Interviews de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans "Le Parisien" du 3 juillet, "L'Humanité" du 29 juillet et "Le Figaro Magazine" du 1er août 1998, sur la lutte contre l'insécurité routière.

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Média : L'Humanité - Le Figaro Magazine - Le Parisien

Texte intégral

LE PARISIEN - 3 juillet 1998

Le Parisien
Comment garantir la sécurité des 40 millions d’automobilistes qui circuleront cet été sur les routes, de France ?

Jean-Claude Gayssot
« Cette période estivale se traduira par une présence humaine renforcée sur les routes pour renseigner, informer et faciliter le déplacement des vacanciers, mais aussi pour contrôler les comportements dangereux. 200 000 agents des collectivités locales, des sociétés, concessionnaires d’autoroutes et de l’État sont mobilisés pour faciliter la circulation et améliorer la sécurité routière. »

Le Parisien
Les derniers bilans - + 3,7 % de tués entre mars 1997 et mars 1998 - n’incitent pas à l’optimisme…

Jean-Claude Gayssot
- « Avec 7 989 tués en 1997, la France se situe à un niveau d'insécurité routière très supérieur à celui de la plupart de ses voisins. Les 25 mesures décidées par le Comité interministériel de sécurité routière sur la formation des usagers de la route, l'amélioration des infrastructures, la vitesse… se mettent en place. »

Le Parisien
Doit-on s’attendre à un accroissement de la présence des forces de l’ordre et quelles consignes : leur avez-vous données ?

Jean-Claude Gayssot
- « Près de 4 000 militaires de la gendarmerie et 5 300 hommes de la police nationale viendront s'ajouter aux effectifs. Les contrôles seront accentués. La vitesse, le port de la ceinture à toutes les places, l’alcoolémie du conducteur feront l’objet de contrôles. Sur la RN 10 où je me rends aujourd’hui, les effectifs de gendarmerie augmenteront de 30 %. Cet axe sera mis aux normes auto-routières dans les prochaines années. »

Le Parisien
Que souhaiteriez-vous dire à ceux qui, dès aujourd'hui, vont prendre la route ?

Jean-Claude Gayssot
- « Les vacances sont une période privilégiée qu'il appartient à chacun de ne pas ternir. Les accidents ne sont pas une fatalité et ils peuvent être évités. Ne gâchez pas vos vacances, ni celles des autres. Ayez une conduite apaisée et citoyenne. »

 L’HUMANITÉ – 29 juillet 1998
 
l'Humanité
Monsieur le Ministre, un nouvel accident grave sur l’A7 vient de faire sept morts, huit blessés graves et vingt-quatre blessés légers ! C’est donc une très mauvaise nouvelle pour le ministre qui a en charge la sécurité routière et qui a fixé il y a un an l’objectif ambitieux de réduction de moitié du nombre de morts en cinq ans, sur nos routes ?

Jean-Claude Gayssot
- « C’est une très mauvaise nouvelle d’abord pour les victimes, pour leur famille et aussi pour tous ceux qui luttent avec détermination contre l’insécurité routière. C’est mon cas. Concernant l’accident d’hier. La justice a été saisie, elle déterminera les responsabilités. Pour ma part, j’ai immédiatement diligenté une enquête technique et administrative pour disposer de tous les éléments d’analyses en termes de normes et de réglementation. [illisible] aussi des autocars qui suivaient le camion accidenté ont pu s’arrêter normalement. Parce que leur vitesse n’était pas excessive et la distance entre les véhicules respectée. C’est parce que l’autocar néerlandais roulait trop vite qu’il n’a pu éviter le terrible choc. »

l'Humanité
Il reste que la France est véritablement et de beaucoup, le mauvais élève de la classe européenne sur cette question de la sécurité routière ?
 
Jean-Claude Gayssot
- « C’est malheureusement la vérité et je me bats contre toute idée de fatalité. Nous voulons gagner 4 000 vies en cinq ans sur les 8 000 que les accidents de la route retranchent chaque année. Je ne veux pas cacher la vérité aux usagers de la route : les résultats des premiers mois de 1998 ne sont pas bons ! J’ai bien conscience d’un effort de longue haleine en ce qui concerne le travail de formation des futurs conducteurs, mais j’ai aussi conscience que chaque jour compte, parce que chaque vie compte. La vitesse est une des causes majeures de l’aggravation des accidents. C’est pourquoi parmi les six mesures que comporte la loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale à l’automne et qui a été adoptée au Sénat à l’unanimité en première lecture, l’une d’entre elles concerne l’alourdissement des sanctions en cas de délit de récidive pour excès de grande vitesse. Chaque année, un comité interministériel fera le point des obstacles -, et je l’espère, de nos progrès en matière de sécurité routière.
Le Gouvernement s’est donc engagé dans cette épreuve de la réduction du nombre de morts sur nos routes parce que notre résultat n’est pas digne d’un pays civilisé. Il faut avoir le courage de dire cette vérité aux Françaises et aux Français. Le droit de circuler librement et en sécurité, de tout citoyen, est un droit fondamental. Le Gouvernement, les forces de sécurité, les agents, des services publics et les personnels de secours font et feront leur devoir, et je tiens à rendre hommage à leur efficacité et à leur dévouement. Mais personne ne pourra remplacer la part personnelle, la part citoyenne qu’il revient à chacun d’assumer pour que la conduite apaisée devienne enfin la règle pour tous. Je lance cet appel à la prudence au moment du retour des « juillettistes » et du départ des « aoûtiens » : respectez la réglementation et faites preuve de bon sens. Ne gâchez rien. Bref, préservez votre vie en préservant celle de votre famille, celle des, autres.

LE FIGARO MAGAZINE  - 1er août 1998

Le Figaro Magazine — Abaisser le nombre des victimes de la route de 50 % en cinq ans, c’est un objectif ambitieux.

Jean-Claude Gayssot : « Je sais que c’est un effort énorme, mais l’objectif est mobilisateur. Il fallait sortir de la continuité. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’on se retranche derrière la fatalité. Beaucoup de conducteurs pensent que nous sommes arrivés à un seuil d’accidents incompressible. Résultat, nous constatons une certaine stagnation, voire des pointes de recrudescence. Il faut donc franchir un nouveau pas. »

Le Figaro Magazine — Dans quels domaines vont porter vos efforts ?

Jean-Claude Gayssot - «  Il faut d’abord faire converger les efforts sur le comportement du conducteur, pour l’inciter à adopter une « conduite apaisée ». Il faut, dès la maternelle, induire le respect de l’autre au volant, et poursuivre cette éducation toute la vie. La conduite est un acte individuel, mais aussi social. Dans votre voiture, il y a des passagers, et à côté de votre voiture, il y a d’autres véhicules, des enfants, des cyclistes. Il faut en permanence y songer. Parallèlement, l’État ne doit pas négliger ses responsabilités. Le budget de la Sécurité routière vient d’être augmenté et nous nous attaquons aux infrastructures. Je viens d‘ordonner la transformation de la RN10 en quatre voies dans les Landes. Des travaux vont être aussi entrepris sur la RN7, et nous travaillons avec la SNCF sur le problème des passages à niveau.
Désormais, tout nouveau projet routier ou autoroutier devra être soumis à un responsable de la Sécurité routière. De plus, un comité interministériel sur la sécurité se réunira chaque année. Ce sera l’occasion de faire le point, de voir ce qu’il faut, ajouter ou modifier à nos plans. »

Le Figaro Magazine — Le délit de très grande vitesse, en cas de récidive, est fixé à 50 km/h au-dessus de la vitesse autorisée, aussi bien sur autoroute qu’en ville. Certains vous le reprochent.

Jean-Claude Gayssot - « J’ai songé à ce problème. Finalement, nous avons choisi d’uniformiser dans un souci de clarté. Si nous diversifions trop, il va finir par y avoir confusion. Mon but, c’est qu’il n’y ait plus d’infraction, je ne cherche pas à piéger les gens. Je souhaite même que l'on revoie et que l’on simplifie le système des limitations, car il arrive qu‘un conducteur ne sache plus où il en est à force de passer de zones limitées à 50 km/h à d’autres limitées à 30, 60, 70 ou 80, sans que l’on sache très bien pourquoi. »

Le Figaro Magazine — 55 % des accidents du travail mortels sont dus à la route. Prévoyez—vous une action ?

Jean-Claude Gayssot - «  Il faut effectivement sensibiliser les entreprises et les comités d’entreprise sur ce sujet. Déjà le fait que le propriétaire du véhicule soit pécuniairement responsable en cas d‘infraction, même s’il n’était pas au volant, peut changer beaucoup de choses. Les entreprises n'auront pas envie de payer pour un employé fautif, et, à l‘inverse, un employé n’aura pas envie de commettre des infractions pour respecter son planning si on lui retient le montant du PV sur son salaire. »

Le Figaro Magazine — Les conducteurs novices sont aussi à l’origine de 15 % des accidents.

Jean-Claude Gayssot - «  Dans ce domaine, je suis en discussion avec les assurances et les mutuelles. Nous étudions la possibilité d’accorder une baisse des tarifs aux conducteurs novices qui accepteraient d’effectuer un stage de validation. De même, nous allons encourager le brevet d'attestation scolaire que 800 000 jeunes passent déjà en classe de troisième. Et je souhaite qu’il soit pris en compte au moment de l’examen du permis de conduire. »