Texte intégral
Bergeron : « Voici les chiffres »
Président de l’Unedic, M. André Bergeron a répondu à nos questions sur l’avenir de l’assurance chômage :
Le Parisien. – Comment envisagez-vous de combler le déficit à l’Unedic ?
André Bergeron. – Avant de vous répondre précisément, je voudrais dans un premier temps poser le problème tel qu’il se présente réellement. A ce titre, je répéterai, afin que les choses soient claires, que les difficultés que rencontrent les régimes de l’Unedic et de l’Assedic n’ont rien de scandaleux.
Pourquoi ?
Quand le système a été institué il y a bientôt vingt-cinq ans, on comptait entre 25 000 et 50 000 chômeurs. Aujourd’hui, il y en a 2 millions, et on risque d’en compter d’avantage encore d’ici à la fin de l’année. Les difficultés financières découlent de cette augmentation. A l’origine, nous avions prévu des mécanismes permettant d’adapter la cotisation aux besoins. Tant que nous avons été dans une période d’expansion, ces mécanismes jouaient naturellement. Aujourd’hui…
Le Parisien. – Comment s’adapter aux données économiques ?
André Bergeron. – Le gouvernement vient de demander aux responsables du régime d’assurance chômage de prendre les dispositions nécessaires afin d’équilibrer les comptes pour 1983. Le déficit prévisible cumulé 1982-1983 se situera au mieux à 10 milliards, peut-être à 2 milliards. Comment faire pour rétablir cet équilibre ? Il n’y a que trois possibilités :
1. L’Etat accroît sa participation ;
2. On réduit les prestations versées aux chômeurs ;
3. On augmente les cotisations.
Voilà comment se pose le problème en termes techniques.
Le Parisien. – Estimez-vous possible une augmentation de la participation des pouvoirs publics ou une réduction des prestations ?
André Bergeron. – Pour l’instant rien ne permet d’envisager la première hypothèse. Quant à la seconde, il est évident que de nombreux chômeurs en difficulté ne l’accepteraient pas. Voilà pourquoi la réunion de notre conseil d’administration est des plus importantes, car il faut à tout prix éviter un blocage qui finirait par remettre en cause l’assurance chômage dans sa forme originelle.
Le syndicalisme et le pouvoir de gauche !
Par André Bergeron, secrétaire général de la CGT - Force ouvrière
Léon Jouhaux a écrit son article - et beaucoup d’autres du même genre - à une époque très différente de celle d’aujourd’hui.
Elu secrétaire général de l’ancienne Confédération générale du travail - que continue Force ouvrière - avant la Première guerre mondiale, il a vécu la période du début de l’ère industrielle, le temps où le syndicalisme « campait dans la nation ». C’est pourquoi il n’a cessé de revendiquer des participations qui, dans son esprit, devaient permettre à l’organisation d’exposer les préoccupations des salariés dans des endroits dont elle avait été systématiquement écartée.
Certes, dans son article publié par « Vendredi » de février 1937, Léon Jouhaux souhaitait que les militants syndicaux ne s’attachent pas seulement à traduire les désirs et revendications de la classe ouvrière, mais veillent aussi à maintenir la concordance entre les intérêts des travailleurs et l’intérêt général.
Mais il ajoutait aussitôt : « Que ne raconte-t-on pas sur les appétits immodérés des salariés, lesquels handicapent la reprise et pèsent lourdement sur l’avenir de l’économie nationale. »
Selon les forces de la réaction sociale, poursuivait Léon Jouhaux, c’est la faute des ouvriers si les prix montent, c’est de leur faute si les capitaux se terrent.
A vrai dire, il n’y a rien de changé. Abstraction faite des formules qui ne sont plus les mêmes, on est engagé - notamment depuis « le grand tournant » de la politique économique du gouvernement actuel - dans le vaste et éternel débat portant sur le comportement du mouvement syndical face à un pouvoir de gauche.
Léon Jouhaux avait raison d’écrire que la classe ouvrière (dans son esprit, la CGT) était le pivot du rassemblement populaire. Mais il convient de rappeler que celui-ci a été l’aboutissement d’une longue suite d’événements avec un environnement international marqué par le fascisme italien, l’avènement de Hitler au pouvoir et, naturellement, la guerre d’Espagne. Les promesses faites aux anciens combattants de la grande guerre n’ayant pas été tenues, ceux-ci s’étaient organisés dans des associations de défense de leurs intérêts qui devaient devenir des instruments de combat contre le système parlementaire ébranlé par les scandales Staviski et autres. Le 6 février 1934, et les réactions qui suivirent, débouchèrent sur le Front populaire et la victoire de Léon Blum.
Contrairement à ce qui s’est passé en mai 1981, le gouvernement de Front populaire (auquel les communistes ne participèrent pas) était né dans un climat de tension passionnelle qu’exacerbait le comportement des ligues « factieuses ». La CGT et son secrétaire général entendaient donc ne rien faire qui puisse gêner l’expérience du pouvoir de gauche. Et, cela, d’autant plus que le Parti socialiste devait très vite se diviser sur la question de la non-intervention dans la guerre civile espagnole et aussi entre ceux qui, avec Marceau Pivert, affirmaient que « tout était possible », et les autres, plus réalistes. Un peu plus tard ce fut la grande controverse entre les Munichois et les anti-Munichois.
Léon Jouhaux et les militants de sa génération étaient demeurés marqués par les excès du libéralisme sauvage des débuts de l’ère industrielle. C’est pourquoi la CGT avait conçu son plan de rénovation économique.
Une autre époque
Mais, le secrétaire général indiquait : « Dans son plan de rénovation économique, la CGT a affirmé qu’on ne saurait donner de fermes assises à la démocratie et assurer sa marche continue vers la justice sociale sans réaliser les conditions d’une prospérité économique durable. C’est pourquoi, concluait-il, si la classe ouvrière est prête à de grands efforts, même à des sacrifices, pour assurer la renaissance économique du pays, encore faut-il qu’elle soit convaincue que les sacrifices demandés la rapproche du but poursuivi. »
Il était donc très conscient des réalités. D’ailleurs, on se souvient que les salariés qui occupaient les usines, les magasins et les chantiers, acceptèrent, non sans hésitation, de reprendre le travail. On connaît les conséquences qui en résultèrent pour l’ouverture de l’exposition universelle.
Il n’est donc pas possible de tirer de l’article de Léon Jouhaux des conclusions par rapport à la situation d’aujourd’hui. C’était une autre époque, marquée par les prolongements de la première guerre et par les prémices de la seconde.
Venu de l’anarcho-syndicalisme, il demeurait au fond de lui-même tel que nous sommes.
Mais on ne peut faire parler les morts.
A.B.
Points de repères
1895 : création de la CGT.
1906 : charte d’Amiens.
1919 : création de la CFTC.
1921 : congrès de Lille. Naissance du PCF - 1re scission CGT-CGTU.
1936 : Front populaire. Réunification syndicale : CGT.
1939 : pacte germano-soviétique. 2e scission CGT-CGTU.
1943 : accord du Perreux. Réunification syndicale CGT.
1947 : les unitaires deviennent majoritaires à la CGT - 3e scission donnant naissance à la
FEN, la CGT-FO et à la CGT.
1964 : scission de la CFTC en CFTC maintenue (confessionnelle) et CFDT (non
confessionnelle).