Texte intégral
Somalie
Les Humanitueurs
Mogadiscio, la capitale de la Somalie bombardée trois nuits de suite par l'aviation américaine agissant sous les couleurs de l'ONU. Des dizaines de manifestants sans armes, des femmes, des enfants, abattus par des militaires, cette fois pakistanais, portant eux aussi le casque bleu des soldats de l'ONU.
Les raids aériens ont été engagés, officiellement, pour "punir" le général Aïdid, le chef de la plus importante des bandes armées de Somalie, dont les hommes ont tué plusieurs soldats de l'ONU. Mais Aïdid court toujours, alors que les civils qui sont tombés sous les balles sont morts. Et ce ne sont pas seulement des objectifs militaires qui ont été détruits par les bombes lancées sur Mogadiscio, une ville déjà pauvre et en ruine.
Lorsque des milliers de soldats américains, français, belges, etc. ont débarqué en Somalie, en décembre dernier, on nous a parlé d'opération humanitaire. Avec, pour nom de code, opération "Rendre l'espoir". Les grandes chaînes de télévision rivalisaient pour transmettre les images de ces grands soldats bien nourris de pays riches, fusil dans une main, distribuant de l'autre des bols de riz à des enfants décharnés. Le bol de riz n'était, déjà alors, qu'un alibi. Mais aujourd'hui, il n'y a plus que les fusils (de plus en plus laissés par les Américains entre les mains des supplétifs venus d'autres pays du tiers monde, comme le Pakistan). Et les avions de la plus grande puissance du monde sont lancés non pour parachuter des vivres, mais pour larguer des bombes sur un des pays les plus pauvres de la planète. Les images que montrent les chaînes de télévision, quand elles montrent quelque chose, rappellent les images de toutes les guerres coloniales, avec les ratissages, les arrestations, les brutalités militaires et les cadavres abandonnés dans la rue.
Aujourd'hui c'est la chasse à un seigneur de guerre qui serf de nouvel alibi. Aïdid est à coup sûr une crapule, d'abord contre son propre peuple. Mais il était, dans un passé récent encore, un des protégés des États-Unis, un des hommes sur lesquels ils misaient. Il le redeviendra, peut-être, demain. Et si ce n'est pas à lui que les grandes puissances confieront la responsabilité du maintien de l'ordre, une fois les troupes de l'ONU parties, ce sera à l'un de ses semblables.
L'intervention des grandes puissances n'aura pas débarrassé le peuple de la Somalie des bandes armées. Elle n'aura lait qu'ajouter une bande armée de plus aux autres, mais autrement plus puissante et disposant de moyens modernes pour tuer. Elle n'a pas ramené la paix, mais aggravé la guerre.
Combien d'affamés pourrait-on nourrir, combien d'enfants pourrait-on sauver, rien qu'avec ce que coûtent ces raids aériens ? Et combien d'autres, avec, l'argent dépensé pour entretenir, jour après jour, l'énorme machine de guerre américaine et accessoirement française, les avions, les blindés, les troupes ?
Pour faire la démonstration de leur force, les grandes puissances dépensent sans compter. Mais elles laissent les organismes de charité foire la quête, dans les écoles ou ailleurs, même pour ce bol de riz prétexte à la présence de leurs troupes.
En faisant donner leur aviation contre Mogadiscio, les États-Unis voulaient faire la démonstration que l'on ne s'en prend pas impunément aux troupes de répression qu'ils patronnent. Cette démonstration n'est pas seulement destinée à la Somalie, mais à tous les peuples du monde.
Dans le passé, les États-Unis ont maintenu l'ordre en Somalie par dictateur interposé. Comme la France maintient l'ordre dans sa sphère d'intérêt en Afrique par dictateurs interposés. Ce sont ces dictateurs, ces Bongo, ces Mobutu, ces Houphouët-Boigny qui assurent le sale boulot, pour que quelques grandes sociétés occidentales puissent continuer à piller l'Afrique en poussant vers la famine ses habitants.
Mais l'ancien dictateur chassé de Somalie par une révolte de la population, les conflits de clans ont empêché qu'un nouveau dictateur prenne la place. Les États-Unis ont choisi de mettre directement les bottes dans le bourbier. Cela ne leur portera pas forcément bonheur…
2 juillet 1993
Dépenses de santé
On fait trinquer les assurés pour soigner les profiteurs !
Elle est carabinée, la potion que le gouvernement Balladur veut faire ingurgiter à la population laborieuse. Aux augmentations déjà mises en œuvre – SNCF, RATP pour les Parisiens, transports urbains en province – vont s'en ajouter d'autres, déjà programmées, qui vont prendre effet dans quelques jours, en juillet : le timbre-poste, les taxes sur l'essence, sur les alcools, sur le tabac, La liste est déjà longue, mais sans doute malheureusement pas encore close. Et tandis que les prix vont augmenter, les salaires, les retraites vont diminuer dans le même temps pas seulement en pouvoir d'achat, mais en valeur absolue puisque ce sera aussi en juillet que prendra effet l'augmentation de la CSG sur les salaires, un mois plus tard – dérisoire conclusion du gouvernement – sur les retraites.
Et ce n'est pas fini. Simone Veil vient de rendre publiques les décisions gouvernementales concernant la sécurité sociale, Et là encore, le gouvernement n'y a pas été de main morte. Les 32 milliards qu'il entend ainsi économiser, pour réduire, prétend-il, le déficit, se traduiront d'une part par une réduction des dépenses budgétaires consacrées aux hôpitaux, et par une augmentation des frais qui resteront à la charge des malades. Autrement dit on paiera encore plus cher le droit, de plus en plus réduit, de se faire plus mal soigner.
Ces mesures seraient rendues nécessaires, nous explique-t-on, pour deux raisons : les "abus" dans la consommation médicale, car, paraît-il, les Français se soigneraient trop, et d'autre part par la crise qui rendrait urgentes les restrictions.
Ainsi donc, en cette fin de XXe siècle, il deviendrait abusif de se soigner en bénéficiant du progrès. Et aujourd'hui réapparaissent des maladies comme la tuberculose, que l'on sait pourtant parfaitement et facilement maîtriser. Elle resurgit non seulement dans les pays pauvres, mais dans les pays les plus développés, la France ou les États-Unis. Voilà, en guise "d'investissement dans notre avenir", pour reprendre le slogan publicitaire de l'emprunt Balladur, ce que l'on nous prépare pour les années qui viennent et même pour les tout prochains mois.
La crise est là, et bien là, c'est vrai. Mais ça n'est pas, comme on nous le raconte, une sorte de calamité naturelle, qui fondrait sur la collectivité comme un phénomène météorologique. Ses causes et ses responsables sont connus, identifiés. Elle est le produit de cette économie dite de marché, qui se traduit aujourd'hui par le gâchis que l'on peut voir : des capacités de production considérables laissées en friche parce qu'il y a moins de consommateurs solvables, mais pas moins de besoins pourtant. Une économie qui fonctionne en dépit du bon sens et qui réduit encore plus le nombre de consommateurs en appauvrissant la majorité de la population, en créant encore plus de chômeurs… ce qui contribue, soit dit en passant, à réduire les recettes des organismes sociaux. Et tout cela simplement parce que, pour les capitalistes qui sont les maîtres de cette économie, la seule chose qui compte, c'est de conserver leurs marges, de garder leurs profits, et si possible de les accroître. En produisant quand cela leur rapporte, ou, et c'est le cas aujourd'hui, en spéculant. C'est-à-dire en profitant des déséquilibres de cette crise qu'ils ont eux-mêmes engendrés pour amasser plus de profits encore.
Et que l'on ne vienne pas nous raconter, comme le font aujourd'hui les membres du gouvernement et de la majorité, que "ces mesures douloureuses" – pas pour eux en tout cas – "mois nécessaires" seraient les seules possibles. Comme s'il n'y avait aujourd'hui pas d'autre choix que de réduire la part des plus démunis !
Mais, puisque l'argent manque dans les caisses des organismes sociaux, pourquoi ne pas aller le chercher là où il est, dans les coffres des capitalistes et des spéculateurs ? Pourquoi ne pas taxer, par exemple, ceux qui portent une grande part de la responsabilité du déficit de la sécurité sociale, et qui en ont tiré largement bénéfice : les trusts pharmaceutiques ? Oui, pourquoi pas ? Mais poser cette question, c'est y répondre. Parce que le gouvernement n'est rien d'autre qu'une machine à pomper l'argent des travailleurs et de la population laborieuse, pour permettre, crise ou pas crise, aux capitalistes de maintenir leurs profits. Ce faisant, il agit, c'est vrai, exactement comme les gouvernements, qui l'ont précédé. Mais cela n'excuse rien.
Alors oui, il y a vraiment de l'abus ! Pas dans la consommation médicale, mais dans la façon dont ce gouvernement pressure les travailleurs, dans la façon dont il transfère les richesses prises sur les plus pauvres vers les plus riches, au risque d'ailleurs d'aggraver une crise qu'il prétend combattre.
Mais pour combattre cet abus-là, il faudra que les travailleurs prennent le coup de sang.
9 juillet 1993
Retraites : Cotiser plus longtemps pour toucher moins
L'offensive du gouvernement contre les salariés ne connaît pas de répit. La semaine dernière étaient annoncées les décisions concernant la sécurité sociale. Cette semaine, le parlement vote les mesures destinées à modifier le régime des retraites, mesures dont on connaît déjà depuis un certain temps la teneur.
À partir du moment où cette loi entrera en application – c'est-à-dire au 1er janvier 1994 – la durée de cotisation nécessaire pour avoir droit à la retraite à taux plein augmentera à raison d'un trimestre par génération de retraités. Alors qu'actuellement il fallait avoir cotisé trente-sept ans et demi pour y avoir droit, dans dix ans – c'est-à-dire pour la génération qui atteint aujourd'hui la cinquantaine – et bien évidemment pour tous ceux qui sont plus jeunes, il faudra 40 ans de cotisation. À cela s'ajoute une autre mesure, prise par décret, qui prendra comme période de référence sur laquelle est calculée le montant de la retraite, non plus, comme actuellement, le salaire moyen des dix meilleures années, mais les vingt-cinq meilleures années. Rien que cette dernière mesure devrait se traduire, selon une étude des experts de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), par une perte de 8 à 10 % sur les pensions pour un salarié gagnant un peu plus de 12 000 F par mois. D'ailleurs selon ces mêmes experts ce seraient les salariés du bas de l'échelle qui seraient les plus pénalisés par l'ensemble de cette réforme. Car il s'agit, bien entendu, cette fois encore, de puiser dans la poche des plus pauvres.
Et comme d'habitude, on nous sert le sempiternel refrain sur "effort indispensable, sur les sacrifices nécessaires pour empêcher la catastrophe". S'il est vrai que les ministres n'en sont pas, avec la retraite, à culpabiliser les vieux un leur reprochant de vivre trop longtemps, comme ils le font pour les malades à qui on reproche de se soigner trop, ils n'en sont pas loin. Cela ne revient-il pas à ça quand le gouvernement et ses défenseurs expliquent, par exemple, que si on n'y prend garde, il y aura bientôt un actif qui "devra travailler" pour deux retraités ? Comme si les retraités étaient des parasites vivant aux crochets de la collectivité ! Comme s'ils n'avaient pas travaillé, donc cotisé, avant d'accéder, souvent bien tard, parfois même trop tard, à la possibilité de vivre autrement qu'en subissant les contraintes de l'exploitation quotidienne, pendant plus de 37 ans et bientôt ce sera 40 ! Pourtant il n'y a rien de scandaleux à ce que la société prenne en charge les plus âgés, comme elle le fait pour les enfants. C'est même normal. Cela se faisait, dans le passé, dans des collectivités que l'on dit moins évoluées qu'aujourd'hui. Rien que cela juge le système actuel.
Pourtant, oui, des parasites, des vrais, il y en a. De vrais oisifs, qui profitent du travail de la collectivité, sans, rien lui donner en retour on en rencontre. Ce sont les capitalistes, les spéculateurs, les boursicoteurs à grande échelle. Ils sont certes bien moins nombreux que les retraités, ils sont une poignée, mois à eux seuls ils accaparent les deux tiers des richesses de la société. C'est de ce côté-là qu'il y a de l'abus.
Et puis, c'est quand même un comble de voir ces mêmes profiteurs, pour maintenir leurs profits, ou même les accroître, licencier des travailleurs ou refuser d'embaucher des jeunes. À tel point que l'on s'acheminer vers les trois millions et demi de chômeurs – plus d'un travailleur sur dix – et que dans le même temps, on en est à prendre des mesures qui vont se traduire par l'obligation, pour les plus âgés, de rester au travail plus longtemps. À condition toutefois que les patrons ne les licencient pas avant !
Oui, c'est absurde, socialement absurde. Mais c'est la logique d'un système économique organisé uniquement pour réaliser des profits, et qui se moque totalement de tout le reste. Satisfaire les besoins de la société n'est pas son souci. C'est ce système-là qui mérite qu'on le mette à la retraite. Irrémédiablement et sans pension, le plus rapidement possible.
16 juillet 1993
Emprunt Balladur
Ce sont les riches qui ont prêté…
L'emprunt Balladur a donc réussi au-delà de ses espérances : 110 milliards de francs au lieu des 40 milliards prévus.
Alors Balladur nous dit que c'est la preuve que "les Français" lui font confiance. Mais de qui parle-t-il ?
Il parle des seuls qui comptent à ses yeux. D'ailleurs la réponse est simple car il y aurait eu 1 400 000 souscripteurs : cela ferait paraît-il 72 000 francs, c'est-à-dire 7,2 millions de centimes, par tête, en moyenne.
À l'époque où le SMIC, les allocations familiales, les retraites sont bloquées, tandis que la CSG, les timbres, la SNCF, l'essence augmentent et que même selon les statistiques officielles, le coût de la vie a augmenté de 2 % en un an, qui sont ceux qui auraient fait confiance à Balladur ? Est-ce que ce sont les millions des smicards, les millions de chômeurs, les millions de salariés au-dessus du SMIC mais au bas de l'échelle quand même ? Non, bien sûr. Quand Balladur parle des Français, ce n'est pas de ceux-là qu'il parle.
Bien sûr, quelques smicards ou autres peuvent avoir 70 000 F sur un malheureux livret de caisse d'épargne en cas de besoin. Mais peuvent-ils les bloquer sur l'emprunt Balladur ?
Ceux qui ont prêté à Balladur, ce ne sont pas ceux du bas de l'échelle, et comme l'écrit le quotidien Le Monde qui n'est pas spécialement un journal populaire : "La France possédante lui a fait largement confiance".
Oui, c'est la France possédante qui a souscrit.
D'ailleurs l'emprunt était destiné à ceux qui avaient déjà de l'argent placé. Il était assorti d'avantages alléchants et ces avantages n'existaient que pour ceux qui avaient déjà gagné beaucoup d'argent dans les années précédentes. Cela consistait essentiellement à leur faire cadeau de toute imposition sur ce qu'ils avaient gagné précédemment dans les placements les plus juteux de ces dernières années. C'était un cadeau fiscal de plus pour ceux qui s'étaient un peu plus enrichis alors que la France des travailleurs s'appauvrissait.
On nous parle beaucoup en ce moment de la France et des Français. Mais il y en a qui sont plus Français que d'autres pour ceux qui nous gouvernement. Pas du point de vue de la carte d'identité, mais du point de vue du portefeuille. On le voit aux propos de Balladur : ces Français, ce sont ceux qui ont de l'argent.
Et ces 110 milliards, il va falloir les rembourser, avec les intérêts. Il faudra compenser en plus, les rentrées fiscales dont on a fait cadeau et qui vont manquer.
L'État ne s'est pas endetté, il nous a tous endettés.
Et croyons bien que ceux qui auront à rembourser ce ne sont pas "les Français" (plus des bourgeois étrangers car l'emprunt leur était ouvert ; il n'y a pas de carte de séjour pour le fric) qui ont fait confiance à Balladur, mais tous ceux, travailleurs français comme étrangers, qui n'avaient même pas les moyens de lui faire confiance.
On nous dit que la notion de classes sociales est dépassée. Cela, c'est une idée que ceux qui sont du bon côté des comptes en banque cherchent à faire croire à ceux qui sont du mauvais côté, pour qu'ils continuent à accepter leur sort.
Dans nos entreprises, si nous essayons de deviner qui disposait de 72 000 F et plus de disponibles (ou placés en SICAV monétaires) pour souscrire à l'emprunt Balladur, nous saurons où passe la limite entre les classes sociales.
Il y a ceux qui travaillent pour enrichir les autres et il y a ceux qui s'enrichissent à faire travailler les premiers, même par le biais de la spéculation sur les monnaies, sur les actions ou sur les dettes de l'État, ou en étant simplement des cadres un peu privilégiés servant à maintenir le système.
Eh bien, nous autres travailleurs du rang, nous avons les moyens de changer tout cela. Ce n'est pas utopique. Nous en avons la force car c'est nous qui faisons tourner toute la société. Le fait qu'il y a du chômage ne signifie pas que les riches n'ont pas besoin de ceux qui travaillent.
Il ne nous manque qu'un parti qui soit au service de nos intérêts. Il ne tient qu'à nous de le créer.
Et nous pourrons alors rendre à Balladur la monnaie de sa politique et, avec de gros intérêts, les coups qu'il nous porte actuellement.
23 janvier 1993
Jamais le dimanche
Le code du travail réglemente, plus ou moins, la durée hebdomadaire du travail en limitant le nombre d'heures, en principe 39 heures aujourd'hui, et en limitant à six jours maximum le nombre de jours consécutifs de travail. Le septième est destiné au repos et, la France étant la fille aînée de l'Église, la loi prévoit que ce septième jour chômé devra être le dimanche.
Bien avant que les syndicalistes réclament cette faveur, le patronat de droit divin du XIXe siècle avait déjà admis la chose pour que les travailleurs puissent aller à la messe dominicale. Le patron du lundi au samedi, le curé le dimanche, cela devait suffire aux travailleurs et quand cela ne suffisait pas, le curé les menaçait de l'enfer et le patron appelait les gendarmes.
Mais déjà à l'époque, comme aujourd'hui, cela souffrait de nombreuses exceptions dès que les intérêts des entreprises, c'est-à-dire des patrons, étaient en jeu.
Actuellement, nous connaissons le conflit avec Virgin Megastore, après avoir connu celui d'Ikéa, qui ne sont pas les seuls depuis toutes ces années. La télévision nous a d'ailleurs appris qu'un tel conflit existait depuis longtemps avec les commerçants de la rue des Franc-bourgeois à Paris.
Bien sûr, il serait agréable pour tous ceux qui travaillent toute la semaine, de trouver les magasins ouverts le dimanche comme le samedi, et même le soir car ce n'est qu'aux heures de liberté que l'on peut faire ses achats. Et il est certain qu'en tant que consommateurs, l'immense majorité des travailleurs, prisonniers de leur propre semaine de travail, préférerait cela. Comme on préférerait voir tous les services publics, les administrations, les mairies, la sécurité sociale, les bureaux de poste, les hôpitaux surtout, fonctionner normalement le dimanche.
Mais tous les sondages nous le montrent : si la majorité des travailleurs serait pour l'ouverture des magasin le dimanche, elle serait opposée à travailler elle-même ce jour-là.
Pas pour aller à la messe, mais tout simplement pour prendre un jour de repos en même temps que le reste de la famille, en même temps que les amis.
Alors, problème de société insoluble ? Non. S'il n'y avait pas le fait que les travailleurs doivent rapporter du profit, des bénéfices, et que le patronat leur livra une guerre incessante pour diminuer les pays ou pour faire travailler plus avec la même paye, avant que ce ne soit travailler plus avec moins de paye, le problème se poserait différemment.
S'il n'y avait qu'à être utile à la société, aux autres, si les inconvénients étaient compensés par des avantages qui ne soient pas donnés d'une main pour être repris d'une autre, la vie de tous serait différente. Si les horaires n'étaient pas trop longs, c'est-à-dire tous les mêmes, toute la semaine pour tout le monde, avec le week-end comme seul moment de liberté, le travail pourrait s'organiser différemment.
La société française a pu tolérer les 40 heures en 1936, il y a presque soixante ans. La productivité a été multipliée par 10 ou par 20 depuis cette époque. Et beaucoup plus dans certains domaines !
S'il n'y avait pas les profits et les immenses et colossales fortunes bâties dessus, le temps de travail de chacun aurait pu, depuis cette époque, être réduit, peut-être de moitié, sans que la société s'effondre. Les usines n'auraient pas besoin comme aujourd'hui de tourner à la moitié de leur capacité, quand on ne les ferme pas, et on ne détruirait pas les produits de l'agriculture avant de mettre les champs en jachère.
Oui, on pourrait produire mieux et avec moins de peine. Et chaque jour de la semaine serait un dimanche sans dieu ni maître, avec du travail pour chacun et la possibilité de vivre pour tous.
Utopique ? Oui, tant que nous supporterons le capitalisme sauvage.