Interviews de M. Jean Domange, président de la commission sociale du CNPF et de la Fédération nationale du bâtiment et vice-président du CNPF, dans "Le Figaro" et à RTL le 28 avril 1993, sur le report du plan de relance du bâtiment et les mesures proposées par le CNPF au gouvernement en faveur du logement.

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Média : Le Figaro - RTL

Texte intégral

Le Figaro : 28 avril 1993

Le Figaro : Que pensez-vous de ces revirements ?

Jean Domange : Le sujet est suffisamment important pour que nous puissions comprendre qu'il mérite un examen complémentaire. Notre souci est que les mesures adoptées aient la plus grande efficacité, en termes d'emploi et de satisfaction des besoins.

Le Figaro : Comment interprétez-vous les difficultés de dernière minute ?

Jean Domange : Ce report peut avoir pour origine un souci légitime du gouvernement d'évaluer plus précisément les coûts et les impacts du plan. S'il ne s'agit que de procéder à ces évaluations, nous ne pouvons qu'acquiescer. Mais il ne faudrait pas qu'à la faveur d'un délai supplémentaire les thèses développées par les grands argentiers viennent déstabiliser la cohérence du dispositif et ses effets politiques et psychologiques. C'est pratiquement la crédibilité du gouvernement qui est en cause.

Le Figaro : Quelles mesures vous semblent avoir l'aval des pouvoirs publics ?

Jean Domange : Dans le secteur social, je pense que les 20 000 à 25 000 prêts PAP s'ajoutant aux 35 000 prévus au budget de cette année seront financés. J'observe avec satisfaction que les deux principaux éléments complémentaires, indispensables à la bonne consommation de ces prêts, à savoir baisse des taux et remise à niveau des plafonds de ressources, entre 3 et 4 Smic (17 000 à 23 000 francs) pour un ménage, seraient mises en œuvre. De plus, l'effort du gouvernement précédent sur les prêts locatifs aidés (PLA) n'est pas remis en cause et serait peut-être même accentué.

Autre mesure qui, semble-t-il, devrait être adoptée : celle qui pourrait encourager l'accession à la propriété privée, au qui, selon mes informations, ne moins dans la construction neuve, grâce à l'augmentation de la déduction forfaitaire sur les intérêts d'emprunt. Actuellement, pour un ménage avec deux enfants, cette déduction est de l'ordre de 11 500 francs par an. Dans le dispositif nouveau, elle passerait à environ 15 000 francs. Nous souhaitons aussi que la durée de cette exonération soit portée de 5 à 10 ans.

Le Figaro : Qu'est-ce qui pose le plus problème ?

Jean Domange : Il existe différentes façons de rétablir progressivement l'équité fiscale entre placements immobiliers et épargne financière, et je ne doute pas de la volonté du gouvernement d'y parvenir. Pour notre part, avec beaucoup d'acteurs de la construction, nous tenons particulièrement au retour à l'imputation des déficits fonciers sur le revenu global. Cette « mesure phare » figurait d'ailleurs dans le programme de l'UPF. C'est la plus efficace, en termes de répercussions sur l'emploi, sous réserve qu'elle ne soit pas vidée de son intérêt par calibrage excessivement réducteur. Pour entrer dans le détail, nous souhaitions que dans l'assiette du déficit foncier soient repris à la fois les intérêts d'emprunt et le montant des travaux. Il a été envisagé par le gouvernement de plafonner la déductibilité des travaux à 100 000 francs. Ce que nous accepterions. En revanche, nous sommes opposés à l'idée de ne pas prendre en compte les intérêts d'emprunt, ce qui retirerait toute portée au dispositif. Cette dernière hypothèse ne serait envisageable, à nos yeux, que si le cumul avec l'incitation à l'investissement locatif neuf Quilès-Méhaignerie était permis, ce qui, selon mes informations, ne serait pas le cas.

En complément, nous avons souhaité que soit prise une mesure temporaire : l'exonération des droits de succession ou de première mutation à titre onéreux. Cela aurait pour effet de diminuer le stock de logements disponibles. Mes interlocuteurs s'interrogent sur le choix de l'une ou l'autre de ces mesures, et aussi sur le calendrier de leur mise en œuvre.

Le Figaro : En définitive, comment analysez-vous la situation ?

Jean Domange : Les déclarations de la majorité actuelle lors de la période électorale ont fait naître beaucoup d'espoirs. Je reste persuadé que la priorité affirmée pour le bâtiment et le logement trouvera une réelle concrétisation dans les prochains jours. Il faut que la confiance qui s'est manifestée, loin d'être déçue, soit renforcée. L'enjeu dépasse de loin le secteur du bâtiment. Ce sera un signe pour tous les acteurs économiques et toutes les catégories sociales.


RTL : 28 avril 1993

J.-M. Lefèbvre : Il y a eu un report du plan de relance du bâtiment. Est-ce que ça ne vous inquiète pas un peu ?

Jean Domange : Ça pourrait m'inquiéter si c'était l'occasion pour Bercy d'avoir des études correctives sur ce qui était dans les intentions des ministres et du Premier ministre. C'est peut-être un signe intéressant de réflexion très approfondie sur le calibrage des mesures et qu'elles aient le maximum d'effet et d'intensité tel que nous le souhaitons. Je ne peux pas préjuger de ce qui ressortira de ce délai complémentaire.

J.-M. Lefèbvre : Si ça coince, c'est pour des raisons financières.

Jean Domange : De toute évidence. Le Premier ministre l'a exposé largement. Les problèmes budgétaires sont graves et les choix sont difficiles. J'imagine que le gouvernement souhaite avoir un plan qui, avec le minimum de moyens, réponde aux préoccupations qui sont la satisfaction de besoins des français en matière de logement et l'animation du secteur économique qu'est le bâtiment pour la création d'emploi.

J.-M. Lefèbvre : Vous avez une idée de ce que pourrait comporter ce plan.

Jean Domange : Certains des propositions sont accueillies avec intérêt. Il y a des mesures qu'a largement développées H. de Charette, c'est à dire, des prêts locatifs aidés et également des prêts à l'accession à la propriété dans le domaine social. Et puis tout un volet, très important, la remise en confiance du secteur privé qui s'était désengagé d'offrir des logements aux Français au fil des années parce que de toute évidence, les placements autres que l'immobilier étaient beaucoup plus intéressants que le placement dans l'immobilier. Des mesures fiscales doivent être mises en place. Je souhaite qu'elles soient les plus incitatives possibles. Il faut allier le secteur aidé et le secteur privé.

J.-M. Lefèbvre : H. de Charette envisageait la construction de 300 000 logements français réalisables.

Jean Domange : Nous sommes au rythme de 260 000 mises en chantier. Le temps de réaction du secteur est largement en cause. S'il le dit, c'est qu'il estime que les mesures qu'il va mettre en place auront des effets massifs et rapides. C'est le souhait du bâtiment.

J.-M. Lefèbvre : Il semble qu'on se dirige vers une hausse de la CSG, qu'en pensez-vous ?

Jean Domange : C'est véritablement de la responsabilité du gouvernement et du Premier ministre de faire le choix dans ce qui doit faire du mal à tout le monde. Notre souhait depuis le départ était qu'elle soit déductible. Il y a une perte de recette mais je crois que cette charge est très mal acceptée. De toute évidence, il y a besoin de trouver quelques recettes pour initier le mouvement de remise en confiance du marché, il faut le trouver.

J.-M. Lefèbvre : Qu'est-ce que vous allez proposer pour l'emploi ?

Jean Domange : L'engagement est de faire tout ce que nous pouvons pour que ce plan soit utilisé au mieux par les investisseurs et par les utilisateurs. Les entreprises doivent le diffuser et par là régénérer l'emploi dans les entreprises. Nous ne pouvons faire d'engagement quantitatif. Un plan est national et il y a des déclinaisons locales. Tout est modulable.

J.-M. Lefèbvre : Pour l'UNEDIC ?

Jean Domange : Chacun d'entre nous et le gouvernement a tout intérêt à ne pas faire une explosion sociale avec le non-paiement des chômeurs. Mais les salariés et les entreprises sont au bout de leurs efforts sur ce système de protection. Nous avons augmenté en trois ans notre contribution, de près de 57 %. Pendant ce temps, le gouvernement a réduit sa contribution. Il faut que la solidarité vienne au secours d'un régime qui a trouvé ses limites parce que nous sommes devant un véritable cataclysme social.