Texte intégral
Au moment où la France va prendre la présidence de l'Union européenne, la Rédaction de Circular a demandé à la Ministre d'indiquer aux lecteurs de la revue les dossiers qu'elle entend défendre au nom de la France auprès de ses quatorze partenaires. Plus largement, la question lui a été posée des priorités qu'elle se donne dans la politique culturelle qu'elle met en oeuvre depuis trois mois.
Circular - - " La France existe pleinement, mais ne peut être séparée de l'Europe. ", a réaffirmé Lionel Jospin, premier Ministre français, lorsqu'il a présenté les orientations de la Présidence française de l'Union européenne à l'Assemblée nationale. Les six mois qui viennent vont donner l'occasion à la France de soutenir certains dossiers pour servir les objectifs fixés pour cette Présidence : " une Europe au service de la croissance et du plein emploi; une Europe plus proche des citoyens; une Europe plus efficace et plus forte. ".Ils vont également permettre à la France de promouvoir certaines idées qui lui sont chères.
Pour les lecteurs de Circular qui font votre connaissance, puisque vous n'êtes entrée en fonction que depuis le mois d'avril, pouvez-vous nous indiquer les dossiers sur lesquels vous avez particulièrement travaillé en prévision de la présidence française qui prend effet du 1er juillet au 31 décembre 2000 ?
C. Tasca - La France va prendre des initiatives et dans le domaine qui est le mien, soutien communautaire aux contenus de la société de l'information, développement au niveau international des échanges professionnels en matière de formation et d'expertise, intensification des efforts en faveur de la diversité culturelle, tels sont quelques-uns des dossiers que je compte défendre durant cette Présidence
Diversité culturelle chacun des thèmes que je viens d'évoquer est sous-tendu par la nécessité d'une vigilance accrue face à la mondialisation. Toutes les frontières s'ouvrant, les frontières culturelles peuvent parfois sembler se brouiller, de nouveaux enjeux se dessinent et nous devons définir, orienter, structurer les différentes composantes de ces brassages pour préserver et promouvoir la diversité culturelle.
Circular - L'article 151 du Traité d'Amsterdam précise bien que l'action communautaire est " respectueuse de la diversité culturelle ", mais il semble qu'il faille rappeler de façon permanente qu'il s'agit bien là d'une priorité et chaque " bataille " à mener, comme vous l'avez dit à propos des droits d'auteur face au copyright, devrait l'être avec tous les partenaires de l'Union rangés en rangs serrés. Est-ce toujours le cas ? et lorsque ce n'est pas le cas, trouvez-vous des alliés au-delà des Quinze ?
C. Tasca - La nouvelle Europe se construit peu à peu : édifice économique d'abord ; puis politique ; aujourd'hui, elle veut se faire plus culturelle. Nous souhaitons pour l'Europe qu'elle devienne un ensemble à la fois cohérent et divers. Une cohérence accrue pour l'aider à mieux relever les défis du développement économique, de la démocratie et des droits de l'homme. Une diversité clairement affirmée est indispensable pour promouvoir et partager tant de patrimoines linguistiques et culturels uniques. L'espoir est dans une Europe renforcée par le ciment de sa diversité culturelle.
Je vous rappelle que dans les négociations de Seattle, aujourd'hui suspendues, la position communautaire s'est montrée ferme, l'exception culturelle est devenue un préalable à l'ouverture de toute discussion. Il n'en demeure pas moins vrai que résistances et menaces au principe restent vives.
Circular - En matière de cinéma, les films produits par les pays de l'Union circulent peu au sein de l'Europe alors que le cinéma américain ne cesse d'accroître la place qu'il occupe sur nos écrans. Quelle solution envisagez-vous pour renverser ces tendances ?
C. Tasca - La solution n'est pas dans une production européenne mais dans l'affirmation de chaque culture nationale. Je compte donc défendre l'idée que le patrimoine constitué par la production originale de chaque pays de l'Union doit être accessible à l'ensemble des publics d'Europe. A cet égard, je m'attacherai à porter à un niveau significatif les moyens que l'Union européenne consacrera au programme Média Plus.
Circular - Piratage et contrefaçon préoccupent aussi bien votre administration que les auteurs. Quel est l'état de votre réflexion sur ces sujets ?
C. Tasca - L'une des premières choses à faire, c'est d'accélérer l'utilisation de procédés techniques limitant les risques de piratage. Ils sont très efficaces pour la musique ou l'image, mais beaucoup moins dans le cas des textes.
Il faut donc chercher d'autres solutions et le principe d'une rémunération pour toute réutilisation des contenus en ligne est à l'étude mais nous ne savons pas aujourd'hui s'il faut le faire éditeur par éditeur ou si les éditeurs dans leur ensemble doivent proposer un système commun. Je proposerai une réflexion sur ce thème à tous nos partenaires.
Je reviens un instant sur la question des contenus. Qu'il s'agisse du patrimoine cinématographique ou audiovisuel européen, je proposerai des mesures concrètes pour garantir un soutien communautaire aux contenus de la société de l'information : par exemple favoriser la numérisation, la valorisation et la diffusion de ces deux patrimoines ou bien assurer une adaptation linguistique des contenus européens pour encourager la circulation des oeuvres.
Le programme communautaire Média Plus est un enjeu crucial.
Les programmes français sont de plus en plus présents sur le plan international mais nos résultats à l'export sont encore insuffisants. Nous serons donc particulièrement attentifs sur ce point, d'autant plus que ces objectifs ne sont pas encore partagés par tous les partenaires de l'Union Il convient en effet de rester particulièrement vigilant sur le maintien d'un consensus européen.
Les négociations de l'OMC ont bien montré que ce maintien était indispensable pour la défense de la diversité culturelle de manière à éviter le démantèlement des divers systèmes de soutien à la production et à la diffusion de programmes audiovisuels européens. C'est vrai également pour la question " droits d'auteurs contre copyright " qui est véritablement une bataille mondiale. Enfin, seul un consensus européen permettra de faire face aux mouvements accélérés de concentration qui chaque jour sont annoncés dans les secteurs de l'économie qui concernent le domaine culturel, en veillant particulièrement au respect des règles de la concurrence.
Circular - Vous avez déclaré qu'à côté de la politique des médias et du cinéma, le livre serait également un des axes majeurs de discussion sur le terrain européen.
C. Tasca - En effet, le livre est un élément essentiel d'une politique culturelle et notre politique de lecture publique est une grande réussite. C'est une avancée démocratique. Mais il faut discuter de la politique du livre car les Quinze n'ont pas une approche unie du sujet. Par ailleurs, je ne crois pas à la disparition de l'écrit mais je crois qu'il faut que nous nous battions ensemble pour l'aider à se maintenir face aux nouvelles technologies. Nous retrouvons à ce endroit la question du droit d'auteur que nous avons évoquée précédemment. Quant au prix du livre, l'un des points à traiter au niveau des Quinze est celui de la protection des systèmes nationaux. S'il n'est pas question pour nous d'imposer à quiconque le système dit " du prix unique " qui caractérise depuis pratiquement vingt ans notre politique du livre, nous voulons que l'Europe s'entende pour éviter les contournements des législations que les États se sont donnés. C'est l'un des enjeux de notre présidence.
Circular - Parmi les priorités que vous avez annoncées, vous avez également cité le développement au niveau international des échanges professionnels.
C. Tasca - En effet, c'est une priorité pour moi. Les échanges professionnels en matière de formation et d'expertise sont seuls capables d'enraciner fortement nos échanges artistiques. Les structures se réorganisent pour se mobiliser sur ces objectifs et dans ce contexte, l'AFAA est l'un de ces opérateurs privilégiés au service de la coopération artistique, du conseil et de la formation et de l'ingéniérie culturelle que notre ministère est capable, direction par direction, de mettre en uvre tant à l'échelle européenne qu'internationale.
Vous le voyez, les enjeux sont importants, les dossiers nombreux. Tous exigent notre vigilance et vous pouvez compter sur la mienne.
( Source http://www.culture.gouv.fr, le 3 juillet 2000)
Circular - - " La France existe pleinement, mais ne peut être séparée de l'Europe. ", a réaffirmé Lionel Jospin, premier Ministre français, lorsqu'il a présenté les orientations de la Présidence française de l'Union européenne à l'Assemblée nationale. Les six mois qui viennent vont donner l'occasion à la France de soutenir certains dossiers pour servir les objectifs fixés pour cette Présidence : " une Europe au service de la croissance et du plein emploi; une Europe plus proche des citoyens; une Europe plus efficace et plus forte. ".Ils vont également permettre à la France de promouvoir certaines idées qui lui sont chères.
Pour les lecteurs de Circular qui font votre connaissance, puisque vous n'êtes entrée en fonction que depuis le mois d'avril, pouvez-vous nous indiquer les dossiers sur lesquels vous avez particulièrement travaillé en prévision de la présidence française qui prend effet du 1er juillet au 31 décembre 2000 ?
C. Tasca - La France va prendre des initiatives et dans le domaine qui est le mien, soutien communautaire aux contenus de la société de l'information, développement au niveau international des échanges professionnels en matière de formation et d'expertise, intensification des efforts en faveur de la diversité culturelle, tels sont quelques-uns des dossiers que je compte défendre durant cette Présidence
Diversité culturelle chacun des thèmes que je viens d'évoquer est sous-tendu par la nécessité d'une vigilance accrue face à la mondialisation. Toutes les frontières s'ouvrant, les frontières culturelles peuvent parfois sembler se brouiller, de nouveaux enjeux se dessinent et nous devons définir, orienter, structurer les différentes composantes de ces brassages pour préserver et promouvoir la diversité culturelle.
Circular - L'article 151 du Traité d'Amsterdam précise bien que l'action communautaire est " respectueuse de la diversité culturelle ", mais il semble qu'il faille rappeler de façon permanente qu'il s'agit bien là d'une priorité et chaque " bataille " à mener, comme vous l'avez dit à propos des droits d'auteur face au copyright, devrait l'être avec tous les partenaires de l'Union rangés en rangs serrés. Est-ce toujours le cas ? et lorsque ce n'est pas le cas, trouvez-vous des alliés au-delà des Quinze ?
C. Tasca - La nouvelle Europe se construit peu à peu : édifice économique d'abord ; puis politique ; aujourd'hui, elle veut se faire plus culturelle. Nous souhaitons pour l'Europe qu'elle devienne un ensemble à la fois cohérent et divers. Une cohérence accrue pour l'aider à mieux relever les défis du développement économique, de la démocratie et des droits de l'homme. Une diversité clairement affirmée est indispensable pour promouvoir et partager tant de patrimoines linguistiques et culturels uniques. L'espoir est dans une Europe renforcée par le ciment de sa diversité culturelle.
Je vous rappelle que dans les négociations de Seattle, aujourd'hui suspendues, la position communautaire s'est montrée ferme, l'exception culturelle est devenue un préalable à l'ouverture de toute discussion. Il n'en demeure pas moins vrai que résistances et menaces au principe restent vives.
Circular - En matière de cinéma, les films produits par les pays de l'Union circulent peu au sein de l'Europe alors que le cinéma américain ne cesse d'accroître la place qu'il occupe sur nos écrans. Quelle solution envisagez-vous pour renverser ces tendances ?
C. Tasca - La solution n'est pas dans une production européenne mais dans l'affirmation de chaque culture nationale. Je compte donc défendre l'idée que le patrimoine constitué par la production originale de chaque pays de l'Union doit être accessible à l'ensemble des publics d'Europe. A cet égard, je m'attacherai à porter à un niveau significatif les moyens que l'Union européenne consacrera au programme Média Plus.
Circular - Piratage et contrefaçon préoccupent aussi bien votre administration que les auteurs. Quel est l'état de votre réflexion sur ces sujets ?
C. Tasca - L'une des premières choses à faire, c'est d'accélérer l'utilisation de procédés techniques limitant les risques de piratage. Ils sont très efficaces pour la musique ou l'image, mais beaucoup moins dans le cas des textes.
Il faut donc chercher d'autres solutions et le principe d'une rémunération pour toute réutilisation des contenus en ligne est à l'étude mais nous ne savons pas aujourd'hui s'il faut le faire éditeur par éditeur ou si les éditeurs dans leur ensemble doivent proposer un système commun. Je proposerai une réflexion sur ce thème à tous nos partenaires.
Je reviens un instant sur la question des contenus. Qu'il s'agisse du patrimoine cinématographique ou audiovisuel européen, je proposerai des mesures concrètes pour garantir un soutien communautaire aux contenus de la société de l'information : par exemple favoriser la numérisation, la valorisation et la diffusion de ces deux patrimoines ou bien assurer une adaptation linguistique des contenus européens pour encourager la circulation des oeuvres.
Le programme communautaire Média Plus est un enjeu crucial.
Les programmes français sont de plus en plus présents sur le plan international mais nos résultats à l'export sont encore insuffisants. Nous serons donc particulièrement attentifs sur ce point, d'autant plus que ces objectifs ne sont pas encore partagés par tous les partenaires de l'Union Il convient en effet de rester particulièrement vigilant sur le maintien d'un consensus européen.
Les négociations de l'OMC ont bien montré que ce maintien était indispensable pour la défense de la diversité culturelle de manière à éviter le démantèlement des divers systèmes de soutien à la production et à la diffusion de programmes audiovisuels européens. C'est vrai également pour la question " droits d'auteurs contre copyright " qui est véritablement une bataille mondiale. Enfin, seul un consensus européen permettra de faire face aux mouvements accélérés de concentration qui chaque jour sont annoncés dans les secteurs de l'économie qui concernent le domaine culturel, en veillant particulièrement au respect des règles de la concurrence.
Circular - Vous avez déclaré qu'à côté de la politique des médias et du cinéma, le livre serait également un des axes majeurs de discussion sur le terrain européen.
C. Tasca - En effet, le livre est un élément essentiel d'une politique culturelle et notre politique de lecture publique est une grande réussite. C'est une avancée démocratique. Mais il faut discuter de la politique du livre car les Quinze n'ont pas une approche unie du sujet. Par ailleurs, je ne crois pas à la disparition de l'écrit mais je crois qu'il faut que nous nous battions ensemble pour l'aider à se maintenir face aux nouvelles technologies. Nous retrouvons à ce endroit la question du droit d'auteur que nous avons évoquée précédemment. Quant au prix du livre, l'un des points à traiter au niveau des Quinze est celui de la protection des systèmes nationaux. S'il n'est pas question pour nous d'imposer à quiconque le système dit " du prix unique " qui caractérise depuis pratiquement vingt ans notre politique du livre, nous voulons que l'Europe s'entende pour éviter les contournements des législations que les États se sont donnés. C'est l'un des enjeux de notre présidence.
Circular - Parmi les priorités que vous avez annoncées, vous avez également cité le développement au niveau international des échanges professionnels.
C. Tasca - En effet, c'est une priorité pour moi. Les échanges professionnels en matière de formation et d'expertise sont seuls capables d'enraciner fortement nos échanges artistiques. Les structures se réorganisent pour se mobiliser sur ces objectifs et dans ce contexte, l'AFAA est l'un de ces opérateurs privilégiés au service de la coopération artistique, du conseil et de la formation et de l'ingéniérie culturelle que notre ministère est capable, direction par direction, de mettre en uvre tant à l'échelle européenne qu'internationale.
Vous le voyez, les enjeux sont importants, les dossiers nombreux. Tous exigent notre vigilance et vous pouvez compter sur la mienne.
( Source http://www.culture.gouv.fr, le 3 juillet 2000)