Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Gouverneurs,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez eu Monsieur le Président, la gentillesse de tenir à mon endroit des propos très aimables et la simplicité de tenir au ministre de l'Économie le langage de la vérité. Permettez-moi de vous parler avec la même simplicité et de façon directe, comme on peut le faire à des amis.
Je suis naturellement heureux et très honoré de l'occasion qui m'est donnée ce soir de m'adresser aux représentants les plus influents du monde bancaire. Aux yeux de certains, vous détenez depuis longtemps les clefs du pouvoir ; aux yeux de beaucoup patrons de PME notamment vous détenez aujourd'hui, par le crédit, les clefs de l'espoir. Lourde responsabilité ! dont vous venez d'évoquer, monsieur le Président, et la noblesse, et les limites. Dans la situation économique actuelle de la France, chacun comprendra que je m'y arrête moi aussi quelque peu.
Le langage de la vérité, je vous le tiendrai d'abord sur la conjoncture. Certains ont sans doute dans l'idée que le ministre de l'économie doit faire systématiquement profession d'optimisme, qu'il doit être le héraut annonçant la reprise. Vous savez de quelle prudence j'ai fait preuve. J'aurais bien sûr aimé ce soir pouvoir vous annoncer que la reprise est là. Je ne puis encore vous le dire avec certitude. Encore que je constate que se multiplient les signes d'un arrêt de la dégradation de l'économie et même d'une certaine remise en route.
Cette reprise, nous la souhaitons tous vos clients, vous même parce que la croissance du produit bancaire dépend largement de la demande de crédit dans l'économie ; et le Gouvernement aussi évidemment, parce qu'il a pour objectif central de réduire le nombre de nos compatriotes qui sont sans travail. Je sais que pour la première fois depuis longtemps, votre profession elle-même n'est pas épargnée du point de vue de l'emploi. Cette reprise, nous devons donc y œuvrer ensemble.
Dans un contexte déprimé, dont vous m'avez rappelé les conséquences pour vos établissements, le Gouvernement, a pour sa part cherché par tous les moyens raisonnables à renverser la tendance à la baisse de l'économie qu'il a trouvée à son arrivée. La tâche était et demeure difficile car nous avions trouvé des caisses vides ; les déficits budgétaires s'accompagnaient de déficits sociaux ; la dette publique s'emballait. Les marges de manœuvre étaient donc réduites. C'est en faisant preuve d'imagination, en combinant des efforts d'économies sur certains postes et les recettes tirées des privatisations, qu'une réactivation de l'économie a pu être mise en œuvre.
Jamais dans notre histoire l'État n'a transféré en si peu de temps de telles sommes pour conforter le monde des entreprises et l'emploi. Les mesures prises ont été courageuses quel gouvernement avait osé, jusqu'ici, même lorsque la situation des finances publiques laissait plus de marge, programmer le remboursement de la créance TVA que les entreprises détenaient sur l'État ? Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce que nous avons entrepris.
Je souligne que le Gouvernement a poursuivi cet objectif avec le souci de réaliser de vraies réformes structurelles. Je pense tout spécialement aux deux axes principaux de la réforme de la fiscalité de l'épargne en train d'être adoptée par le Parlement. Vous savez qu'il s'agit premièrement de réorienter les 800 Mds F de Sicav monétaires détenues par les ménages, pour partie vers une épargne à plus long terme (PEA, logement…), et pour partie vers la consommation. Deuxièmement d'améliorer les conditions de financement des banques et par là indirectement celles des entreprises en égalisant le traitement fiscal des produits de marché et des produits bancaires comparables.
Nous devons naturellement continuer à faire en sorte que tous les obstacles à un processus de reprise soient levés. À ce propos, faut-il, comme certains, continuer à accuser le niveau des taux d'intérêt de tous les maux ? Évitons les simplifications trop faciles. Je vous avoue être surpris de voir que d'aucuns continuent aujourd'hui à faire des commentaires identiques à ceux que l'on pouvait entendre au début de l'année. Que de chemin déjà parcouru en effet en 6 mois ! Vous le savez, aujourd'hui les taux d'intérêt français sont parmi les plus bas en Europe tout spécialement sur le long terme. Depuis mars dernier, les taux au jour le jour ont décliné de 11 % à 6,69 %. Quant aux taux à 10 ans, quand avez-vous le souvenir de les avoir vu pour la dernière fois à moins de 6 %.
Cette évolution a déjà desserré bien des situations difficiles je pense par exemple à ceux d'entre vous qui devaient faire face à des coûts élevés de portage de créances peu liquides.
Pour autant, j'ai bien compris monsieur le Président que l'industrie bancaire vient de traverser, traverse peut-être encore ? une passe difficile, reflétant en cela les problèmes des autres secteurs économiques. Et je conviens volontiers avec vous qu'il ne peut y avoir de forte reprise sans développement des crédits, et qu'il ne peut y avoir de développement du crédit sans que les banques soient en bonne santé.
J'appelle cependant votre attention sur le contrecoup qui a résulté pour l'ensemble de l'économie de cette période maussade pour les banques. Tout montre une manifeste baisse de l'encours de crédit des banques aux entreprises, et en particulier aux PME.
Je sais, parce que vous me l'avez dit, que ceci provient en partie d'une baisse de la demande de crédits d'équipement par les entreprises elle-même. Mais pas seulement. Il est indéniable que la sélectivité s'est accrue, et que dans vos réseaux "bonne gestion" se traduit parfois par "absence de prise de risques". Mon propos est de vous sensibiliser au risque qu'il y aurait à ce que les délais naturels que mettent les mentalités à changer, ne conduisent à étouffer la reprise lorsqu'elle se produira, ce qui est peut-être pour demain.
Si par une inertie involontaire le système bancaire maintenait, ne serait-ce que quelques mois, une attitude prioritairement orientée sur la limitation maximale des risques, face à une demande de crédit qui redeviendrait en net redémarrage, ceci serait très préoccupant.
C'est pour cela que le Gouvernement, s'est préoccupé de faciliter la tâche du système bancaire : vous avez bien voulu rappeler, monsieur le Président, la réforme en cours de la loi de 1985, en vue de conférer une plus grande valeur aux garanties bancaires. C'est une demande ancienne de votre profession que j'ai personnellement soutenue parce que je pensais effectivement qu'il y avait là un obstacle au développement du crédit. C'est une décision importante.
Dans ces conditions, j'espère que conscientes de l'intérêt commun les banques sauront accompagner le développement de ces milliers de PME-PMI ; développement qui est la condition "sine qua non" d'un recul du chômage en France.
C'est maintenant à vous de jouer !
Si telle n'était pas l'attitude de la profession bancaire, je vous dirai très simplement que vous imposeriez à son corps défendant au Gouvernement de revenir à des pratiques antérieures, considérées encore il y a peu comme désuètes. En confiant par exemple à quelques institutions financières spécialisées le soin de distribuer des volumes importants de crédits à destination de ce type d'entreprises.
Nous le ferions non par idéologie, mais tout simplement par pragmatisme. Parce que il en est des entreprises comme des hommes : il faut vingt ans pour les faire grandir, il suffit d'un jour pour qu'elles disparaissent. Et parce qu'il est de notre responsabilité d'éviter que le ralentissement conjoncturel ne se traduise par la disparition définitive de milliers d'entreprises fondamentalement saines. Plus que tout autres, vos réseaux sont au contact quotidien de la France profonde, de la France qui produit et qui travaille : je pense donc que vous pouvez comprendre ce langage… Je vous propose donc que ce soit ensemble que nous relevions ce défi.
Au-delà de ces remarques inspirées par la conjoncture, ma deuxième observation concernera les réformes structurelles que le Gouvernement a entreprises. Je ne reviendrai pas sur celle concernant la fiscalité de l'épargne que je viens d'évoquer et dont vous connaissez l'importance.
J'en évoquerai brièvement trois autres pour montrer les changements irréversibles que ce Gouvernement a déjà apportés tout particulièrement dans le domaine économique et financier.
Le programme de privatisations a été rondement engagé. Souvenez-vous des interrogations de l'été dernier sur la capacité d'absorption du marché financier, sur l'état d'impréparation des entreprises à privatiser… ! Aujourd'hui avec les privatisations de la BNP et du Crédit local de France non seulement le secteur bancaire appartient majoritairement au secteur privé, mais également l'actionnariat populaire est de retour - ce que la privatisation réussie de Rhône-Poulenc a confirmé. Les prochaines privatisations d'autres entités financières, notamment dans le secteur des assurances, viendront achever ce qui constitue une profonde rupture avec des traditions d'appartenance majoritaire au secteur public, remontant à la fin du deuxième conflit mondial.
La modernisation de la place financière de Paris s'est poursuivie très activement ces derniers mois. Le changement de dimension de la capitalisation que permettent les privatisations est en soi un facteur très favorable, puisqu'il rend le marché plus animé et plus profond. À cet élément de contexte sont venus s'ajouter la suppression partielle de l'impôt de bourse, l'élimination de la TVA sur les commissions liées aux émissions de titres, et l'adoption de nombreuses dispositions renforçant la sécurité juridique des opérations financières à Paris. Nous continuerons dans cette direction.
Enfin et je suis heureux de saluer à cette occasion la présence de son gouverneur, ici ce soir, je n'aurais garde d'oublier la petite révolution que va constituer l'indépendance de la Banque de France pour ce qui concerne la politique monétaire interne. Celle-ci permettra à la France de participer, sur un pied d'égalité avec nombre de ses partenaires, aux négociations préparatoires au passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Ma troisième et dernière observation concernera l'avenir. Nous avons un programme de travail chargé dont vous avez, monsieur le Président, énuméré les plats de résistance. Je ne reviendrai pas sur chacun d'entre eux par crainte de vous lasser et parce que je crois profondément en une méthode : la concertation avec les parties intéressées. Or toutes les concertations n'ont pas encore eu lieu. Je préfère vous expliquer quelles en sont les lignes directrices, auxquelles, j'en suis sûr, nous pouvons tous adhérer. En totale cohérence avec ce que je viens de vous dire, ce programme vise avant tout à améliorer les conditions de financement de notre économie et à accroître concomitamment le rayonnement international de la place financière de Paris.
Notre place des atouts considérables par la qualité et le savoir-faire de ses hommes et de ses institutions, par sa réputation de solidité. Elle doit donc avoir l'ambition d'être à terme la première en Europe car elle en a les capacités. C'est ce que j'ai dit récemment aux représentants de l'association Paris Europlace que je recevais afin d'étudier avec eux ce que les pouvoirs publics pouvaient faire en plus pour supprimer les derniers handicaps subsistant et favoriser un développement supplémentaire source d'emplois. Vous pouvez compter sur mon appui pour favoriser les initiatives visant à faire de Paris ce grand pôle financier européen auquel nous avons tous intérêt.
Parmi toutes les réformes à venir je souhaite cependant en souligner une dont l'effet sera j'en suis persuadé, considérable sur le long terme. Je veux parler de la création dans notre pays, sur une plus grande échelle et en y incluant les non-salariés, de fonds de pension de retraite par capitalisation. Une telle initiative est en effet de nature à permettre aux entreprises de renforcer leurs fonds propres et au marché financier, de voir s'accroître sa capitalisation.
Voilà Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que je souhaitais vous présenter.
Vous avez pu constater que je n'ai pas déguisé mes pensées, ni cherché des formules tièdes, la situation actuelle interdisait un autre discours. En effet, pour que l'économie puisse durablement redémarrer votre concours est indispensable.
Je vous remercie.