Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre en réponse à une question sur la situation en Corse et l'action de l'État quatre mois après l'assassinat du préfet Claude Érignac, à l'Assemblée nationale le 23 juin 1998.

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CORSE

M. Jean Glavany – « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse », proclame la déclaration des droits de l'homme. En Corse, l'application désormais rigoureuse de la loi républicaine suscite, je le crois, une vaste approbation, mais aussi une interrogation : pourvu, pense-t-on, que ce ne soit pas un feu de paille... C'est pourquoi, Monsieur le Premier ministre, un an après votre prise de fonctions, et quatre mois après le lâche assassinat du préfet Érignac, je souhaite que vous disiez à la représentation nationale dans quelles perspectives vous inscrivez l'action de l'État en Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Le 10 février dernier, après l'assassinat du préfet Érignac, j'ai pris l'engagement, au nom du Gouvernement et en accord avec le Président de la République, d'engager tous les moyens nécessaires pour assurer le respect de la loi en Corse comme partout sur le territoire national. Je me réjouis que le Parlement ait affirmé la même volonté, notamment en créant la commission d'enquête que vous présidez, et qui compte des parlementaires de tous les bords. Le Gouvernement mène son action avec sérénité et détermination, sans effets de manche ; cette action est méthodique et systématique. Elle est conduite non seulement par le ministre de l'intérieur, Jean-Pierre Chevènement, dont le rôle est naturellement important, mais par l'ensemble des ministres et tous les services de l'État, qu'il s'agisse de la justice, de la police, de la gendarmerie, des services fiscaux ou agricoles, d'urbanisme et d'équipement : tous les services publics sont mobilisés en ce sens. Les ministres y participent en personne : c'est ainsi que tout récemment Mme Guigou et M. Sautter se sont rendus sur place, dans le cadre de leurs responsabilités. Des changements de responsables sont intervenus, et des réorganisations sont en cours ; elle s'appuie sur des missions de contrôle, et d'autres suivront. Je suis personnellement et de façon régulière la mise en œuvre des actions que nous avons décidées.

Le retour progressif à la primauté du droit dans l'île a déjà donné certains résultats. Plusieurs enquêtes judiciaires importantes ont été ouvertes, faisant apparaître des détournements de fonds publics et des irrégularités dans les passations de marchés. La justice fait son travail, et mènera les procédures jusqu'au bout.

Mais quelle que soient la volonté et les efforts de l'État, l'adhésion de ceux qui vivent en Corse est nécessaire. La population corse doit être consciente, et je sens qu'elle l'est, que le retour à la norme de droit est la condition même d'un vrai développement économique et social dans l'île.

Celle-ci a pour cela des atouts considérables, et nous les valorisons, tout d'abord en restaurant l'ordre public, en s'imposant des mécanismes sains de financement de l'économie ; mais aussi en privilégiant l'excellence dans l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche. Les potentialités touristiques sont considérables et peuvent être mobilisées rapidement. L'agriculture, débarrassée de ce qui la parasite, peut connaître un important développement, en particulier pour les produits de qualité. La capacité d'innovation doit être fortement encouragée, pour qu'apparaissent en nombre de plus en plus grands produits performants et emplois qualifiés. Les techniques modernes de communication peuvent faire échapper l'île aux inconvénients du relief et de l'insularité. La préparation du prochain contrat de Plan, qui s'engagera dans les prochaines semaines entre la collectivité corse et les services de l'État, peut être l'occasion de bâtir avec l'île un vrai programme de développement.

Il y a un an, ici même, je proposais aux Français un pacte républicain, et un pacte de développement et de solidarité. Pour l'un et l'autre, les Corses savent qu'ils peuvent compter sur le Gouvernement. Il agit sans passion et sans faiblesse et son action s'inscrit dans la durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste)