Texte intégral
Démocratie Moderne : Vous avez consacré votre première conférence de presse à la lutte contre le Sida. Quel bilan vous a incité à faire ce choix ?
Philippe Douste-Blazy : La lutte contre le Sida est l'une de mes priorités, presque une obsession.
Les chiffres montrent l'urgence : 13 000 malades atteints du Sida, 10 décès par jour et plus de 100 000 séropositifs. La France est le pays le plus touché de la CEE. Et le nombre de malades augmente de 15 % chaque année. Pour arriver à endiguer la maladie, il ne faut pas la suivre mais la précéder. Dans l'immédiat, et malgré le contexte difficile des finances publiques, j'ai donc décidé de doubler les crédits d'État consacrés à la vie quotidienne des malades.
Démocratie Moderne : Vous avez annoncé des mesures d'urgence. Quel en est le contenu ?
Philippe Douste-Blazy : Nous avons obtenu un budget supplémentaire de 40 MF qui vont nous permettre de mettre en œuvre huit mesures d'urgence destinées à humaniser le traitement de la maladie. Elles concernent le malade bien sûr, mais aussi la lutte contre la contamination des toxicomanes et la prévention dans les quartiers défavorisés.
Nous créons 160 000 heures d'aide-ménagère et de garde-malade pour faciliter le maintien à domicile des patients. 400 personnes au lieu de 200 pourront être prises en charge. Il faut éviter les hospitalisations à caractère social et favoriser la sortie précoce de l'hôpital.
De même, je ne peux accepter que des malades du Sida dorment dans des cartons aux halles ! Pour les exclus, ceux qui n'ont pas de logement ou des logements insalubres, nous allons tripler le nombre d'appartements thérapeutiques. Aucun malade ne doit se trouver sans foyer au moment où il a le plus besoin de chaleur et de fraternité.
En ce qui concerne les toxicomanes, nous allons tout faire pour lutter contre leur contamination. Je considère que le toxicomane est un patient qu'il faut aider, écouter, éduquer. Il faut avoir une vraie réflexion sur le sujet et multiplier les centres médicalisés de proximité.
Démocratie Moderne : Vous avez employé l'expression "prévenir la maladie", qu'allez-vous faire concrètement ?
Philippe Douste-Blazy : En effet, j'ai présenté un plan triennal consacré à la prévention, qui est aujourd'hui le seul vaccin contre le Sida.
152 millions de francs seront consacrés, chaque année par l'Agence française de lutte contre le Sida au développement d'actions préventives dans les quartiers défavorisés et les écoles. J'ai choisi de lutter contre l'ignorance, l'irresponsabilité et l'exclusion. Nous allons créer des centres d'information, de prévention et de dépistage dans les quartiers les plus démunis. Quant aux écoles, je suis choqué de constater qu'actuellement, il y a un médecin scolaire pour 12 000 enfants, alors que ce nombre, on le sait, doit être porté à un médecin pour 5 000 enfants.
Démocratie Moderne : Le Sida est l'une de vos priorités. Mais ce n'est pas la seule. Quel dossier comptez-vous traiter dans l'immédiat ?
Philippe Douste-Blazy : Nous savons que des milliers de vies pourraient être sauvées par un dépistage efficace du cancer du sein, du col de l'utérus et du cancer du côlon. Je vais mettre en place un programme de dépistage sur l'ensemble du territoire national.
L'autre axe de ma politique concerne la mise en place d'une vraie politique de santé publique qui passe par le développement d'un véritable réseau d'alerte et de surveillance à des maladies dans toutes les régions.
Mais par-dessus tout, je veux m'assurer de l'accès aux soins pour tous. Chaque être se trouve démuni devant la maladie. Je me battrai pour que ceux qui se trouvent en marge de la protection sociale soient soignés et pris en charge dans de bonnes conditions.
J'entends également redonner confiance aux professionnels de la santé par le dialogue et la concertation. Je sais leurs difficultés actuelles, mais je suis persuadé qu'en conjuguant nos efforts, nous trouverons des solutions durables.