Interview de M. Hervé de Charette, président du PPDF et vice-président de l'UDF, à France 2 le 8 avril 1998, à RMC le 16 et dans "Le Figaro" le 20, sur la recomposition de l'UDF en une formation unitaire de centre droit, le mode de scrutin des élections européennes et les présidents de régions élus grâce au Front National.

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Texte intégral

France 2 – Mercredi 8 avril 1998

L'UDF se réunit ce matin en bureau politique. Au menu : la recomposition, mais peut-être, d'abord, les exclusions ?

- « En effet, à la première question, c'est la conduite à tenir vis-à-vis des présidents de région qui ont été élus avec le concours des voix du Front national, et contrairement à la ligne qui a été choisie par l'UDF de très longue date. Je pense que, en effet, cette décision va être prise. Elle est à la fois désagréable, parce qu'il s'agit d'hommes politiques qui font partie de notre famille politique, avec lesquels nous avons, les uns et les autres, des liens, des rapports d'amitié et de considération. Mais en même temps, je crois que c'est absolument nécessaire, parce qu'il est vital, pour une formation politique - qui a l'ambition de jouer un grand rôle dans l'avenir - d'avoir des positions politiques qui soient claires et compréhensibles. Surtout quand il s'agit d'un sujet aussi important et aussi grave que la question du racisme et de l'antisémitisme. »

Vous avez travaillé avec C. Millon, y compris dans le même gouvernement. Comment expliquez-vous ses prises de position d'aujourd'hui ?

- « Je ne sais pas ; et d'ailleurs je n'ai pas trop envie, devant votre écran de télévision, de dire des choses désagréables contre C. Millon, pas plus d'ailleurs, que J. Blanc ou J.-P. Soisson. Simplement, il y a des moments où il y a des choix politiques. Il peut se trouver qu'à un moment donné, vous soyez sur telle route, alors que quelqu'un qui a pu être ou qui est votre ami par ailleurs, est sur une autre route. Ces deux routes ne se rejoignent pas ; il y a un moment où il faut savoir le reconnaître. Et je crois que nous sommes à ce moment-là. C'est grave si cela n'est pas fait; alors cela veut dire que l'UDF, cela rassemble les gens qui pensent les uns blanc, et les autres noir. Autant dire, qu'il n'y a plus d'UDF. »

Ça veut dire que, s'il n'y avait pas les exclusions prononcées aujourd'hui, vous tireriez les leçons de cela, et vous prendriez vos distances ?

- « Oui. Je crois qu'on serait un certain nombre à considérer : que cet événement constituerait une rupture. Très précisément, quand je pense à la rénovation nécessaire, aux progrès de l'UDF, je pense qu'il faut éviter deux choses : il faut éviter le statu quo- cela ne peut pas durer comme cela - on ne peut pas durer vingt ans, vingt ans de création de l'UDF, et se trouver dans une situation où notre famille politique est désarçonnée, déboussolée, désorganisée, et n'est plus dirigée. Cela n'est pas possible de rester dans une telle situation. »

Et puis il y a des baronnies de plus en plus fortes à l'UDF...

- « Cela ne peut pas durer comme cela. Et deuxièmement : ce qui est impossible aussi, c'est la rupture. Ce serait pire, ou en tout cas équivalent au statu quo, quelque chose où il y aurait au contraire des craquements tels, que les uns iraient dans une direction, et les autres dans une autre. Je crois qu'il faut tout faire pour éviter cela. Il faut chercher les voies d'un progrès, le mener, et le conduire ensemble. Quand je pense à ceux et celles qui nous regardent aujourd'hui, je me dis que les affaires à terme, la tambouille des partis politiques, tout cela ne les passionne pas. Et ils ont raison. Ce que nous sommes chargés de faire, c'est deux choses : d'abord, nous opposer - et je voudrais bien que l'ensemble de l'opposition donne davantage aujourd'hui le sentiment de s'occuper moins d'elle-même que des problèmes du pays - donc de s'opposer à l'action du Gouvernement. Prenez l'affaire des sans-papiers qui est dans tous les journaux aujourd'hui : la conduite du Gouvernement est jugée laxiste par une partie de sa majorité. Nous la trouvons honteusement manquant d'autorité, de fermeté et de ligne. »

Chevènement ne va pas assez loin ?

- « Oui, je sais bien que c'est la mode de dire que "Chevènement est un homme de droite, souvent par erreur au Gouvernement“. Mais bon, une fois l'humour passé, la vérité c'est que ce gouvernement a une politique d'immigration qui est contraire aux intérêts de la France, parce qu'elle est trop libérale, et qu'elle provoque, qu'elle crée des situations graves. Vous savez bien que nous avons - dans toute une série de quartiers, dans notre ville, dans notre pays - des difficultés qui viennent - depuis 20 ans d'ailleurs - depuis que la politique n'a pas été assez ferme. »

Pour en revenir à l'UDF, F. Léotard, ce matin, dans Le Figaro, propose « un référendum à terme à l'UDF... Pour tracer des perspectives... Demander aux militants, aux électeurs où aller ».

- « Oui, et c'est bien. C'est une bonne idée. C'est inimaginable de réformer l'UDF, en s'imaginant que cela va être fait dans une pièce, en circuit fermé, entre les dirigeants, comme d'habitude. Cela dit, si on fait un référendum il faut s'entendre sur le sujet, sur la question qui est posée, sur l'objectif. »

A quoi cela sert aujourd'hui l'UDF ?

- « Je pense que l'UDF, sa place dans la vie politique française, c'est d'être le grand parti du Centre et du Centre-droit. C'est ainsi qu'elle a été créée, il y a vingt ans maintenant. Et c'est là qu'elle doit rester. »

Mais à l'époque, c'était V. Giscard d'Estaing qui fédérait ce parti. Et manifestement, aujourd'hui qu'il n'est plus là, cela part dans tous les sens…

- « Cela prouve que, à l'époque, quand nous proposions - les uns et les autres - de le maintenir dans sa fonction, ce n'était pas une si mauvaise idée. En effet, il y a trop de chapelles. Donc l'idée de supprimer des chapelles, et de rassembler tout le monde dans un grand parti unitaire, me parait une bonne idée. Et je pense que si la question posée aux membres de l'UDF est celle-là, c'est une bonne question. »

Il faut aujourd'hui exclure de l'UDF tous ceux qui seraient partisans d'une alliance avec le Front national ?

- « Oui, c'est incompatible. On ne peut pas...Ce n'est pas la même voie, ce n'est pas la même ligne ; on ne peut pas être ensemble. »

Avez-vous le sentiment que, comme disait R. Barre en son temps : « la décomposition de la droite n'est pas achevée ». Quand on voit ce qui se passe à la mairie de Paris par exemple, où on s'écharpe, vous en pensez quoi ? Qu'il y a encore beaucoup de terrains de disputes ?

- « Il y a encore beaucoup de difficultés ; je crois que l'opposition ne va pas très bien. Ma suggestion, c'est que nous nous consacrions - je le répète - principalement: un, à nous opposer; deux, à préparer le projet alternatif qui sera susceptible, demain, de convaincre les concitoyens de se tourner vers nous. En tout cas moi, c'est à cela que je vais consacrer tous mes efforts. »


RMC - jeudi 16 avril 1998

Vous étiez ministre des Affaires étrangères de J. Chirac il y a un an. Ce soir le Président de la République parle sur l'Europe et sur l'euro. Est-ce que c'était nécessaire ? Parce qu'on n'a pas l'impression quand même que, la marche vers l'Europe fut... menacée.

- « Non mais je crois que c'est bien que le Président de la République s'exprime, à un moment où nous allons prendre, nous - c'est-à-dire nous les Français, nous la France - une décision extrêmement importante. Nous arrivons processus de création de la monnaie unique, qui a désormais 25 ans d'ancienneté ; qui a été dès le départ une idée française, une proposition française - une proposition de V. Giscard d'Estaing, en association avec le Chancelier allemand de l'époque, H. Schmidt -, donc ça a été difficile, compliqué, chaotique, avec des hauts, des bas. Mais je crois que c'est l'intérêt profond de notre nation ; et par conséquent c'est une grande décision. Et je trouve bien que le Président de la République marque ce moment d'une pierre blanche, en s'exprimant solennellement devant les Français ; je crois que c'est utile. »

A propos de l'Europe : les élections européennes ont lieu l'an prochain ; vous avez été reçu par le Président de la République lorsqu'il a consulté les chefs de parti récemment. Faut-il absolument, à votre avis, changer le mode de scrutin l'an prochain ?.

- « Sans aucun doute. D'abord il faut chasser la proportionnelle du paysage politique français. On a vu à quelle catastrophe la proportionnelle a conduit aux régionales ! Aux élections européennes, on sait quel est le résultat : c'est-à-dire l'éparpillement des députés européens français - qui sont répartis dans presque tous les groupes au Parlement européen -, de sorte qu'il n'y a pas de défense collective des intérêts de la France. Et deuxièmement: ça fait des personnages absolument anonymes. Qui est votre député européen ? Vous n'en savez fichtre rien, parce que vous avez voté pour une liste dont vous ne savez même pas ce qu'elle fait, ce qu'elle devient, ce qu'elle a fait pendant les cinq ans du mandat ? C'est pourquoi je propose - j'ai proposé - au Président de la République : non pas ce qui court aujourd'hui dans les bureaux des partis politiques, c'est-à-dire une nouvelle forme proportionnelle régionalisée, mais un scrutin uninominal à deux tours, comme pour… »

Majoritaire à deux tours.

- « Majoritaire à deux tours, comme pour les députés. Il y a 87 députés européens, ça fait à peu près - pas tout à fait - mais à peu près 1 député par département. Eh bien sur cette base, grosso modo, on doit pouvoir arriver à faire en sorte que, dans chaque département, il y ait un député européen, et que l'on vote pour son député européen. »

On a le temps de faire ça avant le mois de juin ?

- « Ça prend très exactement trois semaines au Parlement. Si on le veut ! Mais si on tergiverse pendant des semaines et des semaines, comme on a fait pour les régionales - pour ne rien faire du tout finalement -, eh bien nous aurons ce que nous mériterons : c'est-à-dire probablement un déchirement national, à l'occasion des élections européennes. »

Le Front national a affirmé par la voir de J.-M. Le Pen qu'il allait passer devant toutes les formations de la droite classique à l'occasion de ces élections…

- « Ce ne sont pas les rodomontades des candidats potentiels qui font les résultats des élections. »

Enfin ça compte.

- « Oui, on verra bien. »

Ce n'est pas loin. Le Front national est devant l'UDF par parenthèses…

- « Oui, oui, bien entendu. Vous savez, il y a en France aujourd'hui, quelque chose qui relève du scandale. Je dis ça parce que, je pense en particulier aux régions du Sud de la France où tout cela est vécu avec une intensité particulière. Et quand je parle de scandale, je parle tout simplement d'une situation qui est tellement contraire à ce que l'on croit bien, ce qu'on croit légitime, que l'on s'en scandalise. »

C'est-à-dire ?

- « Eh bien ce qui est scandaleux aujourd'hui, c'est que la France est gouvernée par des gens qui sont incroyablement minoritaires. »

Cela a toujours le cas finalement.

- « Ecoutez… Vous avez aujourd'hui un Gouvernement, un Premier ministre, une majorité de députés à l'Assemblée nationale, tous ces gens sont minoritaires. Et le scandale est devenu provocateur… »

Ils ont gagné les élections.

- « Oui, bien entendu. L'affaire est devenue provocatrice à l'occasion des élections régionales. Et je comprends - même si je ne partage pas toujours les conclusions qu'on en tire -, je comprends ceux qui, sur place, disent : mais enfin, la gauche n'est pas majoritaire dans la région Paca, et c'est elle qui gouverne ! La gauche n'est pas majoritaire dans la région Aquitaine, et c'est elle qui gouverne! La gauche n'est pas majoritaire dans la région Rhône-Alpes, et c'est elle qui veut gouverner ! »

Elle est moins minoritaire que la droite.

- « Oui, oui, je sais bien. Très précisément, je n'ai pas dit qu'il fallait que ce soit... Faire masse de la droite et de l'extrême droite, je ne le crois pas du tout. Je crois que, du point de vue des forces de la droite et du Centre, que je représente devant vous aujourd'hui, s'associer d'une façon ou d'une autre au Front national, c'est mortel ; c'est contraire à quelque chose d'essentiel que nous avons dans le coeur et dans l'esprit qui est la base de notre engagement politique. Et c'est mortel politiquement. Il n'empêche, qu'à force d'avoir laissé, par cynisme - et la responsabilité en incombe au Parti socialiste et à M. Mitterrand en son temps et M. Jospin fait la même chose -, à force d'avoir, par cynisme, fait monter l'extrême droite, on a abouti à une situation qui, dans notre pays, relève du scandale. Et il ne faut pas s'étonner que, du même coup, les gens - l'humeur populaire - deviennent furieux ! »

Mais comment remédier à ce scandale M. de Charette !? faut gagner les élections ?

- « Oui, bien sûr. D'abord c'est une affaire de longue haleine ; je ne crois pas que l'on résout ce problème du jour au lendemain. Simplement, permettez - j'utilise votre micro pour le dénoncer - parce que, je répète : c'est le cynisme de la gauche qui a provoqué largement cette situation ! Il y a autre chose qui l'a provoquée, je vais le dire franchement parce que je le pense : c'est le fait, pour nous aussi, quand nous étions en responsabilité des affaires, de ne pas avoir résolu les problèmes. Si le chômage continue à monter inlassablement pendant 20 ans, quoi que fassent les gouvernements, et quoi qu'ils changent d'ailleurs, et quoi que votent les électeurs, il ne faut pas s'étonner qu'il arrive un moment où une partie des électeurs aient envie de jouer telle manche. »

Franchement, ne pensez-vous pas que le spectacle que donne la droite en ce moment - sur l'UDF ou au RPR par parenthèses, les deux partis réunis - n'alimente pas aussi le Front national ? Est-ce qu'il n'y a pas de votre faute aussi, collectivement ?

- « Oui, mais je n'ai pas nié la responsabilité des uns et des autres, y compris celle de l'UDF. Puisque vous en parlez aujourd'hui, c'est vrai, l'UDF connaît une crise profonde. Et je crois que, franchement, le meilleur objectif qu'on puisse poursuivre, la meilleure attitude qu'on puisse prendre, c'est d'essayer de faire en sorte que, notre famille politique d'abord, ne se saborde pas elle-même par ses désordres et ses divisions ; qu'au contraire on se rassemble. »

C'est possible ?

- « Oui, je crois. Moi en tout cas, je fais partie de ceux qui disent : arrêtons les châtaignes dans l'UDF ! Regroupons tout le monde, et décidons de travailler sous une forme unitaire. »

Un nouveau parti ? Ça veut dire: disparition de la structure ancienne ?

- « Voilà ; ça veut dire la disparition des partis qui composent l'UDF, la fusion dans l'UDF. Et puis fonctionnons comme tous les partis de France et de Navarre : un parti de type unitaire, avec une seule organisation. Je vois bien ce qui se passe, quels sont les obstacles à cette idée simple et que, franchement, je… »

Et que les électeurs demandent d'ailleurs...

- « Bien entendu, c'est le bon sens. Qu'est-ce qui s'y oppose ? Les avantages, les privilèges des uns ou des autres ? La guerre des chefs ? Ceux qui pensent qu'ils pourraient perdre leur prééminence, qui veulent retarder le moment où ils vont s'affronter l'un à l'autre ? Franchement, notre base n'en a rien à « foutre" ! Vous en êtes bien conscient. Et ce que moi j'entends monter du terrain - à la fois nos adhérents et nos élus - c'est le désir d'être écoutés, la possibilité de pouvoir débattre sérieusement. »

La consultation est en marche ?

- « Je l'espère. Et que tout ne soit pas décidé à Paris. Nous avons vécu dans ces élections régionales une situation ahurissante ! Dans laquelle les listes étaient faites à Paris. Demandez ce que pensaient les responsables régionaux de l'UDF - j'en étais un à ce moment-là - ce que nous pensions de cette idée absolument démentielle, que Paris voulait désigner le 14e sur la liste du département de "Trifouillis-les-Oies". Quelle idée ! »

Deux mots M. de Charette sur ce qui se passe à Paris, au RPR, la bataille actuelle ? Qui vous concerne finalement, toute l'opposition...

- « Oui ça concerne le RPR et l'UDF. Je ne crois pas que l'opposition donne une bonne image d'elle-même dans la première ville de France, parce qu'elle se déchire. Et par conséquent, je pense en effet que le mieux qu'on puisse faire sur Paris - là comme ailleurs -, c'est de faire en sorte de se rassembler. Et si on a des problèmes, de les régler entre nous. »


LE FIGARO - 20 AVRIL 1998

LE FIGARO, - Approuvez vous le changement de mode de scrutin réclamé par le président de la République pour les prochaines élections européennes ?

Hervé de CHARETTE. - Le président a raison : il faut changer le mode de scrutin des élections européennes. Mais je voudrais aller plus loin et effacer la proportionnelle du paysage politique.français. Parce que c'est un scrutin pernicieux, perfide, destructeur. Pour ma part, je suis partisan d'appliquer aux européennes le mode de scrutin des législatives.

En d'autres termes, je suggère que les 87 députés français au Parlement européen - cela correspond à peu près à un député européen par département - soient désormais élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cela permettrait aux électeurs de mieux connaître leur député. Cela permettrait également de voir apparaître des majorités claires au Parlement européen. Une chose est certaine : si nous ne changeons pas de mode de scrutin, je peux d'ores et déjà vous annoncer des catastrophes.

- Quelles suggestions faites-vous pour sortir de la crise que traverse actuellement l'UDF ?

- Il y a trois attitudes possibles. La première, c'est le statu quo. On décide de ne, rien faire. Bien sûr, je ne suis pas d'accord. La seconde, c'est la rupture entre centristes et libéraux. Je crois que ce serait un drame. C'est pourquoi je propose d'adopter une troisième attitude, qui serait celle du changement, d'un vrai changement.

Ce que je propose, c'est tout simplement la constitution : d'une formation nouvelle, unitaire, qui rassemblerait l'ensemble des élus et des adhérents de l'UDF sur la base d'un : projet clair, adopté en commun.

- Approuvez-vous le processus de réforme consultation des adhérents par le biais d'un questionnaire - adopté par la direction de l'UDF ?

- Je rappelle ce qu'a pro posé François Léotard : engager une consultation des adhérents par le biais d'un questionnaire sur l'avenir de l'UDF, puis s'organiser en courants politiques - ceux-ci étant appelés à remplacer les composantes. Je ne puis accepter une telle hypothèse. Parce que, si c'est pour avoir à l'avenir cinq courants là où il existe actuellement cinq composantes, ce n'était pas la peine de faire tout ce tintouin.

S'il s'agit - autre hypothèse - de remplacer cinq partis par deux courants politiques, avec un courant libéral dirigé par Alain Madelin, et un courant centriste dirigé par François Bayrou, ce serait, disons-le clairement, casser l'UDF. Ce serait faire passer la division avant l'union, avec deux hommes qui se regarderont en chiens de faïence et qui, fatalement, finiront par s'opposer. Jusqu'à quand ? Probablement aux prochaines élections présidentielles. Si ce scénario devait, comme je le crains, être retenu, ce serait la fin programmée de l'UDF parce que cela réduirait notre famille politique à une guerre des chefs.

- Justement, comment éviter la nouvelle guerre des chefs qui se profile ?

- Si on veut bien considérer que la priorité c'est le projet politique, si on veut bien admettre que la survie de notre famille politique passe par la fusion totale et immédiate de ses composantes, alors nous trouverons des réponses qui permettront à chacun de trouver sa place dans la vie politique. Pardon pour les chefs, mais il n'y a pas qu'eux. Certes, il faut, dans la perspective des prochaines élections présidentielles, que l'UDF renouvelée démontre sa capacité à être présente, mieux qu'en 1988 ou 1995, où nous n'avions pas eu de candidat à la présidence de la République. Mais les ambitions des uns ou des autres ne doivent pas s'exercer au détriment de notre famille politique.

- Vous-même, en tant que chef de l'une des composantes de l'UDF, seriez-vous prêt à vous sacrifier pour montrer l'exemple ?

- Au PPDF, nous sommes prêts à renoncer à notre structure politique, à condition que ce soit au profit de cette nouvelle formation politique unitaire. Pour autant, cela ne signifie pas que le PPDF ait l'intention de se noyer dans ce nouveau parti.

Nous continuerons à nous exprimer. Mais nous sommes effectivement prêts à fermer notre boutique si cela peut contribuer à l'édification d'une nouvelle et grande formation politique du centre et du centre-droit.

- Quels sont vos arguments pour convaincre les militants de la nécessité d'une fusion des composantes ?

- Soyons raisonnables. Combien pèse aujourd'hui l'UDF en termes électoraux ? 12 % des voix ? Si l'on devait accepter de voir l'UDF se scinder en deux, cela donnerait deux partis atteignant chacun 6 % des voix. Comment, dans ces conditions, espérer reconquérir une majorité politique française ? Franchement, ce n'est pas sérieux.

J'ajouterai une chose : en vingt ans d'existence de l'UDF, il s'est créé un sentiment d'appartenance à une famille que tout le monde n'a peut-être pas bien pris en compte. Demandez à quelqu'un dans la rue s'il sait ce que veut dire DL. ou FD. ou PPDF. La plupart des gens seront incapables de répondre. Alors que si vous demandez ce qu'est l'UDF, alors là les gens savent.

- Quelle stratégie politique pour ce parti unitaire que vous appelez de vos voeux ? Fournir une alternative à la gauche et refuser de s'allier avec le FN fournit un programme suffisant ?

- Vis-à-vis du Front national, il faut que les choses soient claires et sans ambiguïté. En même temps, l'avenir de l'UDF ne se mesure pas uniquement dans son positionnement par rapport au FN. Raison de plus pour élaborer un projet qui soit capable d'unir à la lois des libéraux et des hommes du centre. Un projet qui écarte ce qu'il y a d'excessif dans le tout-libéral. Un projet qui veille à ne pas être mou, comme certains en accusent parfois le centre. Bref, un projet qui associe ceux qui privilégient la liberté et ceux qui mettent en avant un humanisme qui doit être ferme et dé terminé.

- Un « blairisme à la française » pourrait-il fournir un tronc commun de valeurs à ce parti unitaire ?

- Pour fonder ce nouveau parti, je propose quelques bases communes. D'abord la passion de la liberté. Pas le tout-libéral. Personne ne peut échapper à l'économie de marché.

Mondialisation oblige : il faut faire sauter les barrières étatistes élevées depuis des générations dans le système économique et politique français. Mais cette passion de la liberté doit s'accompagner, selon moi, du refus du laisser faire, parce que le laisser-faire c'est le désordre et le chacun pour soi. Il faut une autorité régulatrice, des règles, un Etat pour les faire respecter.

Autre point de convergence : la priorité que nous souhaitons voir donner à la personne et à la famille. C'est l'axe central de toute la politique que nous voulons mener. Cela ne veut pas dire un humanisme mou, confus et vague, trop souvent exprimé, mais un humanisme qui vient du coeur et qui s'incarne dans la politique familiale.

Troisième point de rassemblement : la solidarité. Ce qui nous distingue des socialistes sur ce sujet, c'est qu'ils se tournent automatiquement vers l'Etat. Je crois au contraire qu'il y a sur le terrain des trésors d'énergie disponible pour exercer et assurer cette responsabilité, que ce soit au niveau de la vie associative, des collectivités locales, ou de l'entreprise.

Enfin, le projet européen, plus que jamais, mais à condition de l'actualiser, doit rester la marque distinctive de notre famille politique.

- Que peut-il arriver de pire à l'UDF aujourd'hui ?

- Je crains que le questionnaire destiné aux adhérents ne soit une façon de dissimuler le plan qui consiste à ne rien faire. Tout le problème est là : est-ce qu'on agit ? Ou va-t-on le plus long temps possible faire semblant d'agir ? Tout en espérant qu'on sera dispensé de faire, Il faut que les adhérents se prononcent clairement : parce qu'on sera alors tenu de faire. En tout cas, moi je vais faire campagne activement en faveur de la fusion des composantes.

- Cette UDF renouvelée pour laquelle vous militez doit-elle changer de nom ?

- Oui. Avec ce qu'il vient de se passer aux élections régionales, l'UDF a pris un sérieux coup. Si l'on veut vraiment créer quelque chose de neuf, il faut un nom nouveau.

- Approuvez-vous l'initiative des treize jeunes députés libéraux et centristes qui veulent « refonder le projet d'une droite moderne » ?

- Leur démarche est saine et positive. Je ne crois pas que la réforme de la vie politique française passe par les états majors des partis. L'essentiel doit se jouer sur le terrain. C'est pourquoi il est très important que nos parlementaires, nos élus locaux, et tous nos adhérents soient consultés.

Je reste persuadé que la base aspire profondément à l'union de nos forces. Maintenant, faut-il pousser cette volonté d'union jusqu'à faire un seul parti de l'opposition ? Je ne le crois pas. Ce serait violenter les différences de sensibilité qui s'expriment au sein de l'opposition.

- Etes-vous favorable à des primaires, comme le souhaite Philippe Séguin ?

- Les propos de Philippe Séguin sur ce sujet sont sans doute de nature à mobiliser les militants RPR, mais ils ne sont pas ce qu'il y a de plus raffiné s'il s'agit d'exprimer une volonté d'union de la droite ! Lorsqu'on se présente aux élections, il vaut mieux être unis. C'est l'évidence. La nier serait stupide.

Et penser qu'il y a une victoire possible du RPR sur les décombres de l'UDF relève de l'utopie la plus totale. Mais l'union ne veut pas dire la caporalisation de l'opposition. Dans bien des cas, on peut envisager des primaires. Je n'ai rien contre. L'essentiel est de rechercher la meilleure façon de gagner.

- Que pensez-vous dé l'initiative de Charles Millon visant à créer un nouveau parti de droite ?

- Que chacun fasse ce qu'il croit devoir faire !