Texte intégral
Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot
Cette nuit, sur l'autoroute A7, un grave accident de la route a fait de nombreuses victimes. En quelques instants, 7 personnes ont été arrachées à la vie, des dizaines d'autres sont blessées, dont 8 très gravement. Ce bilan, encore provisoire, est très lourd.
Au nom du Gouvernement, j'exprime toute ma solidarité aux victimes et aux familles dont des parents, des enfants, des amis, ont disparu cette nuit.
Peut-on invoquer la fatalité ?
L'enquête judiciaire éclairera les responsabilités des uns et des autres. Les premiers éléments dont nous disposons montrent que la vitesse comme la fatigue son en cause. Une fois de plus, le comportement humain est impliqué, comme dans 95 % des accidents.
Je demande qu'une enquête technique et administrative soit réalisée.
Chaque jour, 23 personnes perdent la vie sur la route.
C'est insupportable.
Nous sommes dans la période où les routes et les autoroutes sont les plus chargées et à la veille du grand chassé-croisé du milieu de l'été.
Cette période de vacances est aussi celle des risques.
La vigilance des forces de l'ordre, des personnels d'exploitation et de sécurité est renforcée, pour informer, prévenir, dissuader et réprimer si nécessaire.
La sécurité sur la route concerne chaque conducteur, chaque passager. J'en appelle à la responsabilité et au civisme de chacun. C'est la condition essentielle pour respecter la liberté de circuler en toute sécurité.
France 2 : mercredi 29 juillet 1998
Q - Dans l'accident de Montélimar, vous avez demandé une enquête administrative et technique sur la réglementation ?
- “Oui, il y a une enquête judiciaire, ce qui est normal quand il y a des victimes, des morts ou des blessés. Et en même temps, j'ai diligenté une enquête administrative et technique pour voir si au point de vue des normes, de la réglementation, il y a des éléments à tirer de ce tragique accident.”
Q - Ca veut dire quoi, qu'il pourrait y avoir notamment des améliorations sur l'autoroute ?
- “Il faut regarder tout ce qui s'est passé, savoir les causes. Bien sûr, la responsabilité humaine dans ce type d'accident est totalement évidente, puisqu'il semble bien que le chauffeur d'un des deux cars, celui qui a percuté les autres autobus, allait trop vite. Les véhicules étaient arrêtés derrière un camion qui s'était renversé…”
Q - Et ça s'est passé 20 minutes après l'accident.
- “Ca s'est passé 20 minutes après mais c'est très important de voir que tous les véhicules, qu'il s'agisse d'automobiles normales ou de poids lourds ou de cars, avaient pu s'arrêter parce qu'ils roulaient normalement, parce qu'ils avaient respecté les distances, et puis ce car est arrivé à une vitesse excessive, semble-t-il, et il n'a pas pu s'arrêter. Donc la vitesse est responsable pour une grande part des accidents dans notre pays. On peut dire que sur les plus de 8 000 morts qu'il y a chaque année en France, près de la moitié, en particulier l'été, a pour cause la vitesse excessive.”
Q - Justement, votre objectif est de ramener les 8 000 morts à 4 000 sur cinq ans. C'est une longue tâche ?
- “C'est une tâche énorme et une ambition considérable mais qu'il nous faut mener parce que la France n'est pas très bien placée au point de vue européen. Nous avons chaque année 8 000 morts, des dizaines de milliers de blessés qu'on pourrait réduire très massivement. Le Gouvernement a décidé de réduire sur cinq ans le nombre de tués sur les routes de France. La France est un pays où il y a des millions d'automobilistes nationaux…”.
Q - Elle est au coeur aussi d'un trafic routier européen très important. Beaucoup d'étrangers transitent par la France.
- “Vous avez tout à fait raison et puis aussi beaucoup d'étrangers viennent en France puisque nous sommes le premier pays touristique du monde. Donc, nous avons une responsabilité touristique du monde. Donc nous avons une responsabilité particulière. Il s'agit de réduire de moitié. Aujourd'hui, il y a 8 000-8 500 morts par an ; eh bien d'ici cinq ans, il faut qu'il y en ait bien moins, il faut qu'il y ait moins de 4 000 pour réussir notre paris.”
Q - Le fait qu'il y ait dans cette affaire en cause un chauffeur d'autocar et un chauffeur de poids lourd, est-ce que ça ne risque pas encore de relancer un peu la polémique sur les conditions de travail des chauffeurs ?
- “Bien sûr qu'il y a des problèmes de réglementation. Et j'agis non seulement à l'échelle du pays mais à l'échelle européenne pour que les conditions de travail, la réglementation, le temps de conduite, le temps de service, le temps de repos, tout cela soit amélioré. Cela se fait à l'échelle européenne, il y a une réglementation française également. Beaucoup de choses ont été dites et notamment lors du dernier conflit des routiers. Cette question concerne non seulement les conditions de vie et de travail mais aussi la sécurité. Vous avez raison de souligner cet aspect. C'est pour les chauffeurs routier bien sûr qu'il faut améliorer les conditions de vie et de travail mais c'est aussi pour la sécurité routière.”
Q - SOS catastrophes met en cause le manque de moyens de la sécurité routière et dit que 16 ans après le dramatique accident de Beaune, les choses n'ont pas été suffisamment améliorées.
- “Il y a eu, durant les 20 dernière années, une réduction sensible du nombre de tués et du nombre de blessés. Mais ce qui est vrai, et je le dis pour cette association comme pour toutes celles qui agissent contre l'insécurité routière, il est vrai qu'il faut encore faire beaucoup beaucoup d'efforts. Quand je suis arrivé au Gouvernement, j'ai constaté non seulement qu'il n'y avait pas eu de conseil interministériel sur la sécurité routière depuis plus de quatre ans : nous avons décidé d'en faire un chaque année avec l'objectif que je vous ai dit. Nous avons vu des moyens qu'il fallait absolument augmenter : j'ai augmenté de 10 % la part du budget sur la sécurité routière. Mais il n'y a pas que la part du budget sur la sécurité routière, il y a aussi les effectifs de gendarmerie, les effectifs de police, les agents de l'équipement qui travaillent là-dessus, l'amélioration des infrastructures routières. Nous avons là aussi pris des décisions importantes pour améliorer. Mais je conviens qu'il reste encore beaucoup beaucoup d'efforts à faire.”
Q - Et puis il y a ce délit d'excès de grande vitesse qui pourrait être adopté et qui là aussi changerait peut-être le comportement des gens sur l'autoroute.
- “Il s'agit d'un délit de récidive d'excès de grande vitesse pour les chauffeurs – pour ne pas dire les chauffards – qui dépasseraient de plus de 50 km à l'heure les vitesses prescrites, que ce soit en ville, sur les routes départementales ou nationales ou que ce soit sur les autoroutes. Ca concerne un tout petit nombre de chauffeurs et c'est vrai que lorsqu'il y aura récidive, si la loi est adoptée par l'Assemblée nationale comme elle a été adoptée par le Sénat en première lecture, il y aura le délit, c'est-à-dire la possibilité de poursuivre non seulement pour des amendes sévères mais également avec des risques d'emprisonnement si le juge le décide.”