Texte intégral
Les Echos : Quel regard portez-vous sur le projet de loi contre les exclusions dont la discussion début aujourd’hui à l’Assemblée ?
Alain Deleu : Nous approuvons ce projet de loi dans ses grandes lignes. Outre la mobilisation interministérielle, le plus important, par rapport à tout ce qui a pu être fait auparavant, est qu’il ébauche un accompagnement personnalisé des chômeurs les plus en difficulté. C’est le cas des jeunes sans aucune qualification avec le programme Trace ; c’est le cas aussi des demandeurs d’emploi de longue durée qui devraient se voir offrir une formation ou un emploi par l’ANPE. Tels sont en tout cas les objectifs affichés par la loi. Il reste à voir si, pour une fois, avec la mobilisation des entreprises, on pourra passer de la parole aux actes.
Les Echos : Justement, l’une des critiques fréquentes faites au texte Aubry est que le dispositif de mise en œuvre est trop étatiste.
Alain Deleu : C’est un risque, et il faut trouver le moyen d’y remédier. C’est pourquoi nous souhaitons que les partenaires sociaux saisissent l’occasion qui leur est donnée pour s’impliquer dans le processus. Quand on voit le rôle de machine à exclure que joue le chômage, quand on voit que la durée moyenne dans le chômage ne cesse de progresser (410 jours en moyenne), je pense sincèrement que l’on ne peut laisser aux seuls pouvoirs publics le soin de trouver des solutions. Les organisations patronales et syndicales se doivent d’ouvrir des discussions pour voir de quelle manière elles pourraient apporter des solutions pour développer l’emploi.
Les Echos : Vous avez déjà demandé au CNPF d’ouvrir une négociation sur ce thème. Quelle a été sa réponse ?
Alain Deleu : La rencontre que nous devons avoir avec Ernest-Antoine Seillière a été repoussée à la mi-mai, le CNPF estimant qu’avant cette date, il n’était pas en mesure de répondre à nos questions.
Nous-mêmes, à la CFTC, nous nous impliquons sur le terrain. Nos unions départementales sont dans leur majorité d’ores et déjà partenaires d’au moins une association de chômeurs. Et pour les inciter à aller plus loin, la confédération a décidé d’appuyer financièrement les actions innovantes qu’elles prendront en faveur des personnes les plus en difficulté. Pour changer les choses, il ne suffit pas de faire évoluer les systèmes : il faut modifier le comportement des hommes.
Les Echos : Le projet de loi le permet-il ?
Alain Deleu : C’est un texte inscrit sur plusieurs années. Il est difficile de voir quelles seront les implications concrètes. Mais changer les mentalités est à la portée. Il faudrait pour cela renforcer les moyens du service public de l’emploi, dans les Assedic, mais surtout à l’ANPE. Le pourcentage d’agents publics de l’emploi par rapport à celui des chômeurs est en effet l’un des plus faibles en Europe. Rien ne sera possible sans une mobilisation des entreprises en faveur de l’emploi des personnes ayant des difficultés réelles d’insertion.