Texte intégral
Vous êtes secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, c'est-à-dire un ministre heureux parce que, pour le moment, vous avez des chiffres exceptionnels !
- « On a eu des chiffres exceptionnels l'année passée, le meilleur résultat du siècle avec un doublement par rapport à l'année 1996. Et cette année, notre solde a l'air de se maintenir, malgré la reprise. »
On disait que les chiffres étaient bons, parce que la France était en retard de croissance, donc elle importait moins. Est-ce que c'est vrai ?
- « C'est sûr que maintenant nous importons, nous importons parce que les Français ont repris le goût de dépenser. Et puis les entreprises s'équipent. On devrait avoir une détérioration de notre solde mais il semble que la compétitivité de nos entreprises est suffisante pour que nous espérions un chiffre du même ordre de grandeur en 1998, par rapport à 1997, c'est-à-dire à peu près 160 milliards d'excédent. »
Alors, un mot de conjoncture, vous qui avez l'oeil rivé sur les chiffres de l'économie mondiale. Est-ce que la crise en Asie, et surtout au Japon maintenant, qui est quand même la deuxième puissance économique mondiale, peut assombrir les perspectives de croissance de l'économie française ?
- « Du point de vue des Français, pour le moment, au Japon, cela ne se passe pas trop mal. Nous avons des exportations vis-à-vis du Japon qui se maintiennent, alors que les exportations allemandes ont baissé de 17 % et les exportations américaines de plus, parce que nous avons l'agro-alimentaire. Peut-être que nous vendons moins d'alcool, mais nous vendons deux fois plus de vin en 1998 qu'en 1997. Pour le moment, cela va. J. Chirac a été au Japon et a fait de la propagande pour le mode de vie à la française. »
De la propagande ou de la promotion ?
- « Les deux. Je crois que c'est un peu lié. J'y vais la semaine prochaine pour montrer que l'on peut vivre à la française. On peut décorer sa maison à la française. On peut manger à la française. Alors bien sûr, nous ne vendrons peut-être pas des TGV au Japon, mais il y a quand même d'autres activités en France. »
Le Président de la République est un moteur pour les exportations françaises ?
- « C'est quelqu'un qui est très bon. Je crois qu'il y a deux présidents de la République qui sont très bons actuellement. Il y a le Président Clinton qui est exceptionnel. Chaque fois que l'on a le Président Clinton qui va dans un pays, nous sommes toujours un peu épouvantés, parce que nos entreprises vont souffrir. Il se bat au téléphone. Et J. Chirac est un émule du Président Clinton peut-être pas exactement avec la même intensité politique, mais il se bat. »
Dans l'avenir, est-ce que vous pensez que l'année prochaine, la France et l'Europe pourraient souffrir d'une crise en Asie qui se prolongerait ?
- « Il y a des effets positifs et des effets négatifs dus à la crise asiatique. D'abord, le fait qu'il y a une crise asiatique fait qu'il y a une surproduction de pétrole et que la facture pétrolière pour la France est quand même en baisse. Cela, c'est sympathique. Maintenant, par ailleurs, c'est un débouché pour l'économie mondiale. Et ce qui est très inquiétant, c'est ce qui se passe au Japon. Alors une baisse de régime au Japon - je crois qu'ils ont été en récession à la fin de l'année dernière et ils sont en récession cette année - c'est quand même ennuyeux, parce que cela veut dire que les Américains auront de la peine à exporter au Japon. Si les Américains ont des difficultés avec les Japonais, nous aurons à terme nous aussi des ennuis. Mais par ailleurs, le fait que les Japonais fuient devant le yen - qui explique la baisse du yen - fait qu'il y a des capitaux très abondants aux Etats-Unis, dans l'Union européenne, et cela, c'est un facteur de croissance pour nous. Donc, il y a du plus, il y a du moins. Il faudrait arrêter la baisse du yen et, mon Dieu, on arriverait à passer le cap un peu difficile de cette crise asiatique. »
Un mot sur l'affaire qui divise en ce moment la gauche, à savoir l'impôt de solidarité sur la fortune sur l'outil de travail. Est-ce qu'à votre avis, il faut intégrer l'outil de travail dans l'assiette de l'impôt sur la fortune ou non ?
- « Je crois que la gauche est très divisée sur ce sujet pour une raison : c'est qu'il y a du pour et du contre. Il y a du pour, parce que ce n'est pas normal qu'actuellement l'impôt sur la fortune soit un impôt sur l'immobilier. Enfin, on en est au stade où si vous voulez acquérir un local commercial, vous avez une taxe de 18 %. C'est manifestement non raisonnable. On est le seul pays au monde à taxer autant l'immobilier. Par ailleurs, on a toutes les affaires familiales, où d'ordinaire, le promoteur, celui qui a lancé l'entreprise, celui qui fait la réussite de l'entreprise, celui-là a le souci de tout réinvestir dans son entreprise. Si on commence à faire un impôt sur le capital, on risque de les décourager. C'est quand même un moteur très puissant que ces entrepreneurs qui se lancent à leurs frais, à leur compte. Les avis sont donc partagés. »
Votre avis ?
- « Je crois qu'il faut un débat démocratique et qu'on n'hésite pas. Et je pense que les médias sont un bon moyen pour qu'on voit si un impôt très modéré sur le capital, par exemple 0,5 %, 5 pour 1 000, sur l'ensemble des activités n'est pas relativement sain. Mais il faut évidemment éviter de décourager les entrepreneurs. Donc, il y a là.un choix à faire et je pense que c'est par un débat qu'on arrivera à le résoudre. »
Et votre choix personnel ?
- « Mon choix personnel, c'est quand même de faire très attention aux entreprises. »
Vous avez annoncé, hier, un plan pour aider les PME à l'exportation, il y a d'abord une statistique que vous avez donnée, que deux petites entreprises en France n'exportent pas pour un seul tiers qui exporte, à cause de quoi ?
- « D'abord, il faut se féliciter qu'après tant de difficultés économiques, nos entreprises sont compétitives. On n'est pas du tout face, comme il y a 10 ou 15 ans, à des entreprises qui produisent trop cher. Elles sont compétitives et en règle générale, elles n'exportent pas parce qu'elles ne sont pas au courant des aides qu'elles peuvent recevoir des pouvoirs publics. Par exemple, si vous allez prospecter… »
Elles ne sont pas au courant, ou bien elles n'ont pas envie d'aller chercher ailleurs… ?
- « Non, non, elles ne sont pas au courant et elles ont un peu peur. Mais vous, vous êtes un journaliste qui vous promenez par le vaste monde, mais la première fois où vous avez été à l'étranger, vous vous êtes sûrement posé la question : mais comment est-ce que j'arriverai à acheter du pain ? Comment est-ce que cela se passera ? Donc, il y a un tas de gens qui ont des petites entreprises à 40-50 personnes, qui ont un peu peur d'aller à l'étranger. Alors nous avons des mesures pour les aider: nous organisons des expositions françaises à l'étranger, où viendront les étrangers, et où les premiers contacts commerciaux seront établis, sans difficulté, et pour un prix qui est maîtrise par cette PME. Il faut que l'on augmente nos activités d'exposition à l'étranger, c'est ce que font les Italiens, beaucoup, c'est ce que font les Allemands. Je crois que les Français pourraient s'en inspirer. »
Les mesures que vous avez données, c'est-à-dire mesures d'avance ou quelques aides financières, est-ce que cela peut changer cette proportion qui fait qu'un seul tiers des PME exporte ?
- « On a des mesures financières, c'est tout à fait raisonnable, ce sont des mesures de l'ordre du milliard de francs. Par rapport au commerce de la France avec… »
Cela peut changer les choses?
- « Cela peut changer un peu les choses. Et puis surtout, nous allons faire de la publicité, nous allons faire un numéro vert où toute entreprise qui dit, mais dans le fond, j'aimerais bien un peu soutenir mon activité en exportant, on va leur mettre dans les journaux, à la radio et à la télévision, un numéro vert où ils pourront s'adresser et où ils auront des conseils, ils pourront exposer à nos spécialistes ce qu'ils veulent faire. Ils auront des conseils sur les garanties qu'on leur donne, s'ils vont à l'étranger, de telle manière qu'ils ne déséquilibrent pas le compte de leur petite entreprise en faisant une opération un peu ratée en Italie ou en Allemagne de l'Est. »
Ce n'est pas plutôt une question d'état d'esprit, l'exportation ?
- « Ah non, je crois que c'est vaincre une réticence, c'est comme quand vous vous mariez, vous vous demandez : est-ce que je me marie ? Mais c'est un peu la même chose, les gens ont un peu peur, ils n'ont pas fait l'essai. Ce que nous voulons, c'est que… »
S'il y avait autant de gens qui exportaient qui se marient… !
- « Non, mais c'est ce que nous voulons. Nous pensons que les PME peuvent toutes exporter, qu'elles sont compétitives et par là même, nous serons moins à la merci des très grands projets, des très grandes infrastructures où les Français sont rois. »