imposer un système de capitalisation de l'éducation, qui tend à réduire à la portion congrue la durée de formation initiale au profit d'une promesse de formation continue. Cela amènerait sur le marché du travail une main d'uvre certes peu formée et peu coûteuse, mais surtout avec de faible chance d'évolution, vouée à l'obsolescence de ses connaissances. A cette logique, les progressistes doivent opposer le principe de redistribution des richesses du savoir et de l'éducation. Elle affirme l'objectif de la démocratisation réelle du système éducatif qui ne saurait être atteint sans la définition d'un véritable statut social du jeune travailleur en formation, lui garantissant les moyens de son autonomie.
- 4 - Le co-développement éducatif
Face aux enjeux éducatifs globalisés et au développement inégalitaire, il est indispensable de réagir par une coopération éducative mondiale.
L'aide économique et l'aide au développement doivent être accompagnées d'une aide au développement de la scolarisation et des systèmes éducatifs. Pourquoi ne pas imaginer un fonds d'aide mondial pour le développement éducatif, abondé par les pays riches, et servant à aider les pays pauvres qui investissent dans leur système éducatif ? Pourquoi ne pas imaginer des critères de convergence mondiaux en matière de scolarisation et d'accès aux qualifications, conditionnant l'aide au développement à des efforts en ce domaine ?
Une telle orientation s'oppose à la politique opiniâtre suivie par le FMI et la Banque Mondiale qui conduit à la réduction et à la privatisation des services publics d'éducation, en premier lieu dans les pays économiquement les plus fragiles. Elle est illusoire sans la mise en uvre d'un nouvel ordre économique mondial donnant les moyens aux pays du Sud d'investir dans l'éducation.
Le co-développement éducatif implique également la levée des restrictions imposées par les pays du Nord à la venue sur leur territoire de jeunes issus des pays du Sud pour y étudier. Les tracasseries administratives et les mille et une difficultés faites aux étudiants étrangers dans les pays du Nord empêchent bien souvent des jeunes désireux de retourner contribuer au développement de leur pays de venir parfaire leur formation dans un pays " développé ".
L'Internet, les supports multimédia, sont également des outils au service du co-développement, à condition de tourner résolument le dos à la conception marchande. Ils fournissent une opportunité sans précédent de mise en commun, de partage des contenus et des pratiques d'enseignement. L'édition de ces supports doit impliquer la puissance publique à laquelle il revient également de proposer des guides et scénarios d'utilisation de ces ressources éducatives.
Tout doit être mis en uvre pour permettre la mutualisation, l'échange des " bonnes pratiques ": c'est l'occasion d'une évolution à l'initiative des acteurs eux-mêmes, d'avancées collectives affranchies des limitations géographiques. Le développement d'outils logiciels adaptés aux besoins du monde de l'Education, y compris par les utilisateurs eux-mêmes, apparaît comme la seule solution viable et satisfaisante. Cette mutualisation des connaissances et des pratiques ne peut être soumise au seul bon vouloir de la politique commerciale de tel ou tel éditeur de logiciels. Le recours au " logiciel libre " (open source), en particulier pour les serveurs informatiques, doit être promu et développé (en veillant à éviter de le réduire à une affaire de spécialistes ou d'initiés). Il combine nombre d'avantages potentiels : efficacité, moindre sensibilité à l'obsolescence, limitation substantielle des coûts, adaptabilité aux besoins, liberté de duplication, logique d'échange et de partage.
Conclusion
Les systèmes éducatifs jouent un rôle central au plan social, national et démocratique dans la construction des sociétés modernes. C'est pourquoi ils se doivent d'exercer une résistance particulièrement forte à la marchandisation de l'éducation. D'autant qu'ils disposent de moyens puissants et concrets d'attraction, par la gratuité, le nombre immense de ses usagers face auquel le secteur privé est dans l'immédiat incapable de rivaliser, l'amélioration permanente de ses techniques pédagogiques.
La bataille contre la marchandisation de l'éducation peut donc être gagnée. Mais il nous faut pour cela porter une alternative positive qui réponde aux besoins de formation nouveaux de notre époque. L'exemple français montre qu'il ne suffit pas de massifier l'accès à l'éducation pour garantir sa démocratisation , même si cela est une condition indispensable qui mobilise une forte volonté politique. L'accès des enfants des couches populaires à des formations qualifiantes jusqu'aux plus hauts niveaux, procède nécessairement d'une volonté politique assumée et mise en uvre par la puissance publique. Sinon, le risque est grand de voir s'accroître les inégalités et s'instaurer un partage d'autant plus illusoire qu'il concéderait au privé les formations les plus rentables et les plus prestigieuses , réservant au secteur public la responsabilité de l'éducation de base, tout en le soumettant à la logique marchande.
La professionnalisation durable constitue à notre sens cette alternative. Elle répond en effet au nécessaire développement des forces éducatives, tout en permettant une croissance économique respectueuse des droits et de l'avenir des travailleurs. Appuyée sur un statut social pour la jeunesse, elle peut satisfaire la revendication progressiste de la démocratisation de l'enseignement et de la société elle-même. Le concept de professionnalisation durable cristallise l'ensemble des enjeux qui motivent notre résistance à la marchandisation de l'éducation. C'est pourquoi nous le proposons comme mot d'ordre au mouvement international de lutte contre la mondialisation libérale.
Discours de clôture prononcé par Jean-Luc MELENCHON,
ministre délégué à l'Enseignement professionnel.
Je voudrais d'abord remercier
Tarso GENRO, Maire de Porto Alegre
Olivio DUTRA, Gouverneur de l'Etat de Rio Grande do Sul
Eliezer PACHECO, Secrétaire Général du Forum
Les camarades organisateurs,
Les participants,
Les délégués au Forum,
Les éducatrices et éducateurs du monde entier.
C'est un grand motif de fierté d'être appelé par les organisateurs de notre forum à m'exprimer devant vous au moment de la clôture de nos travaux et de l'adoption de la Charte que les débats de ces quatre jours ont élaboré.
Bien sûr l'honneur de prendre la parole ne m'est pas accordé à titre personnel. Je pense que vous avez voulu associer à ce moment d'utopie réaliste l'image de ma patrie laïque, universaliste et républicaine, la France.
La France bénéficie de l'avantage des luttes émancipatrices de son peuple. Nous disposons d'un puissant service public d'éducation qui accueille 90 % de ses enfants à partir de l'âge de trois ans, et scolarise 100 % de chaque génération.
A ceux qui considèrent que l'investissement éducatif est une dépense peu productive quand elle est accomplie par le service public, nous n'hésitons pas à répondre sur le même terrain d'efficacité.
Voici nos résultats : nous sommes 60 millions, c'est peu. Nous n'avons aucune richesse naturelle. Et pourtant, nous sommes la 4ème puissance mondiale et le 2ème exportateur par tête du monde. Voilà quel est le rendement productif de l'investissement public dans l'éducation. L'utopie de Porto Alegre est aussi la voie du réalisme économique. Elle l'est parce qu'elle mise sur l'intelligence humaine, le développement complet de la personne humaine. Notre chemin est celui qui affirme que le progrès social conditionne le progrès économique.
Chers amis, je veux vous dire combien j'ai été heureux et fier de reconnaître parmi vous comme participants ou comme conférenciers tant de mes compatriotes français parmi les plus brillants et les plus influents du monde éducatif.
Je crois pouvoir m'exprimer en leur nom à tous pour vous dire ceci : nous vous sommes infiniment reconnaissant pour avoir eu l'énergie, la volonté et la lucidité d'initier et de réaliser le processus des forums mondiaux contre la globalisation libérale ! Sa signification parle au cur de chaque homme, chaque femme, de chaque pays, qui veut agir concrètement pour un autre futur. Un futur débarrassé des logiques cruelles, mutilantes, inhumaines et prédatrices de l'idéologie du libéralisme global.
Porto Alegre est une référence mondiale de l'alternative de l'humanisme progressiste pour le nord comme pour le sud.
Chers amis, comme militant de base, j'ai participé à vos travaux, j'ai déposé ma contribution écrite et j'ai participé à la commission de rédaction de la Charte. Comme chacun d'entre vous, j'ai reçu ici une grande bouffée d'énergie et d'enthousiasme. Je rentre chez moi, comme vous, fatigué mais plus fort.
Comme ministre, j'ai signé un accord de coopération pour l'enseignement professionnel ave l'Etat de Rio Grande del Sul qui exprime notre communauté de vue sur les moyens concrets de progrès éducatif.
J'ai initié le même processus avec la ville de Porto Alegre et son maire Tarso Genro.
Cet accord traduit la convergence de nos points de vue sur les moyens concrets du progrès éducatif. Il fait vivre notre conception de co-développement éducatif.
Comme dirigeant du Parti Socialiste Français, il me reste à achever ma mission. Je transmets à votre assemblée le salut cordial et fraternel du premier ministre du gouvernement de gauche de mon pays, Lionel Jospin.
Mes derniers mots seront destinés à saluer l'événement qu'est la proclamation de la Charte issue des travaux de ce forum.
Parmi les idées que nous avons dorénavant en commun, je veux signaler l'importance à mes yeux de l'adoption du concept de professionnalisation durable. Il a un contenu concret, technique. Mais il a aussi une signification sociale profonde.
Nous affirmons notre foi dans le travail humain pour réaliser l'émancipation de l'Humanité face à tout ce qui limite ses potentialités créatrices.
Nous affirmons que le chemin du progrès est principalement ouvert et accompli par l'immense classe sociale qui réalise ce travail intellectuel et technique.
Nous affirmons que tout ce qui participe à son élévation intellectuelle et matérielle et sociale profite à l'humanité toute entière.
Vive le forum de Porto Alegre !
Vive l'humanisme universaliste !
Vive notre enthousiasme, notre engagement civique, notre force de changement radical du futur !
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 9 janvier 2002)