Texte intégral
Le Comité national s'est réuni sous la présidence de Gilles Bontemps, hier matin, de Sylviane Ainardi, l'après-midi, avec le rapport de Robert Hue, sont intervenus dans la discussion, dont nous publierons demain le compte-rendu : Catherine Margaté, Paul Boccara, Richard Gispert, Yves Dimicoli, Guy Hermier, Gérard Streiff, Jean-Paul Jouary, Jack Ralite, Bernard Birsinger, Francis Wurtz, Martine Bulard, Georges Marchais, Claude Gindin, Gérard Alezard, Jean-Christophe Le Duigou, Philippe Herzog ; Roland Jacquet.
Le rapport introductif a été adopté. Il y a eu quatre voix contre : Jean-Michel Catala, Roland Favaro, Guy Hermier, et Jack Ralite, et trois abstention : Gérard Alezard, Philippe Herzog et Jean-Christophe Le Duigou. Le secrétariat national a été élu.
Il y a eu sept abstentions : Gérard Alezard, Jean-Michel Catala, Roland Favaro, Guy Hermier, Philippe Herzog, Jean-Christophe Le Duigou et Jack Ralite.
Enfin une résolution sur la répartition des responsabilités a été votée. Il y a eu cinq abstentions : Gérard Alezard, Jean-Michel Catala, Roland Favaro, Guy Hermier, Philippe Herzog, Jean-Christophe Le Duigou et Jack Ralite. Nous la publierons dans notre édition de samedi.
Camarades, L'article 26 de nos statuts précise : « Le Comité national élit en son sein et peut en changer, quand la majorité de ses membres en décide, son Bureau, son secrétariat, le secrétaire national ou la secrétaire nationale du Parti. Il élit également son trésorier ou sa trésorière et le directeur ou la directrice de « l'Humanité ». Il définit l'organisation de son travail, la mise en place et le rôle de ses secteurs d'activité, la répartition des responsabilités au sein du Bureau et ou secrétariat national. » L'article 28 indique en outre que « le Comité national désigne en son sein une commission nationale d'arbitrage pour veiller au respect (des) règles démocratiques (du Parti) ».
Telles sont les décisions que nous devons prendre aujourd'hui.
Lors de notre première réunion, tenue immédiatement après l'élection du Comité national, nous avons, en effet, choisi de ne prendre que les mesures conditionnant la continuité de la direction du Parti – l'élection des membres du Bureau national et du secrétaire national du Parti – et de nous donner du temps pour décider des autres dispositions que je viens d'énumérer. Cette façon de faire est nouvelle. Il était jusqu'alors de tradition que le Comité central effectue toutes les désignations de son ressort dès sa première réunion et qui Il charge le Bureau politique de définir ensuite les responsabilités de chacune et de chacun. Nous aurions sans doute dû rompre avec celle habitude qui avait, on s'en souvient fait l'objet de discussions au lendemain du 27e Congrès. Mais, de toute façon, compte tenu du changement de fonctionnement du Parti que les communistes ont décidé à ce congrès-ci, il était tout simplement inconcevable de continuer à procéder de cette manière.
Car l'ordre du jour de cette réunion du Comité national va bien au-delà d'une simple « répartition » de tâches, qui seraient définies depuis des lustres et considérer comme immuables : il nous fait réfléchir à la conception même du rôle et de l'activité de la direction nationale que les communistes viennent d'élaborer, et essaye , à partir de là de faire les choix possibles pour l'organisation de notre travail, il s'agit donc pour nous non pas d'effectuer une sorte d'aménagement technique, mais de mener une réflexion et de prendre des décisions qui ne peuvent être, pour prétendre à l'efficacité que de grande portée politique.
Agissant ainsi, nous nous conformons, pour la part qui nous revient à ce que font actuellement – à ce que doivent faire – toutes les autres instances du Parti élues dans la préparation de ce congrès.
Aucune direction, aucun dirigeant, à quelque niveau que ce soit, ne peut, en effet, exercer la responsabilité qui vient de lui être confiée de la même manière après ce congrès qu'auparavant.
I. – La portée du 28e congrès
Pour bien comprendre ce point il nous faut revenir un instant sur le sens et la portée du 28e congrès.
1. Faire vivre ce qui n'a jamais été tenté, ouvrir une ère révolutionnaire
Notre parti, précise le « Manifeste » que nous avons adopté a décidé « de confirmer et de donner une dimension nouvelle à sa rénovation en devenant un Parti communiste d'un nouveau type : un part qui identifie la société pour laquelle il agit, la voie pour y parvenir, son propre fonctionnement à la promotion de la capacité d'intervention de chaque individu, la démocratie ». Pour préciser ce choix et indiquer la dynamique nouvelle qu'il libère et qui doit en résulter, j'ai parlé de deuxième étage de la fusée rénovation ».
J'ai, bien sûr, conscience que, comme toute image, celle-ci a ses limites, d'autant que je ne suis pas un spécialiste des engins spatiaux ! Je voulais dire que pour s'arracher du sol, il faut une puissance colossale et que c'est, je crois, la mission attribuée au premier étage d'une fusée ; que sur celle lancée, un deuxième moteur donne un nouvel élan ; qu'enfin tout ne s'arrête pas là… Il y a d'autres étages et d'autres moteurs.
Je crois que c'est bien ainsi que nous pouvons situer le 28e congrès comme accomplissement d'un processus de rénovation de la réflexion, de l'action, de la vie du Parti engagé au milieu des années soixante-dix », et, sur cette base, comme force propulsive nouvelle d'une identité communiste moderne, mieux à même de répondre aux défis de notre époque.
J'ai parlé de « processus engagé au milieu des années soixante-dix » Il a, en effet, fallu avoir le courage de rompre avec le « modèle soviétique », de dire aux Français : « ce n'est pas cela que nous proposons » et de le prouver en renonçant à la dictature du prolétariat ». Ce fut le premier moment, le premier « étage » pour suivre l'image proposée.
Il fut amorcé dès 1973, dès le « Défi démocratique » dans lequel Georges Marchais affirmait que le socialisme et démocratie sont inséparables » et qu'« il n'y a pas, (qu')il n'y aura pas de socialisme en France sans un développement et un élargissement constant de la démocratie ». Il fut amplifié en 1975, avec la déclaration dos libertés que nous proposions d'adjoindre à la Constitution et avec notre analyse du stalinisme que nous avons enfin caractérisé comme « un ensemble de conceptions et de pratiques totalement étrangères à notre politique ». Il prit toute sa dimension l'année suivante, en 1976, avec le 22e Congrès qui proclamait que « la démocratie, la liberté, c'est aujourd'hui le terrain principal du combat de classe, du combat révolutionnaire » et que « dans la France de notre époque, les chemins de la révolution s'identifient à ceux de la démocratie.
On mesure mieux à présent ce qu'il fallut de courage et de lucidité aux communistes français pour engager dans cette voie, rejeter ce qui devait l'être, imaginer, innover, donner force à une conception inédite, de la relique et de l'identité communiste. Nous avons ainsi, congrès après congrès, précisé non seulement ce que nous ne souhaitions pas, mais ce que nous voulions : un « socialisme à la française » dans et par la liberté qui soit de A à Z l'œuvre de notre peuple lui-même.
Aujourd'hui, la vie et nous réflexion nous conduisent à un nouveau pas décisif en ce même sens. Non pour émousser notre combat, mais pour lui permettre de mieux se déployer. Nous contestons l'ordre actuel – dit le Manifeste – au nom du principe même de toute civilisation moderne : l'homme ne peut être considéré seulement comme un moyen, mais toujours comme une fin.
Tout être humain a des droits inaliénables. Mais aucun de ces droits n'est jamais acquis ; ils supposent efforts de lucidité, de responsabilité, de solidarité pour les conquérir et les exercer. C'est à ces efforts que le Parti communiste souhaite être utile.
La portée novatrice de cette analyse découle de l'examen des réalités de l'histoire.
La réalité confirme en effet chaque jour davantage ce que nous savions : le capitalisme écrase, étouffe la démocratie. Rien ne lui est plus étranger que l'intérêt du plus grand nombre, l'intérêt de la majorité de la société. Rien n'est plus urgent pour combattre sa domination et la crise qui en résulte que de développer la démocratie, le rôle et l'intervention des peuples.
L'histoire des régimes de l'est européen prouve désormais que l'absence de démocratie non seulement ne conduit pas au dépassement du capitalisme, mais qu'elle débouche sur son rétablissement.
C'est bien tout un modèle de pensée qui fut jadis le nôtre et dont nous nous sommes extirpés il y a une vingtaine d'années, qui a aujourd'hui définitivement échoué.
Nous en tirons pleinement les conséquences. Nous disons : si comme toute la montre. L'urgence de démocratie est une force un droit essentiel que le capitalisme foule aux pieds, et si l'échec des régimes de l'Est est dû au manque criant de démocratie, la promotion de la démocratie, de l'intervention populaire, est la clé des combats d'aujourd'hui pour transformer la société.
Et nous concevons le peuple non comme une foule indifférenciée, une anonyme force de pression – ce que nous appelions naguère « les masses » – mais comme un ensemble d'individus, disposant de droits, auteurs et acteurs conscients dans leur diversité de leur propre mouvement.
On le mesure bien, il s'agit de faire vivre ce qui n'a jamais été tenté, de dégager et construire une voie inédite, d'ouvrir une ère révolutionnaire nouvelle, en développant « à tous les niveaux l'intervention consciente, permanente, effective des citoyens, en ouvrant dans toute et société – dans les entreprises, dans la vie publique, les institutions, les médias – toutes grandes les portes et les fenêtre à la démocratie ».
C'est ainsi qu'on peut concevoir une « société pour l'homme et par l'homme » et lutter en ce sens.
2. Faire naître et grandir un nouveau projet politique de transformation sociale, une nouvelle construction politique
Pour essentiel qu'il soit c'est aspect n'est pas la seule date notre renouvellement.
On connaît ce qui fut longtemps dans notre histoire, la conception courante de la politique.
On élabore un programme, on fait de la propagande pour convaincre qu'il est bon, on propose aux gens de s'y rallier et de voter pour ceux qui en sont porteurs, et s'ils sont élus à eux de jouer pour le mettre en œuvre !
On sait ce qu'il est advenu d'une telle démarche avec « le programme commun ». Elle créa l'illusion que la victoire électorale des partis de gauche suffisait à garantir le changement et que la question de la nature et ces moyens de ce changement était le seul ressort des états-majors.
Il fallut avoir le courage de faire la critique de cette stratégie Cela fut fait notamment au 25e Congrès en 1985, qui mit l'accent sur la nécessité de donner en toutes circonstances la primauté au mouvement populaire.
Mais il ne suffisait pas de dire « La stratégie du programme commun n'est pas bonne » il fallut proposer une démarche, une politique nouvelle, qui ne dessaisissent pas les citoyens de leur droit à être parties prenantes dans l'élaboration des mesures à prendre de leurs droits de regard sur la façon dont gouvernent ceux qu'ils ont élus, de leur capacité d'intervention, mais qui contribuent à leurs luttes. Les orientations, les programmes définis aux 25e et 27e Congrès furent des avancées en ce sens : ils ne constituaient pas des mesures « à prendre ou à laisser », des ensembles auxquels nous invitons à se rallier « en bloc » mais des propositions soumises à discussion et dont chacune pouvait être prise par ceux, qui l'approuvaient comme un comme un objectif de lutte indépendamment de leur opinion sur les autres.
L'échec socialiste de 1993 est venu confirmer dans les faits ce que nous affirmions : quand le déroulement des événements échappe à la maîtrise du peuple, il finit par se retourner contre lui, quand au nom de la gauche, on mène une politique contraire à ses valeurs, c'est la droite qui l'emporte.
Nous sommes donc entrés dans une nouvelle période. Elle exige lucidité et audace.
Lucidité. – Toute la gauche, toutes les forces de progrès sont au pied du mur : il leur faut tirer au clair les raisons de l'échec d'une décennie. C'est une nécessité, non par rapport au passé, mais pour l'avenir. Il s'agit d'être capables d'opposer à la politique actuelle des idées, des propositions novatrices une véritable alternative.
Notre parti reconnaît qu'il porte une part de responsabilité dans les déceptions durement ressenties. Il en tire la leçon modifiant dans sa conception même sa politique de rassemblement, d'union. Il y trouve confirmation de son attitude de toujours : ne jamais se compromettre avec la droite ni l'extrême droite. Il appartient au Parti socialiste qui a exercé la responsabilité du pouvoir comme à toutes les formations progressistes de se situer clairement sur ce point et face à ces enjeux.
Au-delà, et c'est l'aspect décisif, c'est chaque citoyen attaché au changement qui est concerné par cette réflexion.
Audace. – Sauf à abandonner pour toujours le pourvoir à la droite – que nous ne saurions évidemment envisager pour notre part – il faut faire du neuf, donner chair à l'espérance, contribuer à créer une nouvelle dynamique des forces de progrès.
C'est à franchir ce pas décisif qu'appelle le 28e congrès. Il appelle à travailler au rassemblement dans leur diversité de toutes celles et tous ceux qui souffrent de la politique de la droite. Il invite du même élan à travailler par le débat et l'action à faire naître et grandir concrètement dans notre peuple – et notamment dans le peuple de gauche, chez toutes celles et ceux que la droite ne séduit pas – un nouveau projet politique de transformation sociale, une nouvelle construction politique.
3. Un parti à l'heure de la démocratie
Dernier aspect : le Parti lui-même – dans la conception de son rôle, de ses rapports avec les salariés, les citoyens, de ses règles de vie – à bien entendu évolué en même temps que s'effectuaient tous ces renouvellements. Aujourd'hui, l'idée d'un parti se dotant par décret d'un rôle « d'avant-garde », se définissant comme le « guide » d'un mouvement populaire qui n'aurait qu'à le soutenir et à le suivre, est complètement dépassée.
Il n'y a pas à « commander » au mouvement populaire, mais à se mettre à son service, pour qu'il donne force politique à ses aspirations à changer les choses et déploie son intervention sur ce terrain.
Là encore, en rupture avec toute une tradition, c'est depuis le 22e Congrès que notre parti s'est engagé dans cette voie en appelant les communistes à se tourner résolument vers les gens, à savoir écouter, prendre en considérations les opinions différentes ? Inséparablement, de grands efforts furent accomplis pour démocratiser la vie du Parti.
Les progrès en ce sens n'ont depuis lors cessé. Sans pouvoir tout évoquer, je pense, par exemple, à l'ouverture du Parti vers le débat, à la transparence et à la liberté des réflexions sur notre histoire, à la conception nouvelle du rôle des élus communistes, à la revalorisation constante du rôle des militants et des cellules, conçues comme « centres de gravité » du Parti. Avancée dans l'acceptation des différences et des divergences, ce fut en 1985 la réélection comme dirigeants de camarades en désaccord avec les choix de la majorité des communistes. Puis des mots d'ordre comme « travaillons ensemble », et la diversité des communistes n'est pas un handicap mais une richesse », les adhérents sont maîtres de leur parti » … Chacun le ressent, le sens de l'évolution est clair.
Elle devrait se cristalliser au 28e congrès. Avec le dépassement explicite du centralisme démocratique, le pas est franchi, de nouveaux statuts adoptés, tout entiers tournés vers la libération des capacités d'initiatives créatrices des adhérents.
Le Parti est lui-même à l'heure de la démocratie.
4. Le défi de la démocratie : un « engagement de principe » à l'égard de notre peuple
C'est ainsi une mise en cohérence de ce que nous voulons, de ce que nous faisons, de ce que nous sommes qui s'opère au 28e congrès. Un mot la résume : démocratie. Une conviction l'habite aucun changement ne peut s'effectuer en dehors du peuple s'il n'est pas l'œuvre du peuple. Cette conception enrichie de la démocratie et la perception de son rôle central pour répondre de façon progressiste aux défis contemporains est une idée forte qui prend, pour nous, valeur d'engagement. « Si l'ordre actuel ne craint rien tant que la démocratie, l'exaspération qu'il provoque n'y conduit pas automatiquement… Le Parti communiste choisit, lui, la démocratie. Il demande qu'on juge ses propositions, son comportement, sa vie de parti à cet engagement de principe et qu'on évalue ses décisions et ses actes à leur utilité pour défendre la démocratie et à l'étendre à toute la société. »
Il s'agit d'un engagement, non d'une proclamation. La démocratie est une exigence. Elle suppose des efforts : des efforts en direction de notre peuple, des efforts sur nous-mêmes, pour surmonter toute trace liée à un passé révolu et corriger ce qui doit l'être.
Ces efforts sont indispensables pour que nous soyons mieux reconnus pour ce que nous sommes : un parti efficace, utile à notre peuple, composé d'hommes et de femmes dévoués, courageux, intègres, aimant la vie au point de vouloir la changer : un parti que des millions d'hommes, de femmes, de jeunes qui refusent la droite au pouvoir, qui veulent se défendre contre ses mauvais coups et aspirent à une société plus humaine ont intérêt à voir peser davantage sans la vie nationale ; un parti attrayant que les progressistes aient envie de voir grandir, et même de rejoindre, parce qu'il n'exprime et ne veut rien d'autre que ce qu'ils ressentent profondément eux-mêmes.
Chacun le comprend bien : pour que nous soyons reconnus comme cela, il faut que nous le soyons vraiment. C'est la règle en démocratie.
Et la démocratie est notre règle. Elle ne vise à rien d'autre qu'à libérer toutes les capacités créatrices des adhérents de notre parti. C'est pourquoi, m'adressant aux communistes dans « l'Humanité », du 17 février dernier, j'ai appelé à déployer ces capacités créatrices en écrivant : « Allons de l'avant avec audace, ouverture, tolérance, esprit d'initiative ; allons à la rencontre de notre peuple en évitant aussi bien le repli craintif sur soi-même qui ne fait rien avancer, que l'esprit de polémique et de règlement de compte stérile. Montrons-nous tels que nous sommes : des communistes modernes, qui ont au cœur la plus belle des espérances, celle de la libération humaine. »
Bien entendu, je reviendrai tout à l'heure, dans la dernière partie de ce rapport, sur les initiatives concrètes qu'appelle la situation politique ; sur la nécessité d'un engagement plus résolu des communistes dans la campagne pour les élections cantonales des 20 et 27 mars prochain, dans moins de quatre semaines. Ces initiatives, cette campagne, nous devons les aborder en faisant vivre cet état d'esprit et cette démarche novatrice. À cet égard, rien ne serait pire que de tourner la page du congrès, que de lui réserver de simples coups de chapeau dans des discours ou des rapports, sans que rien ne s'en traduise, dans notre activité, dans notre comportement.
En ce sens, des réunions ont été et sont organisées, sous des formes diverses, dans les fédérations, sections et cellules pour permettre non seulement aux militants de mesurer leur propre : apport à la réflexion collective du Parti, mais aussi de bien s'approprier l'ensemble des travaux du congrès, notamment dans ses dimensions les plus novatrices. Ces réunions, qui témoignent selon les échos qui nous parviennent des directions fédérales d'un large accord et d'une satisfaction d'ensemble des communistes à propos de la préparation et du déroulement de notre congrès, sont indispensables pour permettre la pleine maîtrise des adhérents sur la politique qu'ils ont eux-mêmes contribué à élaborer. Elles sont à encourager, non bien sûr pour tourner le Parti sur lui-même, mais pour lui permettre d'affronter au plus vite et au mieux les échéances qui s'offrent à nous, en faisant vivre le souffle du congrès.
5. Quelles directions, quels dirigeants pour le parti du 28e congrès
C'est ce parti du 28e congrès « que celles et ceux à qui viennent d'être confiées des responsabilités de direction ont mandat de contribuer à animer et à développer. Loin d'être amoindries, ces responsabilités sont, au contraire, rehaussées par la conception qui est désormais la nôtre de la vie du Parti.
Notre 28e congrès a confirmé et poussé plus avant une réflexion que nous avions déjà formulée il y a trois ans au 27e congrès, en mettant en évidence le caractère « irremplaçable », « fondamental à tout niveau » du rôle des directions et des dirigeants. Les communistes, pour être en état d'exercer véritablement leur souveraineté sur leur parti, de déployer pleinement leurs capacités de créativité de développer en quantité et en qualité leur activité militante, ont en effet, un besoin impératif d'être informés, d'être entendus, de disposer de propositions d'initiatives correspondant à la diversité de leurs approches, de leurs centres d'intérêts, de leur disponibilité, ils ont besoin de prises de position, locales et nationales, permettant à la politique de leur parti d'être mieux appréciée et de progresser.
Tel est le rôle des collectifs de direction : avoir une connaissance intime des attentes et des motivations des adhérents comme des préoccupations populaires, des mouvements de la société et de ses aspirations, et ainsi impulser, imaginer, anticiper, prendre la décision qui rassemble et fait aller de l'avant. Telles sont du même coup, les qualités demandées aux dirigeantes et aux dirigeants : capacité créative, sans démocratique et indépendance de jugement, esprit d'équipe.
J'ai dit que ce problème de la conception de l'exercice des responsabilités de direction était actuellement posé à chacune des instances du parti, sans aucune exception. N'est-il pas évident, par exemple, qu'on ne peut pas animer l'activité d'une section de la même manière selon que le rôle du comité de section est – je cite nos anciens statuts – de « diriger le travail du Parti sur son territoire », d'être « responsable de l'application des décisions des instances supérieures et de la conférence de section ainsi que de ses propres décisions » et d' « apporter une aide permanente aux cellules pour la réalisation de la politique du Parti » ou bien, selon que – la responsabilité essentielle de la section – je cite les statuts que nous avons adoptés au 28e congrès – est « d'aider de tous les moyens l'activité politique des cellules qu'elle coordonne, de prendre en compte leurs avis, leurs propositions, de contribuer à leur création, d'impulser par ses propres initiatives de direction l'engagement militant des adhérents et le rayonnement de l'ensemble de la politique du Parti, en liaison avec les instances départementales » ?
Comment aider les cellules à faire face aux problèmes qu'elles se posent – souvent moins simples qu'il n'y paraît ?
Comment assurer concrètement la présence communiste dans telle entreprise ou tel quartier où elle est insuffisante ?
Comment aider à déployer notre activité à l'entreprise, sur les lieux de travail en leurs diversités, en l'imprégnant du souci de s'adresser à toutes les catégories de salariés et d'aborder avec eux toutes les questions : celles qui sont liées à leur travail comme toutes les autres, locales, nationales, internationales, dans leur dimension politique ?
Comment contribuer à donner toute sa force à une question aussi cruciale que celle de l'emploi, aussi bien dans l'entreprise ou elle prend tout son relief, que dans la vie sociale où elle s'exprime, à la mesure d'une véritable et profonde angoisse ?
Comment faire fructifier au service du Parti la richesse que constitue la diversité des situations, des aptitudes, des goûts, des opinions des adhérents ?
Comment veiller à la promotion des communistes des entreprises, des plus exploités, des femmes, des jeunes, tirer apports pour enrichissement politique du parti de la diversification des responsabilités et des tâches militantes qui découle du renouvellement des directions ? Quelles initiatives prendre pour répondre aux besoins d'action et de débat de celles et ceux qui nous entourent ? Pour nous ouvrir davantage à l'apport de celles et ceux qui nous observent avec sympathie, avec curiosité, de celles et ceux qui ont, eux aussi, des opinions, des idées, des propositions pour changer les choses ?
Une autre façon d'ordonner ses priorités, d'établir ses relations, d'une part avec les cellules et les adhérents, de l'autre avec la fédération, de mener ses propres réunions ; bref, une autre façon de diriger, plus favorable au développement d'une activité militante efficace et diversifiée, doit peu à peu prévaloir Je dis « peu à peu », cas j'ai bien conscience que ces changements et ces améliorations ne peuvent pas s'effectuer en un jour, mais c'est sans attendre, c'est dès aujourd'hui qu'il faut commencer à y réfléchir et commencer à changer et améliorer.
Les mêmes remarques pourraient être faites pour les comités fédéraux. Et, bien sûr, pour nous, Comité national. Quelle est sa responsabilité? Comment son travail doit-il s'organiser? Ce sont ces questions que je veux maintenant examiner.
II. – La responsabilité et l'organisation du travail du Comité national
1. Le rôle du Comité national : impulser la politique décidée par les communistes
Toute réflexion portant sur la conception du travail de la direction nationale doit bien évidemment partir du rôle qui est le sien.
Je cite ce qu'en disent nos statuts : « La politique décidée par le congrès national devient la politique du Parti communistes français. Le Comité national élu est chargé de l'impulser avec détermination, initiative et ouverture d'esprit. »
Le mandat du Comité national est donc impératif : impulser la politique décidée par les communistes. J'insiste : cette politique et nulle autre. La direction de Parti n'est pas une structure « à part » de celui-ci. Elle n'a aucune autonomie à l'égard de la politique et des choix souverains des communistes : elle est leur émanation, et sa fonction est de contribuer, pour la part qui lui revient, au déploiement de leurs décisions.
Parmi ces décisions, il y a celle – je cite le « Manifeste » – « d'être un parti qui non seulement tienne compte, mais vive de (sa) diversité », celle-ci incluant « celle-ci incluant la diversité des désaccords possibles, (qui) fait partie de la vie (et) que rien ne doit figer ». Cette diversité existe au sein du Comité national. Le congrès ne l'a pas seulement admise : il l'a souhaitée ; c'est lui qui a choisi, par son vote, que notre direction nationale soit composée comme elle l'est. Il a décidé de faire de la pratique du « travailler ensemble » une disposition statutaire, d'encourager ainsi le développement d'une dynamique démocratique inédite – je cite nos statuts – qui allie « le respect des décisions majoritaires qui fondent la politique du Parti » et le fait que « les points de vue différents s'expriment et cherchent à prévaloir sans clivage en majorité et en minorité, la structuration du Parti en tendances étant exclue ».
Notre diversité n'est pas un handicap, mais une richesse, disons-nous. Ce n'est pas un « moins » ; c'est un « plus ». Ce n'est pas malgré mais par elle, par son libre déploiement, que se constituent l'unité, la cohérence. L'efficacité du Parti. Et les décisions des collectifs de direction ne sont pas le plus petit dénominateur commun auquel ils parviennent après élagage de leurs différences, mais le résultat d'un travail, d'une réflexion collective stimulée par l'expression de ces différences, la limite infranchissable étant la politique souverainement choisie par les communistes.
Comme tous les communistes, les membres du Comité national disposent, au sein de la cellule où ils sont adhérents et des instances du Parti où ils sont élus, de leur pleine liberté d'expression. Comme tous les dirigeants du Parti à tous les niveaux, ils disposent, dans l'exercice de leur mandat de membre du Comité national, de toutes les possibilités et de tous les droits concourant à leur pleine responsabilité individuelle pour faire vivre au mieux la politique décidée par le congrès et les décisions prises conformément à celle-ci.
Comme tous les citoyens, ils disposent, à l'extérieur des structures du Parti, de leurs pleines libertés d'expression, de réunion, de publication, d'association, que sais-je encore ? étant entendu que la liberté de parole s'applique à tout le monde et qu'elle inclut le risque de la réplique. La loyauté, L'honnêteté politique à l'égard des communistes – qui sont les maîtres du Parti – et des citoyens – qui décident de son poids dans la vie du pays exigent une totale limpidité des termes de nos débats et une garantie non moins totale que notre parti n'a qu'une politique et que les engagements qu'il prend démocratiquement seront tenus.
J'ai envie de dire : tout cela va de soi. Et d'ajouter : mais ne suffit pas à traduite toute la richesse et l'efficacité que doit acquérir notre mode de fonctionnement. Nos statuts énumèrent avec précision les actes politiques et les comportements qui sont incompatibles avec l'appartenance au Parti. L'important n'est pas, à mes yeux, de constater cette évidence que tout ce qui n'est pas prohibé est autorisé. L'important est d'examiner dans quel esprit les communistes et leurs dirigeants exercent les droits extrêmement étendus dont ils disposent. Lorsqu'elles ont à définir nos instances de direction, nos règles de fonctionnement emploient l'expression : « collectifs de direction », ou encore « équipes ». J'y ai insisté dans mon allocution de clôture au 28e congrès, cette notion d'équipe implique « responsabilité individuelle, expression libre de la singularité de chacune et de chacun, franchise et loyauté, efforts convergents ». C'est pour moi l'essentiel, et c'est dans cet esprit que le suis décidé à travailler et aider à faire travailler le Comité national. Celui-ci se doit de donner l'exemple de ce fonctionnement. Ce n'est pas seulement une question d'image, de style, mais de simple efficacité. On ne peut pas imaginer une direction nationale de ce parti tel qu'il est et tel qu'il a décidé de devenir qui ne soit pas régie par le travail d'équipe.
Oui, travail. Car notre mandat, je l'ai rappelé, n'est pas de nous contenter de « gérer » la mise en œuvre de la politique décidée par le congrès, mais de « l'impulser » et, est-il précisé, « avec détermination, initiative et ouverture d'esprit ». Ainsi, dans « l'Humanité » du 17 février dernier, j'indiquais que l'ambition novatrice du 28e congrès commence à être perçue dans l'opinion » et qu'une grande attente se dessine pour voir si les signaux perçus se confirment ».
Il dépend naturellement de chaque cellule, section, fédération, de saisir ce problème à bras-le-corps et de prendre les décisions de débat et d'action adaptées aux conditions dans lesquelles elles se trouvent qui permettent de transformer les potentiels que nous sentons autour de nous en autant de réalités plus favorables aux forces progressistes et à notre propre parti.
Mais, franchement, suffirait-il, pour que le Parti fasse vivre l'ambition qu'il s'est donnée à son 28e congrès, de lancer un appel « en haut » et d'attendre qu'il y soit répondu « en bas ». Il faut aussi des actes politiques nationaux qui permettent à notre peuple de mieux apprécier l'apport de notre parti ; il faut des initiatives décidées par la direction nationale qui puissent nourrir l'action des communistes ; il faut une aide politique de tous les instants aux organisations et instances du Parti pour contribuer à leur information et à leur réflexion, pour faciliter le développement de leur activité. La règle de conduite du Comité national est donc d'être branchée sur les besoins politiques du Parti ; son rôle est d'être actif au service de ces besoins ; son efficacité doit être mesurée à son utilité en faveur d'un plus grand dynamisme de l'activité militante, d'une amélioration de notre vie démocratique, d'une progression de nos forces organisées et de notre influence électorale.
2. L'activité du Comité central : une appréciation positive, mais aussi des défauts liés au centralisme
Que penser, au regard de ces exigences, de l'organisation et de l'activité de la direction nationale ?
Toutes ces dernières années, le comité central a dû développer son activité dans des conditions politiques très difficiles. Il n'a pas fait que « tenir dans l'adversité » Des initiatives importantes ont été prises ; des avancées marquantes ont été réalisées dans des domaines décisifs : je les ai évoquées au début de ce rapport J'ai souligné le rôle de Georges Marchais dans ces avancées. Permettez-moi de souligner également qu'aucune décision politique importante n'a été le fait d'un homme seul : le travail de notre direction nationale a été collectif. Des améliorations ont d'ailleurs été apportées dans ce domaine sous l'impulsion du secrétaire général.
L'essentiel est donc ce jugement positif porté sur l'activité du Comité central. II n'en reste pas moins que des défauts peuvent être relevés dans cette activité. Des défauts dont on voit bien que, pour la plupart, ils ont découlé de notre mode de fonctionnement centralisé que les communistes ont décidé de dépasser.
Ainsi l'idée que la direction du Parti en était « centre » a été explicitement combattue depuis maintenant plusieurs congrès ; les attitudes dirigistes qui relevaient de cette conception se sont très fortement atténuées : pour autant, toutes les habitudes qui en découlaient n'ont pas disparu. Notamment pas celles qui conduisaient à considérer le Comité central comme une structure « en soi », avec son mode et son rythme de vie propre. Les liens avec le Parti, avec les fédérations ont certes, été beaucoup améliorés toutes ces dernières années, mais dans certains cas, ces liens sont demeurés à sens unique : une meilleure information sur les décisions prises par le Comité central, mais un manque préjudiciable d'appel à l'apport des autres instances du Parti. Ce manque s'est manifesté au sein même du Comité central : alors que les « secteurs de travail » comme on dit, n'ont pas d'autre raison d'être que de répondre aux besoins du Parti, de faciliter le travail collectif de la direction nationale et la circulation des idées et des informations en son sein, il est arrivé qu'à l'inverse se produisent des cloisonnements injustifiés, des rigidités et, parfois, pour tout dire, une certaine bureaucratisation.
Enfin, Il est arrivé que le Comité central ne se ressente pas lui-même comme étant la direction du Parti. Il a été répété ici à plusieurs reprises notamment par le secrétaire général que la direction du Parti était le Comité central et non le Bureau politique. Cela dit, il y a une difficulté pratique, que le Comité central a rencontrée et qui demeure avec le Comité national : être à 143 membres la direction du Parti, avec tout ce que cela implique, est compliqué.
Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de faire en sorte que chaque membre du Comité national soit davantage associé à l'élaboration de la décision collective et impliqué dans sa mise en œuvre. Des tentatives ont été faites lors de telle ou telle session du Comité central pour y parvenir ; il faut sans doute les systématiser. Ainsi, il est dans la plupart des cas possible d'adresser avant la réunion du Comité national un canevas du rapport qui y sera présenté ; chacune et chacun pourra ainsi se préparer plus utilement à la discussion. J'aurais d'ailleurs souhaité pouvoir le faire dès cette première réunion du Comité national. Vous comprendrez, je crois, que les nombreuses consultations qu'elle a supposées au préalable compte tenu de son ordre du jour, ne m'en ont pas laissé le temps.
De même, le caractère collectif du travail du Comité national sera davantage marqué si on généralise la pratique qui consiste à rédiger et adopter à la fin des travaux de la direction nationale une résolution tenant compte de ses débats et motivant de la sorte ses décisions. Enfin, il faudra veiller à ce que chaque membre du Comité national sans exception – naturellement en tenant compte des responsabilités qu'il ou qu'elle assume par ailleurs – soit personnellement partie prenante du travail de la direction nationale, qu'il participe au travail d'un secteur d'activité ou d'une commission nationale, qu'il assure la liaison du Comité national avec une fédération, ou qu'il soit chargé de quelque autre tâche.
3. Modifier notre façon de travailler
Tout cela étant dit, on va bien que les améliorations à apporter dans l'organisation du travail de la direction nationale pour la faire correspondre à la conception que nous avons de cette direction après le 28e congrès vont bien au-delà de la correction de telle ou telle insuffisance. Il s'agit de modifier notre façon de travailler. Si je devais résumer les changements que nous devons opérer, je dirais : davantage de liens et d'échanges avec le Parti réel, comme avec la société, davantage de rigueur et de travail ; davantage de souplesse et d'esprit d'équipe.
a. Davantage de liens et d'échanges avec le Parti, comme avec la société
Premièrement davantage de liens et d'échanges avec le Parti. J'y ai insisté : la direction nationale n'a pas d'autre rôle que d'être utile au Parti, de l'aider à répondre aux besoins politiques qui sont les siens. Et les dispositions qu'il doit prendre pour ses propres besoins et l'organisation sa propre activité ne sauraient être considérées en elles-mêmes, mais doivent être subordonnées à cette mission.
Il faut donc construire une véritable interactivité entre la direction du Parti et le Parti lui-même. Militer dans les conditions d'aujourd'hui exercer des responsabilités dans sa cellule, sa section, sa fédération est une tâche complexe, exigeante ; le rôle du Comité national est de favoriser, de faciliter en permanence, par sa réflexion, ses informations, ses initiatives, son aide concrète, l'accomplissement de cette tâche. Et inversement, pour non seulement être informés des besoins du Parti, mais pour contribuer au travail qu'il doit déployer pour y répondre, le Comité national a besoin d'un appui, d'un apport constant des militants. Si on veut que la direction nationale ne se conçoive jamais et en aucune assume façon comme une structure fonctionnant pour elle-même, il faut réduire au stricte nécessaire le nombre, de membres ou de collaborateurs du Comité national dont l'activité permanente est consacrée à son travail propre. Et si on veut que cette direction nationale ne soit pas moins mais davantage active et efficace au service ou Parti réel, il faut qu'elle bénéficie de l'expérience et soit à l'image de celui-ci ; il faut que le Comité national puisse compter davantage sur la contribution des communistes, notamment des responsables fédéraux. À bien des égards, c'est à un changement de nos habitudes de travail qu'il faut procéder.
J'ai parlé d'interactivité entre la direction du Parti et le Parti lui-même. C'est un impératif interne, mais dont chacun comprend bien qu'il vise à permettre une meilleure « prise » du Parti sur la réalité de la société, une meilleure ouverture aux mutations qui la traversent aux tendances qui s'en dégagent, aux mouvement de l'opinion qui la marquent, à tout ce qui fait la vie de notre peuple, ses aspirations, ses valeurs, en un mot, l'expérience et la conscience sociales. Et cela pour déployer notre stratégie, le besoin que nous avons, selon les termes du « Manifeste » d'être davantage conscients de la façon dont les réalités sont perçues par les gens… d'écouter et de comprendre les motivations les plus profondes pour répondre aux attentes.
b. Davantage de rigueur et de travail
Deuxièmement, davantage de rigueur et de travail. Là aussi, c'est une idée sur laquelle nous avons fortement insisté au 28e congrès : qui dit démocratie dit rigueur et exigence ; notre politique est un appel à l'effort, à la responsabilité, au développement de l'esprit d'équipe et de l'engagement militant.
Nous avons souvent relevé, pour le critiquer, le fait que si les secrétaires fédéraux devaient prendre au pied de la lettre tout ce qui leur était demandé par le Comité central et chacun de ses secteurs de travail, calendrier serait rempli sans qu'il y aient la moindre marge d'initiative, à l'inverse tout le monde sait que l'habitude s'est prise, dans certaines fédérations, de s'adresser au Comité central pour demander tel dirigeant ou telle dirigeante, en vue de telle ou telle initiative ce qui est normal, mais en refusant celui-ci ou celle-là – ce qui ne l'est pas. Ces pratiques doivent cesser.
Les rapports entre le Comité national, ses « secteurs » ou « services » ses collaborateurs et les premiers secrétaires fédéraux qui ont l'immense responsabilité d'impulser le travail des fédérations doivent être dominés par la conception que c'est le Comité national qui doit répondre aux besoins et aider les directions fédérales et non celles-ci qui doivent prendre en compte des directives impératives.
Pour ce qui est des rapports entre les membres du Comité national et les directions fédérales, je rappelle que l'article 26a de nos statuts indique que « les membres du Comité national animent, coordonnent et impulsent en permanence l'activité du Parti dans leur responsabilité propre comme dans la liaison avec les fédérations ».
Il doit être évident que la liaison entre le Comité national et les fédérations est d'abord de la responsabilité du membre du Comité national qui en est charge. Cela implique que les secteurs d'activité le consultent lui fassent part de leurs idées, demandes ou suggestions. C'est lui ou elle qui connaît les réalités, les atouts, les possibilités de la fédération et qui travaille en étroite collaboration avec le premier secrétaire fédéral.
Par ailleurs, des camarades sont désignés pour répondre de manière adaptée et équitable aux sollicitations concernant les dirigeant nationaux : le responsable aux questions internationales pour les délégations à l'étranger ; le responsable à la communication pour les initiatives du Parti ; le responsable du bureau de presse pour les demandes de celle-ci. Tout le monde gagnera à ce que cette façon de faire soit scrupuleusement respectée.
c. Davantage de souplesse et d'esprit d'équipe
Troisièmement, davantage de souplesse et de coopération au sein du Comité national. J'ai évoqué les rigidités auxquelles l'organisation du travail du Comité central a, en certains cas, abouti. La spécialisation sur des tâches déterminées est bien évidemment nécessaire : tout le monde ne peut pas s'occuper de tout à la fois. Mais s'en tenir à cette spécialisation sans organiser les échanges, faire circuler les idées et les connaissances, prévoir et multiplier les interfaces conduit au cloisonnement, à l'éparpillement et à la déperdition de l'énergie, quand ce n'est pas à une concurrence stérile qui pousse à la faute et à l'erreur. Le Comité national se doit de faire résolument la chasse à ces défauts. Le travail collectif est sa règle ; la définition de tâches précises ne doit pas la contredite mais la favoriser. On ne peut pas concevoir l'activité de la direction nationale hors d'un va-et-vient permanent entre elle et les autres instances du Parti et, en son sein entre le Comité et le Bureau national et entre ses différents secteurs et commissions.
4. Trois sortes de « structures » de travail
Cette façon de voir les choses conduit à proposer trois sortes de « structures » de travail – le mot n'est pas très adapté, mais je n'en trouve pas d'autres – au sein du Comité national.
Avant de les présenter, je veux dire d'emblée qu'il ne s'agit évidemment pas à nos yeux d'un dispositif « ficelé ». Tout au contraire. Nous innovons. Nous expérimenterons et, nous ne sommes pas entêtés, si il le faut nous changerons en marchant ce qui doit l'être.
De même pour faire vivre cette démarche, le Bureau national fait des propositions aux membres du Comité national. Et bien entendu, chacune, chacun peut se proposer selon son expérience, ses affinités, ses goûts pour participer à l'activité de telle ou telle de ces « structures » que je veux maintenant vous présenter.
J'ajoute enfin que, compte tenu des changements à opérer dans notre travail, il y a beaucoup de « mouvements » : des camarades accèdent à de nouvelles responsabilités, d'autres en changent. Toutes les propositions sont faites avec l'accord des intéressés. Je ne le signalerai donc pas à chaque fois. Vous me permettrez de faire une exception pour Maxime Gremetz qui était le plus ancien membre du secrétariat après Georges Marchais, et qui a demandé à ne plus avoir responsabilité.
a. Les secteurs d'activité. Le Secrétariat national
Première structure proposée : c'est ce que nous pourrions appeler les secteurs d'activité. Ce sont les tâches organiques de tout parti politique et pour certaines d'entre elles, de toute association : l'organisation, la communication et ainsi de suite. Il s'agit des responsabilités les plus directement branchées sur la vie du Parti chaque direction à tout niveau comporte en son sein les mêmes tâches. J'ai indiqué plus haut comment nous pourrions concevoir la manière dont ces secteurs d'activité devraient désormais travailler : en liens plus intimes et avec le soutien plus affirmé des responsables fédéraux concernés.
Les propositions que vous fait le Bureau national sont les suivantes :
– coordination du travail du Comité national: Gisèle Moreau ;
– organisation du Parti : Jean-Paul Magnon ;
– liaison avec les fédérations et les comités régionaux : Jean-Claude Canut ;
– communication du Parti : Jean-François Gau ;
– élections, collectivités locales: André Lajoinie ;
– directeur de « l'Humanité » et de « l'Humanité Dimanche » : Pierre Zarka.
Les camarades qui occuperaient ces responsabilités constitueraient donc, avec moi-même, le secrétariat national. On voit que dans cette conception, et contrairement à une habitude qui n'a plus lieu d'être, celui-ci ne serait plus composé en fonction des dirigeants dont on jugeait qu'ils devaient en être membres, mais en fonction des tâches qui sont des tâches de secrétariat.
Les autres secteurs d'activité seraient les suivants :
– aide à la promotion des militants Alain Bocquet ;
– formation des communistes : Marie-George Buffet ;
– relations extérieures (Partis politiques, syndicats, associations) : Jean-Claude Gayssot ;
– politique internationale et relations internationales : Francis Wurtz ;
– trésorier du Parti : Pierre Sotura ;
– et, auprès du secrétariat national, pour les relations avec les médias, les initiatives pour faire connaître les prises de positions du PCF : Pierre Blotin.
Je ne fais, bien sûr, ici qu'énumérer les différents secteurs de travail proposés, mais chacun l'aura compris, la réflexion sur la nature des tâches qui sont les leurs et qui découlent de notre conception neuve doit naturellement se poursuivre.
b. Les commissions nationales
Deuxième sorte de « structures » : les commissions nationales. Celles-ci auraient pour objectif de contribuer à la réflexion collective et aux décisions d'action du Comité national en approfondissant sa connaissance sur tel ou tel thème relevant de la politique du Parti. Placées sous la responsabilité d'un membre du Comité national, elles associeraient en leur sein le maximum de compétences – et on sait que notre parti en regorge. Au demeurant, rien ne les obligerait à s'en tenir là. Pour ne prendre qu'un seul exemple, mais il en est en d'autres, il est arrivé à la section – nous dirions désormais : « à la commission nationale » – de politique extérieure (entendre telle ou telle communication de personnalités non communistes qu'elle avait invitée. Il serait sans aucun doute profitable que cette pratique d'écoute et d'information réciproques, qui n'engage ni ces invités ni notre parti, se développe.
Nous proposons ainsi de constituer dix-huit commissions nationales :
– économie : André Lajoinie ;
– protection sociale, santé, lutte contre la drogue : Jackie Hoffmann ;
– enseignement, formation : Pierre Blotin ;
– luttes du Parti pour le droit à la culture : Antoine Casanova ;
– politique étrangère de la France; solidarité internationale: Francis Wurtz ;
– activité du Parti parmi les femmes : Marie-George Buffet ;
– logement : Jean-Louis Mons ;
– agriculture. Pêche, monde rural : André Lajoinie ;
– environnement : Sylvie Mayer ;
– enfance : Sylviane Ainardi ;
– Sports : Marcel Zaidner ;
– relations avec tes milieux et mouvements religieux : Antoine Casanova ;
– anciens combattants : Gaston Plissonnier ;
– défense nationale, police : Louis Baillot.
Restent à désigner les responsables des commissions : commerce et artisanal, justice, activité du Parti parmi les handicapés, retraités.
À ces dix-huit commissions doivent s'ajouter :
– la commission nationale d'arbitrage (article 28 des statuts) ; président : René Piquet ; membres : François Auguste, Daniel Brunel, Danièle Demarch, Rolande Perlican ;
– la commission nationale de contrôle financier a été élue par le congrès et qui est composée de : Henri Garino, Sylvano Marian, Rémy Perrot, Pierre Rainero, Bernard Violain.
Elle élira elle-même son président, comme les statuts le prévoient.
À cette liste doit s'ajouter une structure au statut particulier : le Comité de défense des libertés et des droits de l'homme en France et dans le monde, que préside Georges Marchais.
c. Des collectifs nationaux de coordination
Enfin, troisième type de « structures » ce que nous pourrions appeler des collectifs nationaux de coordination entre les secteurs d'activité et les commissions nationales. Nos statuts prévoient désormais la possibilité de créer à tout niveau « des dispositifs de travail et d'échange d'expériences ». C'est ce que nous proposons de faire au sein du Comité national. Certains seront constitués de façon permanente, d'autres pourront l'être à l'occasion de telle ou telle échéance, en fonction de telle ou telle nécessité.
Là encore ces collectifs nationaux de Coordination seront des réalités nouvelles. Il nous faudra imaginer pour les faire vivre échange d'expériences, interactivité, interdisciplinarité, travail d'équipe, dans une grande souplesse de formes. Ils ne visent évidemment ni à concurrencer ni à « chapeauter » tel secteur d'activité ou telle commission nationale, mais au contraire à stimuler les échanges et coopérerions nécessaires à la réflexion et au travail collectif.
Nous proposons de créer neuf collectifs permanents :
– activité du Parti à l'entreprise : Claude Billard ;
– lutte pour l'emploi : Maxime Gremetz ;
– lutte contre la misère, contre le racisme, pour une société plus solidaire et plus humaine vie urbaine. Immigration : Gisèle Moreau ;
– activité du Parti parmi les jeunes : Sylviane Ainardi ;
– action pour la paix, la sécurité et le désarmement : Francis Wurtz ;
– mouvement des connaissances, des sciences, des technologies, de la recherche : Francette Lazard ;
– institutions nationales et internationales : Philippe Herzog ;
– mouvement des idées : Jean-François Gau ;
– Europe : Francis Wurtz.
Permettez-moi, puisque j'évoque te collectif national de coordination « Europe » d'ouvrir une parenthèse. Les élections européennes auront lieu le 12 juin prochain. Nos statuts précisent notamment que « tous les communistes habitant sur te territoire de l'élection – donc, dans le cas présent, tous les adhérents – peuvent donner leur point de vue. Les adhérents des cellules du territoire concerné se prononcent dans leur cellule. La ratification des candidatures s'effectue dans les instances concernées sur la base du choix des communistes : le conseil national, après consultations des comités fédéraux, pour la liste aux élections européennes national qui discutera de la liste que nous présenterons aux élections européennes ».
Il nous faudra donc prévoir rapidement une réunion du Comité national qui discutera de la liste que nous présenterons aux élections européennes. La discussion des communistes pourrait aussitôt avoir lieu, avant une réunion du Comité national pour adoption de la liste et des orientations de la campagne.
Je ferme la parenthèse et poursuis la présentation des propositions du Bureau national :
– activité parlementaire du Parti : Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale ;
– institut de recherches marxistes : directrice Francette Lazard ;
– délégation du Comité national pour la diffusion de « l'Humanité » et de l'« Humanité Dimanche », responsable : Pierre Zarka avec Marcel Zaidner et des membres à désigner. Presse communiste ;
– directeur de « Révolution », activité pour la diffusion de « Révolution » Guy Hermier ;
– directeur des « Cahiers du communisme » : Marie-George Buffet ;
– directeur d'« Avancées scientifiques et technologiques » : Michel Laurent ;
– directeur d'« Économie et politique » : à désigner ;
– directeur de « la Terre » André Lajoinie. ;
– services du Comité national ;
– bureau de presse : Pierre Blotin ;
– service national de documentation : Jean-François Gau ;
– Amicale des vétérans : président Louis Baillot.
Vous comprendrez que je termine l'exposé des réflexions et des propositions que j'étais chargé de vous faire au nom du Bureau national par un appel à l'effort, à l'esprit de responsabilité, du Comité national de chacun de ses membres pour qu'elles s'inscrivent dans la vie avec audace, créativité, détermination, comme l'attendent de nous les communistes.
III. – Les tâches du Parti dans la situation actuelle
Ces remarques épuisent l'ordre du jour proprement dit de cette session du Comité national. Mais il était impensable que nous nous séparions sans avoir abordé la situation actuelle et les tâches qui en découlent pour le Parti. Je veux donc m'y attardé en évoquant trois questions : la situation internationale et notamment la situation dans l'ex-Yougoslavie ; la situation dans notre pays et l'appel à ouvrir partout des espaces de rencontres et de dialogues ; la campagne des élections cantonales.
1. La situation dans l'ex-Yougoslavie : intensifier notre action pour une solution, politique et négociée
Il y aurait beaucoup à dire sur la situation internationale tant l'actualité y est dense d'événements importants, parfois dramatiques. Je pense par exemple à la situation en Algérie, au regain de violences et d'actes terroristes qu'elle connaît dans un contexte de crise aiguë ; à l'Afrique du Sud, où les affrontements s'exacerbent tandis qu'approchent les élections du 26 au 28 avril prochain ; aux difficultés qui surviennent dans la mise en œuvre rapide de l'accord entre l'OLP et Israël. Je pense aussi à la dévaluation récente du franc CFA et à ses graves conséquences économiques et sociales dans les pays d'Afrique concernés, comme l'ont montré les émeutes de Dakar il y a une dizaine de jours. Les effets de cette dévaluation vont frapper des pays déjà profondément meurtris et déstabilisés par la pauvreté de masse et le sous-développement par l'exploitation et le pillage de leurs ressources, pas les injonctions du FMI et de la Banque mondiale. La France, du fait de son rôle en Afrique et dans les institutions financières internationales, porte une lourde responsabilité en la matière, tout comme l'Union européenne. De toutes autres orientations pour des coopérations sans ingérer ces néo-colonialistes, l'annulation de la dette est plus que jamais des exigences. C'est dans cet esprit que nous apportons notre solidarité aux peuples et aux forces progressistes d'Afrique. Vous comprendrez que j'accorde, dans nos préoccupations, une place particulière à la situation dans l'ex-Yougoslavie.
Depuis quatorze jours à Sarajevo, la population espère que le cessez-le-feu va durer. Pour l'instant la raison semble l'emporter. C'est un soulagement. Mais la menace d'une intervention militaire de l'Otan subsiste. Et avec elle le risque d'engrenage et d'embrasement.
Ni la logique de l'ultimatum ni l'option militaire ne peuvent offrir une issue au drame de l'ex-Yougoslavie. II y a même un grand risque qu'elles rendent encore plus problématiques les chances d'une solution politique négociée déjà si difficile. C'est ce que j'ai tenu à souligner au Premier ministre. Il n'y a pas, en effet, d'alternative à la négociation, à une solution pacifique. Jouer avec la force, c'est jouer avec le feu. C'est en même temps entretenir, voire encourager les nationalismes qui empoisonnent tant la situation dans cette région et conduisent aux pires tragédies.
Il faut au contraire s'efforcer de contribuer à une véritable perspective de paix, tenter de créer les conditions d'une future cohabitation de ces populations, favoriser des solutions durables fondées sur le droit de chaque peuple et de toutes les minorités. Ce qui veut dire aussi renoncer aux politiques de puissance qui n'ont fait qu'exacerber les tensions, les passions et précipiter l'éclatement de l'ex-Yougoslavie avec les effroyables conséquences que l'on sait, notamment en Bosnie-Herzégovine.
À l'inverse, dans une démarche de sécurité collective susceptible d'enrayer l'escalade et apaiser les tensions, nous préconisons d'une part, le maintien et le renforcement de la présence des casques bleus pour l'acheminement des convois humanitaires, le contrôle des armes lourdes et le strict respect de l'embargo sur les armes à destination de toutes les parties ; d'autre part, la convocation d'une conférence internationale pour la sécurité et le développement, ouverte à toutes les nations d'Europe qui souhaitent contribuer à mettre un terme définitif à cette tragédie, en apportant leur concours à la reconstruction de ces pays dévastés par la guerre et au règlement négocié de problèmes en suspens. Nous avons, à plusieurs reprises, explicité le sens de cette proposition.
C'est dans le même esprit que nous demandons la convocation d'une session extraordinaire au Parlement. Comment justifier que la représentation nationale ne soit pas convoquée alors que les autorités du pays jusqu'au plus haut niveau sont amenées à prendre des décisions touchant aux responsabilités internationales de la France, au sort d'un pays d'Europe et à l'engagement de plusieurs milliers de soldats français sous le drapeau de l'ONU ?
L'absence de bombardement de l'Otan et la poursuite du cessez-le feu créent une situation nouvelle. Il y a un fragile espoir. Rien ne doit être fait qui puisse le compromettre. Notre parti appelle les forces pacifistes à la plus grande vigilance pour empêcher l'irréparable.
2. Ouvrir des espaces de rencontre et de dialogues
J'en viens, en deuxième lieu, à l'analyse de la situation en France.
a. La politique de la droite au pouvoir
Ce qui marque la vie du pays, c'est l'opposition entre le sentiment de plus en plus pressant chez un nombre de gens grandissant du caractère inacceptable de la situation qui leur est faite, et l'attitude d'un Premier ministre affichant avec morgue sa volonté de maintenir le cap de sa politique désastreuse, alors même qu'il donne par ailleurs des signes d'inquiétude devant la montée du mécontentement, des luttes et les résultats des sondages.
Près d'un an après l'arrivée de la droite au pouvoir, le France va mal !
C'est un million quatre cent mille personnes s'enfonçant dans la grande exclusion sociale : un véritable « continent à la dérive » comme le note l'auteur du rapport remis au gouvernement. Et déjà l'on voit fleurir, ici ou là le terme atroce – qui signe l'inhumanité d'une société – de « populations irrécupérables » !
C'est près de 800 000 RMIstes fin 1993, soit 20 00 en plus chaque mois. Et que dire des « sans-domicile fixe » que chaque vague de froid rappelle à la conscience mais pour qui rien ne change.
C'est le chômage qui continue d'augmenter. Rien qu'au cours du second trimestre 1993, il y a eu encore 100 000 chômeurs supplémentaires. Le nombre des demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE n'a cessé de croître à un rythme de 30 000 par mois. Jusqu'en octobre et sa prétendue « stabilisation » en fin d'année, dont se vante le gouvernement, n'est due qu'à un dégraissage artificiel de statistiques, sans rapport avec la réalité.
C'est 63 000 emplois perdus en 1991, 200 000 en 1992 et 220 000 emplois salariés détruits en 1993. Et on comprend en ce sens toute l'importance que va revêtir la journée nationale de lutte pour le droit de vivre et le droit à l'emploi pour tous, le 12 mars prochain, à l'initiative de la CGT et à laquelle appellent aujourd'hui plusieurs dizaines d'organisations.
C'est la baisse des coûts salariaux qui fait de la France un pays où les salaires sont les plus bas des pays comparables de l'OCDE.
C'est, alors que le pouvoir se vante de faire baisser l'impôt sur le revenu, des prélèvements fiscaux accrus sur les revenus du travail, avec l'augmentation de la CSG et celle de nombreuses taxes et cotisations. L'augmentation des prélèvements s'est élevée à 36 milliards de francs en 1993. Elle sera de 55 milliards en 1994.
C'est une consommation des ménages qui pique du nez et qui, avec la baisse des débouchés, aggrave encore la situation de l'emploi. C'est des gens qui renoncent à des soins nécessaires parce qu'ils sont moins remboursés, que le système de protection sociale est mis à mal et l'hôpital public atteint dans ses capacités.
C'est une carte scolaire qui se dessine en ce moment mérite et qui suscite inquiétude, colère et lutte, tant les moyens accordés sont insuffisants.
C'est une politique de la ville, et notamment celles de banlieue, qui devait obéir, selon le gouvernement à un « grand devoir de solidarité nationale » et qui ne recueille aujourd'hui que des miettes dérisoires au regard de la dramatique ampleur des besoins. Et c'est un chantage scandaleux du pouvoir qui voudrait contraindre les maires, les élus à faire plus avec moins, à signer de véritables marchés de dupes qui se retourneraient contre des populations déjà durement frappées.
Derrière ces chiffres, en leur redoutable sécheresse, combien de vies gâchées, d'espoirs brisés, notamment chez les jeunes ? Et combien de familles où la peur, une véritable angoisse de tomber dans le dénuement et la privation de ressources sont des réalités quotidiennes ?
Mais M. Balladur et son gouvernement continuent à frapper le monde du travail en sa diversité, à accroître le nombre des victimes de la crise et de sa politique. Ils viennent ainsi de compléter les dispositifs de la « loi quinquennale » dite abusivement « pour l'emploi » qui systématise la baisse du coût du travail et la flexibilisation des salariés, démantèle le Code du travail, en « assouplissant » – mais les salariés savent ce qu'il en coûte de cette souplesse-là – la durée du travail pour les salariés du tertiaire en la déréglementant, en l'aggravant et en mettant les syndicats hors-jeu. Et Simone Veil ressort les vieilles recettes les plus anachroniques de la réaction en encourageant les lemmes à tester dans leurs foyers !
« 85 milliards » : demander des comptes au Premier ministre.
À l'inverse, le gouvernement n'a que largesses pour le grand patronat, les promoteurs immobiliers, les financiers, les privilégies de la fortune. Avec la suppression du décalage d'un mois dans le remboursement de la TVA, la déresponsabilisation des entreprises en matière de solidarité nationale avec la fiscalisation engagée des allocations familiales, l'allégement de la taxe professionnelle, les diverses « aides » à l'emploi et incitations au chômage partiel, c'est bien 85 milliards de francs que la droite au pouvoir a offerts en cadeau sans aucune contrepartie au grand patronal.
Qu'a-t-il fait de cette somme considérable prélevée sur les contribuables ? Un hebdomadaire patronal a donné récemment la réponse, une réponse que tout le monde scrutait et le gouvernement mieux que quiconque : « Les entrepreneurs préfèrent mettre à gauche plutôt qu'embaucher » Et « à gauche » pour le patronat, cela veut dire : à la Bourse ! « Quant aux investissements et aux emplois nouveaux je poursuis la citation de cet article tous les entrepreneurs font la même réponse : pas avant que le carnet de commandes ne soit regarni ». On mesure, une fois du plus, après des années d'expérience conduisant au même résultat, ce que vaut la prétendue sagesse gouvernementale selon laquelle « aider les chefs d'entreprise, ce serait bon pour l'emploi » ! Il me semble qu'une campagne plus soutenue, plus diversifiée et faisant appel à l'intervention des gens eux-mêmes pour demander des comptes au Premier ministre et au gouvernement devrait être développée.
Par ailleurs, le taux d'investissement des sociétés a atteint un niveau minimum jamais connu fin 1993 : avec 15,7 % seulement de la valeur ajoutée. Dans la seule industrie l'an dernier, l'investissement a chuté de 15 % en volume.
Comment s'étonner dans ces conditions que la Bourse de Paris flambe comme jamais, battant six records historiques depuis le début de l'année, après une croissance de 39 % pour les valeurs françaises en 1993 ? Comment s'étonner qu'avec la pression sur l'emploi et les salaires, et l'ajournement des dépenses d'investissement, la part des profits des sociétés ait augmenté dans l'ensemble des richesses produites ? Telle est bien la « logique » du capitalisme, ce qu'un commentateur appelle sa « mentalité bourbonienne et rentière » ; une « logique » et une « mentalité » qui enfoncent notre pays en frappant durement notre peuple.
Privatisation et néo-libéralisme
Une telle volonté se marque avec force dans la politique de privatisation du pouvoir. Entre 1986 et 1983, la droite a privatisé douze groupes publics employant 550 000 salariés. Le programme actuel de la droite de dénationalisation de 21 groupes publics représente plus de 600 000 salariés, et touche des secteurs rentables, où les perspectives de développement sont particulièrement prometteuses. La part du secteur public au terme du programme en cours serait réduite de moitié.
On mesure bien ainsi en dépit des propos lénifiants du gouvernement sur « la liberté ainsi rendue à notre économie », que ce ne sont pas seulement des actions qui sont mises en vente, mais un immense pouvoir économique et politique qui est abandonné au capital privé, soustrait à tout contrôle démocratique.
On mesure également la responsabilité des gouvernements socialistes en cette affaire. Les salariés de Renault, les thèmes nets, les postiers, les infirmières, et beaucoup d'autres qui ont durement ressenti les effets de telle ou telle opération de privatisations partielles, sont bien placés pour le savoir.
C'est une véritable manne financière que le capital privé s'apprête aujourd'hui à absorber, d'autant que la droite au pouvoir s'emploie à l'accroître Les nationalisations de 1952 avaient, en effet, été très coûteuses aux contribuables puisque, notamment, le Conseil constitutionnel d'alors avait imposé de payer très cher des entreprises dont certaines étaient en difficultés. Selon la règle capitaliste bien connue de « socialisation des pertes » et de « privatisation des profits », des entreprises, après avoir été renflouées par la collectivité, après avoir subi de coûteux et multiples plans de restructuration et de licenciement sont aujourd'hui offertes à vil prix aux spéculateurs privés. On estime en ce sens que pour trois des privatisations déjà accomplies – la BNP, Rhône-Poulenc, Elf – le patrimoine vendu par l'État a été sous-évalué de 5 milliards à 9 milliards de francs !
De surcroît, le gouvernement attend du produit de ces privatisations un moyen de réduire en parte le déficit budgétaire de l'État, lui-même creusé, pour bonne part, par les cadeaux fiscaux consentis aux entreprises, qui, on l'a vu, utilisent cet argent non pour l'emploi mais pour spéculer en se procurant – pourquoi pas, – des actions d'entreprises privatisables ! la boucle infernale est ainsi bouclée !
C'est pourquoi il est urgent que soit constituée la commission d'enquête demandée par les députés communistes à propos de ce bradage de la propriété nationale et de ses conséquences sur l'emploi.
Plus généralement, il est indispensable qu'une riposte politique et idéologique plus énergique soit menée pour faire front à la politique du pouvoir et à la vague déferlante du « néo-libéralisme » ces prétendues nouvelles tables de la loi que le capital veut imposer au monde à titre d'évidences incontestables et intouchables.
Cette dernière donnée n'éclaire-t-elle pas, au moins pour partie, la volonté de la droite et des grands groupes privés d'assurer leur mainmise sur les principaux moyens de communication ? Les accusations portées par les dirigeants évincés de RFO et Canal +, d'autres nominations à des postes de haute responsabilité de proches du pouvoir et du Premier ministre sont assez éloquentes. Pour n'être pas nouvelles – d'autres gouvernements y ont eu recours – ces pratiques témoignent bien du caractère de fable des assurances données en matière d'indépendance et de liberté de l'information. Elles constituent autant de marques de mépris à l'égard des usagers, de toutes celles et tous ceux qui aspirent à un débat public qui soit les concernent et qui soit digne.
Et puisque je parle de liberté, comment ne pas être inquiets des dispositifs mettant en cause la capacité d'intégration des étrangers, limitant le droit d'asile, instaurant à présent un « droit de sortie » pour les étrangers de certains pays, au nom de cette formule, chère à Pasqua, selon laquelle « la démocratie s'arrête là où commence la raison d'État ».
Tout continuera de s'aggraver
On le voit à la gravité de son bilan et à l'ampleur de ses projets la droite est bien, selon les termes du « Manifeste » engagée dans « une vaste entreprise de restructuration », ce que Balladur a appelé lui-même « une nouvelle étape » de la vie du pays.
Au nom de Maastricht et de la liberté totale de mouvement des capitaux, la souveraineté nationale est mise à mal, une « guerre économique » sans merci se déploie, à coups de délocalisations, de déréglementations, de dumping social. Au nom du GATT, dont le président américain Clinton a dit qu'il constituait un « triomphe » et qui devrait être signé lors d'une conférence ministérielle tenue du 12 au 15 avril prochain à Marrakech, on accepte dans les faits de laisser les États-Unis décider à leur guise de ce que seraient nos productions, nos débouchés, nos importations, notre agriculture. Quant aux mesures que le gouvernement a dû « lâcher » sous la pression populaire – je pense en particulier à celles qui concernent l'école –, Balladur n'a pas caché qu'il aimerait bien – si les conditions politiques le lui permettaient – les reprendre ultérieurement.
Ainsi, tous les traits marquants de ce qu'on appelle la personnalité française, devenus autant d'obstacles à l'appétit de profit des puissantes d'argent, sont mis à mal et les inégalités se creusent. Aux nantis, Balladur susurre : « Enrichissez-nous en silence ». Aux millions de gens qui sont dans la difficulté, parfois dans la détresse, il assène : « Souffrez en silence, je fais ce qu'il faut, tout ira mieux… en 1995 ! »
Car si Balladur a martelé, notamment à « L'heure (et demie) de vérité » qu'il ne changerait pas sa politique, il a dû en revoir les échéances. Dans sa déclaration d'investiture d'avril dernier, il avait déclaré viser une stabilisation du chômage fin 1993 et sa régression en 1994. Il ne parle plus de promesse mais de simple « espoir » d'y parvenir un an plus tard, en 1995, suivant en cela, on ne le voit que trop, l'échéancier électoral du pays.
Mais comment pourrait-il y parvenir en maintenant inchangée une politique qui – les faits le montrent – mutile l'emploi et aggrave la situation des salariés et des familles en stimulant une flambée financière, stérile en retombées utiles pour la société !
Et ce ne sont pas les décisions du dernier « séminaire » gouvernemental sur l'emploi qui peut contribuer à enrayer le processus de déclin. On y a bien prévu des mesures modestes et ciblées de soutien à l'activité, notamment pour le logement et les automobiles. Mais le CNPF a obtenu la levée de toute contrepartie en matière de création d'emplois à l'accélération du remboursement de la TVA aux entreprises. Et de nouvelles mises en cause de notre système de protection sociale ont été prévues, avec 22 000 lits d'hôpitaux en 1994. On dit qu'il y a des hésitations au sein du gouvernement à ce sujet. Raison de plus pour que le mouvement de protestation s'amplifie !
Le pouvoir n'est pourtant pas avare de promesses. Il murmure : « Nos sommes sortis de récession, mais ce n'est pas encore la reprise. » En réalité, il ne vise pas à une reprise forte de l'activité en France. Comment pourrait-on d'ailleurs sérieusement l'envisager, avec le niveau très faible des investissements, avec une consommation – et donc des débouchés – bridée par une croissance zéro du pouvoir d'achat nos salariés ? Il vise à « accrocher », notre pays a une reprise extérieure, à la fin de la récession en Allemagne et au maintien d'une reprise forte aux États-Unis en 1994. Il espère en somme une relance de nos exportations grâce à la croissance des autres !
Ce pari est évidemment d'un terrible cynisme : tout continuera de s'aggraver pour les Français et pour la France elle-même. Il est également d'une extrême fragilité. Car en situation d'intense « guerre économique », les autres pays font le même calcul : contenir les importations chez soi, écraser nos coûts salariaux, attaquer par l'exportation le marché des « partenaires ». Et cela dans la logique même de Maastricht et des records du GATT !
Décidément, oui il faut à la France une autre politique ! Avec une autre utilisation des richesses disponibles ; une inversion de la « logique » libérale qui privilégie le « laisser-faire » financier au détriment de l'emploi ; une relance de la consommation par une élévation du pouvoir d'achat des salaires et des retraites ; la conquête de nouveaux critères de gestion pour les entreprises, un rôle nouveau pour un secteur public rénové et démocratisé, une valorisation des atouts de la France et de nouvelles coopérations internationales respectueuses des souveraineté nationales.
b. Montée du mécontentement et du mouvement social
Faut-il s'étonner dans ces conditions du développement du mouvement social face à la politique de la droite au pouvoir et de ses terribles conséquences ? Du fait que beaucoup de luttes comme le mouvement de « survie » des pêcheurs ou l'action courageuse des salariées de Sud-Marine pour m'en tenir à ces deux exemples rencontrent la sympathie active de l'opinion ?
Des sondages de plus en plus concordants mettent ainsi en lumière ce que certains appellent un risque « d'explosion sociale ». Avant sa démission, le directeur du « Monde » écrit à l'attention du gouvernement que « le feu vient de passer à l'orange ». Un autre éditorialiste parle d'une France « qui tend de plus en plus à s'identifier à ceux qui se rebellent » et de « consensus protestataire ». Quant à la chute importante du Premier ministre dans les enquêtes d'opinion, il semble qu'elle soit surtout le fait de gens qui avaient voté pour la droite en mars dernier non par conviction, non par attachement à sa politique mais par volonté de sanctionner le Parti socialiste, et qui s'en détachent au vue de l'expérience. Nous l'avions d'ailleurs dit à l'époque : la droite est surtout forte par défaut. Cela commence à se vérifier. Je remarque d'ailleurs en passant que cette chute du Premier ministre ne profite pas Président de la République, ce qui n'est pas sans signification.
Dans ces conditions, si le Premier ministre répète à l'envi qu'il n'est pas question pour lui de changer de politique, son inquiétude devant la baisse de sa cote dans les sondages la montée des luttes comme devant la baisse de sa cote dans les sondages. N'en est pas moins réelle. Il y a là matière à réflexion pour nos concitoyens. Déjà l'expérience leur a appris qu'en se rassemblant nombreux pour dire non à Balladur ils ont la force de le faire reculer. L'inquiétude qui s'exprime aujourd'hui autour du Premier ministre à partir des résultats des sondages ne leur montre-t-elle pas qu'en s'exprimant aussi sur le plan politique, ils sont et peuvent être toujours plus une force qui compte ?
c. Avec le 28e congrès, des moyens nouveaux de faire face
C'est dans cette situation qu'il nous faut agir. La politique du 28e congrès nous donne de nouveaux moyens d'y faire face.
Tout d'abord, je le répète, ses travaux, son ambition novatrice suscitent intérêt et attente. Et pour cela, assurément, le dommageable ce ne serait pas d'être trop audacieux, ce serait de ne pas l'être assez !
Il y a ensuite, et du même élan, la question décisive du mouvement social, celle de notre engagement aux côtés de celles et de ceux qui veulent exprimer leur colère, résister à l'arrogance patronale et imposer au pouvoir, celle de notre contribution proprement politique à la recherche des réponses aux questions que ces actions font mûrir. Cela suppose la démultiplication des initiatives de terrain, au plus près des problèmes des gens et de leur expérience. Et chacun le voit bien, ce ne sont pas les domaines qui manquent où nous pouvons être utiles.
Je veux rappeler en ce sens que nous avons adopté au congrès un programme, conçu précisément pour des gens qui s'interrogent. Un programme qui n'assène pas comme des vérités révélées, mais qui vise à argumenter, à faire cheminer la réflexion, à donner forme et consistance. À cette « autre chose » à laquelle des millions de gens aspirent, en les associant, par le débat et l'action, à la recherche d'une autre politique. Un programme, qui n'est évidemment pas à prendre ou à laisser, mais qui est ouvert à tous les apports dès lors qu'ils vont dans un sens progressiste.
Enfin, et étroitement liée aux luttes sociales et au débat sur le contenu d'une autre politique, il y a la question de la perspective politique. Car, si la montée du mouvement social pour résister à la politique de la droite est claire depuis déjà quelques mois, il est tout aussi net que ce qui freine cette montée, c'est l'absence de perspective progressiste nouvelle.
Je ne veux pas y revenir en détail ici, puisque j'y ai consacré l'essentiel de mon article de « l'Humanité » du 17 février dernier, mais chacun le mesure bien, c'est une question capitale qui appelle de notre part imagination et initiative.
La perception qu'aucune solution durable aux problèmes posés ne peut provenir de la droite au pouvoir commence, je l'ai dit, à s'affirmer : l'expérience est là pour montrer que sa politique les aggrave tous. Mais, en même temps, et c'est tout aussi net, les appels enfiévrés à l'alternance, multipliés par les dirigeants socialistes, les yeux fixés sur les sondages ne convainquent pas. Je le répète : « Il ne suffit pas de se porter candidat à l'alternance, c'est une alternative qu'il faut ouvrir. »
À cet égard, je crois qu'il nous faut garder en mémoire ce que nous avions dit au Comité central en juin dernier. Georges Marchais avait alors déclaré, tirant enseignement des élections législatives : « La différence entre ces élections et d'autres revers qu'a pu subir le Parti socialiste durant ces deux décennies n'est-elle pas que, pour beaucoup de ces électeurs – et principalement pour ceux que heurte le plus la loi de l'argent – ce qu'ils ont exprimé n'aura pas été vécu par eux comme une scène de ménage de plus, mais comme le prononcé d'un divorce ?
Du temps a passé depuis lors, mais tout ce que nous ressentons ne confirme-t-il pas pleinement cette appréciation ? Je le pense.
Pour les progressistes en leur diversité, quelle que soit la couleur de leur bulletin de vote ou qu'ils s'abstiennent de voter par déception et écœurement, l'appel à la bataille contre la droite et l'extrême droite est – on l'a vu, nous nous en réjouissons et nous y contribuons – mobilisateur. Mais ils n'entendent pas redonner aveuglément leur confiance pour un remake de ce qui a échoué et qu'ils ont condamné. Pour un nouveau départ, il faut une nouvelle dynamique des forces populaires. Elle ne s'épanouira pas sans un examen critique du passé et sans de patients efforts de dialogues, de rencontres, conduisant à la conviction que cette fois notre peuple peut être l'auteur et l'acteur d'une construction politique nouvelle, d'un rassemblement nouveau, d'une véritable alternative à la droite et à sa politique.
Cette démarche concerne au premier chef l'ensemble des salariés, des chômeurs, des citoyens, en un mot : notre peuple, dont tout dépend. Elle concerne également les formations politiques qui veulent contribuer au progrès et au renouveau. Nous l'avons dit : toutes sont au pied du mur. Elle concerne en particulier le Parti socialiste, qui a exercé la responsabilité du pouvoir.
Dans la lutte contre M. Balladur et la droite au pouvoir, contre le remodelage désastreux que les puissances d'argent veulent imposer à la société française, et pour y faire échec, il serait un peu court de n'offrir que du déjà-vu. Notre peuple attend autre chose : du courageux, du novateur. La dynamique nécessaire à l'avancée et au succès ne se construira pas sans cela. Nous y sommes prêts. Nous y travaillons.
C'est dans cet esprit que conformément aux décisions de notre 28e congrès, j'ai appelé les communistes à lancer et à impulser un grand débat national, à établir « sans formalisme et saris créer de toutes pièces telle ou telle « structure » qui ne réglerait rien et figerait les choses au lieu de les stimuler, des espaces de rencontres et de dialogues » où pourraient s'exprimer toutes celles et tous ceux, en leur diversité, qui veulent faire pièce à la droite et à l'extrême droite, qui ressentent le besoin d'être entendus et qui veulent une perspective novatrice de progrès.
Dans ces débats, bien entendu, on discutera librement et franchement d'une autre donnée de fond de la dernière période : l'insuffisance d'influence au sein d'une gauche pluraliste, de sa composante la plus anti-droite de sa composante communiste.
3. Les élections cantonales : intensifier nos efforts dans la dernière ligne droite
Ce point me conduit également à la dernière question que je veux évoquer dans ce rapport : la bataille du Parti pour le vote communiste lors des élections cantonales des 20 et 27 mars prochain.
Nous abordons maintenant la dernière ligne droite : le dépôt des candidatures débute aujourd'hui et trois semaines seulement nous séparent de premier tour de scrutin. C'est dire combien il est urgent dans les cantons concernés, de centrer nos efforts sur l'action pour gagner au vote communiste, de trouver les formes d'une aide concrète des communistes résidant dans les cantons où l'on ne vote pas.
De nombreuse initiatives sont d'ores et déjà prises ou prévues par les organisations du Parti pour s'adresser aux électrices et aux électeurs et entraîner l'ensemble des membres du Parti dans cette importante bataille politique. Elles s'appuient sur l'élan donné à notre politique par le 28e congrès, sur la confiance et l'espoir qu'il suscite parmi les membres du Parti et au-delà, chez des hommes et des femmes qui aspirent au changement véritable et au progrès dans notre pays.
Notre tâche aujourd'hui est de veiller à ce que, partout dans les 1 913 cantons soumis à renouvellement et dans lesquels nous présentons ou soutenons un candidat, tout soit mis en œuvre pour faire connaître et faire partager les raisons qui, selon nous doivent inciter à voter pour les candidats présentés par le Parti communiste français.
Au nombre de ces raisons, il y a bien entendu l'expérience que les gens ont du rôle des élus communistes que ce soit dans les collectivités locales ou au plan national. Respect des engagements pris, dévouement fermeté dans la défense des intérêts populaires et sens du bien commun, efficacité et honnêteté, attachement au dialogue, à l'ouverture, à la tolérance, à la démocratie : tels sont quelques-uns des tracts de l'activité des élus communistes parmi les plus reconnus dans l'opinion qui constituent autant d'atouts dans cette campagne.
Il y a ensuite l'argumentation politique que nous développons dans la situation actuelle la portée résolument anti-droite et anti-extrême droite du vote communiste et le coup d'arrêt qu'un bon score de notre parti peut imposer au gouvernement et à sa politique ; le soutien à une autre politique, à la perspective progressiste novatrice que nous proposons à notre peuple de construire.
Je ne veux pas revenir sur l'ensemble des arguments qui sont les nôtres dans cette campagne, ni sur son orientation. Nous en avons discuté au Comité central du 17 novembre dernier. « L'Humanité » du lendemain a publié le rapport de Georges Marchais et celle du 16 février dernier des extraits de ce que j'ai dit sur cette question lors d'un meeting à Vitry, dans le Val-de-Marne. De plus, les choses sont à présent engagées dans les fédérations.
Je veux toutefois insister sur une idée force qui découle directement de notre congrès et qui doit imprégner profondément le contenu et le style de notre campagne.
Nous l'avons dit : nous relevons le défi de la démocratie. Nous avons pris, je l'ai rappelé, cet engagement de principe à l'égard de notre peuple : nous lui demandons de juger tout ce que nous faisons et disons, « toutes nos décisions et nos actes, à leur utilité pour défendre la démocratie et l'étendre à toute la société ».
Cette campagne n'est-elle pas une première occasion de faire vivre au quotidien cet engagement ? Ne doit-on pas l'avoir constamment en tête pour déterminer nos rapports avec les gens en étant scrupuleusement à leur écoute, déployer notre démarche et celle de nos candidats, établir des liens entre les besoins, aspirations existantes, nos propositions, et leur donner forme de combats et d'initiatives à construire avec la population concernée ? Ne doit-on pas donner à cette dimension, de l'intervention populaire, de l'élu à son service et concevant son mandat comme moyen de contribuer à ce qu'elle soit entendue, une place essentielle ? En somme ne doit-on pas préférer au discours général plaqué sur une situation locale, un ordre inverse qui parte de la prise en compte les préoccupations des citoyens tels qu'ils les posent et l'expriment, formule les initiatives nécessaires en le situant dans les enjeux politiques essentiels ?
Et ne doit-on pas veiller à faire de la démocratie non seulement la « partie » d'un programme à côté de la justice, du progrès, de la paix, mais une question de comportement, de style, de pratique politique neuve, susceptible de redonner à ceux qui l'on perdue, confiance dans la politique et d'intéresser les jeunes et les progressistes dans leurs espoirs de perspectives nouvelles ?
Je crois qu'il convient d'y réfléchir pour donner toute sa force à notre conception d'un parti aspirant à être utile aux gens et dont ils puissent avoir envie de se servir ; pour donner toute sa crédibilité à notre démarche d'ouverture, à notre volonté de ne pas récupérer le vote en faveur de nos candidats à des fins étroitement partisanes, de ne pas faire dire autre chose que ce qu'ils auront voulu dire à celles et ceux qui se prononceront en notre faveur.
Obtenir sur le nom de tous nos candidats, dans tous les cantons, le plus grand nombre possible de suffrages n'est pas pour nous une « affaire de boutique » C'est pour que les hommes et les femmes concernés soient eux-mêmes plus unis et plus forts face à ta politique de la droite et du grand patronat et pour faire imbu valoir leurs exigences, leurs aspirations, que nous menons campagne pour un vote communiste le plus élevé possible.
Et c'est pour que dans le maximum de cantons les populations puissent disposer d'élus dont elles auront la certitude qu'ils seront toujours à leur côté, solidaires, constructifs et honnêtes, que nous avons l'objectif de conserver les 150 sièges détenus par des conseillers généraux communistes sortants et de conquérir de nouveaux sièges.
C'est une ambition réaliste. Elle implique évidemment une large et bonne préparation des assemblées populaires, une tenue régulière des points de rencontre, avec les gens pour discuter en présence de nos candidats et diffuser « l'Humanité » support décisif de notre campagne – notre presse, leur création lorsqu'ils font défaut.
Elle commence par la remise de sa carte à chaque adhérent, par l'aide concrète apportée à chacun selon sa personnalité, son expérience. Car chacun peut apporter quelque chose pour le vote communiste, en direction de sa famille, de ses amis, de ses collègues de travail, de ses voisins, à sa mesure, selon son expérience et ses motivations. Le style nouveau de direction précisé dans les statuts peut trouver là matière à de fructueux travaux pratiques.
Il y a également des formes nouvelles à trouver pour associer activement à la campagne celles et ceux qui signent les appels à voter pour nos candidats, sont membres de comités de soutien, lisent notre presse et qui, au-delà de leur signature, peuvent souhaiter faire quelque chose à nos côtés ou avec leur démarche et moyens spécifiques.
Tout dépend de notre capacité de nous adresser au plus grand nombre d'électrices et d'électeurs possible.
C'est vrai notamment pour faire reculer l'abstention qui touche encore beaucoup d'anciens électeurs communistes, d'autres électeurs de gauche ou écologistes déçus de leurs votes précédents, des jeunes qui ne votent pas car ils attendent autre chose de la politique.
Pour s'adresser à chacun d'entre eux, rien ne peut remplacer le contact personnel, répété, que seuls par leur nombre et leur diversité, les adhérents et les amis du Parti peuvent entretenir avec efficacité. Ce dialogue permet, au-delà du discours général, d'aborder les réelles préoccupations des gens et de faire avancer les questions politiques les plus déterminantes pour l'avenir.
S'il ne faut rien négliger dans cet effort, il est évident que certaines priorités doivent être « ciblées », comme on dit, pour s'adresser à l'électorat potentiel de nos candidats, dans les villes et les villages et d'abord dans les entreprises où toutes les catégories de salariés sont concernées.
Le porte-à-porte, la diffusion d'un matériel essentiellement localisé pour une élection de ce type, constituent des acquis très positifs qu'il nous faut développer encore. Enfin, il nous faut veiller à la nécessité de recourir très largement à la souscription populaire.
C'est une par une, et dans tous les cantons, sans exception, qu'il faut gagner les voix pour les candidats communistes.
Les 20 et 27 mars, chacune de ces voix pèsera lourd. Qu'elle permette l'élection d'un conseiller général communiste, qu'elle contribue à battre la droite, qu'elle renforce la volonté d'exiger le changement et de, faire du neuf, elle sera dans tout le pays à porter au crédit de l'avenir pour le mouvement populaire.
Telles sont, chers camarades, les idées et propositions que j'étais chargé de vous présenter au nom du Bureau national.