Texte intégral
Mesdames, Messieurs les Directeurs,
Ouvrir la réunion annuelle de programmation de nos établissements culturels, c'est un peu comme prendre le pouls de la France dans le monde.
Je le dis sans emphase, car c'est la réalité : nos établissement sont presque partout sur la planète. Ils sont une manifestation physique et emblématique de notre présence. Ce sont les supports de nos échanges ; le lieu où des communautés nationales rencontrent un peu de notre pays, le lieu d'où un jour, une opération intelligemment conçue reviendra vers nos compatriotes sous la forme d'une manifestation brillante, d'un double hommage à la culture de l'autre, et à la France, qui a su en reconnaître la valeur.
Ce travail, c'est le vôtre.
1. Je commencerai donc par vous livrer à grands traits les observations et questions qu'il m'inspire.
Il est aussi complexe que la carte culturelle du monde et les attentes de nos interlocuteurs.
Il est fragile parce que volatile, peu mesurable, fait de paris souvent heureux, mais aussi d'efforts sans lendemain, toujours dans l'incertitude et les aléas de la concurrence. Car il est des régions du monde où la France est une évidence. Il en est d'autres, plus nombreuses, où chacune de vos journées consiste à convaincre qu'elle existe et que ses ressources méritent d'être fréquentées.
Mais dans tous les cas de figure, il faut être sur le qui-vive : rien n'est jamais gagné.
Ce travail enfin, il est l'objet d'un débat de méthode et de fond constant. Car vous vivez, nous vivons, dans une série de paradoxes :
- Les relations culturelles ont une place traditionnellement privilégiée dans l'acte de coopération. C'est pourtant un domaine plus fragile que les autres et la tentation est toujours forte de le soumettre au coup de rabot budgétaire.
- Votre domaine d'activité joue constamment à cache cache avec le temps. Il n'y a pas de coopération linguistique qui réussisse sans un effort de long terme. Il n'y a pas non plus de projet culturel sérieux qui s'improvise. Et pourtant, vos missions sont brèves et l'action n'en est que plus menacée si vos établissements ne s'inscrivent pas dans la continuité. Et pourtant, l'initiative locale est multiple, spontanée, imprévisible, et vous ne pouvez répondre à tout, mais vous n'avez pas intérêt à décevoir non plus. Pôles de réussite, vous devez être réactifs mais vous devez aussi être des pôles de stabilité dans un cadre et un environnement éphémères voire impromptus.
- Et votre métier à un allié mais cet allié peut être trompeur dans une conjoncture de plus en plus contraignante : c'est l'espace.
Vous le savez, le trait caractéristique de la présence culturelle internationale de la France, c'est son ubiquité. Elle correspond à la vocation historique que notre pays a donnée à la diffusion culturelle. Elle obéit à un principe noble de présence et de respect également partagés. Et pourtant, la mondialisation étant ce qu'elle est, ses forces tirent la France, dont la position est objectivement relative, vers des choix. Tout étant priorité, il faut bien pour finir en élire quelques unes, plus fortes que les autres, sinon c'est l'insignifiance du saupoudrage. Il faut bien être présents là où l'enjeu de notre influence l'exige et y concentrer des moyens, sauf à admettre pour nous, demain de tragiques absences, et nous ne l'admettons pas.
Mais pour être présent, il faut être bon voire excellent sinon, c'est notre image même qui s'en trouve altérée, résultat inverse de celui que nous recherchons.
Le fait est que notre Coopération internationale fait face à un redoutable défi : comment maintenir là où il faut une présence culturelle intimement associée à une quête d'influence diplomatique, économique, politique, sans renier aucun de nos principes et sans manquer aucun des grands rendez-vous de l'avenir ? Comment tirer le plus grand bénéfice d'une présence de terrain et de proximité remarquable sans risquer d'y piéger l'action qui exige de constats redéploiements vers des formes de plus en plus virtuelles et variées d'échange et de présence ?
Certes, l'histoire récente de notre dispositif a montré, non sans douleur parfois, son aptitude à l'adaptation : il s'est tout à la fois rationalisé et mieux distribué, il s'est déconcentré, il est en voie localement de s'organiser en pôles plus intégrés pour combattre les déperditions. Il est enfin en train de se virtualiser de sorte que, pour reprendre l'image assez plaisante d'un de mes interlocuteurs d'Afrique, "nous ne fassions pas de l'auto-stop sur les autoroutes de l'information." Et puisque j'évoque l'Afrique, ce sera le dernier paradoxe : au moment où la DG reconcentrait son dispositif, l'ancien champ étoffait le sien : cette expansion était naturellement entraînée par une sorte d'ajustement de notre coopération, des constats de tous ordres sur lesquels je reviendrai, déplaçant en tout cas vers l'établissement culturel le centre de gravité de certaines de nos actions.
En résumé, et pour un tableau général qui n'est ni exhaustif ni particulièrement pessimiste, bien au contraire, j'ai le sentiment que notre Réseau n'a pas achevé sa mue, voire que le principe de réalité commande de mieux l'accompagner demain, dans cette métamorphose permanente.
Certains m'ont entendu m'interroger, en faisant la clôture du colloque de l'alliance française, sur ce terme du Réseau. C'est depuis longtemps le mot fétiche de la DG. Ce serait plutôt pour la Rue Monsieur le mistigri que lui a un peu laissé l'histoire, bien à tort du reste.
Ce désaccord culturel sur le mot, il faudra bien le dépasser : à vous de décider si l'inconvénient ne l'emporte pas sur l'avantage. Mais je reconnais volontiers qu'à l'époque de la toile ou du Net, le terme vous procure le bénéfice de la modernité.
Et la réforme que nous avons entreprise lui donnant à partir de maintenant son unité, il n'en est que plus actuel : vous en êtes dès à présent la vivante confirmation ;
2. La réforme, nous l'avons voulue pour une coopération et des échanges à vocation mondiale.
Car convenons-en : nous sommes présents partout dans le monde, mais cette présence relevait d'une conception dépassée du monde.
Elle le regardait avec des lunettes d'un autre âge : d'un côté le champ, périmètre hérité de la décolonisation, qu'une administration spécialisée, celle de la Rue Monsieur, a pendant près de quatre décennies accompagné pour que des Etats récemment indépendants accèdent progressivement à l'autonomie. Ils veulent maintenant autre chose, et c'est probablement le signe que nous n'avons pas si mal travaillé. Ils veulent être eux-mêmes et ils veulent être présents dans le monde. A nous de faire tomber des frontières qui n'ont plus de sens aujourd'hui.
De l'autre, une coopération dont la DG dans le monde entier avait la responsabilité. C'est un peu son âme, l'histoire de nos échanges culturels ayant partie liée avec celle de notre diplomatie.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler les difficultés que cette partition créait et que des tentatives de réforme, elles, inabouties, avaient pour objet depuis longtemps de dépasser. Pour nos établissements, elles se traduisaient par des cloisonnements de programmation qu'une mutualisation trop timide de l'offre proposée par l'AFAA tentait de corriger.
Surtout, le meilleur projet de Coopération impliquant une région ou même deux pays, n'avait de chance d'aboutir qu'au titre d'un parcours d'obstacles administratifs dont le résultat signalait l'héroïsme de l'initiative.
Quand enfin on sait que les échanges culturels, et la culture dans les pays en développement notamment, plus fragile qu'ailleurs, renvoient à des réflexions globales sur l'environnement des industries culturelles, sur des cadres juridiques et fiscaux plus concertés, sur des systèmes de protection des droits efficaces pour accompagner l'initiative, on voit la paralysie qui menaçait notre Coopération : des investissements souvent lourds dans les Etats ne résolvaient aucune de ces difficultés, et nos partenaires, malgré un soutien qui n'a pas d'égal, ne progressaient guère.
Certes, on me dira que je force le trait. Il n'en demeure pas moins qu'aucun de nos projets dans l'état actuel des choses n'offre de solution globale et d'envergure à ces problèmes, même si heureusement des progrès ont pu être faits contre les cloisonnements administratifs.
Au moment où l'intégration régionale ouvre l'espoir d'un développement plus rapide et constitue partout le cadre d'échanges propices à une meilleure valorisation des potentialités des pays membres ; au moment où la culture, hier le seul apanage de l'UNESCO, entre dans le champ d'intervention de grand bailleurs de fonds internationaux comme l'Union européenne, la Banque Mondiale, il n'était guère imaginable que la France attende, passive, que le fruit de son investissement sur la culture soit cueilli par d'autres.
Voilà, pour les activités qui vous concernent, le sens de la réforme.
Il n'était pas question qu'à la décision du Premier ministre, annoncée en janvier dernier dans son principe et son cadre général, correspondent des demi- mesures, ne réglant qu'optiquement les problèmes en donnant le sentiment fort improbable, et de toute façon éphémère, de n'avoir pas brusqué les structures et les cultures de nos deux administrations.
C'est ce qui nous a résolus, Hubert Védrine et moi-même à rejeter une organisation administrative géographique fondée sur le seul PIB des pays avec lesquels nous échangeons et coopérons.
Nous lui avons préféré au contraire une structure très intégrée, épousant par des directions fonctionnelles fortes, professionnelles, les grands enjeux du monde actuel. Nous avons enfin souhaité que ce vaste ensemble fût coordonné par une direction capable de faire la synthèse entre priorités géographiques et priorités sectorielles, pour que notre coopération garde sa cohérence et son cap. La justification chaque année plus contraignante des budgets exigeait aussi que cette direction pût rassembler la programmation, la rendre lisible. Cette lisibilité dépendant beaucoup du jugement qu'on peut porter sur les programmes, c'est cette direction enfin qui a la charge de les évaluer.
Mais les synthèses et les arbitrages n'ont de contenu que politique. Quatre grands champs d'intervention sont ici visés. Ils déclinent une capacité à traiter la demande de coopération qui s'exprime en toutes situations. Ils se distribuent ensuite en autant de compétences qu'il faut pour nuancer et adapter l'offre française :
- le développement et la coopération technique
- la coopération culturelle et le français
- les échanges universitaires et la recherche
- enfin, l'audiovisuel extérieur et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, deux domaines étroitement liés, deux priorités de la France, reformulée cette année par le ministre des Affaires étrangères, pour la première, désormais articulée dans un plan gouvernemental pour la seconde, ainsi que Lionel Jospin en avait fait l'annonce en août 1997 à Hourtin.
Vous vous souvenez peut être que le Premier ministre avait souhaité la création d'une zone de solidarité prioritaire qui puisse identifier des moyens importants et concertés en direction des pays les plus démunis, ceux par exemple qui ont des difficultés à accéder aux marchés des capitaux. C'est à sa décision, en conseil interministériel de la Coopération internationale et du développement, que le périmètre de cette zone est remis. La future DGCID en formulera la traduction budgétaire, les programmes veilleront à leur articulation avec les interventions d'autres grands ministères techniques. Car c'est aussi ce conseil qui a vocation à évaluer notre Coopération internationale et les résultats de notre aide publique au développement.
Comme enfin l'effet attendu de cette réforme est de concentrer l'administration sur ces grandes tâches de conception, de programmation, d'évaluation, la DGCID est un instrument conçu pour mobiliser davantage la société civile sur notre coopération et pour déléguer plus d'actions à des opérateurs spécialisés.
3. Je m'attarderai sur ces deux points de méthode.
Quant au premier, une mission de la coopération non gouvernementale conduira le dialogue avec les collectivités locales et territoriales dont vous connaissez le poids à l'international et dont l'AFAA, par exemple, a su astucieusement se rapprocher. Elle traitera également avec les organisations non gouvernementales dont l'apport doit mieux enrichir encore notre présence à l'international.
Quant au second point : la pratique de la délégation n'est pas dans la tradition administrative française un acte spontané. On comprend mieux aujourd'hui qu'un Etat plus concentré sur ses politiques, ne puisse en même temps être opérateur sur tout. Et que la variété des initiatives exige en contrepartie une spécialisation beaucoup plus pointue des guichets auxquels elles s'adressent.
Je m'arrêterai quelques instants pour vous rendre attentifs aux conséquences prochaines que cela emportera pour vous.
Un réseau vivant fait circuler l'influx que lui procure chacun de ses éléments. Mais il lui faut bien quelque part un coeur qui lui donne son rythme, sa ressource, l'image n'ayant de valeur que pour souligner la triple vocation de nos établissements : concevoir et partager voire mutualiser, sur la base des meilleures initiatives et dans des programmes de Coopération de plus en plus disponibles à la demande locale ; offrir ce que nous avons de plus adapté dans la création et l'ingénierie culturelle françaises pour que les projets soient les plus réussis possibles ; savoir enfin garder à la France dans le monde son identité et la place que lui autorise sa créativité par une activité d'exportation de produits qui sachent toucher leurs destinataires, je pèse mes mots, quelque forme que prenne cette offre et vous le savez, le spectre est large : de l'image au spectacle vivant, de la grande conférence scientifique aux produits numérisés, d'une action bien ciblée dans un programme de prévention à toutes celles qui valorisent notre écrit, littéraire ou documentaire, c'est un spectre dont vous saisissez par métier chacune des nuances.
Il n'appartiendra pas à la direction de la Coopération culturelle et du français de répondre directement à toutes vos demandes et du reste, ce n'est plus exactement le cas, et encore moins à la DG qu'à la direction du développement.
Cette nouvelle direction sera donc votre interlocuteur mais pour quoi ?
- Elle comprendra, au sens propre, le réseau dans son ensemble et devra savoir proposer des orientations, un cadre de travail, sur la base de vos analyses et je tiens à cette démarche participative car il n'y a pas de cadre de politique qu'on comprenne, qu'on respecte sans y avoir été associé; en retour elle aura pour mission d'aider à vous répondre de la façon la plus riche et la plus ouverte possible. Chef de file de la DGCID pour gérer votre réseau, elle sera ainsi votre relais pour que la ressource des autres directions vous parvienne et coordonnera les questions transversales qui vous touchent : audiovisuel, nouvelles technologies, l'enseignement du français selon qu'on est en ZSP ou ailleurs, pratiques de formation lorsque les échanges universitaires ont à en connaître.
Car la culture n'a pas de frontières, seuls comptent les cibles, le choix des actions, le pronostic sur le bénéfice qu'elles procureront. Et là, je tiens beaucoup à ce que des indicateurs simples, pratiques, nous permettent de mieux apprécier les modes de fonctionnement et les effets réels de nos actions.
- et puis elle passera des commandes à des opérateurs qui vous accompagneront dans la réalisation de vos projets.
En fait cette pratique existe déjà, c'est le rôle de l'AFAA, et c'est le rôle, Rue Monsieur, des associations qui, dans la mouvance de notre coopération au développement ont développé des savoir faire sur le livre et l'écrit, l'image, l'information documentaire ou le spectacle vivant. En 1990, un concept est né qui préfigurait cette nouvelle éthique et cette nouvelle pratique de coopération culturelle avec le Sud et l'Afrique en particulier : ce fut "Afrique en Créations", dépositaire à son origine du concept de culture au développement.
Je me suis vite rendu compte que nous ne pouvions aborder cette réforme sans nous interroger sur l'efficacité d'opérateurs associatifs dispersés, faisant bien leur travail mais trop faibles, chacun dans leur domaine, pour traiter des projets et des événements de plus en plus globaux. Leur taille critique était notoirement insuffisante pour offrir à notre Coopération un cadre de mobilisation efficace de financements extérieurs significatifs et durables.
Et pourtant ces opérateurs spécifiques de coopération culturelle au développement ont un rôle considérable à jouer.
Pour faire image je ferai un rapide détour par un projet important qui s'inscrit au répertoire des manifestations de l'an 2000, et mobilise dès maintenant, mon cabinet et mes services : il prévoit un événement important autour de l'Afrique en France cette année-là, en forme de bilan et de perspectives, nous offrant la représentation d'un continent, dans son ensemble et sous l'angle de toutes ses potentialités, de toute sa réalité d'aujourd'hui : culturelle, sociale et humaine, économique, politique enfin. Naturellement, il entrera en résonance avec d'autres projets du même type que certains de nos partenaires européens conçoivent aussi, en Allemagne, au Portugal, en Italie par exemple. Car l'Afrique en France, c'est aussi l'Afrique en Europe. Cet événement, en quelque sorte, devra jouer un rôle de truchement.
Comment traiter un pareil événement, que nous monterons avec Lille et sa région, sans nous appuyer sur un opérateur efficace donc rassemblé, généraliste, polyvalent mais de haute compétence, capable lui-même, par métier de mobiliser autour de lui les ressources, les idées nécessaires, et de les mettre en musique ? Car vous le voyez bien, la culture ici est d'abord conception de l'événement, représentation des choses, mise en acte, communication. Au-delà, ses ressources lui viennent de tous les domaines d'activité de notre coopération auxquels elle prêtera une forme pour leur donner leur sens.
C'est un formidable défi, et combien intéressant, combien significatif pour illustrer une façon contemporaine de nous inscrire dans une relation partenariale renouvelée avec une des parties du monde qui nous est le plus liée pour toutes sortes de raisons.
Je reviens à mes opérateurs.
Je n'ai aucun doute sur le fait que notre ministère devra cheminer vers une capacité d'action fédératrice de nos ressources actuelles. Mais je n'ai aucun doute non plus sur le fait que ce n'est pas d'un coup de baguette magique qu'on y parviendra. Nous nous fixons cet horizon mais nous y parviendrons en respectant l'identité des cultures, des pratiques de nos associations, et aussi des attentes auxquelles il nous faut répondre.
Cela veut dire que l'AFAA, opérateur principal pour l'actuelle DG et, je le note, sur quelques opérations très réussies avec la direction du développement, constitue un instrument incomparable de mobilisation de l'offre française et de plus en plus, de coopération. Mais qu'elle devra, dans le cadre d'une politique culturelle à rebâtir, actualiser, affiner et valider par la direction compétente, rassembler ses forces autour d'un projet, qu'elle réclame du reste, et qui nous mobilisera ces prochains mois.
Et cela veut dire qu'autour du concept de culture au développement, plus spécifique à la zone de solidarité prioritaire, "Afrique en Créations" et les autres associations dont j'ai parlé doivent également concentrer leur potentiel dans le cadre d'une politique de Coopération culturelle que la direction du développement a pour partie restructurée cette année, avec le précieux concours de collègues du ministère de la Culture.
Mais je n'ai aucun doute enfin sur le fait qu'à l'image d'une DGCID unique, intégrée sur le refus de frontières géographiques étanches, ces deux pôles devront avancer dans une complémentarité chaque jour plus étroite, dans une réunion de leurs ressources chaque jour plus intelligente, jusqu'à converger le moment venu vers une capacité réunie, à bonne distance de l'administration de tutelle, et à bonne taille pour donner à notre coopération internationale l'instrument dont nous avons besoin : héritier de tous nos savoir faire, assez structuré pour inspirer confiance à l'extérieur, pour ceux qui voudront en utiliser la capacité d'intervention, suffisamment souple pourtant afin de ne pas encadrer les initiatives prises mais les démultiplier.
Il nous faut un opérateur de confiance, dans un domaine de haute influence pour notre pays.
Je n'irai pas plus loin aujourd'hui sur ce point : c'est l'horizon et c'est la méthode à grands traits. Quant aux modalités pratiques, je les étudie et le directeur général de la future DGCID me fera des propositions très concrètes, très précises dans de brefs délais. Ce dossier lui tient à coeur, nous ne tarderons pas, soyez en sûr.
4. Je terminerai rapidement ce tour d'horizon par la conception que j'ai de l'établissement, de son rôle, de son fonctionnement, de sa relation avec l'administration centrale.
Chacun de nos établissements est un maillon du réseau. C'est là qu'il prend son sens. Mais chacun a son autonomie pour que ce réseau soit au diapason de la réalité. Instrument de la déconcentration, donc de l'initiative intelligemment encadrée, l'autonomie est la force des établissements, c'est au fond la vitalité de notre réseau.
Nous l'approfondirons donc en faisant le point sur toutes les mesures que les réformes successives de la DG et de la direction du développement ont apportées à ce principe. Mais l'expression aussi libre de cette diversité commande que nous soyons aussi précis que possible, je n'ai pas dit contraignants, j'ai dit précis, pour être efficaces, sur des modalités contractuelles qui renforcent la capacité de l'administration centrale à comprendre, servir les postes, évaluer leurs résultats, mais qui vous renforcent corollairement dans votre capacité de conception, d'opération, de prise de risque.
Sans doute la DG est elle allée plus loin que la DEV dans ce sens, en faveur des établissements. Mais c'est parce que nos missions de coopération jouissent déjà d'une grande autonomie pour encadrer nos centres et nos alliances.
Il y a à prendre des deux côtés : plus de capacités d'opération et donc de Coopération pour les centres Rue Monsieur afin que les services de coopération se concentrent davantage sur le cadre de la politique culturelle locale. Plus d'intégration de l'activité de Coopération culturelle au sens large à la DG, en développant, sous bénéfice d'inventaire afin de tirer la meilleure partie de l'expérience avant généralisation, l'autonomie dont jouissent les centres pilotes qu'on y a transformés.
Mais dans tous les cas de figure, j'insisterai sur le projet culturel des postes. C'est un exercice, je le sais, autrement plus délicat que lorsqu'on traite du développement humain ou économique, ce qui n'est déjà pas commode. Mais comment garder une influence, comment augmenter notre crédit, comment figurer dans une offre de plus en plus concurrentielle si dans le moyen terme, sur des projets choisis, cohérents, sur des événements durablement marquants on ne fixe pas son attention ? Comment prouver notre identité, comment, pour faire image encore, convaincre de notre plus value si l'on est dans le saupoudrage ? Je sais que ces remarques sont dures pour les postes qui disposent de peu de moyens mais je tiens que pour eux plus que pour les autres encore, la concentration est un gage de conviction.
Dans votre domaine, la réussite est éphémère si elle n'est que séduction. Mais la séduction l'emporte si elle sait se fixer sur des décisions convaincantes, pas nécessairement brillantes mais qui laissent longtemps une trace de savoir faire français.
Ce projet culturel, il a aussi pour objet de vous faire connaître, de vous faire entrer en dialogue avec le milieu dans lequel vous évoluez. Il doit donc être le fruit d'une concertation, non pas un papier de communication mais l'énoncé d'une pratique réelle de communication, qui montre qui nous sommes, quelles sont nos perspectives, comment nous les conduisons. Nous pouvons avoir pignon sur rue, mais à quoi bon si la porte semble trop close, si nos propositions ne sont pas d'abord le produit d'une écoute ?
Permettez ces impressions un peu libres, mais elles sont le signe de ce que nous recherchons toujours davantage d'efficacité certes, mais toujours plus de disponibilité partout où nous sommes. Profil difficile me direz-vous ? Il passe peut être par des efforts accrus d'animation, de management de notre réseau. J'y veillerai. Mais je n'ai aucune crainte, le dispositif de ce côté-là est déjà très solide.
Ce profil, c'est celui d'une France qui gagne ; il nous a émerveillés, confondus au Grand Stade, il y a peu. Faisons-le nôtre. C'est celui que le monde apprécie, et il l'a montré sans nous compter son enthousiasme. Alors, allons-y.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
Ouvrir la réunion annuelle de programmation de nos établissements culturels, c'est un peu comme prendre le pouls de la France dans le monde.
Je le dis sans emphase, car c'est la réalité : nos établissement sont presque partout sur la planète. Ils sont une manifestation physique et emblématique de notre présence. Ce sont les supports de nos échanges ; le lieu où des communautés nationales rencontrent un peu de notre pays, le lieu d'où un jour, une opération intelligemment conçue reviendra vers nos compatriotes sous la forme d'une manifestation brillante, d'un double hommage à la culture de l'autre, et à la France, qui a su en reconnaître la valeur.
Ce travail, c'est le vôtre.
1. Je commencerai donc par vous livrer à grands traits les observations et questions qu'il m'inspire.
Il est aussi complexe que la carte culturelle du monde et les attentes de nos interlocuteurs.
Il est fragile parce que volatile, peu mesurable, fait de paris souvent heureux, mais aussi d'efforts sans lendemain, toujours dans l'incertitude et les aléas de la concurrence. Car il est des régions du monde où la France est une évidence. Il en est d'autres, plus nombreuses, où chacune de vos journées consiste à convaincre qu'elle existe et que ses ressources méritent d'être fréquentées.
Mais dans tous les cas de figure, il faut être sur le qui-vive : rien n'est jamais gagné.
Ce travail enfin, il est l'objet d'un débat de méthode et de fond constant. Car vous vivez, nous vivons, dans une série de paradoxes :
- Les relations culturelles ont une place traditionnellement privilégiée dans l'acte de coopération. C'est pourtant un domaine plus fragile que les autres et la tentation est toujours forte de le soumettre au coup de rabot budgétaire.
- Votre domaine d'activité joue constamment à cache cache avec le temps. Il n'y a pas de coopération linguistique qui réussisse sans un effort de long terme. Il n'y a pas non plus de projet culturel sérieux qui s'improvise. Et pourtant, vos missions sont brèves et l'action n'en est que plus menacée si vos établissements ne s'inscrivent pas dans la continuité. Et pourtant, l'initiative locale est multiple, spontanée, imprévisible, et vous ne pouvez répondre à tout, mais vous n'avez pas intérêt à décevoir non plus. Pôles de réussite, vous devez être réactifs mais vous devez aussi être des pôles de stabilité dans un cadre et un environnement éphémères voire impromptus.
- Et votre métier à un allié mais cet allié peut être trompeur dans une conjoncture de plus en plus contraignante : c'est l'espace.
Vous le savez, le trait caractéristique de la présence culturelle internationale de la France, c'est son ubiquité. Elle correspond à la vocation historique que notre pays a donnée à la diffusion culturelle. Elle obéit à un principe noble de présence et de respect également partagés. Et pourtant, la mondialisation étant ce qu'elle est, ses forces tirent la France, dont la position est objectivement relative, vers des choix. Tout étant priorité, il faut bien pour finir en élire quelques unes, plus fortes que les autres, sinon c'est l'insignifiance du saupoudrage. Il faut bien être présents là où l'enjeu de notre influence l'exige et y concentrer des moyens, sauf à admettre pour nous, demain de tragiques absences, et nous ne l'admettons pas.
Mais pour être présent, il faut être bon voire excellent sinon, c'est notre image même qui s'en trouve altérée, résultat inverse de celui que nous recherchons.
Le fait est que notre Coopération internationale fait face à un redoutable défi : comment maintenir là où il faut une présence culturelle intimement associée à une quête d'influence diplomatique, économique, politique, sans renier aucun de nos principes et sans manquer aucun des grands rendez-vous de l'avenir ? Comment tirer le plus grand bénéfice d'une présence de terrain et de proximité remarquable sans risquer d'y piéger l'action qui exige de constats redéploiements vers des formes de plus en plus virtuelles et variées d'échange et de présence ?
Certes, l'histoire récente de notre dispositif a montré, non sans douleur parfois, son aptitude à l'adaptation : il s'est tout à la fois rationalisé et mieux distribué, il s'est déconcentré, il est en voie localement de s'organiser en pôles plus intégrés pour combattre les déperditions. Il est enfin en train de se virtualiser de sorte que, pour reprendre l'image assez plaisante d'un de mes interlocuteurs d'Afrique, "nous ne fassions pas de l'auto-stop sur les autoroutes de l'information." Et puisque j'évoque l'Afrique, ce sera le dernier paradoxe : au moment où la DG reconcentrait son dispositif, l'ancien champ étoffait le sien : cette expansion était naturellement entraînée par une sorte d'ajustement de notre coopération, des constats de tous ordres sur lesquels je reviendrai, déplaçant en tout cas vers l'établissement culturel le centre de gravité de certaines de nos actions.
En résumé, et pour un tableau général qui n'est ni exhaustif ni particulièrement pessimiste, bien au contraire, j'ai le sentiment que notre Réseau n'a pas achevé sa mue, voire que le principe de réalité commande de mieux l'accompagner demain, dans cette métamorphose permanente.
Certains m'ont entendu m'interroger, en faisant la clôture du colloque de l'alliance française, sur ce terme du Réseau. C'est depuis longtemps le mot fétiche de la DG. Ce serait plutôt pour la Rue Monsieur le mistigri que lui a un peu laissé l'histoire, bien à tort du reste.
Ce désaccord culturel sur le mot, il faudra bien le dépasser : à vous de décider si l'inconvénient ne l'emporte pas sur l'avantage. Mais je reconnais volontiers qu'à l'époque de la toile ou du Net, le terme vous procure le bénéfice de la modernité.
Et la réforme que nous avons entreprise lui donnant à partir de maintenant son unité, il n'en est que plus actuel : vous en êtes dès à présent la vivante confirmation ;
2. La réforme, nous l'avons voulue pour une coopération et des échanges à vocation mondiale.
Car convenons-en : nous sommes présents partout dans le monde, mais cette présence relevait d'une conception dépassée du monde.
Elle le regardait avec des lunettes d'un autre âge : d'un côté le champ, périmètre hérité de la décolonisation, qu'une administration spécialisée, celle de la Rue Monsieur, a pendant près de quatre décennies accompagné pour que des Etats récemment indépendants accèdent progressivement à l'autonomie. Ils veulent maintenant autre chose, et c'est probablement le signe que nous n'avons pas si mal travaillé. Ils veulent être eux-mêmes et ils veulent être présents dans le monde. A nous de faire tomber des frontières qui n'ont plus de sens aujourd'hui.
De l'autre, une coopération dont la DG dans le monde entier avait la responsabilité. C'est un peu son âme, l'histoire de nos échanges culturels ayant partie liée avec celle de notre diplomatie.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler les difficultés que cette partition créait et que des tentatives de réforme, elles, inabouties, avaient pour objet depuis longtemps de dépasser. Pour nos établissements, elles se traduisaient par des cloisonnements de programmation qu'une mutualisation trop timide de l'offre proposée par l'AFAA tentait de corriger.
Surtout, le meilleur projet de Coopération impliquant une région ou même deux pays, n'avait de chance d'aboutir qu'au titre d'un parcours d'obstacles administratifs dont le résultat signalait l'héroïsme de l'initiative.
Quand enfin on sait que les échanges culturels, et la culture dans les pays en développement notamment, plus fragile qu'ailleurs, renvoient à des réflexions globales sur l'environnement des industries culturelles, sur des cadres juridiques et fiscaux plus concertés, sur des systèmes de protection des droits efficaces pour accompagner l'initiative, on voit la paralysie qui menaçait notre Coopération : des investissements souvent lourds dans les Etats ne résolvaient aucune de ces difficultés, et nos partenaires, malgré un soutien qui n'a pas d'égal, ne progressaient guère.
Certes, on me dira que je force le trait. Il n'en demeure pas moins qu'aucun de nos projets dans l'état actuel des choses n'offre de solution globale et d'envergure à ces problèmes, même si heureusement des progrès ont pu être faits contre les cloisonnements administratifs.
Au moment où l'intégration régionale ouvre l'espoir d'un développement plus rapide et constitue partout le cadre d'échanges propices à une meilleure valorisation des potentialités des pays membres ; au moment où la culture, hier le seul apanage de l'UNESCO, entre dans le champ d'intervention de grand bailleurs de fonds internationaux comme l'Union européenne, la Banque Mondiale, il n'était guère imaginable que la France attende, passive, que le fruit de son investissement sur la culture soit cueilli par d'autres.
Voilà, pour les activités qui vous concernent, le sens de la réforme.
Il n'était pas question qu'à la décision du Premier ministre, annoncée en janvier dernier dans son principe et son cadre général, correspondent des demi- mesures, ne réglant qu'optiquement les problèmes en donnant le sentiment fort improbable, et de toute façon éphémère, de n'avoir pas brusqué les structures et les cultures de nos deux administrations.
C'est ce qui nous a résolus, Hubert Védrine et moi-même à rejeter une organisation administrative géographique fondée sur le seul PIB des pays avec lesquels nous échangeons et coopérons.
Nous lui avons préféré au contraire une structure très intégrée, épousant par des directions fonctionnelles fortes, professionnelles, les grands enjeux du monde actuel. Nous avons enfin souhaité que ce vaste ensemble fût coordonné par une direction capable de faire la synthèse entre priorités géographiques et priorités sectorielles, pour que notre coopération garde sa cohérence et son cap. La justification chaque année plus contraignante des budgets exigeait aussi que cette direction pût rassembler la programmation, la rendre lisible. Cette lisibilité dépendant beaucoup du jugement qu'on peut porter sur les programmes, c'est cette direction enfin qui a la charge de les évaluer.
Mais les synthèses et les arbitrages n'ont de contenu que politique. Quatre grands champs d'intervention sont ici visés. Ils déclinent une capacité à traiter la demande de coopération qui s'exprime en toutes situations. Ils se distribuent ensuite en autant de compétences qu'il faut pour nuancer et adapter l'offre française :
- le développement et la coopération technique
- la coopération culturelle et le français
- les échanges universitaires et la recherche
- enfin, l'audiovisuel extérieur et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, deux domaines étroitement liés, deux priorités de la France, reformulée cette année par le ministre des Affaires étrangères, pour la première, désormais articulée dans un plan gouvernemental pour la seconde, ainsi que Lionel Jospin en avait fait l'annonce en août 1997 à Hourtin.
Vous vous souvenez peut être que le Premier ministre avait souhaité la création d'une zone de solidarité prioritaire qui puisse identifier des moyens importants et concertés en direction des pays les plus démunis, ceux par exemple qui ont des difficultés à accéder aux marchés des capitaux. C'est à sa décision, en conseil interministériel de la Coopération internationale et du développement, que le périmètre de cette zone est remis. La future DGCID en formulera la traduction budgétaire, les programmes veilleront à leur articulation avec les interventions d'autres grands ministères techniques. Car c'est aussi ce conseil qui a vocation à évaluer notre Coopération internationale et les résultats de notre aide publique au développement.
Comme enfin l'effet attendu de cette réforme est de concentrer l'administration sur ces grandes tâches de conception, de programmation, d'évaluation, la DGCID est un instrument conçu pour mobiliser davantage la société civile sur notre coopération et pour déléguer plus d'actions à des opérateurs spécialisés.
3. Je m'attarderai sur ces deux points de méthode.
Quant au premier, une mission de la coopération non gouvernementale conduira le dialogue avec les collectivités locales et territoriales dont vous connaissez le poids à l'international et dont l'AFAA, par exemple, a su astucieusement se rapprocher. Elle traitera également avec les organisations non gouvernementales dont l'apport doit mieux enrichir encore notre présence à l'international.
Quant au second point : la pratique de la délégation n'est pas dans la tradition administrative française un acte spontané. On comprend mieux aujourd'hui qu'un Etat plus concentré sur ses politiques, ne puisse en même temps être opérateur sur tout. Et que la variété des initiatives exige en contrepartie une spécialisation beaucoup plus pointue des guichets auxquels elles s'adressent.
Je m'arrêterai quelques instants pour vous rendre attentifs aux conséquences prochaines que cela emportera pour vous.
Un réseau vivant fait circuler l'influx que lui procure chacun de ses éléments. Mais il lui faut bien quelque part un coeur qui lui donne son rythme, sa ressource, l'image n'ayant de valeur que pour souligner la triple vocation de nos établissements : concevoir et partager voire mutualiser, sur la base des meilleures initiatives et dans des programmes de Coopération de plus en plus disponibles à la demande locale ; offrir ce que nous avons de plus adapté dans la création et l'ingénierie culturelle françaises pour que les projets soient les plus réussis possibles ; savoir enfin garder à la France dans le monde son identité et la place que lui autorise sa créativité par une activité d'exportation de produits qui sachent toucher leurs destinataires, je pèse mes mots, quelque forme que prenne cette offre et vous le savez, le spectre est large : de l'image au spectacle vivant, de la grande conférence scientifique aux produits numérisés, d'une action bien ciblée dans un programme de prévention à toutes celles qui valorisent notre écrit, littéraire ou documentaire, c'est un spectre dont vous saisissez par métier chacune des nuances.
Il n'appartiendra pas à la direction de la Coopération culturelle et du français de répondre directement à toutes vos demandes et du reste, ce n'est plus exactement le cas, et encore moins à la DG qu'à la direction du développement.
Cette nouvelle direction sera donc votre interlocuteur mais pour quoi ?
- Elle comprendra, au sens propre, le réseau dans son ensemble et devra savoir proposer des orientations, un cadre de travail, sur la base de vos analyses et je tiens à cette démarche participative car il n'y a pas de cadre de politique qu'on comprenne, qu'on respecte sans y avoir été associé; en retour elle aura pour mission d'aider à vous répondre de la façon la plus riche et la plus ouverte possible. Chef de file de la DGCID pour gérer votre réseau, elle sera ainsi votre relais pour que la ressource des autres directions vous parvienne et coordonnera les questions transversales qui vous touchent : audiovisuel, nouvelles technologies, l'enseignement du français selon qu'on est en ZSP ou ailleurs, pratiques de formation lorsque les échanges universitaires ont à en connaître.
Car la culture n'a pas de frontières, seuls comptent les cibles, le choix des actions, le pronostic sur le bénéfice qu'elles procureront. Et là, je tiens beaucoup à ce que des indicateurs simples, pratiques, nous permettent de mieux apprécier les modes de fonctionnement et les effets réels de nos actions.
- et puis elle passera des commandes à des opérateurs qui vous accompagneront dans la réalisation de vos projets.
En fait cette pratique existe déjà, c'est le rôle de l'AFAA, et c'est le rôle, Rue Monsieur, des associations qui, dans la mouvance de notre coopération au développement ont développé des savoir faire sur le livre et l'écrit, l'image, l'information documentaire ou le spectacle vivant. En 1990, un concept est né qui préfigurait cette nouvelle éthique et cette nouvelle pratique de coopération culturelle avec le Sud et l'Afrique en particulier : ce fut "Afrique en Créations", dépositaire à son origine du concept de culture au développement.
Je me suis vite rendu compte que nous ne pouvions aborder cette réforme sans nous interroger sur l'efficacité d'opérateurs associatifs dispersés, faisant bien leur travail mais trop faibles, chacun dans leur domaine, pour traiter des projets et des événements de plus en plus globaux. Leur taille critique était notoirement insuffisante pour offrir à notre Coopération un cadre de mobilisation efficace de financements extérieurs significatifs et durables.
Et pourtant ces opérateurs spécifiques de coopération culturelle au développement ont un rôle considérable à jouer.
Pour faire image je ferai un rapide détour par un projet important qui s'inscrit au répertoire des manifestations de l'an 2000, et mobilise dès maintenant, mon cabinet et mes services : il prévoit un événement important autour de l'Afrique en France cette année-là, en forme de bilan et de perspectives, nous offrant la représentation d'un continent, dans son ensemble et sous l'angle de toutes ses potentialités, de toute sa réalité d'aujourd'hui : culturelle, sociale et humaine, économique, politique enfin. Naturellement, il entrera en résonance avec d'autres projets du même type que certains de nos partenaires européens conçoivent aussi, en Allemagne, au Portugal, en Italie par exemple. Car l'Afrique en France, c'est aussi l'Afrique en Europe. Cet événement, en quelque sorte, devra jouer un rôle de truchement.
Comment traiter un pareil événement, que nous monterons avec Lille et sa région, sans nous appuyer sur un opérateur efficace donc rassemblé, généraliste, polyvalent mais de haute compétence, capable lui-même, par métier de mobiliser autour de lui les ressources, les idées nécessaires, et de les mettre en musique ? Car vous le voyez bien, la culture ici est d'abord conception de l'événement, représentation des choses, mise en acte, communication. Au-delà, ses ressources lui viennent de tous les domaines d'activité de notre coopération auxquels elle prêtera une forme pour leur donner leur sens.
C'est un formidable défi, et combien intéressant, combien significatif pour illustrer une façon contemporaine de nous inscrire dans une relation partenariale renouvelée avec une des parties du monde qui nous est le plus liée pour toutes sortes de raisons.
Je reviens à mes opérateurs.
Je n'ai aucun doute sur le fait que notre ministère devra cheminer vers une capacité d'action fédératrice de nos ressources actuelles. Mais je n'ai aucun doute non plus sur le fait que ce n'est pas d'un coup de baguette magique qu'on y parviendra. Nous nous fixons cet horizon mais nous y parviendrons en respectant l'identité des cultures, des pratiques de nos associations, et aussi des attentes auxquelles il nous faut répondre.
Cela veut dire que l'AFAA, opérateur principal pour l'actuelle DG et, je le note, sur quelques opérations très réussies avec la direction du développement, constitue un instrument incomparable de mobilisation de l'offre française et de plus en plus, de coopération. Mais qu'elle devra, dans le cadre d'une politique culturelle à rebâtir, actualiser, affiner et valider par la direction compétente, rassembler ses forces autour d'un projet, qu'elle réclame du reste, et qui nous mobilisera ces prochains mois.
Et cela veut dire qu'autour du concept de culture au développement, plus spécifique à la zone de solidarité prioritaire, "Afrique en Créations" et les autres associations dont j'ai parlé doivent également concentrer leur potentiel dans le cadre d'une politique de Coopération culturelle que la direction du développement a pour partie restructurée cette année, avec le précieux concours de collègues du ministère de la Culture.
Mais je n'ai aucun doute enfin sur le fait qu'à l'image d'une DGCID unique, intégrée sur le refus de frontières géographiques étanches, ces deux pôles devront avancer dans une complémentarité chaque jour plus étroite, dans une réunion de leurs ressources chaque jour plus intelligente, jusqu'à converger le moment venu vers une capacité réunie, à bonne distance de l'administration de tutelle, et à bonne taille pour donner à notre coopération internationale l'instrument dont nous avons besoin : héritier de tous nos savoir faire, assez structuré pour inspirer confiance à l'extérieur, pour ceux qui voudront en utiliser la capacité d'intervention, suffisamment souple pourtant afin de ne pas encadrer les initiatives prises mais les démultiplier.
Il nous faut un opérateur de confiance, dans un domaine de haute influence pour notre pays.
Je n'irai pas plus loin aujourd'hui sur ce point : c'est l'horizon et c'est la méthode à grands traits. Quant aux modalités pratiques, je les étudie et le directeur général de la future DGCID me fera des propositions très concrètes, très précises dans de brefs délais. Ce dossier lui tient à coeur, nous ne tarderons pas, soyez en sûr.
4. Je terminerai rapidement ce tour d'horizon par la conception que j'ai de l'établissement, de son rôle, de son fonctionnement, de sa relation avec l'administration centrale.
Chacun de nos établissements est un maillon du réseau. C'est là qu'il prend son sens. Mais chacun a son autonomie pour que ce réseau soit au diapason de la réalité. Instrument de la déconcentration, donc de l'initiative intelligemment encadrée, l'autonomie est la force des établissements, c'est au fond la vitalité de notre réseau.
Nous l'approfondirons donc en faisant le point sur toutes les mesures que les réformes successives de la DG et de la direction du développement ont apportées à ce principe. Mais l'expression aussi libre de cette diversité commande que nous soyons aussi précis que possible, je n'ai pas dit contraignants, j'ai dit précis, pour être efficaces, sur des modalités contractuelles qui renforcent la capacité de l'administration centrale à comprendre, servir les postes, évaluer leurs résultats, mais qui vous renforcent corollairement dans votre capacité de conception, d'opération, de prise de risque.
Sans doute la DG est elle allée plus loin que la DEV dans ce sens, en faveur des établissements. Mais c'est parce que nos missions de coopération jouissent déjà d'une grande autonomie pour encadrer nos centres et nos alliances.
Il y a à prendre des deux côtés : plus de capacités d'opération et donc de Coopération pour les centres Rue Monsieur afin que les services de coopération se concentrent davantage sur le cadre de la politique culturelle locale. Plus d'intégration de l'activité de Coopération culturelle au sens large à la DG, en développant, sous bénéfice d'inventaire afin de tirer la meilleure partie de l'expérience avant généralisation, l'autonomie dont jouissent les centres pilotes qu'on y a transformés.
Mais dans tous les cas de figure, j'insisterai sur le projet culturel des postes. C'est un exercice, je le sais, autrement plus délicat que lorsqu'on traite du développement humain ou économique, ce qui n'est déjà pas commode. Mais comment garder une influence, comment augmenter notre crédit, comment figurer dans une offre de plus en plus concurrentielle si dans le moyen terme, sur des projets choisis, cohérents, sur des événements durablement marquants on ne fixe pas son attention ? Comment prouver notre identité, comment, pour faire image encore, convaincre de notre plus value si l'on est dans le saupoudrage ? Je sais que ces remarques sont dures pour les postes qui disposent de peu de moyens mais je tiens que pour eux plus que pour les autres encore, la concentration est un gage de conviction.
Dans votre domaine, la réussite est éphémère si elle n'est que séduction. Mais la séduction l'emporte si elle sait se fixer sur des décisions convaincantes, pas nécessairement brillantes mais qui laissent longtemps une trace de savoir faire français.
Ce projet culturel, il a aussi pour objet de vous faire connaître, de vous faire entrer en dialogue avec le milieu dans lequel vous évoluez. Il doit donc être le fruit d'une concertation, non pas un papier de communication mais l'énoncé d'une pratique réelle de communication, qui montre qui nous sommes, quelles sont nos perspectives, comment nous les conduisons. Nous pouvons avoir pignon sur rue, mais à quoi bon si la porte semble trop close, si nos propositions ne sont pas d'abord le produit d'une écoute ?
Permettez ces impressions un peu libres, mais elles sont le signe de ce que nous recherchons toujours davantage d'efficacité certes, mais toujours plus de disponibilité partout où nous sommes. Profil difficile me direz-vous ? Il passe peut être par des efforts accrus d'animation, de management de notre réseau. J'y veillerai. Mais je n'ai aucune crainte, le dispositif de ce côté-là est déjà très solide.
Ce profil, c'est celui d'une France qui gagne ; il nous a émerveillés, confondus au Grand Stade, il y a peu. Faisons-le nôtre. C'est celui que le monde apprécie, et il l'a montré sans nous compter son enthousiasme. Alors, allons-y.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)