Texte intégral
Le Parisien : Vous semblez très sceptique, Marc Blondel, sur les conséquences de la réforme des retraites !
Marc Blondel : On le serait à moins. Je pense en effet que notre système de retraite par répartition, qui a permis au lendemain de la guerre de distribuer rapidement des pensions, est désormais menacé ! Sous prétexte de défendre les acquis et de satisfaire les exigences du président de la République, on nous conduit à une réforme à train forcé qui remet en cause le principe de solidarité entre les générations.
Le Parisien : Expliquez-nous plus précisément où réside le « danger » que vous évoquez…
Marc Blondel : C'est simple, le gouvernement est en train d'organiser une baisse tendancielle des niveaux de retraite. Je m'explique : en fixant la revalorisation des pensions sur les prix à la place des salaires, en allongeant de 10 à 25 ans la période de référence utilisée pour le calcul des retraites et surtout en faisant passer de 37,5 à 40 ans la durée de cotisation nécessaire pour faire valoir ses droits, on programme une prochaine réduction des pensions tout en laissant par ailleurs grand ouvert le passage à un système mercantile de retraite. Résultat : les placements d'argent qui échappent à toute notion de solidarité entre générations seront encouragés et je pense qu'à terme ce qu'on nous présente comme auxiliaire des retraites peut devenir prioritaire beaucoup plus rapidement que l'on veut bien le dire aujourd'hui.
Le Parisien : En somme, vous condamnez tout recours à ce qu'on appelle couramment la « retraite individuelle » ?
Marc Blondel : Nos anciens s'en souviennent très bien, les systèmes de capitalisation ont tous implosé sous la pression des crises économiques. Il y a donc de quoi être inquiet, non ? Et puis, il faut évoquer le cas de tous ceux qui, pour cause de revenus modestes, ne pourront se couvrir en capitalisant. On voit bien, dans ces conditions, les limites de cette formule.
Le Parisien : Peut-on, malgré tout ça, faire l'économie d'une réforme du système des retraites ?
Marc Blondel : Tout le monde sait qu'il y aura pour les années 2005-2010 une bulle démographique liée au baby-boom d'après-guerre. C'est vrai que cela va poser des problèmes, notamment à cause du chômage. Mais il y a des solutions. Nous avons par exemple proposé au Premier ministre la création d'une structure consultative qui, comme cela existe pour le Smic, suivrait la question de l'indexation des retraites. Son rôle serait de surveiller la situation économique afin de faire le point, tous les semestres, sur les besoins réels du régime de retraite avant de prendre au coup par coup les mesures qui s'imposent. Pour le reste, nous estimons à FO qu'il faut abandonner l'allongement de la durée de cotisations à quarante années : comment travailler plus longtemps alors que tout le monde parle du partage du travail ? Quant à la disparition des dix meilleures années pour les vingt-cinq années, il faut savoir que cela pénalisera très sérieusement les non-cadres.