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Philippe Douste-Blazy : "Ne disposer que des produits les plus fiables"
Il ne faut pas dramatiser, explique le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, dans une interview au "Quotidien". Simplement, il souhaite que notre pays "dispose des produits les plus fiables".
Le Quotidien : Pourquoi avez-vous pris une telle décision ?
Philippe Douste-Blazy : Une étude comparative des tests a été demandée à l'Agence du médicament. Neuf d'entre eux ont été jugés moins spécifiques, moins sensibles, moins performants. Il est donc normal de conclure, en raison des progrès scientifiques et médicaux concernant la virologie, que ces tests doivent être enlevés du marché si on ne veut conserver que les plus performants. Il est indispensable de réactualiser régulièrement ces tests. C'est ce que nous avons fait.
Le Quotidien : Est-ce que cela signifie que les tests supprimés étaient dangereux ?
Philippe Douste-Blazy : Il ne s'agit pas de dramatiser. Pour la première fois, le ministère de la Santé, a fait une évaluation des produits sur le marché. À la lueur des résultats, il était logique d'en tirer certaines conclusions. Il faut agir de la sorte pour la santé publique, mais aussi pour rendre l'information médicale la plus transparente possible. C'est le meilleur moyen pour responsabiliser les médecins, les hommes de laboratoire et les acteurs de la santé publique.
Le Quotidien : Mais cette décision n'a-t-elle pas été prise dans la précipitation, dans la mesure où les firmes concernées ainsi que les laboratoires n'étaient même pas avertis…
Philippe Douste-Blazy : Il n'y a pas eu précipitation. Simplement, nous ne tenons pas à prendre le moindre risque. Dès que nous avons appris les résultats de l'évaluation, nous avons tenu à réagir.
Le Quotidien : Cette façons de faire n'est-elle pas dû à "l'affaire du sang contaminé" pour éviter qu'on ne puisse vous reprocher de ne pas avoir agi ?
Philippe Douste-Blazy : Encore une fois, il ne faut pas dramatiser. Notre démarche était motivée par des raisons de santé publique. Certains tests de 1985 étaient considérés comme fiables. Aujourd'hui, il en existe de plus performants. Nous voulions simplement que notre pays ne dispose que des produits les plus fiables.
28 juillet 1993
France Soir
"J'ai pris mes responsabilités"
Commentant sa décision de retirer certains tests du marché le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, insiste sur la "transparence" de la mesure et se refuse à "dramatiser".
France Soir : Pourquoi une telle mesure ?
Philippe Douste-Blazy : Lorsque je suis arrivé au ministère de la Santé, j'ai immédiatement demandé qu'une étude comparative soit réalisée sur les différents tests de dépistage du sida disponibles en France. Depuis 1985, de nombreux progrès ont été réalisés dans des domaines tels que l'immunologie ou la virologie. Il fallait en tenir compte.
France-Soir : Pourquoi maintenant ?
Philippe Douste-Blazy : Aucune étude de ce type n'avait été réalisée depuis 1985. Dès que j'ai eu connaissance des résultats, j'ai pris ma décision, dans une logique de transparence et aussi de rapidité.
France-Soir : Dix millions de tests de dépistage sont réalisés chaque année en France. Que souhaitez-vous dire aux personnes qui s'interrogent sur la validité du test qu'elles ont passé ?
Philippe Douste-Blazy : D'abord, de ne pas dramatiser. Le fait que certains tests aient été retiré ne veut pas qu'ils sont mauvais. Cette décision est une réactualisation en fonction des connaissances aujourd'hui disponibles.
France-Soir : En tant que médecin, conseillez-vous à ces personnes le refaire un test ?
Philippe Douste-Blazy : C'est une décision qui relève d'un dialogue avec son propre médecin. En tant que responsable de la santé publique, j'ai pris mes responsabilités.
28 juillet 1993
Le Parisien
"Pour ne pas vivre d'autres drames"
C'est le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, qui a décidé hier de retirer du marché neuf tests jugés insuffisamment fiables, à la suite d'une étude qu'il avait lui-même demandé.
Le Parisien : Pourquoi avez-vous demandé une évaluation des tests de dépistage du sida ?
Philippe Douste-Blazy : On peut parler d'une logique nouvelle : c'est la première fois que, en santé publique, une évaluation est effectuée sur ces tests. Il s'agit d'un choix, dont on assume les conséquences, j'ai demandé cette évaluation, pour ne pas vivre d'autres drames dans le domaine de la santé publique. Mon objectif est la recherche de la plus grande sécurité et de la transparence. Il y aura régulièrement des évaluations, sur ces tests comme sur ceux du virus de l'hépatite, par exemple. Depuis 1985, de nombreux progrès scientifiques ont été enregistrés, et il est de mon devoir d'offrir à nos concitoyens toutes les exigences d'excellence.
L. P. : Concrètement, que fait aujourd'hui une personne qui a déjà subi un test de dépistage, mais ignore si son laboratoire a utilisé les marques désormais retirées du marché ?
Philippe Douste-Blazy : Il ne s'agit pas de dire que ces neufs tests sont mauvais. Mais sur les trente et un textes d'aujourd'hui disponibles, l'Agence du médicament a retiré ceux qui n'offrent plus les meilleures garanties qu'exige le ministère en matière de sensibilité. C'est la transparence que de dire, en termes de laboratoire d'analyses, il ne faut pas prendre ces neuf tests. S'il y a une inquiétude, elle est à discuter avec son médecin. Mais ce choix d'évaluation correspond aujourd'hui à un geste majeur.
28 juillet 1993
Le Figaro
"La dure loi du genre…"
Pour Philippe Douste-Blazy, il s'agissait simplement de sélectionner les tests les plus performants. De nouvelles évaluations seront d'ailleurs répétées dans l'avenir.
Ayant décidé de retirer complètement du marché 9 tests de dépistage du virus du sida et d'en interdire d'usage dans les établissements de transfusion sanguine 6 autres, Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé, explique pour Le Figaro le sens de cette décision.
Le Figaro : Pourquoi l'évaluation faite par l'Agence du médicament a-t-elle été mise en œuvre ?
Philippe Douste-Blazy : Dès notre arrivée au ministère, nous avons souhaité savoir si les différents tests utilisés en France pour le dépistage du sida étaient tous comparativement performants. En effet, depuis 1985, date des premiers tests, de nombreux progrès en biologie moléculaire et en virologie ont été faits et il nous paraît important, en santé publique, de faire des évaluations des outils utilisés.
Le Figaro : Mais celte évaluation vous conduit à faire des coupes sombres…
Philippe Douste-Blazy : Il ne faut pas dramatiser, c'est simplement une actualisation de la liste des tests que l'on peut pratiquer. L'étude de l'Agence du médicament vient en effet de montrer que parmi 31 tests, 9 sont moins performants. Autrement dit, en termes de sensibilité, neuf tests ne présentaient pas les qualités d'excellence que le ministère exige dans le domaine de la santé publique. Qui dit "évaluation" dit "choix" : lorsqu'on sait que des tests sont moins performants que d'autres, il faut en tirer les conclusions. Ces tests seront donc retirés du marché, à la fois pour des raisons d'efficacité et de sécurité.
Il s'agit en particulier de diminuer le nombre de faux négatifs, c'est-à-ne dire de personnes porteuses de virus et ayant malgré cela un résultat négatif au test. C'est une question de sécurité pour la personne elle-même et pour son entourage.
Le Figaro : Le choix s'est fait, dites-vous, en retenant les tests les plus performants. Quels sont les éléments qui ont conduit à en retenir 15 parmi les meilleurs plutôt que 7 ou que 20 ?
Philippe Douste-Blazy : En réalité, tous ceux qui n'ont pas été écartés sont comparables, et excellents.
Le Figaro : Pratiquement…
Philippe Douste-Blazy : Il ne s'agit pas de dire que les tests qui sont retirés étaient très mauvais : ils sont moins performants que d'autres. C'est la dure loi du genre : en santé publique, lorsque les études sont réalisées, il faut les lire et en tirer les conclusions.
De sorte que l'Agence du médicament qui a mené cette étude demande actuellement aux fabricants concernés par le retrait de cesser la distribution des produits correspondants.
Le Figaro : Puisque cette étude montre une moins bonne qualité des performances de certains tests, certaines personnes actuellement se croient séronégatives alors que leurs résultats auraient été positifs avec des tests plus sensibles. Avez-vous prévu de faire rechercher individuellement toutes ces personnes : informées, elles pourraient refaire un autre examen ?
Philippe Douste-Blazy : Non. Ce que nous voulons, c'est améliorer le dépistage. Et faire bénéficier nos concitoyens des progrès scientifiques. En matière d'informations, un numéro d'appel va être mis en place rapidement destiné au grand public.
Le Figaro : Des évaluations régulières des tests sont-elles prévues ? À quel rythme ?
Philippe Douste-Blazy : Bien sûr. En termes de santé publique, il faut toujours réévaluer régulièrement.